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Benoît XVI : Le point de départ de la foi en Dieu
un et trine
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Le 20 mai 2023 -
E.S.M.
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A cette nouvelle expérience de Dieu, s'ajoute finalement une
troisième, celle de l'Esprit, de la présence de Dieu en nous, dans
notre intimité. Or, il se trouve encore une fois que cet « Esprit »
n'est pas simplement identique au Père et au Fils, sans constituer
pour autant un troisième être entre Dieu et nous ; il est la manière
dont Dieu lui-même se donne à nous, de sorte que, tout en étant dans
l'homme, il est cependant, dans cette immanence même, infiniment
au-dessus de lui.
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Très Sainte Trinité -
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Benoît XVI : Nous devons nous demander ce que signifie la confession de foi
en Dieu un et trine
LA FOI AU DIEU UN ET TRINE
Les réflexions précédentes nous ont amenés à un point, où
la confession du Dieu unique nous fait passer, par une sorte de nécessité
interne, à la confession du Dieu trinitaire. Mais, il faut bien le dire,
nous touchons ici un domaine où la théologie chrétienne doit prendre
conscience de ses limites, plus qu'elle ne l'a fait bien souvent par le
passé ; un domaine où toute fausse hardiesse d'une science qui se voudrait
trop parfaitement au courant, devient fatalement une folie lourde de
conséquences ; un domaine où seul l'humble aveu de
notre ignorance peut devenir une vraie science, et où l'admiration devant le
mystère insondable peut constituer une vraie confession de Dieu.
L'amour est toujours mystère : il déjoue tous nos calculs et tous nos
raisonnements. C'est pourquoi, l'Amour même - le Dieu
incréé et éternel - doit
être éminemment mystère ; il
doit être le
mystère même.
Cependant, malgré toute la discrétion dont la raison doit
faire preuve ici, et qui est la seule manière pour la pensée de rester
fidèle à elle-même et à sa mission, nous devons nous
demander ce que signifie la confession de foi en Dieu un et trine.
Il n'est pas possible de poursuivre pas à pas - comme l'exigerait une
réponse adéquate - le développement historique de cette confession de foi,
ni d'expliquer les différentes formules utilisées par la foi pour se
protéger contre de fausses interprétations. Quelques indications devront
suffire.
I. APPROCHES
a) Le point de départ de la foi en Dieu un et trine
La doctrine trinitaire n'est pas née d'une spéculation sur
Dieu, d'une tentative de la pensée philosophique pour mettre au clair la
constitution intime du Principe de tout l'être ; elle résulte des efforts
d'élaboration de certaines expériences historiques. La foi biblique dans
l'Ancien Testament a d'abord rencontré Dieu comme père d'Israël, comme père
des nations, comme créateur et seigneur du monde. Au temps du Nouveau
Testament, où sont posés les fondements de la foi chrétienne, il se produit
un événement tout à fait inattendu, où Dieu se montre sous un jour inconnu
jusque-là. En Jésus-Christ, on trouve un homme qui se sait et se proclame
Fils de Dieu. Dieu apparaît sous la figure de l'Envoyé, pleinement Dieu, non
pas un être intermédiaire, et qui cependant avec nous s'adresse à Dieu, en
lui disant « Père ». D'où un singulier paradoxe : d'une part, cet homme
appelle Dieu son Père, il s'adresse à Lui comme à un « Toi » qui lui fait
face ; si ce n'est pas là simple mise en scène, mais vérité - seule digne de
Dieu - alors il doit être nécessairement différent de ce Père auquel
il s'adresse et auquel
nous nous adressons. Mais d'autre part,
il est lui-même, réellement, la proximité de Dieu, venant à notre rencontre
; il est la médiation de Dieu par rapport à nous, parce qu'il est Dieu,
existant comme homme dans la forme et la nature d'un homme : Dieu-avec-nous
(Emmanuel). S'il n'était pas Dieu, s'il était un être intermédiaire,
sa médiation serait nulle en définitive ; au lieu de médiation, il y aurait
plutôt séparation. Au lieu de nous rapprocher de Dieu, il nous en
éloignerait. En tant que médiateur, il doit donc être Dieu même et « homme
même », aussi réellement et aussi totalement l'un que l'autre. Cela revient
à dire que Dieu se présente ici, non comme Père, mais comme Fils, et comme
mon frère ; ce qui - pour la déroute et en même temps la grande satisfaction
de notre intelligence - fait apparaître une dualité en Dieu, Dieu apparaît à
la fois comme « Je » et comme « Tu ». A cette nouvelle expérience de Dieu,
s'ajoute finalement une troisième, celle de
l'Esprit, de la présence de Dieu en nous,
dans notre intimité. Or, il se trouve encore
une fois que cet « Esprit » n'est pas simplement identique au Père et au
Fils, sans constituer pour autant un troisième être entre Dieu et nous ; il
est la manière dont Dieu lui-même se donne à nous, de sorte que, tout en
étant dans l'homme, il est cependant, dans cette immanence même, infiniment
au-dessus de lui.
Ainsi la foi chrétienne, au cours de son évolution
historique, s'est trouvée d'abord devant la réalité de ce triple visage de
Dieu. Il est clair qu'elle a dû commencer très vite à réfléchir pour voir
comment concilier ces différentes données. Elle a dû se demander comment ces
trois formes de rencontre de Dieu dans l'histoire s'accordent avec la
réalité intime de Dieu. Cette triple forme de l'expérience de Dieu
serait-elle simplement son masque historique, sous lequel, en des rôles
différents, c'est toujours l'Unique et le même Dieu qui vient vers l'homme ?
Cette « triade » nous renseigne-t-elle seulement sur l'homme et sur ses
différents modes de relation à Dieu, ou bien manifeste-t-elle aussi quelque
chose de la constitution intime de Dieu ? Si nous
sommes enclins aujourd'hui à considérer trop rapidement la première
interprétation comme seule pensable, et à croire que nous avons ainsi résolu
tous les problèmes, nous devrions, avant de recourir à cette échappatoire,
prendre conscience de l'ampleur de la question. Il s'agit en effet de
savoir si l'homme, dans sa relation à Dieu, est livré aux mirages de sa
propre conscience, ou s'il lui est possible de saisir une réalité au-delà de
lui, de rencontrer Dieu même. Les conséquences, dans l'un et l'autre cas,
sont d'importance : dans le premier cas, la prière ne serait qu'un dialogue
de l'homme avec lui-même ; la racine pour une véritable adoration, et aussi
pour la prière de demande, est coupée. N'est-ce pas là d'ailleurs une
conclusion que l'on tire de plus en plus ? Mais il est d'autant plus urgent
de savoir si cette conclusion n'est pas une solution de facilité pour la
pensée qui, sans se poser beaucoup de problèmes, s'engage sur le chemin de
la moindre résistance. Mais si l'autre réponse est la
bonne, alors l'adoration et la prière, non seulement sont possibles, mais
obligatoires ; elles constituent une exigence pour cet être ouvert à Dieu
qu'est l'homme.
Celui qui prend conscience ainsi de la profondeur de la
question, comprendra en même temps la lutte passionnée menée autour d'elle
par l'Église ancienne ; il comprendra qu'il s'agissait là de tout autre
chose que d'un ergotage conceptuel et d'un culte de formules, comme il
pourrait sembler à un observateur superficiel. Il se rendra compte que la
lutte de ce temps-là est à nouveau engagée aujourd'hui, la même, la lutte
perpétuelle de l'homme à la recherche de Dieu et de lui-même ; il comprendra
que nous ne saurions subsister comme chrétiens si nous croyons pouvoir nous
en tirer à moins de frais que nos ancêtres. Anticipons la réponse qui fut
trouvée alors ; elle constitue le point de séparation entre le chemin de la
foi et un autre chemin qui aurait conduit à une simple apparence de foi :
Dieu est tel qu'il se
montre ; Dieu ne se montre pas
autrement qu'il n'est. Sur cette affirmation repose la
relation chrétienne à Dieu ; en elle s'enracine la doctrine
trinitaire, elle est cette
doctrine.
b) Les thèmes dominants
Comment la foi est-elle arrivée à se déterminer en ce sens ?
Trois attitudes fondamentales de la pensée chrétienne ont joué ici un rôle
décisif. On pourrait désigner la première comme la foi dans l'immédiateté de
la relation de l'homme avec Dieu. Ce qui est en question, c'est que l'homme,
en prenant contact avec le Christ, rencontre en Jésus - en cet homme,
semblable à lui, qu'il peut atteindre et aborder - Dieu lui-même, non pas un
être mixte qui s'interposerait entre eux. La préoccupation de l'Église
primitive pour défendre la vraie divinité de Jésus a la même racine que la
préoccupation de sa véritable humanité. Il ne saurait être
notre médiateur, s'il n'était
véritablement homme ; il ne saurait faire aboutir la médiation, s'il n'était
véritablement Dieu comme Dieu. Il n'est sans doute pas difficile de voir que
c'est l'option fondamentale du monothéisme, l'identification, décrite plus
haut, du Dieu de la foi et du Dieu des philosophes, qui est ici en question
et qui reçoit ici sa forme la plus incisive : seul le Dieu qui est à la fois
le fondement réel du monde et le Tout-Proche par rapport à nous,
peut devenir l'objet d'une piété qui doit répondre aux
exigences de la vérité. Par là se trouve déjà indiquée la deuxième
attitude fondamentale : l'attachement indéfectible à une option strictement
monothéiste, à la confession de foi au Dieu
unique. II fallait à tout prix éviter de créer finalement à
nouveau, par le biais du médiateur, toute une sphère d'êtres intermédiaires,
et par le fait même une sphère de dieux sans consistance de vérité, où
l'homme adore ce qui n'est pas Dieu.
La troisième attitude fondamentale pourrait être désignée
comme l'effort de prendre au sérieux l'histoire de Dieu avec les hommes. En
d'autres termes : si Dieu se présente comme Fils et qu'il s'adresse au Père
en lui disant « Tu », ce n'est pas là une mise en scène pour l'homme, un bal
masqué sur la scène de l'histoire de l'humanité, mais l'expression d'une
réalité. L'idée d'un drame divin joué sur la scène du monde avait été émise
dans l'Église ancienne par les monarchiens. Les trois personnes seraient
trois rôles dans lesquels Dieu se serait montré au cours de l'histoire. Il
faut noter ici que le mot « personne » et son correspondant grec prosopon
appartiennent à la langue du théâtre. On désignait ainsi le masque qui
faisait d'un acteur l'incarnation d'un autre que lui. Ce sont des
considérations de ce genre qui, au début, firent passer le mot dans le
langage de la foi ; ensuite seulement la foi, à travers les efforts d'une
difficile recherche, le redéfinit de telle manière qu'il en résulte l'idée
de « personne », étrangère à l'antiquité.
D'autres - appelés Modalistes - ont pensé que les trois
formes sous lesquelles Dieu apparaissait, étaient trois « modes », trois
manières dont notre conscience perçoit Dieu et se l'explique à elle-même.
Bien que, il est vrai, nous ne connaissions Dieu qu'à travers son reflet
dans la pensée humaine, la foi chrétienne a maintenu fermement que c'est
pourtant bien Lui que nous
reconnaissons dans ce reflet. Même si nous sommes incapables de nous dégager
de l'étroitesse de notre conscience, Dieu, Lui, peut s'y engager et s'y
montrer lui-même. On ne niera nullement pour autant qu'à travers ces efforts
des monarchiens et des modalistes s'amorçait, de façon remarquable, la
réflexion orthodoxe sur Dieu : le langage de la foi a finalement adopté la
terminologie qu'ils avaient préparée ; celle-ci reste encore toujours en
vigueur dans la confession des trois personnes
en Dieu. Ce n'est pas de leur faute si le mot prosopon - persona
ne pouvait, au début, traduire toute la réalité qu'il s'agit d'exprimer ici.
L'extension des limites de la pensée humaine, nécessaire pour élaborer
intellectuellement l'expérience chrétienne de Dieu, ne s'est pas faite toute
seule. Elle a exigé une lutte, dans laquelle l'erreur elle-même a été
féconde. Elle obéissait ainsi à une loi fondamentale à laquelle l'esprit
humain est soumis dans sa marche en avant.
A suivre :
Benoît XVI : Les échappatoires, voies sans issue
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Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -
E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 20.05.2023
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