L’Église n’a pas pris la place
d’Israël dans le plan du salut |
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Le 17 septembre 2008 - (E.S.M.) -
Le Père Frédéric Manns, ofm, poursuit son cycle sur la Bible que
nous reproduisons à quinze jours du synode des évêques qui se
déroulera à Rome du 5 au 26 octobre 2008. Ce synode à été convoqué
par le Saint-Père Benoît XVI et a pour thème :
"la Parole de Dieu dans la vie et la mission de l'Eglise"
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Ancien
testament - Chapelle Sixtine -
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La parole de Dieu: Comment faire passer la Bible dans la catéchèse ?
Frédéric Manns, ofm
Un mot d’histoire
Le 17 septembre 2008 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
-
Avant de répondre à cette question, je crois qu’il est nécessaire de
commencer par une parenthèse historique.
Tout le monde se rappelle que l’Église de Jérusalem a ses lettres de
noblesse : elle a enseigné la liturgie au monde entier. La liturgie de
Jérusalem connue par le Journal d’Égérie souligne à l’évidence la place de
l’Écriture dans la liturgie. Lex orandi lex credendi. Le mystère
pascal y tenait une place toute spéciale. Autre rappel qui s’impose : les
catéchèses de St Cyrille de Jérusalem nourries de la Bible. D’ailleurs
l’Institut de catéchèse du Patriarcat latin était mis sous la protection de
St Cyrille. Deux autres figures de l’Église de Terre sainte doivent être
évoquées brièvement : Origène, qui à Césarée maritime a fondé le premier
centre biblique et catéchétique et Saint Jérôme qui après avoir traduit la
bible en latin l’a commentée pour les fidèles dans un but catéchétique.
Il est bon de rappeler aussi que pour les Pères de l’Église la catéchèse
suivait une double méthode : c’est tantôt par les livres sapientiaux qu’on
commençait pour montrer que c’est à partir des problèmes concrets des gens
qu’il faut partir pour chercher dans la sagesse biblique une réponse ; c’est
tantôt par les livres historiques qu’on s’ouvrait aux leçons de l’histoire.
La catéchèse sans la Bible, Ancien et Nouveau Testament, n’était pas
concevable. Bien plus, la Bible elle même n’est qu’un résumé de la catéchèse
que les Juifs et chrétiens faisaient dans leurs familles et dans leurs
assemblées de prières. Quand les Juifs célèbrent la Pâque, le texte biblique
d’Exode 12 exige du père de famille qu’il se fasse le catéchète de sa
famille : « Lorsque ton fils te demandera : que signifie cet acte de culte
tu lui répondras : C’est le sacrifice de la Pâque pour le Seigneur qui a
épargné les maisons des Israélites quand il a frappé l’Égypte »
(Ex 12,26).
Le Nouveau Testament, en particulier les Actes des Apôtres, relate de son
côté la catéchèse de la communauté primitive concernant le kérygme : la mort
et la résurrection de Jésus et la catéchèse de Jésus cheminant avec ses
disciples et leur ouvrant le livre de la nature pour les rapprocher de Dieu.
1. Difficultés dans le monde oriental de faire passer la Bible dans la
catéchèse.
Israël répète que la Bible est son livre que les chrétiens ont préféré
abandonner l’Ancien Testament pour se replier sur le Nouveau Testament.
Israël fait une lecture politique de la Bible. Ce livre sert à la formation
de base dans les écoles. Abandonner l’Ancien Testament aux Juifs de la part
des chrétiens, signifie accepter que la lecture politique de la Bible est
valable. Or toute la tradition néotestamentaire et patristique a toujours
affirmé que le christianisme ne retenait que la lecture christologie de l’Ancien
Testament.
Un exemple : dans la Bible Dieu promet la terre à Abraham. Les Juifs en
concluent que cette terre est à eux. Comment les chrétiens ont-ils relu
cette promesse à la lumière de la Béatitude : « Bienheureux les doux car ils
possèderont la terre ». Origène dans son traité sur Josué propose la lecture
chrétienne du don de la terre.
D’ailleurs dans le judaïsme le psaume 37 que Jésus cite dans la béatitude
était l’objet de nombreuses relectures. A Qumran hériter la terre signifiait
entrer dans la communauté de l’alliance. Philon d’Alexandrie disait
qu’hériter la terre signifiait s’ouvrir au don de la sagesse. Pour les
Pharisiens hériter la terre signifiait hériter la vie éternelle. Pour Jésus
hériter la terre, c’est accueillir le Royaume.
Une objection qu’on entend souvent pour écarter l’Ancien Testament c’est que
ce livre contient des scènes de violence et justifie la guerre sainte. Ceux
qui se scandalisent à la lecture de la Bible oublient que la violence fait
partie de la vie et que la Bible n’est pas un livre écrit pour les anges,
mais pour les hommes de chair et de sang.
2. Motifs pour intégrer la Bible à la catéchèse
Le monde oriental avec sa culture, sa mentalité, son sens du clan et de la
justice collective puise sa sève dans la mentalité biblique et continue à
subsister malgré la modernité. Le poids des traditions orientales est bien
connu.
Le motif fondamental pour intégrer la Bible dans la catéchèse c’est que le
Nouveau Testament est incompréhensible sans l’Ancien : les deux Testaments
ne forment que les moments d’une même et seule alliance. Impossible de
comprendre le symbolisme de la vigne sans se référer à Is 5, le motif du
berger sans relire Ézéchiel, le thème de l’alliance sans se référer à
Abraham. Pour comprendre le symbolisme des 153 poissons de Jean 21 il faut
se référer à Ez 47 où il est question des pêcheurs qui sont sur la rive de
la Mer morte de Ayn Gedi a Ayn Eglaim. Or la gematrie de Eglaim est 153.
Un motif supplémentaire pour revenir à l’Ancien Testament c’est que nos
fidèles sont au contact avec les Juifs, vont à l’armée en Galilée, et au
travail rencontrent des Juifs avec lesquels ils discutent. L’Église
s’interroge aujourd’hui sur ses rapports avec le peuple juif de façon plus
urgente depuis la visite du pape au mur occidental et à Yad washem. L’Épître
aux Romains, en particulier les chapitres 9-11, qui approfondit le mystère
d’Israël est l’objet de recherches toujours plus approfondies. Comment
concevoir la réconciliation entre la conscience chrétienne et le peuple juif
? Pour Paul la réconciliation plénière appartient à la fin des temps : la
réintégration d’Israël sera la résurrection des morts
(Rom 11,15).
Dans le
temps intermédiaire précédant le retour du Christ en gloire il est urgent de
trouver un chemin qui mène à la réconciliation : Israël et l’Église doivent
avancer de façon indépendante jusqu’à l’intégration finale qui sera l’oeuvre
du Seigneur.
L’idée d’un chemin de réconciliation élimine toute hypothèse de
substitution. L’Église n’a pas pris la place d’Israël dans le plan du salut.
Paul lui-même met en garde de « rendre vain le mystère » (Rom 11,25).
Israël, dans la mesure où il maintient la foi des Pères, est témoin de
l’élection et des promesses de Dieu et rappelle à l’Église la « racine
sainte » (Rom 11,16)
qui la soutient. Dans l’économie du salut il y a
Israël, le peuple de l’alliance irrévocable, et l’Église, le peuple établi
dans l’alliance scellée dans le sang du Christ. Le dessein salvifique est
unique, bien que les alliances soient nombreuses. La structure fondamentale
de la relation établie par la révélation est unique, bien que les étapes et
les formes de l’économie soient diverses.
Le chemin de la réconciliation ne pourra être authentique sans une
reconnaissance de la racine sainte, sans une connaissance des promesses
faites aux Pères, des textes où elles prennent forme et du peuple qui en est
le témoin. Il ne pourra pas être authentique s’il exclut pour les chrétiens
la reconnaissance de la Seigneurie du Christ, la pierre d’achoppement posée
en Sion
(Rom 9,33). Bref deux peuples doivent se mettre en route vers le
même but proposé. L’Église reconnaissant en Israël sa racine devra regarder
le peuple qui le précède et tourner son regard vers le futur des promesses à
travers la révélation du Seigneur Jésus.
Une image scripturaire reprise par les Pères de l’Église exprime cette idée.
Les espions envoyés par Josué en terre de Canaan rentrèrent portant sur une
perche une grappe de raisin. Les Pères ont vu dans la grappe qui pendait sur
la perche la figure du Christ en croix
(Evagre, Altercatio inter Theophilum
et Simonem, PL 20,1175). Les deux porteurs symbolisent Israël et l’Église.
Celui qui ouvre la marche, c’est Israël qui le premier reçut la révélation.
Celui qui suit symbolise l’Église qui voit à la fois Israël et le Christ en
croix. L’horizon de l’Église et d’Israël est le même.
Cheminer ensemble dans la diversité c’est l’objectif à atteindre en vue de
la réconciliation finale. L’Église doit conjuguer la confession du Seigneur
exalté à la mémoire d’Israël. La dualité et la scission entre les deux
peuples ne peuvent pas être ignorés, mais doivent être vécus dans le respect
réciproque. Le regard tourné vers le passé prépare un avenir possible où le
mystère d’Israël parle à l’Église pour lui faire découvrir toute sa richesse
et sa fécondité au-delà des problèmes politiques qui créent un obstacle
psychologique chez les chrétiens
3. Comment concrètement faire passer la Bible dans la catéchèse.
Les techniques modernes ont permis de faire connaître le message biblique
dans le monde entier. La TV a consacré des programmes spéciaux sur les
patriarches, la sortie d’Égypte, l’histoire de Salomon, Samson et Dalila.
Des CD, des casettes de toutes sortes sont à la disposition des catéchistes.
Des revues spécialisées existent pour une catéchèse biblique. Sur Internet
de nombreux sites sur la catéchèse proposent une présentation de la bible.
Les jeunes passent de heures devant leurs ordinateurs. Pourquoi ne pas les
orienter vers ces sites ?
La catéchèse enracinée dans la parole de Dieu et qui part de la profession
de foi doit conduire aux sacrements pour vivre la foi au quotidien et
éveiller à la vie spirituelle.
Il est urgent de voir comment chacune de nos liturgies relit l’Ancien
Testament, car la liturgie nous propose une véritable catéchèse de la Bible.
Depuis Vatican II de nombreuses pages bibliques ont été reprises et sont
commentées dans la liturgie. Les liturgies de carême en particulier
soulignent la correspondance et l’accomplissement du premier et du Nouveau
Testament. Les Homélies doivent commenter la première lecture de l’Ancien
Testament aussi bien que la page du Nouveau Testament.
Ceux qui vivent en Terre sainte ont un avantage énorme sur tous les autres
chrétiens du monde entier. La formation biblique peut se faire sur le
terrain. Les chrétiens peuvent lire la Bible au pays de la Bible. La prise
de Jéricho lue in situ prend une autre dimension. L’itinéraire de l’exode il
est possible de le parcourir en Jordanie. Edom, Moab et les Ammonites
mentionnés dans la Bible ont leurs descendants. La culture des Cananéens est
connue grâce aux fouilles d’Ugarit.
A partir de lieux saints la catéchèse chrétienne peut récupérer ses racines
juives. Le Nouveau Testament commenté sur place nous renvoie à l’Ancien
Testament qui l’a préparé. Pour que la réconciliation entre Israël et la
Palestine se concrétise, il faut que les communautés chrétiennes perdent
leur complexe d’infériorité et acceptent de voir ce qu’Israël a fait dans le
domaine culturel et archéologique pour récupérer son histoire.
Le
catéchisme de l’Église catholique est une mine de théologie mise à jour
qu’il faut exploiter. S’il y a un blocage quelque part il est souvent
d’ordre psychologique. Il est essentiel de dépasser les problèmes quotidiens
et les choix politiques pour retrouver nos racines dans la Bible.
Des ressources pédagogiques, des idées d’animations en rapport avec la
période liturgique (Avent, Noël, Épiphanie, Carême, Pâques, Ascension,
Pentecôte, Toussaint) se trouvent sur Internet.
Une autre initiative qui se multiplie pendant le temps liturgiques forts,
comme pendant l’Avent et le carême, c’est la lectio divina pratiquée dans
beaucoup de communautés. Les exemples abondent en Europe et ont porté comme
fruit principal la redécouverte de la Bible.
Conclusion
Un bref regard sur l’histoire de l’Église de Jérusalem nous a montré qu’à
ses débuts l’Église a toujours gardé mémoire de ses racines bibliques.
Cyrille, Origène et Jérôme ont rappelé au monde entier l’importance de la
Bible et de sa lecture christologique. Les moines du désert avec la pratique
de la lectio divina ont ouvert une nouvelle voie d’actualisation de l’Écriture.
La fidélité à cette tradition authentique exige un retour à la Bible malgré
les tensions politiques. Une lecture politique de la Bible doit céder la
place à une lecture christologique, car sur le chemin d’Emmaüs Jésus a
montré à partir des livres de Moïse, de prophètes et des autres livres que
le Messie devait souffrir avant de rentrer dans la gloire. Toute l’Écriture
est orientée vers le Christ et trouve en lui son sens profond. La liturgie
permet de rapprocher la Parole de Dieu de l’eucharistie, puisque Dieu
prépare deux tables pour nourrir son peuple.
Textes du même auteur :
►
Dieu ne se résout pas à laisser la violence des hommes pervertir sa création
(1)
►
La parole de Dieu - La Bible, livre fondateur (2)
►
La parole de Dieu - Une lecture croyante de la Bible
(3)
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Source : custodia.org
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
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17.09.2008 -
T/Synode
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