Les homélies de Benoît XVI sont le
modèle que veut le synode des évêques |
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Rome, le 17 octobre 2008 -
(E.S.M.)
- Pour améliorer le niveau de qualité de la prédication, les
pères synodaux proposent une "feuille de route". Mais il existe un
modèle vivant: Benoît XVI. Voici la méditation improvisée par laquelle
il a ouvert les travaux du synode, alors que s'écroulaient les bourses
du monde entier
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Les homélies de Benoît XVI sont le modèle que veut le synode des évêques
Le 17 octobre 2008 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Pour améliorer le niveau de qualité de la prédication, les pères synodaux
proposent une "feuille de route". Mais il existe un modèle vivant : Benoît
XVI. Voici la méditation improvisée par laquelle il a ouvert les travaux du
synode, alors que s'écroulaient les bourses du monde entier.
En neuf jours de discussion générale dans la grande salle, le synode des
évêques consacré à "La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église"
a accordé une large part de son attention aux homélies.
En lançant la discussion – qui a ensuite continué par groupes linguistiques
– le cardinal rapporteur Marc Ouellet a rappelé que, pour la plupart des
catholiques du monde entier, l'homélie dominicale est en effet le seul
moment d’écoute et de méditation des Écritures Saintes, qui ont été lues
juste avant au cours de la messe.
D’où son importance cruciale et donc l'urgence – soulignée par beaucoup
d’interventions – d’améliorer la qualité des homélies par rapport au niveau
moyen actuel, notoirement insuffisant.
Mgr Ouellet a repris et relancé la proposition – faite par plusieurs pères synodaux – d’une "feuille de route"
pour aider les évêques, les prêtres et les diacres à préparer le mieux
possible l'homélie de la messe. L’évêque de Tucson, Gerald Kicanas,
vice-président de la conférence des évêques des États-Unis, avait même
suggéré de faire suivre l'actuelle Année Paulinienne d’une Année de la
Prédication en 2009.
Ouellet a également attiré l'attention sur l’amplification de l'écoute et de
la vision des Écritures Saintes par la musique et les arts figuratifs,
amplification encore vivante dans les Églises de rite oriental par rapport à
l'appauvrissement musical et pictural qui pénalise aujourd’hui les Églises
de rite latin.
Ni les interventions en salle, ni le rapport final n’ont fait référence à
des modèles concrets d’homélies à prendre en exemple.
Mais il y avait déjà parmi les pères un prédicateur exemplaire : le pape
Benoît XVI en personne.
Les homélies liturgiques sont un sommet du pontificat de Joseph Ratzinger.
Le moins fréquenté, le moins connu, mais peut-être le plus fascinant,
l’expression la plus authentique de sa pensée. En général c’est lui qui les
écrit et parfois les improvise.
Même les rapides commentaires des lectures bibliques de la messe du jour
qu’il fait presque chaque dimanche avant l'Angélus sont des chefs-d’œuvre de
prédication.
Certains prêtres américains s’en sont aperçus et les prennent comme fil
conducteur pour leurs homélies du même dimanche. En effet, quand le pape
récite à Rome l'Angélus de midi, le jour se lève en Amérique: il est 5h30 du
matin à Mexico, 6h30 à Miami, Lima et Bogota, 7 heures à Caracas, 7h30 à
Buenos Aires et Santiago du Chili, 8h30 à Rio de Janeiro.
Des agences de presse catholiques américaines comme
traduisent et diffusent immédiatement en espagnol, portugais et anglais les
Angélus de Benoît XVI. Qui provoquent un pic de connexions.
C’est aussi de cette façon que le pape fait école. Et ce sera encore plus
vrai quand, dans trois semaines, les éditions Scheiwiller publieront en
Italie un livre – le premier du genre – réunissant toutes les homélies
prononcées par Benoît XVI au cours de la dernière année liturgique.
Pour en revenir au synode, il y a surtout une homélie
qui a particulièrement impressionné les pères. Celle que Benoît XVI a
prononcée dans la salle du synode au matin du 6 octobre, premier jour des travaux, pendant la
récitation de l’Heure de Tierce de l'Office Divin.
Benoît XVI l'a entièrement improvisée. Les médias du monde entier n’en ont
repris que le passage dans lequel le pape a fait allusion à "l’écroulement
des grandes banques". Mais c’est la totalité de l’homélie qu’il faut lire et
savourer. (Sandro Magister)
La voici, transcrite et traduite :
"Seule la Parole de Dieu est le fondement de toute la réalité"
Chers frères dans l'épiscopat, chers frères et sœurs, au début de notre
synode, la Liturgie des Heures nous propose un extrait de l'important Psaume
118 sur la Parole de Dieu: un éloge de sa Parole, expression de la joie
d'Israël de pouvoir la connaître et, à travers elle, de pouvoir connaître sa
volonté et son visage. Je voudrais méditer avec vous certains des versets de
cet extrait du Psaume.
Il début ainsi: "In aeternum, Domine, verbum tuum constitutum est in caelo...
firmasti terram, et permanet". Il parle de la solidité de la Parole. Elle
est solide, elle est la vraie réalité sur laquelle fonder notre propre vie.
Rappelons-nous la parole de Jésus qui continue cette parole du Psaume: "Le
ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point".
Humainement parlant, la parole, notre parole humaine, n'est presque rien
dans la réalité, à peine un souffle. A peine prononcée, elle disparaît.
Comme si elle n'était rien. Mais la parole humaine a déjà une force
incroyable. Ce sont les mots qui créent ensuite l'histoire, ce sont les mots
qui donnent forme aux pensées, les pensées desquelles viennent la parole.
C'est la parole qui forme l'histoire, la réalité.
La Parole de Dieu est davantage encore le fondement de tout, elle est la
véritable réalité. Et pour être réalistes, nous devons justement compter sur
cette réalité. Nous devons changer notre idée que la matière, les choses
solides, qu'on peut toucher, seraient la réalité la plus solide, la plus
sûre. A la fin du Sermon sur la Montagne, le Seigneur nous parle des deux
possibilités de bâtir la maison de sa vie: sur le sable et sur la roche. Sur
le sable ne bâtit que celui qui bâtit sur les choses visibles, tangibles,
sur le succès, sur la carrière, sur l'argent. Telles sont apparemment les
vraies réalités. Mais tout cela, un jour, disparaîtra. Nous le voyons
aujourd'hui dans la faillite des grandes banques: cet argent disparaît, il
n'est rien. Aussi toutes ces choses, qui semblent être la véritable réalité
sur laquelle compter, ne sont qu'une réalité de deuxième ordre. Celui qui
bâtit sa vie sur ces réalités, sur la matière, sur le succès, sur tout ce
qui apparaît, bâtit sur du sable. Seule la Parole de Dieu est le fondement
de toute la réalité, elle est aussi stable que le ciel, plus stable que le
ciel, elle est la réalité. Nous devons donc changer notre concept de
réalisme. La personne réaliste est celle qui reconnaît dans la Parole de
Dieu, dans cette réalité apparemment si faible, le fondement de tout. La
personne réaliste est celle qui bâtit sa vie sur ce fondement qui reste en
permanence. C'est ainsi que ces premiers versets du Psaume nous invitent à
découvrir ce qu'est la réalité et à trouver de cette manière le fondement de
notre vie, et comment construire la vie.
Il est dit dans le verset suivant: "Omnia serviunt tibi". Toutes les choses
proviennent de la Parole, elles sont un produit de la Parole. "Au
commencement était le Verbe". Au début le ciel parla. C'est ainsi que la
réalité naît de la Parole, elle est "creatura Verbi". Tout est créé de la
Parole et tout est appelé à servir la Parole. Cela veut dire que toute la
création, à la fin, est pensée pour créer le lieu de la rencontre entre Dieu
et sa créature, un lieu où l'amour de la créature répond à l'amour divin, un
lieu dans lequel se développe l'histoire de l'amour entre Dieu et sa
créature. "Omnia serviunt tibi" L'histoire du salut n'est pas un événement
mineur, dans une planète pauvre, dans l'immensité de l'univers. Elle n'est
pas une chose minime, qui advient par hasard sur une planète perdue. Elle
est le mobile de tout, la raison de la création. Tout est créé pour
qu'advienne cette histoire, la rencontre entre Dieu et sa créature. En ce
sens, l'histoire du salut, l'alliance, précède la création. A l'époque
hellénistique, le judaïsme a développé l'idée que la Torah aurait précédé la
création du monde matériel. Ce monde matériel n'aurait été créé que pour
donner lieu à la Torah, à cette Parole de Dieu qui crée la réponse et
devient histoire d'amour. C'est ici que transparaît déjà mystérieusement le
mystère du Christ. C'est ce que nous disent les lettres aux Éphésiens et aux
Colossiens: le Christ est le "protòtypos", le premier né de la création,
l'idée pour laquelle a été conçu l'univers. Il accueille tout. Nous entrons
dans le mouvement de l'univers en nous unissant au Christ. On peut dire que,
alors que la création matérielle est la condition pour l'histoire du salut,
l'histoire de l'alliance est la vraie raison du cosmos. Nous arrivons aux
racines de l'être en arrivant au mystère du Christ, à sa parole vivante qui
est le but de toute la création. "Omnia serviunt tibi". En servant le
Seigneur nous réalisons le but de l'être, le but de notre propre existence.
Faisons à présent un saut: "Mandata tua exquisivi". Nous sommes toujours à
la recherche de la Parole de Dieu. Elle n'est pas simplement présente en
nous. Si nous nous arrêtons à la lettre, nous n'avons pas nécessairement
compris réellement la Parole de Dieu. Nous risquons de ne voir que les
paroles humaines et de ne pas trouver en leur sein le véritable acteur,
l'Esprit Saint. Nous ne trouvons pas dans les paroles la Parole. Saint
Augustin, dans ce contexte, nous rappelle les scribes et les pharisiens
consultés par Hérode au moment de l'arrivée des Mages. Hérode veut savoir où
serait né le Sauveur du monde. Ils le savent et donnent la réponse juste: à
Bethléem. Ce sont de grands spécialistes, qui connaissent tout. Et
cependant, ils ne voient pas la réalité, ils ne connaissent pas le Sauveur.
Saint Augustin dit: ils sont des indicateurs de direction pour les autres,
mais eux-mêmes ne se déplacent pas. Ceci est également un grand danger dans
notre lecture de l'Ecriture : nous nous arrêtons aux paroles humaines, aux
paroles du passé, à l'histoire du passé, et nous ne découvrons pas le
présent dans le passé, l'Esprit Saint qui nous parle aujourd'hui à travers
les mots du passé. Nous n'entrons pas ainsi dans le mouvement intérieur de
la Parole, qui en mots humains nous cache et nous ouvre les paroles divines.
Aussi a-t-on toujours besoin de l'"exquisivi". Nous devons être à la
recherche de la Parole dans les paroles.
L'exégèse, la vraie lecture de l'Écriture Sainte, n'est donc pas seulement
un phénomène littéraire, n'est pas la simple lecture d'un texte. C'est le
mouvement de mon existence. C'est se déplacer vers la Parole de Dieu dans
les paroles humaines. Ce n'est qu'en nous conformant au mystère de Dieu, au
Seigneur qui est la Parole, que nous pouvons entrer à l'intérieur de la
Parole, que nous pouvons vraiment trouver dans les paroles humaines la
Parole de Dieu. Prions le Seigneur pour qu'il nous aide à chercher non
seulement avec l'intellect, mais avec toute notre existence, pour trouver la
parole.
A la fin: "Omni consummationi vidi finem, latum praeceptum tuum nimis".Toutes
les choses humaines, toutes les choses que nous pouvons inventer, créer,
sont finies. Toutes les expériences religieuses humaines aussi sont finies,
montrent un aspect de la réalité, parce que notre être est fini et ne
comprend toujours qu'une partie, que certains éléments: "latum praeceptum
tuum nimis" Seul Dieu est infini. Aussi sa Parole est-elle universelle et ne
connaît-elle pas de frontières. En entrant donc dans la Parole de Dieu, nous
entrons réellement dans l'univers divin. Nous sortons de l'étroitesse de nos
expériences et entrons dans la réalité qui est vraiment universelle. En
entrant dans la communion avec la Parole de Dieu, nous entrons dans la
communion de l'Église qui vit la Parole de Dieu. Nous n'entrons pas dans un
petit groupe, dans la règle d'un petit groupe, mais nous sortons de nos
limites. Nous sortons vers le large, dans la vraie largeur de l'unique
vérité, la grande vérité de Dieu. Nous sommes réellement dans l'universel.
Et nous sortons ainsi dans la communion de tous nos frères et sœurs, de
toute l'humanité, parce que dans notre cœur se cache le désir de la Parole
de Dieu qui est une. Aussi l'évangélisation, l'annonce de l'Evangile, la
mission ne sont-elles pas une espèce de colonialisme ecclésial, par lequel
nous voulons insérer les autres dans notre groupe. C'est sortir des limites
de chaque culture dans l'universalité qui nous relie tous, nous unit tous,
nous fait tous frères. Prions de nouveau afin que le Seigneur nous aide à
entrer réellement dans la "largeur" de sa Parole et nous ouvre ainsi à
l'horizon universel de l'humanité qui nous unit avec toutes les différences.
Enfin, retournons de nouveau à un précédent verset: "Tuus sum ego: salvum me
fac". Le texte italien traduit: "Je suis tien". La Parole de Dieu est comme
une échelle sur laquelle nous pouvons monter et, avec le Christ, également
descendre dans la profondeur de son amour. C'est une échelle pour arriver à
la Parole dans les paroles. "Je suis tien". La parole a un visage, est une
personne, le Christ. Avant que nous puissions dire "Je suis tien", il nous a
déjà dit "Je suis tien". La Lettre aux Hébreux, citant le Psaume 39, dit:
"Mais tu m'as façonné un corps (...) Alors j'ai dit: Voici, je viens". Le
Seigneur s'est fait façonner un corps pour venir. Il a dit par son
incarnation: je suis tien. Et dans le baptême, il m'a dit: je suis tien.
Dans la sainte Eucharistie, il le dit toujours de nouveau: je suis tien,
afin que nous puissions répondre: Seigneur, je suis tien. Dans le chemin de
la Parole, en entrant dans le mystère de son incarnation, de son être avec
nous, nous voulons nous approprier son être, nous voulons nous exproprier de
notre existence, en Lui donnant ce qui nous a été donné.
"Je suis tien". Prions le Seigneur de pouvoir apprendre par toute notre
existence à dire cette parole. Ainsi serons-nous au cœur de la Parole. Ainsi
serons-nous sauvés.
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.

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Sources : Source
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