Benoît XVI se livre sans détour |
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Le 21 novembre 2010
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(E.S.M.)
- Le livre-entretien de Benoît XVI avec Peter Seewald sera
présenté mardi
23 novembre à la
presse, dans ses
versions
italienne et
allemande avant
sa parution en
France, le 3
décembre.
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Benoît XVI se livre sans détour
Addendum :
Le Communiqué officiel du Saint-Siège
Le 21 novembre 2010 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
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« La Croix » publie en exclusivité les « bonnes feuilles » de « Lumière du
monde ». Le livre-entretien de Benoît XVI avec Peter Seewald sera
présenté mardi 23 novembre à la presse, dans ses versions italienne et
allemande avant sa parution en France, le 3 décembre, aux Éditions Bayard.
L’ouvrage a été écrit à partir d’entretiens, en allemand, entre le pape et
le journaliste, du 26 au 31 juillet, à Castel Gandolfo
Il faut prendre le chemin de Castel Gandolfo, la résidence de vacances de
Benoît XVI. S’asseoir dans un bon fauteuil, en face du pape, avec, dans la
cheminée, le feu qui crépite. Et écouter. C’est ce à quoi nous convie ce
livre d’entretien et, à vrai dire, il y parvient totalement.
Le ton est libre, simple, léger parfois, lorsque Benoît XVI avoue ne pas
utiliser le vélo d’appartement prescrit par son médecin, ou apprécier les
films de Don Camillo. Mais au fil de la « soirée », la conversation se fait
plus profonde, embrassant les enjeux du monde, de l’Église, ou les grandes
interrogations spirituelles.
Voilà un livre qui devrait une bonne fois pour toutes faire taire ceux qui
font de Benoît XVI un homme fermé, arc-bouté sur le passé. Celui qui, depuis
2005, est sur le siège de Pierre se montre ici dans une étonnante humilité,
avec cette capacité, que sans doute jamais pape n’avait eue avant lui,
d’autocritique intellectuelle.
Son regard sur le monde est plein d’espérance, au fait de ses soubresauts,
conscient de ses difficultés, de ses joies et de ses peines.
Isabelle de GAULMYN
« Lumière du monde. Le pape, l’Eglise et les signes
des temps »
« La Croix » publie en exclusivité des extraits de « Lumière du monde ». Le
livre-entretien de Benoît XVI avec Peter Seewald devrait être présenté mardi
23 novembre à la presse, dans ses versions italienne et allemande. L’ouvrage
a été écrit à partir d’entretiens, en allemand, entre le pape et le
journaliste, qui ont eu lieu du 26 au 31 juillet, à Castel Gandolfo
Après une première partie générale, sur les « signes des temps », le livre
aborde en seconde partie « le pontificat », puis s’attache à une vision plus
prospective sur l’Église et le christianisme : « Où allons-nous ? »
C’est le deuxième livre-entretien de Peter Seewald avec Joseph Ratzinger
après Le Sel de la terre : le christianisme et l’Église catholique au seuil
du troisième millénaire, qui était sorti en 1997, donc avant que le
théologien allemand ne soit élu pape. Peter Seewald avait également exposé
la pensée de Joseph Ratzinger dans Voici quel est notre Dieu (en 2001). La
version française de Lumière du monde sera disponible à partir du 3
décembre, aux Éditions Bayard.
«On est vraiment triste de constater la misère de
l’Église»
« (...) Quand on replonge une fois encore en tant
qu’auteur, avec un esprit totalement neuf, dans cette histoire, n’est-on pas
forcément un peu assombri de constater à quel point l’Église n’a cessé de
s’éloigner du chemin que lui a indiqué le fils de Dieu ?
– Oui, nous venons de le vivre en ce temps de scandales : on est vraiment
triste de constater la misère de l’Église et à quel point certains de ses
membres ont échoué dans la succession de Jésus Christ. Il est nécessaire que
nous fassions cette expérience, pour notre humiliation, pour notre véritable
humilité. L’autre point, c’est que malgré tout, Il ne l’abandonne pas. Qu’en
dépit de la faiblesse des hommes, car c’est en eux qu’elle se manifeste, Il
tient bon, Il éveille les saints en eux et Il est là à travers eux. Je crois
que ces deux sentiments vont de pair : la consternation face à la misère, la
présence du péché dans l’Église et la forte émotion que procure le fait de
constater qu’il n’abandonne pas cet outil, mais qu’il agit avec lui ; qu’il
se montre constamment de nouveau à travers l’Église et en elle.
- (...) Dans cette société tellement abîmée sur de
nombreux plans et dont nous avons beaucoup parlé au cours de cet entretien,
l’urgente mission de l’Église n’est-elle pas aussi et justement de faire
tout spécialement comprendre en quoi l’Évangile offre le salut ? (...)
- Oui, c’est un point décisif. L’Église n’impose rien à personne, elle ne
présente pas un quelconque système moral. Ce qui est vraiment décisif, c’est
qu’Il existe. Que l’Église ouvre les portes vers Dieu et donne ainsi aux
gens ce qu’ils attendent le plus, ce dont ils ont le plus besoin, et ce qui
peut aussi leur apporter la plus grande aide. Elle le fait avant tout par le
biais du grand miracle de l’amour, qui ne cesse de se répéter. Lorsque des
gens, sans en tirer profit, sans que leur métier les oblige à le faire,
motivés par le Christ, prêtent secours et assistance à d’autres. Ce
caractère thérapeutique du christianisme, pour reprendre les termes d’Eugen
Biser, celui qui guérit et qui offre, devrait effectivement apparaître
beaucoup plus distinctement.»
« Le pape, simple mendiant devant Dieu »
« Votre foi a-t-elle changé depuis qu’en tant que
pasteur suprême vous êtes responsable du troupeau du Christ ? On a parfois
l’impression que la foi est devenue plus mystérieuse, plus mystique.
– Je ne suis pas un mystique. Mais il est exact qu’en tant que pape, on a
encore beaucoup plus d’occasions de prier et de s’en remettre entièrement à
Dieu. Car je vois bien que presque tout ce que je dois faire, je ne suis
personnellement pas capable de le faire. Ne serait-ce que pour cette raison,
je suis pour ainsi dire forcé de me mettre dans les mains du Seigneur et de
Lui dire : « Fais-le, si Tu le veux ! » En ce sens, la prière et le contact
avec Dieu sont encore plus nécessaires maintenant, et aussi plus naturels,
et vont de soi bien plus qu’auparavant.
– Pour parler en profane : existe-t-il une « meilleure
liaison » avec le ciel, ou quelque chose comme une grâce d’état ?
Oui, on le sent parfois. Au sens de : j’ai pu faire quelque chose qui ne
venait pas du tout de moi. Maintenant je m’en remets au Seigneur et je
constate : Oui, il y a là une aide, quelque chose se fait qui ne vient pas
de moi-même. En ce sens, on fait totalement l’expérience de la grâce d’état.
(…)
– Et comment prie le pape Benoît ?
En ce qui concerne le pape, il est aussi un simple mendiant devant Dieu,
plus encore que tous les autres hommes. Naturellement je prie toujours en
premier notre Seigneur, avec lequel je me sens lié pour ainsi dire par une
vieille connaissance. Mais j’invoque aussi les saints. Je suis lié d’amitié
avec Augustin, avec Bonaventure, avec Thomas d’Aquin. On dit aussi à de tels
saints : Aidez-moi ! Et la Mère de Dieu est toujours de toute façon un grand
point de référence. En ce sens, je pénètre dans la communauté des saints.
Avec eux, renforcé par eux, je parle ensuite avec le Bon Dieu, en mendiant
d’abord mais aussi en remerciant – ou tout simplement rempli de joie ».
« Remettre avant tout en lumière la priorité de Dieu »
– (…) Jean XXIII s’est référé au changement survenu après les deux Guerres
mondiales pour voir dans les « signes des temps », (il le dit dans sa bulle
Humanae salutatis du 25 décembre 1961, pour la convocation de Vatican II) la
nécessité d’un concile, même s’il était alors un vieil homme malade. Benoît
XVI fera-t-il la même chose ?
– Jean XXIII a fait un grand geste non renouvelable en confiant à un concile
universel la tâche de comprendre à nouveau aujourd’hui la parole de la foi.
Avant toute chose, le concile s’est chargé et acquitté de la grande tâche de
redéfinir aussi bien la destination que la relation de l’Église avec l’ère
moderne, et la relation de la foi avec ce temps et ses valeurs. Mais
transposer ce qui est dit dans l’existence et rester en même temps dans la
continuité intérieure de la foi, c’est un processus bien plus difficile que
le concile lui-même. D’autant plus que le Concile a été connu par le monde à
travers l’interprétation des médias et moins par ses propres textes que
presque personne ne lit.
Je crois que notre grande tâche est maintenant, une fois quelques questions
fondamentales éclaircies, de remettre avant tout en lumière la priorité de
Dieu. Aujourd’hui, l’important est que l’on voie de nouveau que Dieu existe,
qu’Il nous concerne et qu’Il nous répond. Et qu’inversement, s’Il manque,
aussi intelligent que soit tout le reste, l’homme perd alors sa dignité et
son humanité particulière, et qu’ainsi l’essentiel s’effondre. C’est
pourquoi, je crois, poser la priorité de la question de Dieu doit être
aujourd’hui le point sur lequel nous devons faire peser tout notre effort.
– (…) Karol Wojtyla avait pour mission de faire
franchir le seuil du IIIe millénaire à l’Église catholique. Quelle est la
mission de Joseph Ratzinger ?
– Je dirais que l’on ne devrait pas autant démembrer l’Histoire. Nous
œuvrons à un tissu commun. Karol Wojtyla a été en quelque sorte offert par
Dieu à l’Église dans une situation critique très précise : d’un côté, la
génération marxiste, la génération de 68, mettait en question l’Occident
tout entier, et de l’autre, le socialisme réel qui s’effondrait. Dans cet
affrontement, ouvrir une percée à la foi et la montrer comme le centre et le
chemin, c’était un instant historique d’une nature singulière. Il n’est pas
obligatoire que chaque pontificat ait une toute nouvelle mission à remplir.
Il s’agit à présent de continuer et de saisir la dramaturgie de l’époque, de
maintenir en vie la parole de Dieu comme parole décisive – et en même temps
de donner au christianisme cette simplicité et cette profondeur sans
lesquelles il ne peut pas agir. »
« Staline avait raison de dire que le pape n’a pas de
divisions »
- Vous êtes maintenant le pape le plus puissant de
tous les temps. Jamais auparavant l’Église catholique n’a eu autant de
fidèles, jamais encore elle n’a connu une telle extension, littéralement
jusqu’aux extrémités du monde.
Bien sûr, ces statistiques sont importantes. Elles indiquent à quel point
l’Église s’est propagée, elles montrent la taille de cette communauté qui
englobe races et peuples, continents, cultures, hommes de toute sorte. Mais
le pouvoir du pape n’est pas fondé sur les chiffres.
- Pourquoi pas ?
- La communion avec le pape est d’un autre ordre, tout comme, bien entendu,
et naturellement, l’appartenance à l’Église. Parmi ce 1,2 milliard, beaucoup
n’en font pas intimement partie. Saint Augustin l’a déjà dit en son temps :
il en est beaucoup dehors qui semblent être dedans, et il y en a beaucoup
dedans qui semblent être dehors. En matière de foi, d’appartenance à
l’Église catholique, intérieur et extérieur sont mystérieusement entrelacés.
En cela Staline, déjà, avait raison de dire que le pape n’a pas de divisions
et qu’il ne commande rien. Il n’est pas non plus à la tête d’une grande
entreprise où tous les fidèles de l’Église seraient pour ainsi dire ses
employés ou ses sujets. D’un côté, le pape est un être tout à fait
impuissant. D’un autre côté, il a une grande responsabilité. Il est, dans
une certaine mesure, celui qui conduit, le représentant de la foi, il a en
même temps la responsabilité de faire que l’on croie en la foi qui unit les
hommes, qu’elle demeure vivante et qu’elle reste intacte dans son identité.
Mais seul le Seigneur Lui-même a le pouvoir de maintenir les hommes dans la
foi.
« Un premier pas sur le chemin d’une sexualité vécue
autrement »
- C’est un fait : partout où un quelqu’un veut avoir des préservatifs, il en
a à sa disposition. Mais cela seul ne résout pas la question. Il faut plus
que cela. Depuis peu s’est développé, y compris dans les milieux laïques, ce
que l’on appelle la théorie ABC, pour Abstinence, Be faithful, Condom
(Abstinence, fidélité, préservatif), où le préservatif n’est conçu que comme
un pis-aller si les deux autres éléments ne fonctionnent pas. Cela signifie
que la seule fixation sur le préservatif représente une banalisation de la
sexualité. Or cette banalisation est justement à l’origine d’un phénomène
dangereux : tant de personnes ne trouvent plus dans la sexualité
l’expression de leur amour, mais uniquement une sorte de drogue qu’ils
s’administrent eux-mêmes. C’est la raison pour laquelle le combat contre la
banalisation de la sexualité est aussi une partie de la lutte menée pour que
la sexualité soit vue sous un jour positif, et pour qu’elle puisse exercer
son effet bénéfique dans tout ce qui constitue notre humanité.
- Il peut y avoir des cas particuliers, par exemple lorsqu’un prostitué
utilise un préservatif, dans la mesure où cela peut être un premier pas vers
une moralisation, un premier élément de responsabilité permettant de
développer à nouveau une conscience du fait que tout n’est pas permis et que
l’on ne peut pas faire tout ce que l’on veut. Mais ce n’est pas la véritable
manière de répondre au mal que constitue l’infection par le virus VIH. La
bonne réponse réside forcément dans l’humanisation de la sexualité.
- Cela signifie que l’Église catholique, sur le
principe, n’est pas du tout opposée à l’utilisation des préservatifs ?
- Elle ne la considère naturellement pas comme une solution véritable et
morale. Dans l’un ou l’autre cas, dans l’intention de réduire le risque de
contamination, l’utilisation d’un préservatif peut cependant constituer un
premier pas sur le chemin d’une sexualité vécue autrement, une sexualité
plus humaine.
Sources : la-croix
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 21.11.2010 -
T/Benoît XVI
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