Le pape Benoît XVI écrit, les
autorités de Pékin ne répondent pas |
 |
Rome, le 23 juillet 2007 -
(E.S.M.) -
Prudence et réserve après la lettre de Benoît XVI à l'Église de Chine.
Deux lignes politiques s'affrontent. Polémique aussi chez les
catholiques: le cardinal Zen accuse le sinologue Heyndrickx de déformer
la pensée du pape.
|
Le cardinal Joseph Zen
Ze-kiun
Le pape Benoît XVI écrit, les autorités de Pékin ne répondent pas
La lettre de Benoît XVI aux catholiques de Chine a été
présentée aux autorités de Pékin dix jours avant sa publication, fin
juin.
Mais "pour le moment, il n’y a aucune réaction officielle", a déclaré, le 18
juillet, le secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone. Sauf
un communiqué laconique du ministère des Affaires étrangères chinois,
diffusé quelques heures après la publication de la lettre et proposant une
fois de plus au Vatican les deux préalables habituels:
non-ingérence dans les affaires intérieures chinoises et rupture des
rapports diplomatiques avec Taiwan.
La réserve des autorités chinoises est considérée au Vatican comme "un fait
positif". On suppose qu’il existe en Chine une différence d’opinion entre
les hautes autorités politiques – qui visent à une plus grande "harmonie"
avec l’Église – et l’appareil du parti communiste, plus hostile. Les 28 et
29 juin, à la veille de la publication de la lettre pontificale, le Front
Uni – un organisme qui agit dans l’ombre du parti communiste pour la mise en
œuvre de la politique religieuse – avait réuni à Huairou, près de Pékin, un
certain nombre d’évêques officiellement reconnus par le régime pour leur
inculquer pour la énième fois la doctrine selon laquelle l’Église de Chine
doit être nationale et indépendante de Rome.
Cette différence de points de vue se manifeste en particulier dans la
nomination des évêques de l’Église officielle, celle qui est reconnue par le
gouvernement.
Le 5 juillet, le quotidien de Hong Kong "Wen Wei Po", proche du parti
communiste, a déclaré que de nouveaux évêques officiels seront intronisés
dans les prochains mois dans les diocèses de Guangzhou, Guizhou, Hubei e
Ningxia, sans et contre l’approbation de Rome.
Mais entre-temps, le premier nouvel évêque à être élu en Chine selon les
procédures officielles, après la publication de la lettre du pape, est celui
de Pékin. En raison de la personnalité choisie, la nouvelle de cette
nomination a été accueillie par le Vatican non comme un affront mais avec
soulagement.
Le nouvel évêque est Joseph Li Shan, un Pékinois âgé de 43 ans, issu d’une
famille très catholique, apprécié des fidèles qui l’ont eu comme curé dans
le quartier commerçant de Wangfujin. Tout l’opposé de son prédécesseur
Michel Fu Tie-shan, un cadre du régime communiste qui ne s’est jamais
réconcilié avec le pape. Le cardinal Bertone a défini le nouvel élu comme
"quelqu’un de très bien et de très approprié". Il a ajouté: "L’élection a eu
lieu selon les canons de l’Église officielle et nous attendons désormais que
l’élu demande l’approbation du Saint-Siège. Nous sommes optimistes".
Les procédures officielles établies par les autorités communistes en Chine
prescrivent que chaque nouvel évêque doit être désigné non pas par Rome,
mais par une assemblée officielle de prêtres, de religieuses et de laïques
locaux, puis confirmé par le conseil des évêques chinois reconnus par le
régime. C’est ensuite qu’a lieu l’ordination épiscopale. Celle-ci, selon le
Saint Siège, est valide sacramentellement mais illicite. Pour mettre fin à
ce caractère illicite et rentrer dans la communion de l’Église, le nouvel
évêque doit demander et obtenir l’approbation du pape. En fait, les évêques
officiels actuellement présents en Chine l’ont presque tous obtenue, de
manière plus ou moins explicite.
La lettre de Benoît XVI aux catholiques de Chine indique justement les
conditions permettant de ramener à l’unité – dans la fidélité de tous à Rome
et en accord avec les autorités chinoises – les catholiques de ce pays, en
mettant fin à la fracture entre l’Église officielle et l’Église clandestine.
Les premières réactions du côté catholique semblent aller dans ce sens.
C’est ainsi que l’évêque clandestin de Qiqihar, Joseph Wei Jingyi, a fait
lire à toutes les messes une lettre pastorale de sa main, qui applique les
indications du pape. Il y indique sa volonté de se réconcilier avec certains
prêtres du diocèse qui refusaient de lui obéir parce qu’ils le trouvaient
trop conciliant avec le régime communiste. Et il a invité tous les fidèles à
accepter les sacrements administrés par les évêques et les prêtres
officiels, à condition que ceux-ci soient en communion avec Rome.
Toutefois les dissensions et les polémiques ne manquent pas, entre
catholiques, non seulement sur l’interprétation à donner à la lettre de
Benoît XVI mais aussi sur l’exactitude de la traduction en langue chinoise
diffusée par le Vatican.
Le cardinal Joseph Zen Ze-kiun, évêque de Hong Kong, a mis en évidence deux
discordances qu’il juge graves.
La première se trouve à la fin du chapitre 7 de la lettre, où le pape écrit
que "dans la procédure de reconnaissance [par les autorités civiles]
interviennent des organismes qui obligent les personnes engagées à avoir des
attitudes, à poser des gestes et à prendre des engagements qui sont
contraires aux préceptes de leur conscience de catholiques".
Cela se produit – lit-on – "dans de nombreux cas concrets". Mais la version
chinoise omet de traduire les mots suivants du pape: "sinon presque
toujours".
Le cardinal Zen relève une seconde discordance dans la note explicative
anonyme que le Saint-Siège a diffusée en même temps que la lettre de Benoît
XVI.
Alors que la lettre du pape, au chapitre 8, se borne à décrire de manière
neutre le comportement de certains évêques qui "poussés par les
circonstances particulières, ont consenti à recevoir l'ordination épiscopale
sans mandat pontifical", la note explicative en dit davantage: elle ajoute
que ces évêques ont agi ainsi "surtout soucieux du bien des fidèles et
regardant vers l’avenir".
Le cardinal Zen regrette que la note, par cet éloge des évêques qui
acceptent l’ordination illicite "donne une mauvaise image de ceux qui
refusent de céder, comme s’ils ne se souciaient pas du bien des fidèles et
du sort futur de l’Église". Et d’ajouter: "au nom de ces derniers, il est de
mon devoir d’élever une vive protestation".
Comme tribune pour exprimer ce message, le 3 juillet, le cardinal Zen a
choisi l’UCA News, la plus importante agence catholique de presse d’Asie
orientale.
Il a fait de même, le 18 juillet, pour répondre à un commentaire de la
lettre pontificale rédigé quelques jours plus tôt pour la même UCA News par
l’un des sinologues catholiques les plus connus: le père Jeroom Heyndrickx,
flamand, directeur de l’Institut Ferdinand Verbiest de l’Université
Catholique de Louvain.
Le père Heyndrickx avait soutenu que la lettre pontificale encourage les
membres de l’Église clandestine à se montrer à découvert, à demander et à
obtenir la reconnaissance des autorités civiles et à partager les sacrements
avec les évêques et les prêtres de l’Église officielle.
Le cardinal Zen rétorque que tout cela ne se trouve pas dans la lettre de
Benoît XVI; que les sacrements ne peuvent être partagés qu’avec les évêques
et les prêtres de l’Église officielle en communion avec le pape mais pas
avec ceux qui sont en rupture avec Rome; que l’Église clandestine continue à
avoir une raison d’être au moins aussi longtemps que les autorités
communistes prétendront contrôler et dominer l’Église; et que les évêques
clandestins n’ont aucune raison de demander la reconnaissance officielle si
cela implique – comme cela arrive "presque toujours" – d’assumer des
obligations "contraires à ce que leur dicte leur conscience de catholiques".
"Il est stupéfiant – écrit le cardinal Zen – qu’un
homme aussi intelligent et informé que le père Heyndrickx en vienne à
déformer à ce point la lettre du pape aux catholiques de Chine".
Le cardinal exprime un soupçon: que les fréquents voyages d’étude du père
Heyndrickx en Chine "comportent des obligations" et que "chacune de ses
initiatives ait besoin de l’approbation de Liu Bainian, le chef de l’Association
Patriotique des catholiques chinois et doive avoir lieu dans les conditions
que celui-ci impose".
Un soupçon mortel. Parce que Liu Bainian est considéré par la majeure partie
des catholiques chinois, y compris ceux qui font partie de l’Église
officielle, comme leur pire ennemi, celui qui personnifie le plus la
politique d’asservissement de l’Église au régime.
De Louvain, le père Heyndricks a réagi aux accusations du cardinal Zen par
une note publiée par UCA News le 20 juillet.
Il réaffirme que la finalité principale de la lettre de Benoît XVI est
d’encourager les deux communautés catholiques chinoises, l’officielle et la
clandestine, à prier et à célébrer l’eucharistie ensemble.
Il soutient que son interprétation de la lettre pontificale est partagée par
de nombreux dirigeants de l’Église chinoise: et il donne comme exemple la
lettre pastorale de l’évêque Wei Jingyi.
Il affirme qu’il n’obéit qu’à l’Église et au pape, pas aux dirigeants
chinois, avec lesquels il s’efforce de dialoguer.
Parce que "le dialogue n’est pas synonyme de faiblesse, mais c’est l’esprit
de la lettre du pape que nous devons tous suivre. […] Un dialogue ouvert
entre une Église chinoise unie et un gouvernement chinois uni résoudront
plus de problèmes qu’un affrontement entre une Église divisée et un
gouvernement divisé".
par Sandro Magister
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
►
Texte
intégral de la lettre du pape Benoît XVI aux catholiques chinois
Benoît XVI désire manifester son amour envers les
catholiques de Chine : ►
Benoît XVI
L'agence en ligne sur laquelle le cardinal Zen a publié ses interventions
polémiques: ►
UCA News
Et une autre agence très riche en informations sur
la Chine: ►
Asia News
Sources:
La chiesa.it
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 23.07.2007 - BENOÎT XVI -
International/Chine |