Benoît XVI et le grand défi de
l'Eglise en Amérique |
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Cité du Vatican, le 23 avril 2008 -
(E.S.M.)
- Voici le texte des questions publié en français aujourd'hui par
le Vatican, auxquelles Benoît XVI a répondu lors de la rencontre avec
les évêques des Etats-Unis d'Amérique au sanctuaire de l'Immaculée
Conception
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Le pape
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Benoît XVI et le grand défi de l'Eglise en Amérique
RENCONTRE AVEC LES ÉVÊQUES DES
ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE
RÉPONSES DU PAPE BENOÎT XVI
AUX QUESTIONS DES ÉVÊQUES AMÉRICAINS
Sanctuaire de l'Immaculée Conception de Washington, D.C.
Mercredi 16 avril 2008
1. Il est demandé au Saint-Père de présenter son
analyse sur le défi du sécularisme en progression dans la vie publique et
sur le relativisme dans la vie intellectuelle, tout comme ses suggestions
sur la manière de faire face à ces défis du point de vue pastoral, pour
pouvoir remplir plus efficacement l'œuvre d'évangélisation.
J'ai abordé brièvement ce thème dans mon discours. J'estime significatif le
fait qu'en Amérique, à la différence de nombreux lieux en Europe, la
mentalité séculière ne s'est pas présentée intrinsèquement comme opposée à
la religion. A l'intérieur du contexte de la séparation entre l'Eglise et
l'Etat, la société américaine a toujours été marquée par un respect
fondamental de la religion et de son rôle public et, si on accorde du crédit
aux sondages, le peuple américain est profondément religieux. Mais il ne
suffit pas de compter sur cette religiosité traditionnelle et se comporter
comme si tout était normal, alors que ses fondements s'érodent peu à peu. Un
engagement sérieux dans le domaine de l'évangélisation ne peut faire
abstraction d'un diagnostic profond des défis réels que doit affronter
l'Evangile dans la culture contemporaine américaine.
Naturellement, ce qui est essentiel c'est une correcte compréhension de la
juste autonomie de l'ordre séculier, une autonomie qui ne peut être détachée
de Dieu Créateur et de son dessein de salut (cf.
Gaudium et
Spes, 36). Le type de sécularisme de l'Amérique pose
peut-être un problème particulier: alors qu'il permet de croire en Dieu et
respecte le rôle public de la religion et des Eglises, il réduit cependant
la croyance religieuse au plus petit dénominateur commun. La foi devient
l'acceptation passive du fait que certaines choses "là dehors" sont vraies,
mais sans importance pratique pour la vie quotidienne. Le résultat est une
séparation grandissante de la foi et de la vie: vivre "comme si Dieu
n'existait pas". Cela est aggravé par une approche individualiste et
éclectique de la foi et de la religion: loin de l'approche catholique du
"penser avec l'Eglise", chaque personne croit avoir un droit de déterminer
et de choisir, en conservant les liens sociaux mais sans une conversion
intégrale, intérieure à la loi du Christ. Par conséquent, plutôt que d'être
transformés et renouvelés dans l'âme, les chrétiens sont facilement tentés
de se conformer à l'esprit du siècle (cf. Rm 12, 3).
Nous l'avons constaté de manière aiguë dans le scandale provoqué par les
catholiques qui font la promotion d'un prétendu droit à l'avortement.
A un niveau plus profond, le sécularisme défie l'Eglise à réaffirmer et à
poursuivre plus activement sa mission dans et au monde. Comme cela a été
clarifié par le Concile, les laïcs ont une responsabilité particulière à cet
égard. Je suis convaincu que l'on a besoin d'un sens plus grand du rapport
intrinsèque entre l'Evangile et la loi naturelle d'une part, et, d'autre
part, de la poursuite du bien humain authentique, comme il est incarné dans
la loi civile et dans les décisions morales personnelles. Dans une société
qui tient à juste titre en haute considération la liberté personnelle,
l'Eglise doit promouvoir à tous les niveaux ses enseignements - dans la
catéchèse, dans la prédication, dans l'enseignement au séminaire et à
l'université -, une apologétique visant à affirmer la vérité de la
révélation chrétienne, l'harmonie entre foi et raison, et une saine
compréhension de la liberté, vue en termes positifs comme libération aussi
bien des limitations du péché qu'en vue d'une vie authentique et pleine. En
un mot, l'Evangile doit être prêché et enseigné comme un mode de vie
intégral, qui offre une réponse attrayante et véridique, au niveau
intellectuel et pratique, aux problèmes humains réels. La "dictature du
relativisme", en dernière instance, n'est rien d'autre qu'une menace pour la
liberté humaine, qui ne se développe que dans la générosité et dans la
fidélité à la vérité.
On pourrait dire bien d'autres choses, naturellement, sur ce sujet:
laissez-moi cependant conclure en disant que je crois que
l'Eglise en
Amérique, en ce moment précis de son histoire, a face à elle le défi de
retrouver la vision catholique de la réalité et la présenter de manière
captivante et avec imagination à une société qui fournit tous types de
remèdes pour la propre réalisation humaine. Je pense en particulier à notre
besoin de parler au cœur des jeunes, qui, malgré l'exposition permanente à
des messages contraires à l'Evangile, continuent à avoir soif
d'authenticité, de bonté et de vérité. Il reste encore beaucoup à faire au
niveau de la prédication et de la catéchèse dans les paroisses et dans les
écoles, si on veut que l'évangélisation donne du fruit pour le
renouvellement de la vie de l'Eglise en Amérique.
2. Le Saint-Père est interrogé au sujet d'"un certain
processus silencieux" par lequel les catholiques abandonnent la pratique de
la foi, parfois par une décision explicite, mais plus souvent
silencieusement et graduellement en s'éloignant de la participation à la
messe et de l'identification avec l'Eglise.
Tout cela dépend en grande partie de la diminution progressive d'une culture
religieuse, parfois comparée de manière méprisante à un "ghetto", qui
pourrait renforcer la participation et l'identification avec l'Eglise. Comme
je viens à peine de le dire, l'un des grands défis que l'Eglise doit
affronter dans ce pays est celui de cultiver une identité catholique qui
n'est pas principalement basée sur des éléments externes, mais plutôt sur
une manière de penser et d'agir enracinée dans l'Evangile et enrichie sur la
base de la tradition vivante de l'Eglise.
Le sujet concerne clairement des facteurs comme l'individualisme religieux
et le scandale. Mais allons au cœur de la question: la foi ne peut survivre
si elle n'est pas nourrie, si elle "n'opère pas par la charité"
(Ga 5,6). Les gens ont-ils aujourd'hui des
difficultés à rencontrer Dieu dans nos églises? Peut-être notre prédication
a-t-elle perdu de son sel? Ne pourrait-ce être dû au fait que beaucoup ont
oublié, ou même n'ont jamais appris, à prier dans et avec l'Eglise?
Je ne parle pas ici des personnes qui quittent l'Eglise à la recherche
d'"expériences" religieuses subjectives; c'est un sujet pastoral qu'il faut
affronter dans ses propres termes. Je pense que nous parlons de personnes
qui ont quitté la route sans avoir consciemment rejeté la foi dans le
Christ, mais qui, pour une raison quelconque, n'ont pas reçu la force vitale
de la liturgie, des sacrements, et de la prédication. Et pourtant la foi
chrétienne, comme nous le savons bien, est essentiellement ecclésiale, et
sans un lien vivant avec la communauté, la foi de l'individu ne grandira
jamais jusqu'à maturité. Pour revenir à la question que nous venons de
traiter: le résultat peut être une apostasie silencieuse.
Laissez-moi donc faire deux brèves observations sur la question du
"processus de l'abandon", qui, je l'espère, feront naître de futures
réflexions.
En premier lieu, comme vous le savez, il est de plus en plus difficile dans
les sociétés occidentales de parler de manière sensée de "salut". Et
pourtant le salut - la libération de la réalité du mal et le don d'une vie
nouvelle et libre dans le Christ - est au cœur même de l'Evangile. Nous
devons redécouvrir, comme je l'ai déjà dit, de nouvelles et captivantes
manières de proclamer ce message et réveiller une soif de cette plénitude
que seul le Christ peut donner. C'est dans la liturgie de l'Eglise, et
surtout dans le sacrement de l'Eucharistie, que ces réalités se manifestent
de la manière la plus puissante et sont vécues dans l'existence des
croyants; nous avons peut-être encore fort à faire pour réaliser la vision
du Concile sur la liturgie, comme exercice du sacerdoce commun et comme élan
pour un apostolat fructueux dans le monde.
En deuxième lieu, nous devons reconnaître avec préoccupation l'éclipse
presque totale d'un sens eschatologique dans beaucoup de nos sociétés de
tradition chrétienne. Comme vous le savez, j'ai soulevé cette question dans
l'Encyclique Spe salvi. Qu'il suffise de dire que foi et espérance ne sont
pas limitées à ce monde: en tant que vertus théologales elles nous unissent
au Seigneur et nous mènent vers l'accomplissement non seulement de notre
destin mais aussi de celui de toute la Création. La foi et l'espérance sont
l'inspiration et la base de nos efforts pour nous préparer à la venue du
Règne de Dieu. Il ne peut y avoir de place dans le christianisme pour une
religion purement privée: le Christ est le Sauveur du monde et, en tant que
membres de son Corps et participants de ses munira prophétique, sacerdotal
et royal, nous ne pouvons séparer notre amour pour Lui de l'engagement de
l'édification de son Eglise et de l'élargissement de son Royaume. Dans la
mesure où la religion devient une affaire purement privée, elle perd son âme
même.
Permettez-moi de conclure en affirmant une évidence. Les champs sont à ce
jour prêts pour la moisson (cf. Jn 4, 35); Dieu
continue à faire croître la moisson (cf. 1 Co 3, 6).
Nous pouvons et nous devons croire, avec le défunt Pape Jean-Paul II, que
Dieu prépare un nouveau printemps pour la chrétienté (cf.
Redemptoris Missio, 86). Ce dont on a le plus besoin, en ce
moment spécifique de l'histoire de l'Eglise en Amérique, c'est du
renouvellement de ce zèle apostolique qui inspire ses pasteurs de manière
active pour chercher les brebis égarées, soigner celles qui ont été blessées
et renforcer les faibles (cf. Ez 34, 16). Et
cela, comme je l'ai dit, exige de nouvelles manières de penser basées sur un
diagnostic sain des défis contemporains et un engagement pour l'unité dans
le service à la mission de l'Eglise envers les générations présentes.
3. Il est demandé au Saint-Père d'exprimer son
jugement sur le déclin des vocations, malgré la croissance de la population
catholique, et sur les raisons de l'espérance offerte par les qualités
personnelles et par la soif de sainteté qui caractérisent les candidats qui
décident de poursuivre.
Soyons sincères: la capacité de cultiver les vocations au sacerdoce et à la
vie religieuse est un signe sûr de la santé d'une Eglise locale. Il n'y a
pas lieu de se réjouir à ce sujet. Dieu continue à appeler les jeunes, mais
il nous revient d'encourager une réponse généreuse et libre à cet appel.
D'autre part, personne ne peut prendre cette grâce comme quelque chose
d'acquis.
Dans l'Evangile, Jésus nous dit de prier afin que le Seigneur de la moisson
nous envoie des ouvriers; il admet même que les ouvriers sont peu nombreux
face à l'abondance de la moisson (cf. Mt 9, 37-38).
Cela vous semblera étrange, mais je pense souvent que la prière - l'unum
necessarium - est le seul aspect des vocations qui soit efficace et nous
tendons souvent à l'oublier ou à le sous-évaluer!
Je ne parle pas seulement de prière pour les vocations. La prière même, née
dans les familles catholiques, nourrie par des programmes de formation
chrétienne, renforcée par la grâce des sacrements, est le moyen principal
par lequel nous parvenons à connaître la volonté de Dieu pour notre vie.
Dans la mesure où nous enseignons aux jeunes à prier, et à bien prier, nous
coopérons à l'appel de Dieu. Les programmes, les plans et les projets ont
leur place, mais le discernement d'une vocation est avant tout le fruit du
dialogue intime entre le Seigneur et ses disciples. Les jeunes, s'ils savent
prier, peuvent être assurés de savoir quoi faire de l'appel de Dieu.
On a remarqué qu'il y a une soif grandissante de sainteté chez beaucoup de
jeunes aujourd'hui et, même si leur nombre est toujours plus faible, ceux
qui vont de l'avant font preuve d'un grand idéalisme et sont très
prometteurs. Il est important de les écouter, de comprendre leur expérience
et de les encourager à aider leurs contemporains à voir le besoin de
prêtres, de religieux et de religieuses engagés, tout comme à voir la beauté
d'une vie de sacrifice et de service au Seigneur et à son Eglise. A mon
avis, on demande beaucoup aux directeurs et aux formateurs des vocations: il
faut aujourd'hui plus que jamais offrir aux candidats une formation
intellectuelle et humaine saine qui les mette en mesure non seulement de
répondre aux demandes réelles et aux besoins de leurs contemporains, mais
aussi de mûrir dans leur conversion et de persévérer dans la vocation à
travers un engagement qui dure toute la vie. En tant qu'évêques, soyez
conscients du sacrifice qui est demandé quand ils vous demandent de relever
un de vos meilleurs prêtres de ses engagements pour travailler au séminaire.
Je vous exhorte à répondre avec générosité pour le bien de l'Eglise tout
entière.
Enfin, je pense que vous savez par expérience que beaucoup de vos frères
prêtres sont heureux dans leur vocation. Ce que j'ai dit dans mon discours
sur l'importance de l'unité et de la collaboration avec le presbyterium
s'applique également dans ce domaine. Il est nécessaire pour tout le monde
de laisser de côté les divisions stériles, les désaccords et les préjugés et
d'écouter ensemble la voix de l'Esprit qui guide l'Eglise vers un avenir
d'espérance. Chacun d'entre nous sait combien la fraternité sacerdotale a
été importante dans sa vie; elle n'est pas seulement un bien précieux, mais
aussi une ressource immense pour le renouvellement du sacerdoce et la
croissance de nouvelles vocations. Je souhaite conclure en vous encourageant
à créer des opportunités d'un dialogue encore plus grand et de rencontres
fraternelles entre vos prêtres, notamment les plus jeunes. Je suis persuadé
que cela portera du fruit pour leur enrichissement, pour la croissance de
leur amour du sacerdoce et de l'Eglise, tout comme pour l'efficacité de leur
apostolat.
Avec ces quelques observations, conclut Benoît XVI, je vous encourage encore une fois dans votre
ministère à l'égard des fidèles qui sont confiés à vos soins pastoraux et je
vous confie à l'intercession affectueuse de Marie Immaculée, Mère de
l'Eglise.
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Sources : www.vatican.va -
E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 23.04.2008 -
T/USA |