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19 Avril 2005
 

Benoît XVI et la consolidation de relations fraternelles avec toutes les Églises orthodoxes

 

Rome, le 21 juillet 2008 - (E.S.M.) - Je crois que pour surmonter la défiance et la peur à l’égard de l’autre et pour vivre droitement son propre témoignage de foi, il ne faut rien faire d’autre que de suivre ce “cœur” dont parlait le Saint-Père Benoît XVI.

Benoît XVI avec le métropolite Kirill, le 25 avril 2005 

Benoît XVI et la consolidation de relations fraternelles avec toutes les Églises orthodoxes

La Russie et son Église vues de près

Giulio Andreotti interviewe Monseigneur Antonio Mennini, représentant du Saint-Siège auprès de la fédération de Russie

Excellence, que pensez-vous du climat dans lequel se déroulent aujourd’hui les relations diplomatiques entre la fédération de Russie et le Saint-Siège ?
ANTONIO MENNINI: Il me semble fondamentalement que, ces dernières années, les relations avec les autorités de l’État ont été marquées par une entente réciproque et par le respect des valeurs fondamentales, humaines et chrétiennes. Du reste, le Saint-Siège et la fédération de Russie ont souvent soutenu d’un commun accord, au niveau national et international, les mêmes positions humanitaires et éthiques au sein d’importants organismes internationaux.

À part la rigidité non absolue des positions, quelle était en URSS la réalité sociale effective en ce qui concerne la religion (“opium du peuple”) ?
MENNINI: Je crois qu’il est utile, et même indispensable, de faire une distinction – qui malheureusement est systématiquement ignorée –, quand on aborde le thème de la religion en Union Soviétique. Si l’on se réfère à l’État, je ne parlerais pas de “rigidité non absolue des positions”: pour l’État soviétique, il a toujours été très clair qu’il fallait supprimer la foi et que l’Église devait être utilisée en toute occasion pour tirer d’elle le plus grand profit possible – en la mettant de façon exemplaire au poteau comme ennemi de classe, ou en l’exhibant aux congrès internationaux pour la paix, selon les circonstances. La société, elle, était une autre chose. Elle n’avait aucune possibilité de s’exprimer comme opinion publique mais, même dans un moment aussi tragique que l’année 1937, dans un recensement qui a été ensuite rigoureusement archivé et tenu secret, elle s’est exprimée en majorité (56,7%) comme croyante orthodoxe, démontrant ainsi avec évidence que la politique anti-religieuse du gouvernement bolchevique avait été un échec. Un autre facteur non négligeable qui caractérise la “réalité sociale” du point de vue religieux peut être résumé par la célèbre expression de l’écrivain Nikolaï Leskov, selon lequel «la Russie fut “baptisée”, certes, mais ne fut pas “éduquée” dans le christianisme». D’où le phénomène d’une appartenance intérieure, intuitive, parfois viscérale de la personne qui voit justement dans l’Orthodoxie le fondement de son identité, y compris du point de vue national et culturel, mais pour qui cette appartenance ne devient pas un principe de discernement dans les choix culturels, sociaux et politiques. Cela a fait qu’à l’époque soviétique le peuple a pu parfois participer lui-même à la destruction d’églises et au massacre de prêtres. Ce dualisme de fond n’est pas, même aujourd’hui, complètement dépassé, il est justement l’un des aspects missionnaires sur lesquels les pasteurs les plus éclairés de l’Église orthodoxe insistent le plus.

L’Église clandestine avait-elle quelque rapport avec celle que l’on pourrait appeler officielle ?
MENNINI: Des rapports profonds entre ces deux réalités ont certainement continué à exister malgré les tensions officielles et le véritable schisme qui s’est créé à la suite des pressions exercées par l’État sur la hiérarchie de l’Église orthodoxe russe, quand, pour essayer de sauver une présence minimale de l’Église, le métropolite Serge s’est résolu, en 1927, à signer la “Déclaration” de loyauté à l’État. Preuve en est que, depuis 1944, c’est-à-dire depuis que l’Église orthodoxe a eu la possibilité de restaurer canoniquement sa hiérarchie, une grande partie des communautés des catacombes est rentrée dans le sein du Patriarcat de Moscou, mettant ainsi fin à la division. De plus, récemment, l’Église orthodoxe russe a décidé que devaient être canonisés comme martyrs tous ceux qui ont subi la mort pour la foi, qu’ils aient appartenu à l’Église officielle ou à la communauté de l’Église clandestine. On doit, sous bien des aspects, à ces communautés des catacombes, la continuation de l’expérience ecclésiale, même dans les années les plus sombres (que l’on pense, par exemple, à ce qu’a fait le père Aleksandr Men’, né et élevé dans l’une d’elles). Le régime était lui aussi convaincu, du reste, de l’unité dernière de l’Église et du danger qu’elle représentait pour l’idéologie, qu’il eût à faire à des croyants “irréductibles”, ou qu’il trouvât devant lui des ministres du culte disposés à accepter des compromis: le régime de 1937-38 n’a fait d’exceptions d’aucune sorte et a fusillé systématiquement, sans distinction, des représentants de l’Église officielle et de l’Église clandestine.

L’invitation de deux délégués de Moscou au Concile Vatican II a-t-elle eu une signification et une répercussion importantes ?
MENNINI: Durant cet épisode, se sont entremêlés des intérêts et des facteurs de nature diverse: pour l’État, le facteur politique international était certainement prédominant, comme on peut le constater à la lumière des documents d’archives qui ont été rendus publics avec la perestroïka, mais il est indubitable qu’ont été atteints d’importants objectifs de nature ecclésiale. Ce dernier aspect est lié à l’extraordinaire et complexe personnalité du métropolite Nikodim, un grand diplomate et aussi un éminent pasteur et homme de foi, sans aucun doute le metteur en scène de cette opération, qui a inauguré l’époque des contacts œcuméniques – dictés par la nécessité de répondre au mandat de l’État mais aussi par une réelle préoccupation ecclésiale – qui n’avaient jusqu’alors jamais eu lieu entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique et ouvert des perspectives plus vastes pour la vie de l’Église à l’intérieur du pays.

Aux funérailles d’Eltsine, auxquelles j’ai participé, j’ai été frappé par la longueur de la cérémonie – trois heures environ – et en particulier par l’éloge funèbre. Cependant, c’était une nouveauté. Dans d’autres funérailles d’État, il n’y avait eu aucun moment religieux, mais seulement d’interminables défilés de militaires et des représentants des différentes catégories de la population.
MENNINI: Laissant à la postérité le soin de porter un jugement historique définitif, il me semble pouvoir dire qu’Eltsine a été, en beaucoup de sens, “le premier”: le premier chef démocratique de la Russie rénovée, un homme qui a su mettre fin au régime sans guerres civiles et sans effusion de sang, qui a fait redémarrer une économie, un pays dans une grave crise… et il a aussi été le premier gouvernant russe du XXe siècle à avoir des funérailles religieuses. Disons même qu’avec lui s’est posé le problème de la reformulation du rite funèbre, du moment qu’il n’existait pas de précédents de funérailles religieuses de chefs d’État; on est donc revenu à la formulation qui était en usage pour les tsars, appelés par leur prénom et leur patronyme, alors que les simples citoyens sont commémorés simplement par leur prénom accompagné de l’expression, «serviteur de Dieu». La solennité des obsèques et du rite religieux, que vous vous rappelez, ainsi que l’atmosphère émue qui régnait en ces jours, dans le pays, ont été indubitablement une façon de reconnaître la grandeur d’Eltsine et le rôle qu’il a joué dans la vie de la Russie.

À propos de tsars: un jour, Gromyko m’a dit en plaisantant que, dans les campagnes, les paysans ne savaient pas qu’ils n’existaient plus; parce qu’avant ils étaient écrasés par les tsars et que, maintenant, ils l’étaient par le “parti”.
MENNINI: Il me semble que cette réflexion – qui est un lieu commun de l’historiographie marxiste et pas seulement marxiste – a réellement, dans la bouche de Gromyko, une tonalité sinistre, cynique qui marque la totale indifférence de son auteur à ce problème: la nomenklatura soviétique ne pouvait pas ne pas parfaitement connaître la tragédie de la campagne russe et ukrainienne, soumise à plusieurs reprises – la guerre civile, les famines qui s’en sont suivies, la “dékoulakisation” – à une répression telle qu’elle justifie la discussion qui occupe actuellement l’historiographie internationale et qui porte sur la question de savoir s’il faut ou non aller jusqu’à parler de “génocide”, au moins culturel, face à des répressions qui ont renversé une civilisation entière, avec sa culture et son mode de vie (la crise actuelle des campagnes et le dépeuplement de régions entières en Russie en sont une preuve).

C’est un réconfort, entre autres pour les petites communautés catholiques présentes dans la fédération, d’avoir un ambassadeur résident, comme l’est le nonce à Moscou: vous pouvez leur apporter le message du Pape.
MENNINI: Certainement. Je crois qu’au-delà des tâches diplomatiques et administratives confiées à tout représentant du Saint-Siège dans le monde, l’aspect le plus réconfortant et passionnant de la mission de nonce est de pouvoir soutenir l’espoir des hommes, en témoignant que le Christ ressuscité est proche d’eux et a un visage – le visage de l’Église et du Pape. Un témoignage qui embrasse toutes les cultures, les nationalités et les traditions. Puis, en ce qui concerne la Russie, le magistère des deux derniers Souverains Pontifes que je me suis trouvé à représenter dans le cours de ma mission, est particulièrement significatif et je crois que, pour l’Église catholique en Russie, il est d’une importance vitale de le comprendre et de l’approfondir. Je me réfère, par exemple, à ce qu’a souligné Jean Paul II, à savoir que le Christ est Seigneur du cosmos et de l’histoire, Rédempteur de l’homme et insistant Mendiant de son amour, Présence vive qui transfigure toute la réalité et pénètre dans tous les méandres de l’histoire. En ce qui concerne la personne de Benoît XVI, il faut remarquer que le cardinal Ratzinger s’était imposé à l’estime et à la considération des orthodoxes bien avant d’avoir été élu Pape, en raison de sa profonde “catholicité” et de son attachement à la tradition, et que, devenu Souverain Pontife, il s’est conservé leur sympathie, ne serait-ce que pour son courage à “prendre des risques” dans le rapport avec l’Église orthodoxe, pour la délicatesse et l’estime qu’il a manifestées dans ses relations avec elle.

Même s’il ne s’agit pas encore de pleins rapports, les relations diplomatiques actuelles permettent et facilitent de très importants échanges de visites entre les responsables de la diplomatie, de la politique et de la culture, et des initiatives visant à renforcer la connaissance mutuelle, entre autres au niveau de la société. Est-il possible de faire encore des progrès sur cette voie ?
MENNINI: La diplomatie vaticane n’est qu’un instrument fait pour aider la vie de l’Église catholique locale à se développer organiquement, dans toutes ses composantes. En ce sens, c’est la nonciature qui présente les initiatives du Saint-Siège visant à solliciter un dialogue avec l’Église et la société russes. Je peux vous citer comme exemple les importants congrès catholiques-orthodoxes qui se sont déroulés en 2006, à Vienne et, en 2007, à Moscou, grâce à la collaboration entre le Conseil pontifical pour la Culture et le Département pour les Relations extérieures du Patriarcat de Moscou. Ces congrès ont eu le grand mérite de répondre aux préoccupations croissantes qui se font jour dans les milieux ecclésiastiques et laïques au sujet de l’éducation et des questions sociales. Sur ces thèmes, le Patriarcat de Moscou a des vues qui concordent largement avec les nôtres et cela nous incite à poursuivre et à intensifier notre action, dans la claire conscience que plus les Églises chrétiennes récupéreront la priorité de l’annonce du Christ présent, ce qui est leur mission fondamentale, plus elles sauront trouver les instruments et les langages communs dans tous les domaines de la vie.

Nous trouvons un autre exemple positif et intéressant dans l’œuvre accomplie à partir de 2004 par la Commission mixte catholique-orthodoxe, qui s’est réunie régulièrement depuis cette date et a cherché à traiter de questions concrètes, en en faisant ressortir les difficultés et les points controversés, mais aussi en mettant en lumière les témoignages de dialogue et de collaboration qui ont été donnés. Un premier résultat – qui n’est pas du tout négligeable – est que l’on a appris à dialoguer et à se confronter et que l’Église catholique locale a continué à se sentir “russe”, à sentir qu’elle participait au sort du pays dans laquelle elle vit.

Pouvons-nous, en évaluant les avantages réciproques, parler des acquisitions que les relations diplomatiques ont permis de faire jusqu’à présent ?
MENNINI: Je crois que la première acquisition positive est la possibilité de dialoguer avec facilité et amitié, de poser les problèmes et d’en chercher les solutions. Il ne me semble pas que le dialogue soit seulement un instrument servant à obtenir des facilités et des avantages. Il a, selon moi, une valeur en soi, parce qu’il implique un rapport d’estime et de confiance mutuelles sans lequel aucune acquisition ne saurait être considérée comme stable et durable. Je peux le constater quand j’aborde les innombrables problèmes qui se posent au représentant d’une mission diplomatique, des questions liées aux visas et aux permis de séjour – questions que la nouvelle réglementation introduite récemment dans les rapports entre l’Union européenne et la fédération de Russie rend aujourd’hui plutôt compliquées –, à l’examen de situations personnelles de prêtres et de religieux catholiques qui accomplissent leur mission en Russie, et à l’organisation de congrès et d’échanges culturels… Un résultat indirect mais tangible du “dialogue” dont je parlais a été, par exemple, l’initiative de la télévision d’État russe de présenter un document consacré au pape Benoît XVI – réalisé par “Aiuto alla Chiesa che soffre” et par le Centre de Télévision du Vatican – le jour de son anniversaire. Une initiative qu’on n’aurait pu espérer il y a seulement quelques années.

Vous avez aussi reçu récemment des marques officielles de reconnaissance de la part du Patriarcat de Moscou et de toutes les Russies. Quelles ont été jusqu’à présent vos relations avec Alexis II ?
MENNINI: Quand je suis venu en Russie pour accomplir la mission dont m’avait chargé le Saint-Père, j’étais bien conscient que j’allais me trouver dans une terre de grande et ancienne tradition chrétienne, une terre que j’admirais et essayais de connaître plus profondément depuis longtemps. Cette connaissance profonde me semble la seule base possible pour un authentique engagement œcuménique, dans lequel – du reste – j’ai toujours été guidé et soutenu par le magistère pontifical. Je pourrais vous citer à ce propos d’éloquentes paroles prononcées récemment par Benoît XVI, pendant la visite ad limina des évêques gréco-catholiques ukrainiens. À cette occasion, le Saint-Père a exhorté à promouvoir «l’œcuménisme de l’amour, qui découle directement du commandement nouveau laissé par Jésus à ses disciples». «L’amour», a-t-il dit, «accompagné de gestes cohérents engendre la confiance, ouvre les cœurs et les yeux. Le dialogue de la charité, de par sa nature, promeut et illumine le dialogue de la vérité: c’est en effet dans la pleine vérité qu’aura lieu la rencontre définitive à laquelle conduit l’Esprit du Christ». Je dois dire que, malgré les indéniables difficultés inhérentes au dialogue entre Églises sœurs, j’ai toujours trouvé dans l’Église orthodoxe russe et, en particulier, chez le patriarche Alexis, une attitude de grand respect et de grande attention à l’égard de la tradition catholique et du magistère pontifical. Et, personnellement, dès notre première rencontre, j’ai été frappé par la cordialité avec laquelle il m’a accueilli, j’oserais dire l’“amitié” dont je me suis senti et me sens honoré.

Votre séjour en Russie vous permet, par ailleurs, de faire une expérience merveilleuse: celle de célébrer pratiquement deux fois par an, en raison des calendriers liturgiques différents, les fêtes de Noël et de Pâques…
MENNINI: La liturgie orientale exerce indubitablement une grande fascination et nous ramène aux sources de la prière, de la communion entre l’homme et Dieu, comme n’a pas manqué de le remarquer Jean Paul II, par exemple dans le document Orientale lumen, dans lequel il invitait les Occidentaux à retrouver cette partie de la tradition ecclésiale souvent tristement oubliée. En ce sens, c’est certainement un enrichissement de pouvoir participer aux deux célébrations liturgiques. Mais, d’autre part, cette joie est freinée par le fait que célébrer séparément les grandes solennités du calendrier chrétien est aussi le signe de la blessure de la division entre les deux Églises, une blessure vécue aussi quotidiennement, par exemple, à l’intérieur de familles dont les membres appartiennent aux deux confessions… Il faut souhaiter que l’on arrive à des solutions, déjà pratiquées dans d’autres pays du monde, qui favorisent l’enrichissement liturgique réciproque entre les deux traditions en faisant concorder les dates des grandes solennités, de sorte que nous puissions vivre ensemble les périodes de préparation et que nous nous réjouissions ensemble du Mystère salvifique qui se célèbre.

À quel point en est, selon vous, le chemin vers l’unité entre les deux Églises sœurs, unité à laquelle le pape Benoît XVI a consacré d’importants passages dans son discours d’intronisation ?
MENNINI: Je dirais que, des deux côtés, il faut regarder avec sérénité, sans préjugés ni complexes, l’histoire des relations entre Église orthodoxe et Église catholique en territoire russe. Les incompréhensions et les oppositions qui ont existé (et qui existent encore partiellement aujourd’hui) font partie d’un processus naturel, qui répond pleinement à la logique de la situation difficile, douloureuse, dans laquelle les deux communautés ecclésiales ont vécu pendant des décennies et vivent encore. Si, avec la perestroïka, l’Église orthodoxe russe est sortie d’une longue période de persécutions et d’épreuves, dépourvue d’instruments et de ressources humaines, nous ne pouvons pas non plus oublier que l’Église catholique en Russie a elle aussi vécu, de fait, avant la perestroïka, pendant des décennies, enfermée en elle-même, privée de pasteurs locaux et isolée par rapport à l’autorité ecclésiastique centrale, au point qu’elle a eu besoin ensuite, en 1991, d’une hiérarchie et de “missionnaires” envoyés de l’étranger pour pouvoir commencer à restaurer ses structures essentielles. Les communautés catholiques présentes sur les territoires de la fédération de Russie ne savaient que peu de chose, par exemple, de l’intense travail de réforme réalisé par le Concile Vatican II et des instruments fournis par le magistère ecclésial dans les dernières décennies, pour répondre aux défis de notre temps. Il ne faut pas non plus oublier les problèmes linguistiques et culturels, l’inévitable écart de mentalité et de conception qui existe entre les “missionnaires” envoyés en Russie – prêtres et religieuses qui ont travaillé et qui travaillent, du reste, avec un grand dévouement et un grand esprit de sacrifice, pour la croissance de l’Église – et la population russe, qui, d’un côté, souffre du lourd héritage idéologique soviétique, mais qui, de l’autre, possède aussi une noble et profonde culture, inévitablement “autre” par rapport à celle de l’Europe occidentale et centre-orientale.

Il était inévitable que le contact entre ces deux réalités ecclésiales, si éprouvées par les événements historiques et encore peu sûres de leur identité, provoquât des frictions douloureuses mais il me semble pouvoir observer, au fur et à mesure que les deux Églises croissent et se consolident, une capacité renouvelée de dialogue et de collaboration dans différents domaines. Certainement, les domaines culturel, éducatif et social sont privilégiés, ne serait-ce que parce que la conscience qu’il faut répondre ensemble aux défis croissants lancés par la société séculariste devient de plus en plus forte. Il me semble pouvoir voir, actuellement, à différents niveaux – du niveau diplomatique officiel à celui des échanges de caractère universitaire et académique ou diocésain et paroissial –, un effort croissant des deux côtés. Et une connaissance plus approfondie ne pourra que favoriser la cause de l’unité.

Dans vos visites aux communautés catholiques en Russie, de quelle façon réussissez-vous à transmettre à nos frères orthodoxes le message concret qui explique que l’Église catholique ne fait pas de prosélytisme ?
MENNINI: Vous citiez tout à l’heure le discours prononcé par Benoît XVI peu après son élection, dans lequel le Pape déclarait sa ferme intention de contribuer à l’instauration, au développement et à la consolidation de relations fraternelles, pleines d’amour et de confiance, avec toutes les Églises orthodoxes – et, parmi elles, et non la dernière, avec l’Église orthodoxe russe. Je crois que pour surmonter la défiance et la peur à l’égard de l’autre et pour vivre droitement son propre témoignage de foi, il ne faut rien faire d’autre que de suivre ce “cœur” dont parlait le Saint-Père et de revenir continuellement à une pensée de saint Benoît qu’il aime beaucoup citer: «Nihil amori Christi praeponere».

En d’autres termes, les instruments ne sont pas politiques. Les instruments, ce sont les vertus chrétiennes et, en premier lieu, la charité fraternelle. C’est le principe auquel j’ai toujours cherché à me tenir dans mon travail en Russie: j’ai toujours essayé d’accroître la connaissance et l’estime réciproques qui naissent de notre vocation chrétienne commune. Dans cet esprit, tout pas concret a son importance, mais hors de cet esprit, tout n’est que pure formalité, laquelle ne réussit pas à vaincre les défiances et les fermetures.

Pour conclure, à quel rôle les catholiques russes peuvent-ils aspirer dans leur société ?
MENNINI: Pendant des années, l’Église en Occident s’est nourrie des richesses de la tradition de l’Orient chrétien: pensons, pour ne citer que quelques exemples, au rôle qu’ont joué la théologie de l’icône et la philosophie religieuse russe – Khomiakov, Soloviev et ainsi de suite – , car ce sont elles qui nous ont permis d’avoir une plus grande conscience de notre identité chrétienne et de son universalité. Il faut ajouter à cela le témoignage des martyrs russes du XXe siècle qui ont souvent apporté une sève nouvelle, un renouveau de vitalité à nos communautés occidentales embourgeoisées. Aujourd’hui, la contribution de l’Église catholique pourrait peut-être consister à offrir à l’Église et à la société russes son témoignage et son expérience de présence chrétienne, surtout dans les domaines culturel et social qui, pour des raisons historiques, sont restés en Russie, pendant longtemps, le monopole du régime athée. Il me semble que les catholiques russes pourront trouver leur place et découvrir leur mission à l’intérieur de la société, dans la mesure où ils acquerront une connaissance et une expérience plus profondes de leur propre tradition, de leur propre “catholicité”.
 

Sources :  Interview d’Antonio Mennini par Giulio Andreotti /30 Giorni

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

Eucharistie, sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 21.07.08 - T/Oecuménisme

 

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