Croire en Christ, c'est porter son
amour vers Lui, c'est vivre avec cet amour en soi |
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Le 21 août 2008 -
(E.S.M.)
- Le mariage est engagement sacramentel devant
Dieu et pour faire signe aux hommes et à l'Église de l'Amour. Cet
engagement peut être le point de départ d'un don de soi total au Christ
« à sa manière ».
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La tombe des Maritain -
67120 Kolbsheim (France) -
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QUELQUES LIEUX CONJUGAUX DE SAINTETÉ
Première partie :
La Catéchèse de Jean-Paul
II, homme et femme il les créa
1)
l'engagement conjugal lui-même
La foi au Christ quand elle habite
la vie des personnes est appelée d'abord à porter l'engagement chrétien sur
la construction de l'amour : vie de couple à construire et à garder solide
quand on est marié. Mettre sa vie de confiance en Dieu au centre de cette
construction, se battre contre ses égoïsmes personnels, vouloir toujours
voir en l'autre une personne, s'abandonner à la communication dans la
tendresse voire dans la vie sexuelle partagée... voilà des actes où la foi
au Christ est appelée à s'engager. Croire en Christ,
c'est porter son amour vers Lui, c'est vivre avec cet amour en soi. Y
a-t-il concurrence entre cet amour consacré à Dieu et l'amour pour le
conjoint ?
La question peut paraître incongrue, mais elle peut se
poser dans certains couples, comme une « concurrence
» entre deux amours. Jacques Maritain, né en 1882 se convertit à 20 ans,
avec Raïssa son épouse, dans un contact avec l'écrivain Léon Bloy. Ils sont
baptisés tous les deux ensemble. Jacques deviendra philosophe et penseur
chrétien. Raïssa sera avec son mari dans cette tâche. Elle meurt en 1960,
lui en 1973. Jacques et Raïssa vont grandir ensemble dans l'adhésion à
Jésus-Christ et dans leur amour. Amour reçu de Dieu et amour humain vont
se bonifier. Chaque amour bonifie l'autre et ne
lui enlève rien. Raïssa écrit : « Continue de m'aimer ainsi, j'ai
besoin de beaucoup d'amour pour vivre, et je sais que moi, je dois aimer
"comme n'aimant pas", dans le sens de Saint Paul... Quelle terrible vocation
! c'est pour cela que Dieu a mis auprès de moi la merveilleuse tendresse. Et
auprès de qui aurais-je pu vivre une telle vocation si ce n'est auprès de
toi ?... Ce qu'il y a d'admirable, c'est que ce repos, je peux le prendre
dans ton cœur sans gêner en rien l'action de Dieu en nous. Tellement Dieu
est avec toi. Et tu es bien toute ma douceur en ce monde »
Jacques Maritain dira de son côté : « si vous voulez savoir où je suis,
ne me cherchez pas où je suis, mais cherchez-moi où j'aime et suis aimé,
dans le cœur de ma Raïssa bénie ». Il rajoutera dans un de ses textes
spéculatifs : « celui qui aime d'amour fou se donne totalement ; l'objet
de son amour est une créature limitée, fragile, mortelle. Ce serait
méconnaître les grandeurs de notre nature de croire que cette créature aimée
d'un amour fou devient pour l'aimant nécessairement une idole pour lui.
L'amour fou peut rayonner au sein d'une vie moralement droite et soumise
à l'ordre de la Charité ».
Mais cet amour-là, dira
Raïssa, est à purifier sans arrêt : « De l'amour humain ce qu'il faut
ôter pour le rendre pur, bienfaisant, universel et divin, - ce n'est pas
l'amour lui-même : non, ce qu'il faut supprimer ou
plutôt dépasser, c'est les limites du cœur. D'où la souffrance - dans
cet effort pour sortir de nos étroites limites.
Car, dans ces limites, dans nos limites, est notre joie humaine. Mais
il faut dépasser ces limites du cœur; il faut sous l'action de la grâce et
par le travail de l'âme quitter notre cœur limité pour le cœur illimité de
Dieu. C'est seulement quand on a accepté cette mort que l'on entre
ressuscité dans le cœur illimité de Dieu avec tout ce que l'on aime, avec
les proies de l'amour, en se donnant soi-même comme proie à l'amour infini.
La mort à nous-mêmes fait place libre à l'amour de
Dieu. Mais elle fait en même temps place libre à l'amour des créatures selon
l'ordre de la divine charité. Porter soi-même son cœur sous le
pressoir. Coucher soi-même son cœur sur la Croix. »
2)
l'engagement conjugal et ses tâches
Il s'agira ici de cette vie
quotidienne à traverser ensemble (projets divers,
fécondité et éducation des enfants, et...). Et
ici, il y a une mobilisation de l'amour à faire. Gomme le dit Xavier
Lacroix, un théologien moraliste contemporain, l'amour, s'il est dans un
premier temps de l'ordre de la spontanéité, est appelé à être de l'ordre de
la volonté : vouloir son amour, le construire, certes « avec Dieu ». Mais
ceci n'en reste pas moins de l'ordre du combat spirituel.
Emmanuel
Mounier, né en 1905, à Grenoble, aura une carrière d'intellectuel chrétien,
par la fondation de la Revue Esprit et la promotion du personnalisme. Il
épouse en 1935 Paulette Leclercq. De leur amour, naîtront trois enfants dont
une enfant trisomique, Françoise. Beaucoup de leurs lettres disent ce chemin
spirituel vécu avec cet enfant.
Citons deux lettres de Emmanuel
Mounier à son épouse: « Nous n'étions pas faits pour des heures faciles,
voilà tout. Mais il nous faut faire belles ensemble celles qui nous seront
données. En marchant sur la route, tout à l'heure, j'ai essayé de faire
chanter mon cœur. Ça n'a pas été long. Il me
suffisait de penser que toute souffrance intégrée au Christ perd son
désespoir, sa laideur même » Et celle-ci : « Je sens comme toi une
grande lassitude et un grand calme mêlés, je sens que le réel, le positif,
c'est le calme, cet amour de notre petite fille se transformant doucement en
offrande, en une tendresse qui la déborde; qui part d'elle, revient sur
elle, nous transforme en elle ; et que la lassitude, c'est seulement le
corps qui est bien fragile pour cette lumière et pour tout ce qu'il avait en
nous d'habitué, de 'possédant', avec notre enfant qui se brise lentement
pour un plus bel amour... il n'y a plus qu'à être le
plus fort que nous pouvons, avec la prière, l'amour, l'abandon, la volonté
de maintenir la joie profonde du cœur ».
3) La vie
d'oraison
L'oraison est un élément essentiel dans la
consécration. Mais c'est dans la solitude
existentielle qu'est vécue cette relation, même si elle se fait à
deux. Là se passe en chacun la connaissance de Dieu, c'est-à-dire la
naissance à sa Vie, l'approfondissement de la vie en Christ. Mais faire
oraison dans une vie de couple, est-ce deux oraisons solitaires qui se
côtoient sans lien, sans fruit pour l'amour ? Le lien personnel à Dieu
change la relation mutuelle, la change imperceptiblement, la façonne en la
purifiant, la charge d'amour de Dieu, lui permet d'espérer peut-être dans
les jours plus sombres.
Edouard Michelet né à Paris en 1899, déporté
à Dachau pendant la 2e guerre mondiale, plusieurs fois ministre du Général
de Gaulle, prend comme épouse Marie Vial, de Brive. Dans ses déplacements,
il n'aura de cesse d'écrire à sa femme des mots où se mêlent amour mutuel et
foi : « Dix heures vont bientôt sonner et dans un instant nous serons
unis par la pensée devant le bon Dieu (pour
faire nos prières !), car nous n'attendons pas les
heures de celles-ci pour penser l'un à l'autre, nous y pensons toujours. »
(lettre de Pau, 1921). En
1943, en pleine guerre, sa femme ne sait pas où est son mari : elle écrit
cette note retrouvée depuis : « Chéri, je vais m'endormir en priant pour
toi. Je ne t'ai jamais tant prié et je n'ai jamais tant pensé à toi, il est
vrai que je ne t'ai jamais tant aimé. Prier, penser, t'aimer, ne font qu'un.
» Une autre lettre d'Edmond à sa femme quand il est en prison à Fresnes en
1943 : « Mon amour, j'ai inscrit en arrivant le mot dont je sens la
vérité profonde à chaque instant : Ma grâce te suffit
»
Le fait d'être en couple apporte-t-il à l'oraison une
qualité ? Seuls des couples peuvent le dire. Mais des moments de partage sur
le bonheur de prier ou sur les moments de sécheresse établit là une
connivence, un surcroît d'amour et en retour une profondeur à l'oraison :
une complicité de priants s'opère. La vie d'amour,
d'amitié s'en trouve élevée.
4) L'engagement dans le monde
L'amour dans un couple est fait pour s'exprimer, pour féconder
l'engagement dans la société et dans l'Église. La consécration personnelle
au Christ de l'un ou des deux personnes mariées est une aide profonde pour
se soutenir dans cette sortie de soi, vers la sécularité. Nous rejoignons
ici une réalité centrale du charisme de la famille : « la consécration
séculière ». Quel est le poids du couple pour réaliser cette consécration
séculière de chacun ? Disons : un soutien dans une communion d'intelligence
à un même projet (par une recherche intellectuelle),
une stimulation mutuelle dans les décisions à prendre
(où il y a une certaine solitude), une
communion « mystique » de prière dans les moments d'éloignement.
Jacques Maritain n'a cessé de répéter que sans Raïssa, il n'aurait jamais pu
faire tout ce qu'il a fait: « S'il y a quelque chose de bon dans mon
travail philosophique et dans mes livres, la source profonde, et la lumière,
doivent en être cherchées dans son oraison et dans l'oblation qu'elle a
faite d'elle-même à Dieu ». Les lettres sont nombreuses entre Paulette
et Emmanuel Mounier, signe de cette communion militante dans la confiance en
Dieu. Voici ce qu'il lui écrit en septembre 1939 quand la guerre éclate: «
II ne faut pas parler d'avenir "noir"... dramatique peut-être, douloureux
peut-être. Mais nous chrétiens, n'avons le droit que défaire de la joie...
en ces temps de misère, nous ne pouvons supprimer nos malheurs. Mais l'œuvre
que nous avons en main, c'est d'en faire passer dans nos vies, dans nos
yeux, cette transfiguration déconcertante qui nous fera, s'il le faut, et au
fur et à mesure que le bonheur s'éloignera de nous, entrer dans une joie
inébranlable et enfantine ». Citons une lettre d'Édouard Michelet à sa
femme Marie en avril 1943, alors qu'il est prisonnier : « Mon amour...
comme catholique et parce que catholique, j'ai toujours souhaité et
travaillé à la réconciliation de la France et de l'Allemagne. Tout ce qu'on
sait de moi permet de penser que je ne suis pas un factieux et que, bien
loin de vouloir la bagarre, j'ai toujours proclamé les bienfaits de la
charité chrétienne entre individus comme entre les peuples. Je crois que tu
peux beaucoup pour moi dans cet ordre d'idées ? Si tu n'obtiens rien je
prendrai mon mal en patience... Amour, je ne te dis pas que tu ne me quittes
pas, toi et tes sept trésors, parce que tu le sais, n'est-ce pas ?
Continuons à bien prier les uns pour les autres, Dieu et la sainte Vierge
continueront bien par nous exaucer »).
CONCLUSION
Le mariage est-il voie de consécration ? Disons que la consécration est
engagement personnel envers le Christ, alors que le sacrement est
engagement mutuel. La consécration est voie personnelle
d'approfondissement, d'un « plus » de profondeur dans le don de soi total à
Dieu. Le mariage est engagement sacramentel devant Dieu et pour faire signe
aux hommes et à l'Église de l'Amour. Cet engagement peut être le point de
départ d'un don de soi total au Christ « à sa manière ». La consécration ne
diminue pas l'amour mutuel (du sacrement),
mais le favorise, en y puisant des ressources propres. Comment se réalisent
là les 3 engagements spirituels de la consécration,
(pauvreté, chasteté, obéissance),
ceci dans le cadre de l'Église où ils sont appelés à
faire signe ? Je n'ai pas abordé le propos comme cela, mais à partir
de la notion d'approfondissement de la relation à Dieu que le sacrement fait
fructifier et qui le fructifie. Il faudrait poursuivre la réflexion qui est
à peine commencée.
Jean-Michel MOYSAN
PGJ, Quimper
PS. Les textes des Maritain sont tirés des oeuvres de Jacques et Raïssa
Maritain et du livre Jean-Luc Barré Jacques et Raïssa Maritain, les
mendiants du ciel. Les textes des Michelet viennent de Mon Père, Edmond
Michelet, par Claude Michelet et de Prier 15 jours avec Edmond et Marie
Michelet par Benoît Rivière; les textes d'Emmanuel Mounier, sont extraits de
Mounier et sa génération, lettres, carnets et inédits.
Table :
►
La famille fondée sur le mariage
Source : Documentation E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 21.08.2008 -
T/Famille - T/Spiritualité |