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Soi-disant synodalité, puisque que le Pape François fait tout
lui-même
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Le 18.06.2024 -
E.S.M.
- Le synode d’octobre qui était censé être
le couronnement de l’œuvre ambitieuse du Pape François
entamée en 2021 finira par discuter seulement… de
synodalité. Un mois entier de discours de la méthode.
Parce que c’est le Saint-Siège, pour ne pas dire le
Pape, qui s’est saisi de toutes « les thématiques de
grande importance » qui étaient ressorties de la
précédente session. Ce dernier a, de son côté, mis sur
pied une dizaine de « groupes d’étude » qui seront
chargés de réexaminer par le menu les « questions
doctrinales, pastorales et éthiques controversées » pour
en remettre les premiers résultats en juin 2025.
S.M.
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Soi-disant synodalité, puisque que le Pape François fait tout lui-même
Le 18 juin 2024 -
E.S.M. -
En fin de compte, le synode d’octobre qui était censé être le
couronnement de l’œuvre ambitieuse du Pape François entamée en 2021
finira par discuter seulement… de synodalité. Un mois entier de
discours de la méthode. Parce que c’est le Saint-Siège, pour ne pas
dire le Pape, qui s’est saisi de toutes « les thématiques de grande
importance » qui étaient ressorties de la précédente session. Ce
dernier a, de son côté, mis sur pied une dizaine de « groupes
d’étude » qui seront chargés de réexaminer par le menu les «
questions doctrinales, pastorales et éthiques controversées » pour
en remettre les premiers résultats en juin 2025
Mais ce n’est pas tout. Parce que dans les faits, le Pape François fait
tout lui-même. Il suffit de prêtre attention à la coïncidence temporelle
qui, le même jour, le 18 décembre dernier, a vu sortir à la fois le
document qui a muselé la prochaine session synodale et la déclaration « Fiducia
supplicans » qui a tranché par une décision solitaire venue d’en-haut la
sempiternelle controverse pour ou contre la bénédiction des couples
homosexuels, l’autorisant en dépit de l’opposition vigoureuse d’épiscopats
continentaux entiers et la critique frontale de l’ensemble des Églises
orthodoxes et orientales
Les « questions controversées » dont le Pape s’est saisi sont grosso modo
les mêmes que celles sur lesquelles le « chemin synodal » de l’Église
catholique d’Allemagne s’est engagé ces dernières années : prêtres mariés,
nouvelle morale sexuelle, ordination sacrée des femmes. Depuis Rome, le Pape
François est parvenu à grand-peine à empêcher le synode Allemand de prendre
des décisions susceptibles de provoquer un schisme. Mais dans le même temps,
il a laissé dans toute l’Église cohabiter des opinions opposées, des
opinions qui se traduisent bien souvent en actes. Quant à lui, il se
contente de descendre de temps à autre dans l’arène pour trancher l’une ou
l’autre question par des gestes ou des déclarations expéditives mais jamais
concluantes, qui enflamment davantage la controverse plutôt que de
l’apaiser
Ces dernières semaines, le Pape s’est exprimé publiquement sur au moins
trois questions. Sans en résoudre aucune mais, au contraire, en les
compliquant davantage
*
La première question est une sorte de coda à la polémique sur la
bénédiction des couples homosexuels. Dans une
interview à Norah O’Donnell de la chaîne américaine CBS, le Pape
François a déclaré que « la bénédiction est pour tout le monde », pas des
couples mais bien des personnes parce que « ce que j’ai permis ce n’était
pas de bénir l’union »
Certains ont vu dans ces déclarations du Pape une correction restrictive
de « Fiducia supplicans ». Mais d’autres n’y ont vu qu’un simple artifice
rhétorique. Ce qui dans tous les cas ne change rien à la pratique actuelle
où l’on bénit déjà, ensemble, deux homosexuels qui célèbrent leur union,
certains qu’à Rome personne ne les rappellera à l’ordre pour leur enjoindre
de les bénir séparément, l’un après l’autre
*
La seconde question est celle de l’admission des homosexuels au
sacerdoce
Sur ce point précis, le Saint-Siège avait pris position en 2005, dans une
instruction de la Congrégation pour l’éducation catholique qui imposait
de ne pas admettre dans les séminaires ceux qui « pratiquent
l’homosexualité, présentent des tendances homosexuelles profondément
enracinées ou soutiennent la soi-disant culture gay »
La seule exception autorisée concernant les « tendances homosexuelles
n’étant que l’expression d’un problème transitoire » qui devaient cependant
« être clairement dépassées au moins trois ans avant l’ordination »
Et dans les faits, au cours des années qui ont suivi, la pratique s’est
répandue en de nombreux endroit d’exclure des ordres sacrés ceux qui
pratiquaient l’homosexualité ou soutenaient l’idéologie « gender » et
d’admettre en revanche ceux qui, bien qu’ils aient une « orientation
homosexuelle » ne la mettaient pas en pratique avec des personnes de même
sexe et s’engageaient à rester fidèles à la chasteté du sacerdoce, à
l’instar des candidats hétérosexuels
Cette distinction, entre orientation et pratique homosexuelle, a
notamment été défendue et argumentée par le cardinal
Giuseppe Versaldi dans son livre sorti cette année, « Chiesa e identità
di genere », présenté et partagé dans son intégralité par le quotidien de la
Conférence épiscopale italienne « Avvenire » dans le numéro du 21 avril
dernier
En 2015, le Pape François avait nommé le cardinal Versaldi Préfet de la
Congrégation pour l’éducation catholique, autrement dit du dicastère du
Vatican – aujourd’hui fusionné avec celui pour la culture – qui s’est
toujours occupé de cette question, et il était resté en poste jusqu’en 2022
La Conférence épiscopale italienne elle-même est en train de plancher sur
un document, une « Ratio » sur la formation dans les séminaires, qui
concorde avec les positions de Versaldi. Et le vice-président de la CEI,
Mgr Francesco Savino, évêque de Cassano all’Ionio, a confirmé à
plusieurs reprises que le sacerdoce est accessible « aussi bien aux homos
qu’aux hétéros » pour autant « qu’ils soient capables de bien vivre leurs
promesses quant à l’obéissance, à la pauvreté et à la chasteté »
Mais le Pape François ? Il semblerait qu’il ne soit pas du même avis, si
l’on s’en tient à ce qu’il a déclaré le 20 mai aux deux cents évêques
italiens réunis pour leur assemblée annuelle :
« Il y a par endroits un air de cage aux folles qui ne fait pas de bien.
Il y a une culture actuelle de l’homosexualité telle qu’il est préférable de
ne pas accueillir ceux qui ont des tendances homosexuelles au séminaire,
parce qu’il est très difficile pour un garçon qui a cette tendance de ne pas
chuter par la suite. »
Cette déclaration du Pape, prononcée à huis clos mais qui a filtré de
plusieurs sources
Au plus fort de la polémique, la salle de presse du Vatican a publié un
communiqué embarrassé avec les « excuses » du pape « à ceux qui se sont
sentis blessés ». Des excuses que le Pape François n’a visiblement pas pris
trop au sérieux, vu la manière dont il est revenu à deux reprises sur le
sujet quelques jours plus tard, se contredisant plutôt que de clarifier les
choses
En premier lieu, dans un
échange épistolaire entre lui et un jeune candidat au sacerdoce angoissé
à l’idée de se voir claquer au nez la porte du séminaire, une lettre rendue
publique le 2 juin dans « Il Messaggero » dans laquelle le Pape François a
écrit de sa main ces mots en contradiction apparente de ce qu’il avait dit
aux évêques italiens : « Jésus appelle tout le monde, tout le monde.
Certains considèrent l’Église comme une douane, et c’est mauvais. L’Église
doit être ouverte à tous. Frère, va de l’avant avec ta vocation »
Mais ensuite, le Pape François a de nouveau utilisé le terme « cage aux
folles » en
parlant le 12 juin devant un grand groupe de prêtres du diocèse de Rome
Après avoir à nouveau répété l’exclusion des homosexuels des séminaires –
en guise de démenti à ce qu’il venait d’écrire à ce jeune – le Pape a
poursuivi en déclarant :
« Un jour, un monseigneur qui travaille au Vatican m’a dit : ‘Sainteté,
je veux dire quelque chose, je suis inquiet de la culture gay ici dedans’.
Je lui ai dit : ‘Oui, il y a un air de cage aux folles, c’est vrai, au
Vatican il y a de ça. Mais écoutez, monseigneur, aujourd’hui pour notre
culture [la cage aux folles] c’est un honneur »
À ce stade, il n’est plus possible de croire qu’il ne s’agit que
d’intempérances de langage isolées. Ils sont nombreux, au Vatican et
en-dehors, à manifester leur embarras après avoir entendu le Pape, dans des
entretiens privés avec eux, utiliser habituellement le mot méprisant
« tapette » [en italien : frocio] pour désigner les homosexuels,
sans se préoccuper du fait qu’il a lui-même protégé et nommé certains
prêtres et évêques qui – si l’on s’en tient à son veto – n’auraient même pas
dû être admis au séminaire
*
Troisième question, celle des femmes diacre
Au cours de la même
interview sur la chaîne CBS, le Pape François a exclu toute ordination
sacramentelle des femmes au diaconat. « S’il s’agit de diacres avec les
ordres sacrés, non », a-t-il déclaré. « Les femmes ont toujours eu,
dirais-je, la fonction de diaconesses sans être diacres, c’est juste ? Les
femmes rendent de grands services en tant que femmes, et pas en tant que
ministres dans ce sens-là, dans les ordres sacrés. Donne de la place aux
femmes dans l’Église, ça ne signifie pas leur donner un ministère »
Concernant l’ordination des femmes à la prêtrise, on sait que le Pape
François a toujours déclaré que « la porte est fermée », s’alignant ce cela
sur ce que son prédécesseur Jean-Paul II avait déjà décrété « avec une
formulation définitive »
Mais à propos de l’ordination des femmes au diaconat, jusqu’à
aujourd’hui, le Pape François s’était déjà exprimé à plusieurs reprises en
laissant la porte entrouverte. En 2016, il avait mis sur pied une commission
d’étude qui avait produit des conclusions discordantes. Et en 2020, il en
avait institué une autre, toujours pour reconstruire la question du point de
vue historique et vérifier s’il y avait réellement eu des femmes diacre dans
l’Église primitive
Cette deuxième commission n’a pas encore achevé ses travaux. Mais
entretemps, lors de la session du synode d’octobre 2023, les évêques ont
approuvé un
rapport final dans lequel on souhaitait que « la recherche théologique
et pastorale sur l’accès des femmes au diaconat se poursuivre, en s’appuyant
sur les résultats des commissions instituées à cet effet par le Saint-Père
et des recherches théologiques, historiques et exégétiques déjà réalisées »
En effet, on ne compte plus les experts qui ont publié des essais pour
promouvoir l’ordination des femmes au diaconat, si pas au presbytériat et au
diaconat. Pour n’en citer que quelques-uns l’ayant fait tout récemment à
Rome et en Italie, on pense à l’ouvrage du théologien
Andrea Grillo « L’accesso delle donne al ministero ordinato » ; ou bien
à la prise de position du doyen des théologiens italiens
Severino Dianich dans le dernier numéro de la semi-officielle « Rivista
del Clero » ; ou encore à l’essai audacieux du grand bibliste jésuite
Francesco Rossi De Gasperis (1923-2024) publié peu après sa mort dans
« Il Regno » d’avril dernier dans lequel, sur base de la Lettre aux Hébreux,
il voit tous les baptisés, hommes et femmes, participer aux sacerdoce du
Christ ressuscité, sans qu’il soit besoin d’ordination sacrée ultérieure
sinon pour des « ministères contingents » comme le diaconat, le presbytérat
et l’épiscopat, qui doivent être confiés sans exclure personne, même à des
femmes et à des gens mariés
Dans le rapport final de l’avant-dernière session du synode, les Pères
synodaux avaient voté la demande de soumettre la question des femmes diacre
« à la prochaine session de l’assemblée », celle qui est programmée en
octobre prochain
Mais le Pape François a déjà fait en sorte de clôturer le débat. C’est
cela aussi, sa « synodalité » : un « non » solitaire et inattendu dans une
interview à la télé.
Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire
L’Espresso.
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Sources
: diakonos.be-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 18.06.2024
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