Le Royaume de Dieu, c'est le Christ
total, l'Église |
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Le 23 novembre 2008 -
(E.S.M.)
- Construire le Royaume, conférence du Père
Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus o.c.d. Le pape Benoît XVI a aujourd'hui
commenté l'évangile de ce dimanche, Solennité du Christ Roi de l'Univers
et a rappelé que le royaume de Dieu n'est pas une question d'honneurs et
d'apparences, mais, comme l'écrit Saint Paul, il est « justice, paix
et joie dans l'Esprit Saint ».
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Le
Royaume, c'est la vie du Christ en nous -
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Le Royaume de Dieu, c'est le Christ total, l'Église
CONSTRUIRE LE ROYAUME
Le 23 novembre 2008 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
-
Construire le Royaume, conférence du Père Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus
o.c.d. Le pape Benoît XVI a aujourd'hui commenté l'évangile de ce
dimanche, Solennité du Christ Roi de l'Univers et a rappelé que le
royaume de Dieu n'est pas une question d'honneurs et d'apparences, mais,
comme l'écrit Saint Paul, il est « justice, paix et joie dans
l'Esprit Saint ». ►
Angélus de Benoit XVI
L'action de l'Esprit Saint en notre temps
L'Esprit Saint qui vit dans l'Église ne manifeste jamais mieux sa
présence et sa puissance que sous la pression de forces adverses, qui
semblent devoir l'anéantir ou le chasser. A saint Paul qui se plaignait
du soufflet de Satan, le Seigneur répondait : " Ma grâce te suffit,
car ma puissance se déploie dans la faiblesse "
(2 Co 12, 9). Éclairé par cette
parole et par son expérience, le grand Apôtre constatait en effet : "
Oui, je me complais dans mes faiblesses, dans les outrages, les
détresses, les persécutions, les angoisses endurées pour le Christ ; car
lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort "
(Ibid., v. 10).
Il suffit de parcourir l'histoire de l'Église, spécialement l'histoire
des persécutions des premiers siècles ou encore l'histoire religieuse
des XVIè et XVIIè siècles, pour constater l'application de cette loi de
l'action de l'Esprit Saint dans l'Église.
Il est certainement trop tôt pour porter un jugement définitif sur notre
époque. Nous saisissons surtout, en notre temps, ce que nous vivons
douloureusement : les tristesses d'une
déchristianisation des masses qui semble progressive, les luttes
ardentes dans lesquelles nous sommes engagés. (...) Encouragé par ses
succès, celui-ci arme de sa mystique destructrice de toute civilisation
chrétienne, les centaines de millions d'hommes qu'il tient déjà sous son
étreinte. Mais la peur provoquée par cette menace, la psychose qu'elle
pourrait engendrer, ne doivent pas nous aveugler et nous empêcher de
découvrir et d'apprécier à sa juste valeur l'action de l'Esprit Saint en
notre temps, les besoins d'absolu, les désirs de vie spirituelle
profonde et d'apostolat qu'il crée et entretient dans les âmes.
Les Instituts nouveaux qu'il fait surgir dans l'Église voient arriver à
eux de nombreuses recrues, parce que ces instituts leur offrent le moyen
de courir la sublime aventure d'une vie complètement et uniquement
consacrée au service de Dieu et du prochain. C'est un printemps que le
souffle vivant de l'Esprit Saint fait lever actuellement sur l'Église.
Ce souffle vivifiant, fait monter la sève et pousser de nouvelles tiges,
il gonfle les bourgeons prometteurs et les fait éclater ; mais il peut
aussi provoquer la mort et le scandale. Du Christ Jésus, qu'il portait
dans ses bras au jour de sa présentation au Temple, le vieillard Siméon
annonçait qu'il serait la lumière des nations et la gloire de son
peuple, mais aussi qu'il amènerait la chute, à la fois, et le relèvement
d'un grand nombre
(Cf. Lc 2, 34).
Il en est des dons de Dieu les plus élevés comme
des dons naturels. Ils nous sont donnés pour notre salut et, mal
utilisés, ils peuvent devenir cause de notre perte. Il serait douloureux
et délicat d'insister et de faire des applications ; cependant, nous
devons reconnaître et nous avons le devoir de dire que des générosités
sincères, qui paraissaient soulevées par le souffle de l'Esprit qui
passe sur l'Église de notre temps, se sont égarées. Nous leur gardons
notre affection et notre prière, mais nous devons éviter leurs erreurs
et leurs chutes.
Il appartient à la hiérarchie de nous guider en ces voies difficiles et
parfois périlleuses de l'utilisation du souffle de l'Esprit Saint,
c'est-à-dire de la détermination de la pensée et de la volonté de Dieu
sur notre temps, sur chacun de nous. Le Souverain Pontife le fait par
ses encycliques lumineuses qui traitent de tous les problèmes qui nous
préoccupent. Les évêques nous dispensent les directives pratiques
d'action apostolique. Le premier devoir du chrétien est de se soumettre
à cet enseignement de l'Église et d'obéir aux directives qui lui sont
données.
Ce devoir de soumission, primordial, ne nous dispense pas de l'étude
destinée à éclairer les directives de l'Église, en même temps qu'à
explorer la pensée de Dieu exprimée dans la Sainte Écriture et dans la
tradition chrétienne, spécialement dans la tradition apostolique.
L'Esprit Saint qui vit dans l'Église se trouve en chacune de ses
parties, donc en chacune de nos âmes. Nous pouvons compter sur son
assistance pour ce travail de recherche et d'étude, fait dans le respect
de l'autorité qu'il a établie et dans la soumission à l'autorité qu'il a
donnée à l'Église.
En cette conférence, nous ne nous proposons pas autre chose que
d'éclairer le problème de l'apostolat qui est un des plus délicats de
notre temps, en cet esprit et dans une parfaite soumission à l'Église.
Nous n'entendons pas polémiquer sur la valeur des méthodes, ni traiter
le problème dans toute son ampleur, mais simplement rappeler quelques
vérités fondamentales qui nous paraissent l'éclairer et sont parfois
oubliées.
I. LE BUT DE L'APOSTOLAT
On raconte que le Maréchal Foch, devant un problème militaire à
résoudre, se posait à lui-même et à son état-major cette question : " De
quoi s'agit-il ? " En d'autres termes, quelle est la situation et quel
est le but que vous vous proposez ? Question banale en apparence, mais
si on la néglige, on risque de tout brouiller.
Posons-nous donc cette question à propos de l'apostolat : de quoi
s'agit-il ? Précisons la question en disant : quel est le but de
l'apostolat ? Dans quelles conditions générales et pratiques doit-il se
faire ? C'est le problème que nous aborderons aujourd'hui. Dans notre
deuxième conférence, nous verrons en quoi consiste l'apostolat, sa
définition ; dans les suivantes, nous étudierons les moyens propres
d'apostolat. Tout cela, à la lumière de l'Évangile, de l'enseignement et
de l'exemple des Apôtres.
Jésus est venu instaurer le Royaume
Quel est le but de l'apostolat ? L'apostolat doit continuer dans
l'Église le travail, l'œuvre du Christ Jésus et des Apôtres. Qu'a fait
le Christ ? Le Christ est venu ici-bas pour instaurer le Royaume de
Dieu.
Le but de l'apostolat, c'est donc l'instauration
du Royaume de Dieu. Un regard sur l'Évangile suffit pour nous en
convaincre jusqu'à l'évidence. Saint Jean-Baptiste est envoyé pour
préparer la prédication du Christ et il le fait en annonçant que le
Royaume de Dieu est proche
(Cf. Mt 3, 2) ; il invite à
préparer ce Royaume de Dieu par la pénitence et les bonnes œuvres, car
on ne peut y entrer que par ces moyens.
La plus grande partie de la prédication de Jésus se déroulera sur ce
thème : le Royaume de Dieu. Jésus en indiquera les lois, les exigences,
spécialement dans les paraboles. Il n'y a de doute pour personne, Jésus
est venu instaurer le Royaume de Dieu. Les Apôtres attendent d'en être
les premiers ministres
(Cf. en particulier Mt 20, 23 s)
et seront en compétition jusqu'au dernier moment de la vie terrestre du
Christ pour savoir qui le sera, parmi ceux que Dieu a choisis comme
apôtres
(Cf. Lc 22, 24).
Devant la puissance de Rome qui a établi sa domination en Judée, devant
Ponce Pilate, Jésus se proclame Roi
(Cf. Jn 18, 37), et c'est le
motif de sa condamnation. Sur sa croix, on mettra : " Jésus Nazarenus
Rex Judaeorum ", " Jésus de Nazareth Roi des Juifs "
(Jn 19, 19)
Le Royaume, c'est la vie du Christ en nous
Poursuivons notre enquête, en nous demandant : Qu'est-ce que ce Royaume
de Dieu qu'est venu instaurer le Christ ?
Retenons d'abord la déclaration de Jésus devant Pilate, à savoir que son
Royaume n'est pas de ce monde. Après avoir affirmé qu'il est Roi, Jésus
ajoute : " Si mon Royaume était de ce monde mes gardes auraient
combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs, mais mon Royaume n'est
pas d'ici "
(Jn 18, 36). Voilà une
déclaration très nette qui devrait suffire pour nous empêcher de songer
à une domination terrestre du Christ ou du Sacré-Cœur sur le monde
entier.
Les Apôtres qui cultivèrent jusqu'à la fin ce mythe du royaume
terrestre, espérant devenir les grands ministres ou intendants de cette
puissance universelle du Christ, ne reçurent pas de réponse à la
dernière question qu'ils adressèrent à Jésus quelques instants avant son
Ascension
(Cf. Ac 1, 6). Et cependant,
l'archange Gabriel avait bien annoncé à la Vierge Marie que le Fils qui
naîtrait d'elle s'assiérait sur le trône de David son père, et que son
règne n'aurait pas de fin
(Cf. Lc 1, 32-33).
Pour expliquer cette apparente contradiction entre le langage de la
promesse et sa réalisation, il suffit de nous rappeler que le langage
humain n'est pas adapté aux choses surnaturelles. L'Esprit Saint et la
théologie ne peuvent décrire les réalités surnaturelles et spirituelles
qu'en usant de symboles ou d'analogies. Ne faisons-nous pas ainsi
nous-mêmes lorsque nous voulons expliquer à des enfants, ou même à un
auditoire, des choses qu'il ignore ou qu'il n'a jamais vues et que nous
ne pouvons pas lui montrer ? Nous prenons des exemples, des symboles,
des idées connues et nous nous efforçons à l'aide du connu de décrire la
réalité à expliquer.
" Le Royaume de Dieu, est semblable à la semence " dira Jésus
(Mt 13, 31), sans vouloir
établir cependant une ressemblance parfaite entre le Royaume de Dieu et
la semence. L'analogie entre les deux termes ne porte que sur un
caractère bien spécifié de l'un et de l'autre, caractère que la parabole
doit mettre en relief. Nous dirons de même que le Royaume de Dieu que
Jésus est venu instaurer n'est pas un royaume comme ceux que nous
connaissons, bien qu'il soit véritablement un royaume.
Qu'est-il donc ? Demandons-le à l'apôtre saint Paul, le grand théologien
du Christ, l'Apôtre qui se proclame lui-même le héraut du grand mystère
caché aux siècles passés, et qu'il doit manifester et réaliser
(Cf. Ep 3, 1-12). Ce mystère du
Royaume de Dieu n'est livré aux autres qu'en paraboles ; lui doit nous
en donner l'intelligence qu'il a reçue lui-même. Et l'Apôtre nous
dévoile ainsi que Dieu qui a tout créé par son Verbe a décrété, après la
chute de l'homme au Paradis terrestre, de tout restaurer par son Verbe
incarné, le Christ Jésus
(Cf. en particulier Ep 1, 3-10).
II a décrété de " faire habiter en lui toute la Plénitude et par lui
de réconcilier tous les êtres, aussi bien sur la terre que dans les
cieux en faisant la paix par le sang de sa Croix "
(Col 1, 19-20). Dieu a institué le Verbe
incarné, Jésus, au sommet de tout, dit l'Apôtre, " Tête de l'Église,
celle-ci étant son corps, la plénitude de Celui qui est rempli, tout en
tout "
(Ep 1, 22-23). En ces quelques
mots, obscurs à cause de leur plénitude, saint Paul nous expose tout le
plan des mystères de l'Incarnation, de la Rédemption et de l'Église.
Le Verbe s'incarne et c'est le Christ Jésus. Il vient nous sauver, nous
racheter, et il le fait par le sacrifice du Calvaire. Ce sang qu'il
répand, c'est le sang de la nouvelle Alliance de Dieu avec les hommes.
Ce sang nous est purification et vie. Le Christ Jésus comme Verbe nous
donne sa lumière, comme Sauveur il nous purifie, comme Verbe incarné il
nous donne sa vie et sa grâce.
Nous recevons cette vie et cette grâce spécialement par les sacrements,
plus spécialement encore par le principal d'entre eux, la sainte
Communion. Cette vie du Christ descend dans nos âmes, elle nous est
donnée au baptême, elle se développe progressivement ; parce qu'elle est
charité, elle nous unit au Christ, nous identifie à lui, et établit
entre lui et nous des liens très étroits. A tout instant, le Christ
répand sa vie dans nos âmes, il nous unit tellement à lui que nous
constituons avec lui une réalité nouvelle, qui est le Corps mystique, le
Christ total, l'Église.
Le Christ qui nous unit à lui, dont nous sommes la plénitude, le
prolongement, règne sur nos âmes parce que nous sommes unis à lui. Il
est vraiment notre Roi : nous sommes sous sa puissance, sous son action,
nous devenons ses sujets, nous devenons " lui ". Il est notre Roi, notre
Maître, notre " tout ", pour employer le langage expressif de l'apôtre
saint Paul
(Cf. Ep 1, 23 ; Col 2, 10 ; 3, 11).
Le Royaume de Dieu, c'est le Christ total,
l'Église. Ce Royaume est donc surtout spirituel puisqu'il est
constitué par le Christ et par la vie de la grâce qu'il répand dans nos
âmes. Il est spirituel parce que l'Esprit Saint en est l'animateur, il
en est l'âme.
Sa croissance se fait dans les conditions concrètes de l'existence
Mais ce Corps mystique du Christ, pour s'adapter parfaitement à la
condition des hommes que nous sommes, pour remplir sa mission auprès de
nous et dans le monde, est constitué aussi extérieurement en société
visible parfaitement organisée, qui a tous les pouvoirs d'une société
parfaite. Cette société visible qu'est l'Église, en raison de sa mission
qui est de conduire les âmes à leur fin dernière, de les ramener à Dieu,
de les conduire au Christ et de les maintenir dans l'union au Christ, a
une action à exercer dans le monde. Elle a des droits dont elle peut se
prévaloir par rapport aux autres sociétés constituées, en raison de son
universalité et de l'excellence de la mission qui lui appartient. Le
Royaume de Dieu, c'est donc le Corps mystique du Christ, société
visible.
Ce Corps mystique du Christ est toujours en construction, il s'édifie
sans cesse et il s'édifiera jusqu'à la fin des temps, tant que durera
l'humanité, puisqu'il est fait pour elle et qu'il doit conduire les
hommes au Christ et au salut par lui. L'apostolat, commencé par les
Apôtres, doit se continuer jusqu'à la fin des temps. Cet apostolat a
pour but de travailler à l'édification du Corps mystique du Christ
jusqu'à la fin des temps et, comme le dit l'apôtre saint Paul, jusqu'à
ce qu'il arrive à sa taille d'homme parfait, cette taille que Dieu a
voulue pour lui de toute éternité
(Cf. Ep 4, 13). Voilà précisé en
quelques mots ce qu'est le Royaume de Dieu.
II. — LES CONDITIONS DU COMBAT SPIRITUEL
Ce Royaume de Dieu se développe en certaines conditions. Une des plus
importantes, annoncée par Jésus, est que ce Royaume de Dieu sera gêné en
son expansion, en son édification, en sa construction, par l'ennemi,
celui qui sème l'ivraie, après que le semeur a semé le bon grain et
tandis que les gens dorment (Cf. Mt 13, 24-30).
Il sera gêné par une puissance du mal, par Satan qui a, lui aussi, son
royaume. Du royaume de Satan, nous devons dire ce que nous avons dit
tout à l'heure du Royaume du Christ, à savoir que ce mot de royaume ne
doit pas être employé dans un sens strict ; il indique simplement
l'exercice d'une certaine puissance.
Une puissance redoutable
Qu'est ce royaume de Satan ? Nous connaissons par l'Évangile l'existence
du démon. On feint parfois actuellement de ne pas croire au démon ; en
d'autres circonstances, on le voit partout. Qu'est-ce que le démon ? Un
ange déchu qui est devenu une puissance du mal. Ange déchu, il reste un
esprit et garde par conséquent la puissance d'un esprit, exerçant une
certaine domination sur la matière et doué aussi d'une intelligence
pénétrante ; esprit capable également d'acquérir une certaine
expérience, une certaine science expérimentale.
Par conséquent la puissance du démon est redoutable, d'autant que les
démons sont nombreux. Il y a entre eux une certaine alliance réalisée
dans l'opposition à l'édification du Corps mystique du Christ. Dieu a
voulu et veut que le démon lui-même exerce sa puissance, son opposition.
Rappelons-nous, dans l'Évangile, la parabole de l'ivraie et du bon
grain. Le bon grain a été jeté par le semeur, voici que l'ennemi vient
pendant la nuit jeter l'ivraie. Lorsque l'un et l'autre ont poussé, les
serviteurs vont trouver le maître, lui font remarquer que l'ivraie est
semée dans son champ et lui proposent de l'arracher. Le maître s'y
refuse : il faut que l'ivraie et le bon grain poussent ensemble, que le
bon grain, le froment, pousse dans la contradiction. Au moment de la
moisson, les serviteurs recevront l'ordre de faire la séparation de
l'ivraie et du bon grain ; en attendant, ils doivent pousser ensemble.
Tel est l'enseignement de Jésus. Ne demandons donc pas à Dieu d'anéantir
le démon, il a son rôle providentiel.
Saint Jean de la Croix va même plus loin. Commentant le livre de Job, il
nous dit que Dieu donne au démon certaines connaissances, certains
moyens pour tenter les justes. Saint Jean de la Croix précise par
exemple que, lorsqu'une âme reçoit des faveurs surnaturelles, Dieu les
fait connaître au démon afin qu'il puisse les imiter, les contrefaire
(Nuit obscure, II, 23, p. 658)..
Voilà des indications précises et précieuses. Le démon a un rôle
providentiel.
Le combat de Jésus
Pour connaître cette opposition du démon, son action dans le monde et
dans l'Église afin d'empêcher le développement du Corps mystique du
Christ, ne cherchons pas des histoires merveilleuses ou extraordinaires.
Prenons simplement l'Évangile : nous y trouvons une description de cette
action du démon.
Que voyons-nous dans la vie de Notre Seigneur ? Tant que Jésus est à
Nazareth, le démon n'apparaît pas. Est-il là ? Oui, probablement.
Sait-il que Jésus est Fils de Dieu ? Les Pères et les docteurs de
l'Église ont discuté de cela, c'est une question incertaine.
Mais voici que Jésus quitte Nazareth et s'en va au désert pour se
préparer à sa vie publique dans la prière et le jeûne. Il y est poussé
par l'Esprit, nous dira l'Évangile
(Cf. Lc 4, 1). Que trouve-t-il
au désert ? Au désert, il y a Dieu : on va au désert pour le trouver,
mais le démon y habite aussi. Le démon tourne autour de Jésus et se
demande quel est ce personnage qui a quitté Nazareth, sa famille et qui
dans cette solitude jeûne pendant quarante jours, et se plonge dans des
oraisons profondes. Le démon reçoit alors la puissance de le tenter.
Cette tentation nous est décrite en détail dans l'Évangile, certainement
pour notre instruction. Dans la tentation que nous décrivent les
évangélistes, spécialement saint Matthieu
(Cf. Mt 4, 1-11), nous voyons
une progression qui nous découvre par conséquent l'habileté du démon.
Il se trouve devant Jésus, un personnage merveilleux, extraordinaire,
dont il soupçonne la puissance mais peut-être ne sait-il pas encore qui
il est. En effet, il commence par le tenter sur le plan sensible. Voici
quarante jours que Jésus n'a pas mangé, et il lui propose : " Si tu
es le Fils de Dieu, dis que ces pierres deviennent des pains " ;
tentation à la fois de gourmandise et d'orgueil.
Il est repoussé par Jésus : " Jésus répondit : 'Il est écrit :
L'homme ne vit pas seulement de pain mais encore de toute chose qui sort
de la bouche de Dieu'. Alors le diable le mena dans la Ville sainte,
le plaça dans l'angle du Temple et lui dit : 'Si tu es le Fils de
Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit : Il donnera des ordres aux
anges à ton sujet et ils te porteront dans leurs mains de peur que tu ne
heurtes du pied quelque pierre' ".
Voilà une tentation beaucoup plus subtile : le démon semble avoir la
certitude qu'il a affaire au Fils de Dieu tout-puissant, et il va
essayer de mettre en jeu sa toute-puissance. Il lui demande donc de se
jeter en bas : Si tu es le Fils de Dieu, tu peux compter sur l'aide des
anges. Jésus repousse la tentation : " Jésus lui dit : 'II est écrit
: Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu' ". Voilà une révélation
qui est faite au démon, il sait qu'il a affaire au Messie.
Et dès lors, sachant cela, " le diable le mena sur une montagne très
élevée et, lui découvrant tous les royaumes du monde avec leur
magnificence, il lui dit : 'Tout cela, je te le donnerai si tu tombes
à mes pieds pour m'adorer' ". Le démon connaît la Sainte Écriture,
il sait qu'au Messie est promise la domination universelle. Il se
propose, par conséquent, de s'allier à Jésus pour lui donner cette
domination extérieure sur le monde entier. L'Évangile nous dit que Jésus
repousse cette troisième tentation : " Alors Jésus lui dit : 'Arrière
Satan, car il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu ne
serviras que lui' ". Voilà donc la lutte engagée avec Jésus.
Jésus commence alors sa prédication, et le démon se retire. Que va-t-il
faire ? Oh ! il sera auprès de Jésus et en effet, spécialement dans ses
prédications en Galilée, nous verrons les démons autour de lui. Jésus
chasse les démons des corps, il les chasse des âmes ; les démons
proclament qu'il est le Fils de Dieu et lui les fait taire.
Il semble que Jésus ait vaincu définitivement le démon, il n'en est
rien. Jésus nous dira lui-même dans l'Évangile
(Cf. Mt 12, 43-45) que lorsque
le démon est vaincu, il s'en va dans le désert, dans les lieux arides,
et y cherche d'autres démons pour continuer le combat. Voici donc
dévoilée la tactique du démon : il va chercher d'autres démons,
peut-être supérieurs, et engage le combat d'une autre façon.
Comment va-t-il engager le combat ? Il sait très bien qu'il ne peut rien
contre le Christ lui-même. Mais tandis que Jésus continue sa
prédication, en Galilée ou à Jérusalem, et fait des miracles, le démon,
lui, mène son jeu dans l'ombre. C'est un meneur de jeu très habile, qui
peut agir sur la matière sensible, sur l'homme en tant qu'il a un corps.
C'est un psychologue très pénétrant, qui connaît admirablement nos
tendances, nos désirs, nos faiblesses, nos énergies et qui sait en user
remarquablement. Tandis que Jésus fait sa prédication, le démon
travaille sur les diverses sectes, les Pharisiens, les Sadducéens, ainsi
que sur toutes les diverses puissances.
Il a aussi une habileté extraordinaire pour agir sur les foules, il en
connaît admirablement la psychologie. Et tandis que Jésus donne son
message, voici que cette action se développe et nous le sentons très
bien spécialement dans l'évangile de saint Jean. L'opposition croît dans
l'ombre : hésitations, discussions, voici déjà des partis qui se forment
; le démon agit jusque sur le Collège apostolique et il y trouvera un
traître. Judas, pour livrer le Maître
(Cf. Jn 6, 70 et 13, 2).
Au bout de trois ans, alors que Jésus a rempli sa mission, qu'il a
étalé, pour ainsi dire, et développé son message, qu'il a proclamé et
prouvé qu'il est le Fils de Dieu par ses miracles
et par ses œuvres, le démon de son côté, a fait son œuvre dans l'ombre.
" C'est l'heure de la puissance des ténèbres " dit Jésus
(Lc 22, 53). Il semble que Jésus
devrait triompher, et il triomphe en effet le jour des Rameaux à
Jérusalem ; et cependant l'heure de la puissance des ténèbres a sonné. A
Gethsémani, le démon va jusqu'à s'attaquer à l'humanité du Christ. Il y
a là certainement une action personnelle de cette puissance des ténèbres
sur l'humanité du Christ.
La scène de Gethsémani est un mystère que nous n'arriverons jamais à
pénétrer ; il y a tellement de contrastes humains et psychologiques, de
contrastes spirituels, que nous ne pouvons que la regarder de loin, en
adorant le Christ dans son abaissement et en même temps dans la
puissance de sa victoire. Il y a donc là une force qui s'exerce sur le
Christ et cette force, cette pression du démon sur l'humanité du Christ,
fait jaillir la sueur de sang de Gethsémani
(Cf. Lc 22, 44).
Et ce n'est pour ainsi dire que le commencement du drame. Car le
Vendredi Saint, le lendemain, montrera extérieurement comment le démon a
réussi à conquérir la foule et le Conseil des Anciens, scribes et
Pharisiens, qui vont se liguer pour demander la mort du Christ. Nous en
savons le résultat : c'est le Calvaire où vraiment la puissance du démon
triomphe.
En diverses circonstances, Jésus avait proclamé le démon le " prince
de ce monde "
(Cf. en particulier Jn 12, 31 ; 14, 30),
il avait annoncé aussi sa défaite. Voici que le démon triomphe sur le
Calvaire, son action a tout détruit : les Apôtres ont fui. Judas a trahi
et il n'est personne, pas une voix qui se soit élevée pour le Christ. Il
semble que son œuvre soit tout à fait détruite.
L'Église dans les pas de Jésus
Dans ce Calvaire et dans la vie du Christ, nous
est dévoilée déjà l'action du démon dans l'Église. Tout à
l'heure, en parlant du Royaume de Dieu, nous disions que l'Église est le
Corps mystique du Christ ; c'est le Christ total, le Christ lui-même, le
prolongement du Christ dans le temps, le Christ qui s'accroît sans cesse
jusqu'à la fin des temps. Cet accroissement, ce développement, cette
édification du Christ se fera suivant les mêmes lois que la vie du
Christ ici-bas. Les circonstances extérieures peuvent changer, les lois
seront les mêmes. La vie du Christ se développera de la même façon, dans
la même contradiction. Et c'est ce que je voudrais justement souligner
en cet entretien.
Je voudrais d'abord noter cette vérité fondamentale, à savoir que
l'Église est le Christ total qui se développe sans cesse et souligner
aussi cette action intelligente, constante, du démon à travers les temps
contre l'Église. On feint de ne pas croire au démon, ou on le recherche
dans quelques manifestations extraordinaires. Elles peuvent exister, il
en est à toute époque, mais l'action du démon ne se traduit pas surtout
dans tel ou tel cas de possession que nous pouvons voir ici ou là. C'est
une action intelligente, qui s'exerce sur les âmes et sur les foules.
Cette action remarquablement intelligente, utilise toutes les énergies,
toutes les forces de la nature, toutes les inventions ; elle s'exerce
sur le plan psychologique, psychique, et aussi sur l'intelligence. Cette
action du démon fait de lui, maintenant comme au temps du Christ, le
prince de ce monde. Il n'a pas moins de haine
contre l'Église, prolongement du Christ, Christ total, qu'il n'en avait
contre le Christ.
Quelles sont les phases de cette lutte ? Cette lutte qui se poursuit et
se poursuivra jusqu'à la fin des temps, voit le développement du Christ.
Le Christ triomphe car il se développe. Chaque jour, la vie du Christ
coule par les sacrements, par la communion ; elle coule dans les
entretiens intimes des âmes avec le Christ. Chaque jour, l'Église est
nourrie du Christ.
L'Esprit Saint vit dans l'Église et fait son œuvre ; lui qui en est
l'édificateur, il la développe et par conséquent cette Église croît sans
cesse. Elle triomphe en croissant ainsi tous les jours ; et par la mort,
les âmes sont placées dans l'Église triomphante où elles ne craignent
plus aucune attaque.
Mais ici-bas, l'Esprit Saint continue son œuvre, cette Église se déploie
et, en même temps, il y a cette puissance de Satan qui s'exerce,
puissance intelligente qui essaie d'empêcher, de gêner l'expansion,
l'édification du Christ. Le démon est le prince de ce monde ; comme au
temps du Christ, il obtient des victoires, victoires apparentes qui sont
des victoires réelles. A mesure que nous avançons vers la fin des temps,
de même que le Christ se développe et devient plus puissant, plus grand
en son Église, ainsi le démon lui aussi acquiert une expérience, et par
conséquent développe et fourbit ses armes, des armes de plus en plus
dangereuses contre l'Église de Dieu ; et il obtient des victoires, des
victoires apparentes.
Voilà la vérité. Ce monde est du démon, c'est là, en ce monde, qu'il
réalise ses victoires apparentes. Pouvons-nous penser qu'un jour viendra
où le Christ triomphera ici-bas et le démon ne remportera plus de
victoires ? C'est un mystère, mais cependant nous pouvons l'éclairer par
l'Évangile.
Que lisons-nous dans l'Évangile ? Voici ce que dit Jésus lui-même : "
Mais le Fils de l'homme, quand il reviendra, trouvera-t-il la foi sur la
terre ? "
(Lc 18, 8). Il dit encore, dans
saint Matthieu : " Par suite de l'iniquité croissante, l'amour se
refroidira dans le grand nombre, mais celui qui aura tenu bon jusqu'au
bout, celui-là sera sauvé "
(Mt 24, 12-13). Et nous parlant
de la fin des temps, Jésus lui-même nous dit : " Ces temps seront
abrégés à cause des élus "
(Mt 24, 22).
Et si nous regardons la vie du Christ et cherchons par analogie la vie
de l'Église, que sera sa fin ? Il me paraît que cette fin pourrait bien
être un Calvaire. Pourquoi rêver de triomphe puisque le Christ n'a pas
eu d'autre triomphe que celui de la Croix ? Le prolongement du Christ,
le Christ en sa fin, pourra être et, me semble-t-il, sera comme le
Christ en sa vie terrestre ici-bas. Telle est la vérité évangélique.
Cette vérité qui nous est exposée, qui n'est pas nettement révélée en
termes précis comme je l'énonce, mais que nous pouvons cependant déduire
de ce qui nous est dit, nous devons la regarder en face. Pourquoi nous
leurrer toujours de triomphes terrestres ? Pourquoi nous encourager
toujours en disant : demain sera mieux, demain nous triompherons ? Nous
faisons comme les Apôtres, nous cultivons un mythe. " Mais si on ne
dit pas cela, nous perdrons tout courage... " Je ne vois pas que,
pour donner du courage, il faille dire des mensonges et des
contre-vérités.
Il suffit de regarder la vérité en face et elle est assez belle. Le
Christ se développe, chaque jour il triomphe, mais il triomphe dans la
souffrance, dans la douleur, il triomphe dans le sang et dans la
défaite.
Le salut en espérance : le triomphe du
Christ
Son grand triomphe, quel sera-t-il ? Écoutons encore Jésus, ne suivons
pas notre imagination et ne cédons pas à ce désir de toujours triompher
et dominer. Humilié devant le prince des prêtres, devant ces hommes qui
ne veulent pas le reconnaître alors que leur mission était justement de
préparer la venue du Christ et de le reconnaître, il dit : " Vous
verrez un jour ce Fils de l'homme venir sur les nuées des cieux pour
juger les vivants et les morts "
(Cf. Mt 26, 64).
Voilà le triomphe auquel nous pouvons et nous devons penser. Je sais
bien que parfois on nous dira : Ah oui, vous êtes des gens qui ne pensez
qu'à l'au-delà ! Eh bien oui, si c'est la vérité, pensons à cela. Nous
pouvons penser au triomphe de chaque jour de l'Église, mais pensons à ce
grand triomphe.
L'Église des premiers siècles, les premiers chrétiens pensaient à la
Parousie, à ce triomphe final ; ils y pensaient tellement qu'il
croyaient que le Christ reviendrait prochainement. Et l'Apôtre les
entretenait dans cette espérance
(Cf. en particulier 1 Th 4, 16 s).
Nous-mêmes, regardons cette fin, regardons ce salut en espérance.
Regardons notre propre salut ; nous n'avons pas à attendre le jugement
dernier pour triompher nous-mêmes. Nous triomphons au jour de notre mort
lorsque nous entrons dans la vie du Christ, dans la vie de Dieu, dans la
vision face à face.
Mais le triomphe de l'Église, ce sera ce jour-là. Le jugement dernier ne
sera pas, comme on le représente trop souvent malheureusement, à mon
avis, comme une reddition de comptes, un examen d'un inspecteur
quelconque qui viendra voir toutes nos petites affaires et les étalera
devant tout le monde, n'est-ce pas ? Non, le jugement dernier, c'est le
triomphe du Christ qui descend dans toute sa gloire et qui environne et
pénètre de sa gloire tous ceux qui ont cru en lui. Telle est la vérité à
laquelle nous devons penser...
Le triomphe d'aujourd'hui : la vie du
Christ en moi
Ces perspectives, peut-être un peu douloureuses,
de la défaite apparente de l'Église de tous les jours, de la puissance
du démon, pourraient nous attrister. Ne nous laissons pas prendre par
cette tristesse. Le triomphe est déjà réalisé en nous si nous sommes
chrétiens, si nous avons la vie de la grâce. Le chrétien qui vit
de la vie de la grâce, qui en a pris conscience, qui l'entretient et la
développe par le " commerce "
[" Commerce " signifie ici " oraison " selon la
définition de S. Thérèse d'Avila : " L'oraison est un commerce
d'amitié où l'on s'entretient souvent seul à seul avec Dieu dont on se
sait aimé " (Vie, ch. 8, p. 82)] avec Dieu
et par la communion, triomphe sans cesse car la vie de Dieu est en lui.
Les chrétiens de Chine, ceux de Shanghai comprennent bien cela. Je
recevais ces jours-ci des lettres de Shanghai, de carmélites
(Cf. à ce propos les passages des lettres publiées dans
Père d'une multitude, Sarment-Fayard, 1988, p. 158 et p. 160).
qui ont été oppressées ; ce qui jaillissait de leur âme, c'était la
reconnaissance d'avoir été unies à la souffrance du Christ, à cette
défaite apparente du Christ, dans ces villes sous l'oppression
communiste. Ces carmélites m'écrivaient : " Nous avons laissé là-bas
nos sœurs indigènes ". Mais la seule tristesse qu'elles avaient dans
l'âme, était simplement celle-ci : " Comment pourrons-nous passer
vingt ans, trente ans, sans communion ?... Mais enfin, puisque Dieu le
veut, nous tiendrons ".
Ces âmes, sous l'oppression, ont senti ce triomphe intérieur et la
certitude de la présence de l'Esprit Saint dans leurs âmes, de la vie du
Christ. Et cette vie qui se répand sans cesse sur les âmes les aidera à
tenir, sous l'étreinte, non pas seulement sous la menace mais sous les
tourments psychologiques et physiques qui leur seront imposés.
Essayons nous-mêmes, sinon d'arriver à ces hauteurs, du moins de prendre
conscience de cette vie de Dieu en nous, de la développer et de
chercher, en cela, une certitude et des assurances. Que nous puissions
ainsi aller toujours de l'avant malgré les tentations du démon, malgré
les pressions extérieures, pour faire triompher cette vie de Dieu en
nous, pour travailler le mieux possible à l'édification du Corps
mystique du Christ.
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Sources : Bibliothèque
-
(E.S.M.)
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M. sur Google actualité)
23.11.2008 -
T/Spiritualité
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