Avec Benoît XVI, le rythme de
proclamation de saints et bienheureux ne s’est pas ralenti |
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Cité du Vatican, le 25 novembre 2008 -
(E.S.M.)
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Interview du cardinal José Saraiva Martins, qui a été préfet de la
Congrégation pour les Causes des Saints de 1998 à juillet dernier. Pendant
ces dix années, ont été proclamés 1108 bienheureux et 217 saints.
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Avec Benoît XVI, le rythme de
proclamation de saints et bienheureux ne s’est pas ralenti
Une légion d’amis… au paradis
Le 25 novembre - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Interview du cardinal José Saraiva Martins, qui a été préfet de la
Congrégation pour les Causes des Saints de 1998 à juillet dernier. Pendant
ces dix années, ont été proclamés 1108 bienheureux et 217 saints
Le 9 juillet dernier, le cardinal portugais José Saraiva Martins a quitté la
charge de préfet de la Congrégation pour les causes des Saints. C’est le
salésien Angelo Amato, qui était jusqu’à cette date secrétaire de la
Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui lui a succédé. Le cardinal
Saraiva, qui a fêté ses 76 ans en janvier dernier, a recouvert cette charge
pendant un peu plus de dix ans et il a volontiers accepté de dresser pour
30Jours un bilan de sa “préfecture” dans l’un des dicastères les plus
importants et les plus délicats de la Curie romaine.
Le 30 mai 1998, vous avez été le premier non cardinal à être nommé tout de
suite préfet, et non pro-préfet, d’une Congrégation romaine.
JOSÉ SARAIVA MARTINS: En effet, c’est ainsi que cela s’est passé. Je me
souviens que ce jour-là, j’ai reçu quelques coups de téléphone me disant que
L’Osservatore Romano s’était trompé en publiant la nouvelle de ma
nomination, faisant une gaffe retentissante… parce qu’en effet, jusqu’alors,
si un non-cardinal était nommé à la tête d’un dicastère romain, il prenait
le titre de pro-préfet et le “pro” ne disparaissait que lorsque l’intéressé
était créé cardinal. Eh bien non, il n’y avait aucune gaffe, le Saint Siège
avait apparemment jugé qu’il était temps de simplifier les procédures de
nomination, parce qu’en réalité, les pouvoirs d’un pro-préfet étaient les
mêmes que ceux d’un préfet.
Au cours de ces dix années à la tête du dicastère, combien de bienheureux et
combien de saints avez-vous “aidés” à ceindre l’auréole?
SARAIVA MARTINS: Je peux répondre, parce que mes anciens collaborateurs ont
pris la peine de faire ce genre de calculs. Je dois dire avant tout que ma
nomination a été faite par Jean Paul II qui a reconnu, au cours de son
pontificat, plus de saints et de bienheureux que tous ses prédécesseurs mis
ensemble, au moins depuis que le Siège apostolique s’est attribué ce genre
de décisions. Avant Karol Wojtyla en effet – de 1588, année de naissance de
la Congrégation, à 1978 – on avait compté en tout 808 bienheureux et 296
saints. Avec Jean Paul II, ont été “faits” 1.353 bienheureux et 482 saints
de 1978 à 2005; et, parmi ceux-ci, 553 bienheureux en 39 cérémonies et 203
saints en 17 cérémonies. À ceux-ci, il faut ajouter les saints (14) et les
bienheureux (555) reconnus sous le pontificat de Benoît XVI jusqu’en juillet
dernier. J’ai donc eu, en dix ans, le privilège d’“aider” 1.108 bienheureux
et 217 saints à ceindre l’auréole. Une vraie légion, on peut bien le dire…
Espérons au moins que quelques-uns d’entre eux se souviendront de moi au
ciel.
Et puis, en vertu de la nouvelle procédure adoptée au début du nouveau
pontificat, vous avez aussi présidé les cérémonies de béatification…
SARAIVA MARTINS: En effet, cette nouvelle procédure veut que ces cérémonies,
qui étaient présidées jusque là par le pape, le soient désormais par un
cardinal et normalement par un préfet de Congrégation. C’est justement en
cette qualité que j’ai eu le privilège de présider 41 des 49 cérémonies de
béatification qui se sont déroulées pendant la phase que l’on pourrait
appeler “ratzingerienne” de ma préfecture.
Parmi ces 41 cérémonies, quelle est celle qui vous a le plus frappé?
SARAIVA MARTINS: Elles ont toutes été belles, mais j’ai été particulièrement
ému par celle qui a été célébrée au Mexique pour la béatification des
martyrs des persécutions du siècle dernier. Elle s’est déroulée au stade de
Guadalajara en présence de quatre-vingt-mille fidèles. Là-bas, j’ai encore
mieux compris la sagesse de la nouvelle procédure qui prévoit de ne pas
faire de cérémonies de béatification à Rome, mais dans les Églises locales.
En effet, si cette célébration s’était déroulée à Rome, bien peu de ces
personnes auraient pu se permettre de payer le voyage… Sans compter que,
dans le stade de Guadalajara, on a même mis une plaque commémorative pour
immortaliser la cérémonie, chose inimaginable chez nous, dans la vieille
Europe.
Et dans la légion de saints et de bienheureux que vous avez aidé ici-bas… y
en a-t-il qui vous sont restés particulièrement proches, dans le cœur et
dans l’âme?
SARAIVA MARTINS: Étant bien évidemment admis que les saints et les
bienheureux sont tous égaux devant le Seigneur, je ne peux cacher que
certains d’entre eux m’ont touché de plus près, à commencer par la
béatification du pape Jean XXIII, opportunément associée à celle de Pie IX,
qui avait connu quelques problèmes. Et puis celle des petits bergers de
Fatima: ma mère me parlait d’eux quand j’étais petit, en m’invitant à les
invoquer, à leur adresser mes prières: vous pouvez donc imaginer ma joie
lorsque je les ai accompagnés vers la béatification. Et encore la
bienheureuse mère Teresa et saint Pio da Pietrelcina: deux figures
splendides, tellement aimées et invoquées par les fidèles les plus simples.
Ce sont eux, pourrait-on dire, mes préférés. J’espère que les autres saints
et les autre bienheureux comprendront mon faible.
Ne court-on pas le risque que la proclamation d’un nombre élevé de saints et
de bienheureux, que l’on a observé au cours des trente dernières années, ne
comporte une sorte d’“inflation”?
SARAIVA MARTINS: Jean Paul II, qui connaissait bien ce type d’objection, ne
la partageait pas, et il y répondait bien, en donnant toute une série de
raisons: les saints, c’est Dieu qui les fait et s’ils existent, la Sainte
Église ne peut que les reconnaître et les proposer; le Concile Vatican II a
parlé de la vocation universelle à la sainteté; la multiplication des
Églises locales comporte la multiplication des modèles de sainteté;
la
sainteté est la voie la plus facile vers l’unité de l’Église et elle a donc
de fortes implications œcuméniques. Nous croyons, comme nous le rappelle le
Symbole apostolique que nous récitons au cours de chaque messe, en l’“Ecclesiam
unam, sanctam…”. Autant de raisons que je partage pleinement et qui ont
inspiré les travaux de la Congrégation.
Certains pensaient qu’avec l’élection de Benoît XVI, on serait revenu au
vieux système…
SARAIVA MARTINS: Comme le démontrent clairement les statistiques, cela n’a
pas été le cas. Le nouveau pontife n’a donné aucune indication contraire à
celles de son prédécesseur. Le rythme ne s’est pas ralenti, au contraire: la
décision de décentraliser au niveau local les cérémonies de béatification
n’a fait que multiplier ce type de célébrations.
N’avez-vous pas quitté votre charge avec quelques regrets?
SARAIVA MARTINS: Non, je suis heureux parce que ces années ont été très
fécondes pour moi et pour le dicastère. En effet, au-delà des différentes
causes, j’ai eu la satisfaction de voir approuver, par exemple, le nouveau
règlement de la Congrégation ou aussi, dernièrement, l’instruction Sanctorum
Mater à laquelle je tenais particulièrement. Il s’agit d’un instrument
important pour aider les évêques à bien faire démarrer les procès au niveau
diocésain, instrument dont on sentait, en fait, le besoin. Sans compter, par
ailleurs, une série d’initiatives, comme par exemple le Symposium de 1999
sur “Eucharistie, sainteté et sanctification”. Il y a eu ensuite un
événement joyeux comme la belle audience accordée par Benoît XVI aux
postulateurs: c’était la première fois que cela arrivait.
Et pourtant, il est arrivé qu’une cérémonie de béatification, celle du père
Léon Dehon, dont la date avait pourtant été fixée, soit ensuite renvoyée
sine die…
SARAIVA MARTINS: Cette décision a été prise pour pouvoir mieux étudier la
question, à cause des polémiques qui s’étaient déchaînées à propos de
l’antisémitisme supposé du père Léon. Personnellement, je pense qu’il s’agit
d’accusations injustes et anachroniques, et j’espère que Dehon accédera le
plus tôt possible à l’honneur de l’auréole.
Vous faisiez tout à l’heure allusion au fait qu’il y a eu des problèmes pour
la béatification de Pie IX…
SARAIVA MARTINS: Dans ce cas, c’est une question d’opportunité liée à des
appréciations de type politiques qui a joué. Il y avait des courants
historiographiques particulièrement hostiles à Pie IX et c’est pour cela que
le décret concernant le miracle est resté bloqué pendant un certain nombre
d’années. Mais ensuite, après avoir demandé un avis à la Conférence
épiscopale italienne, avis qui s’est avéré favorable, on a décidé que ces
réserves n’avaient plus de raison d’être, d’autant plus que, lorsque l’on
“béatifie” un serviteur de Dieu – et cela vaut pour Pie IX, mais pas
seulement pour lui –, on ne béatifie pas ses idées politiques, qu’elles
soient juste ou fausses.
Il est arrivé naguère à notre directeur de se demander si, pour ouvrir les
causes de béatification concernant les papes, il ne serait pas opportun
d’attendre non pas cinq ans, mais cinquante ans après leur mort…
SARAIVA MARTINS: Sur ce point, la discipline ecclésiastique a changé
plusieurs fois par le passé. Rien n’interdit donc qu’elle ne puisse changer
à nouveau. Il est vrai que les causes qui concernent les papes sont
particulièrement délicates, d’autant plus que, comme chacun sait, leurs
archives ne sont pleinement accessibles qu’après des dizaines d’années. Ce
qui me semble en tous cas important, c’est que dans ce genre de cause, on
soit protégé d’interférences externes, positives et négatives, de la part de
personnes ou d’institutions étrangères au procès. Ces tentatives doivent
être repoussées, et il est clair que si un procès commence au bout de dix ou
vingt ans après la mort, il est plus facile que ce genre d’influences soient
moins fortes, voire inexistantes. Ceci vaut pour les papes, mais aussi pour
les autres.
Vous ne seriez donc pas hostile, en principe, à la prolongation du délai
actuel de cinq ans…
SARAIVA MARTINS: Je pense qu’une décision de ce genre, si elle était prise,
pourrait aider à éviter des formes de pressions inopportunes.
Jean XXIII a été béatifié, bien que ses archives ne soient pas encore
accessibles. N’est-ce pas anormal ?
SARAIVA MARTINS: Je veux croire que ceux qui ont étudié sa cause ont eu la
possibilité d’évaluer attentivement tous les documents utiles,
indépendamment du fait que ses archives n’aient pas été accessibles.
Si l’on regarde la liste des pontifes du dernier siècle, on a un saint
(Pie
X), un bienheureux (Jean XXIII) et quatre serviteurs de Dieu
(Pie XII, Paul
VI, Jean Paul Ier et Jean Paul II). Il n’y a pratiquement que deux papes de
cette période qui ne sont pas dans la course vers la canonisation…
SARAIVA MARTINS: S’il y a réputation de sainteté, la Congrégation ne peut
empêcher que le procès soit ouvert. Ce qui ne veut pas dire que les papes
pour lesquels cette réputation ne s’est pas manifestée ne peuvent pas être
considérés comme de grands papes. Benoît XV et Pie XI ont certainement été
de très dignes successeurs de Pierre.
Au cours d’une conférence de presse, le père Lombardi a fait allusion au
fait qu’en ce qui concerne la cause de béatification de Pie XII, la
Congrégation a fait son travail et que désormais, c’est au pape Benoît XVI qu’il
appartient de décider quant à la publication du décret sur les vertus
héroïques…
SARAIVA MARTINS: En effet, la Congrégation a fait un excellent travail. De
son côté, le pape a donné mandat d’approfondir quelques aspects. Nous
attendons avec confiance les développements qui vont suivre. Les paroles que
Benoît XVI a adressées aux participants à un congrès et surtout celles qu’il a
prononcées à l’occasion du
cinquantième anniversaire de la mort de Pie XII,
ainsi que la préface écrite par le cardinal secrétaire d’État à un livre de
sœur Marchione nous font bien augurer.
Éminence, l’opinion théologique dominante est que le pape, en canonisant un
saint, accomplit un acte de magistère infaillible. Mais bon nombre de
théologiens dignes de foi ne sont pas d’accord. Qu’en pensez-vous ?
SARAIVA MARTINS: Je suis fermement convaincu que la canonisation est un fait
dogmatique dans lequel le magistère infaillible du pape est engagé. Une
canonisation concerne en effet le culte universel et donc la foi de
l’Église. Le pape, en reconnaissant un nouveau saint, n’en permet pas le
culte au niveau local comme c’est le cas pour les bienheureux, mais il le
prescrit à toute l’Église universelle.
Pardonnez une question irrévérente, mais avec le grand nombre de saints qui
ont été proclamés au cours des dernières décennies, ne risque-t-on pas
quelques surprises, dans le futur ?
SARAIVA MARTINS: Je l’exclus. La Congrégation travaille scrupuleusement et
c’est pour cela que j’exclus des surprises futures. Mais surtout, je crois
fermement que le Seigneur ne fera jamais prendre Son Église et Son Vicaire
sur terre en défaut à ce propos.
Éminence, permettez-moi une question un peu malicieuse. Il y a quelques
années, un postulateur a évalué à 750000 euros le coût du procès de
béatification d’un de ses candidats. Avec des chiffres aussi élevés, ne
court-on pas le risque que certains puissent tomber en tentation?
SARAIVA MARTINS: Je comprends à quoi vous voulez faire allusion. Je tiens à
préciser que les dépenses de chaque béatification sont ce que l’on appelle
des frais de fonctionnement, ceux qui concernent les coûts d’impression des
Positio, les justes – et d’ailleurs modestes – rétributions des théologiens
et des médecins interpellés, les dépenses des cérémonies. Pas un centime ne
finit donc dans les caisses de la Congrégation. Celle-ci se borne à informer
les postulateurs, qui tiennent les cordons de la bourse, de qui et de ce
qu’ils doivent payer. Un point, c’est tout.
Éminence, une dernière question: ne vous sentez-vous pas un peu “chômeur”,
maintenant?
SARAIVA MARTINS: Chômeur? Pas trop. Jusqu’à quatre-vingts ans, Dieu merci,
je resterai membre de certains dicastères et offices de la Curie romaine: la
Congrégation pour le Culte et celle pour les Évêques, le Conseil pontifical
pour les Opérateurs sanitaires, la Commission pontificale pour l’État de la
Cité du Vatican. Et puis le Saint Père m’a demandé de présider encore, en
qualité de préfet émérite, quelques cérémonies de béatification.
Où donc ?
SARAIVA MARTINS: Le 4 octobre à Vigevano pour le père Francesco Pianzola,
fondateur des Sœurs missionnaires de la Reine Immaculée de la Paix et des
Oblats diocésains de l’Immaculée. Le 19 octobre à Lisieux, pour les époux
Louis et Zélie Martin, les parents de la petite sainte Thérèse. Le 24
novembre à
Nagasaki, au Japon, pour les 188 martyrs du XVIIème siècle. Le 29
novembre à Camagüey, à Cuba, pour fra Olallo Valdés, des Fatebenefratelli.
Comme vous voyez, le travail ne manque pas.
Gianni Cardinale
Sources : Gianni
Cardinale
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un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 25.11.2008 -
T/Église |