|
Benoît XVI : Nous devons redécouvrir
Dieu |
Rome le 15.08.2006 - Texte
intégral de l'interview accordée par le pape Benoît XVI le 5 août 2006 à la
télévision publique de Bavière, Bayerischer Rundfunk (ARD), à la chaîne publique
allemande ZDF, à la chaîne d’information Deutsche Welle, ainsi qu’à Radio
Vatican. L’entretien, sans aucun tabou pour les questions, a duré plus d’une
trentaine de minutes. Il a été rendu public par le Bureau de presse du
Saint-Siège dans la soirée du 13 août. |
|
Interview de Benoît XVI
Benoît XVI : Nous devons redécouvrir
Dieu.
Plus de 6 millions
d'allemands ont suivi l'interview du pape Benoît XVI à la télévision. Questions sans tabou.
Le directeur des
programmes de la ZDF, Thomas Bellut, chargé de poser les questions pour cette
télévision, a souligné l'"atmosphère ouverte" dans laquelle a eu lieu la
conversation. "Il n'y a eu aucun tabou pour les questions. La conversation a été
extraordinairement courtoise, très impressionnante ", a indiqué le journal
allemand," Hamburger Abendblatt ".
TEXTE INTEGRAL.
Question : Très Saint-Père, au mois de septembre vous
visiterez l’Allemagne, ou plus précisément, la Bavière. «Le Pape a la nostalgie
de sa patrie », ont indiqué vos collaborateurs au cours des préparatifs. Quels
sont les thèmes que vous souhaitez plus spécialement aborder pendant votre
visite, et le concept de « patrie » fait-il partie des valeurs que vous entendez
proposer?
Benoît XVI: Certainement. Le motif de ma visite c’est justement mon désir de
revoir encore une fois les lieux, les personnes auprès desquels j’ai grandi, qui
m’ont marqué et qui ont façonné ma vie, je voulais remercier ces personnes. Et
naturellement aussi adresser un message qui aille au-delà de ma terre, en accord
avec mon ministère. Les thèmes, ils seront indiqués tout simplement par le
calendrier liturgique. Le thème fondamental est que nous devons redécouvrir Dieu
et pas n’importe quel dieu, mais le Dieu à visage humain, puisque quand nous
voyons Jésus Christ nous voyons Dieu. Et à partir de là nous devons trouver les
chemins pour nous rencontrer au sein des familles, entre générations et puis
aussi entre cultures et entre peuples, et les chemins de la réconciliation et de
la convivialité pacifique en ce monde, et les chemins qui mènent vers l’avenir.
Ces chemins vers l’avenir nous ne pouvons les trouver que si nous recevons la
lumière qui vient d’en haut. Je n’ai donc pas choisi des thèmes très
spécifiques, c’est pour ainsi dire la liturgie qui me guide à exprimer le
message fondamental de la foi, qui naturellement se greffe dans l’actualité de
nos jours, où nous voulons par-dessus tout chercher la collaboration entre les
peuples, et les chemins possibles vers la réconciliation et la paix.
Question : En tant que Pape, vous êtes responsable de
l’Eglise dans le monde entier. Mais naturellement votre visite focalise
l’attention sur la situation des catholiques en Allemagne. Or, tous les
observateurs sont d’accord pour dire que le climat est bon, grâce aussi à votre
élection. Bien entendu, les vieux problèmes demeurent, pour ne citer que
quelques exemples: il y a toujours moins de pratiquants, moins de baptêmes, et
surtout moins d’influence sur la société. Comment voyez-vous la situation
actuelle de l’Eglise catholique en Allemagne?
Benoît XVI : Je dirais avant tout que l’Allemagne appartient à l’Occident, même
s’il y a des nuances qui lui sont propres, et dans le monde occidental
aujourd’hui nous connaissons une nouvelle vague d’illuminisme drastique ou de
laïcité, si vous préférez. Il est devenu plus difficile de croire, puisque le
monde où nous nous trouvons, nous le faisons par nous-mêmes, et
Dieu, pour ainsi
dire, n’y comparaît plus directement. On ne boit plus directement à la source,
mais dans le récipient qu’on nous présente déjà plein et ainsi de suite. Les
hommes ont reconstruit leur propre monde par eux-mêmes, et il est devenu plus
difficile de retrouver Dieu dans ce monde. Cela n’est pas une spécificité de
l’Allemagne, c’est quelque chose qui se produit dans le monde entier, en
particulier en Occident.
D’un autre côté, l’Occident est aujourd’hui fortement touché par d’autres
cultures, où l’élément religieux d’origine est très marqué, et qui sont
horrifiées par la froideur qu’elles constatent en Occident à l’égard de Dieu. Et
cette présence du sacré dans d’autres cultures, même si elle est voilée de
diverses façons, touche à nouveau le monde occidental, elle nous touche nous qui
nous trouvons au carrefour de tant de cultures. Et d’autre part le besoin de
quelque chose « de plus grand » est entrain de poindre du plus profond de
l’homme occidental et en Allemagne aussi. Nous voyons que les jeunes cherchent
un « supplément », nous voyons que d’une certaine manière le phénomène religieux
– comme on dit – revient, même si cette recherche est souvent plutôt floue. Mais
avec tout cela l’Eglise est à nouveau présente, la foi s’offre comme réponse. Et
je pense que cette visite justement, comme celle de Cologne déjà, est une
opportunité afin que l’on puisse voir qu’il est beau de croire, que la joie
d’une grande communauté universelle possède une force entraînante, que derrière
elle, il y a quelque chose d’important et que par conséquent avec ces nouveaux
mouvements de recherche, il y a aussi de nouveaux débouchés pour la foi, qui
nous conduisent les uns vers les autres et qui sont également positifs pour la
société dans son ensemble.
Question : Très Saint Père, il y a tout juste un an
vous étiez à Cologne avec les jeunes, et je crois que vous avez constaté que la
jeunesse est extraordinairement prête à l’accueil, et que vous, personnellement,
vous avez été très bien accueilli. Avez-vous pour ce prochain voyage un message
spécial pour les jeunes?
Benoît XVI : Je dirais avant tout que je suis très heureux qu’il y ait des
jeunes qui désirent être ensemble, être ensemble dans la foi, et faire quelque
chose de bon. La disponibilité au bien est très forte chez les jeunes, qu’il
suffise de penser aux nombreuses formes de volontariat. L’engagement à offrir sa
propre contribution aux besoins de ce monde est quelque chose de grand. La
première impulsion peut donc être de les encourager: Allez de l’avant! Cherchez
les occasions de faire le bien! Le monde a besoin de cette volonté, il a besoin
de cet engagement! Et puis peut-être faudrait-il ajouter:
ayez le courage des
décisions définitives! Chez les jeunes, il y a beaucoup de générosité, mais face
au risque de s’engager pour la vie entière, aussi bien dans le mariage que dans
le sacerdoce, ils ont peur.
Le monde est en mouvement de façon dramatique: actuellement je peux disposer à
tout moment de ma vie entière avec tous ses imprévisibles événements futurs:
mais si je prends une décision définitive, est-ce que je ne vais pas enchaîner
ma propre liberté, est-ce que je ne vais pas me priver de ma liberté de
mouvement? Réveiller le courage d’oser des décisions définitives, les seules en
réalité qui permettent de grandir, d’aller de l’avant et de parvenir à quelque
chose de grand dans la vie, les seules qui ne détruisent pas la liberté, mais
qui lui offrent la juste direction dans l’espace. Prendre ce risque, ce saut –
pour ainsi dire – dans le définitif, et accueillir pleinement la vie, voilà ce
que je serais heureux de pouvoir communiquer.
Question : Très Saint Père, une question sur la
politique étrangère. Les espoirs de paix au Moyen Orient ont diminué au cours de
ces dernières semaines. Quelles possibilités voyez-vous pour le Saint-Siège
concernant la situation actuelle? Quelle influence positive pouvez-vous exercer
sur la situation, sur les développements au Moyen Orient ?
Benoît XVI : Naturellement nous n’avons aucune possibilité politique, et nous ne
voulons aucun pouvoir politique. Mais nous voulons faire appel aux chrétiens et
à tous ceux qui se sentent d’une manière ou d’une autre interpellés par la
parole du Saint-Siège, afin que soient mobilisées toutes les forces qui
reconnaissent que la guerre est la pire des solutions pour tous. Qu’elle
n’apporte rien de bon pour personne, pas même pour ses apparents vainqueurs.
Nous le savons très bien en Europe, après deux guerres mondiales. Ce dont tous
ont besoin c’est la paix. Et il y a une forte communauté chrétienne au Liban, il
y a des chrétiens parmi les arabes, il y a des chrétiens en Israël, et des
chrétiens du monde entier pour qui ces pays sont chers. Il y a des forces
morales qui sont prêtes à faire comprendre qu’une solution est possible: nous
devons vivre ensemble. Ces forces nous voulons les mobiliser: les politiques
doivent trouver les moyens pour que cela puisse se réaliser le plus vite
possible et surtout d’une manière durable.
Question : En tant qu’Evêque de Rome vous êtes le
successeur de saint Pierre. Comment le ministère de Pierre peut-il s’exercer
d’une manière appropriée au temps présent? Et comment voyez-vous le rapport de
tension et d’équilibre entre la primauté du Pape d’un côté et la collégialité
des évêques de l’autre?
Benoît XVI : Il y a naturellement un rapport fait de tension et d’équilibre, et
nous disons que cela est bien. La multiplicité et l’unité doivent sans cesse
redéfinir leur rapport réciproque et ce rapport doit s’intégrer d’une manière
toujours nouvelle dans les situations mouvantes du monde. Aujourd’hui nous avons
une nouvelle polyphonie de cultures, où l’Europe n’est plus le seul élément
déterminant, mais où les communautés chrétiennes des divers continents sont en
train d’acquérir leur propre poids, leur propre couleur. Nous devons toujours
apprendre à nouveau cette fusion des diverses composantes. C’est pour cela que
nous avons développé divers instruments; ce que l’on appelle « visites ad limina
» des évêques ; elles ont toujours existé, mais on s’en sert beaucoup plus
aujourd’hui pour dialogue réellement avec toutes les instances du Saint-Siège et
avec moi-même. Je parle personnellement avec chaque évêque. J’ai déjà parlé avec
presque tous les évêques d’Afrique et avec de nombreux évêques d’Asie.
Maintenant, ce sera le tour de l’Europe Centrale, l’Allemagne, la Suisse: au
cours de ces rencontres, justement le Centre et la Périphérie se retrouvent
ensemble, dans un échange franc. Je pense que cela permet de développer des
rapports réciproques corrects dans une tension équilibrée. Nous avons aussi
d’autres instruments, comme le Synode, le Consistoire, que je tiendrai désormais
de manière régulière et que je voudrais développer, et où même quand il n’y a
pas à proprement parler un ordre du jour, on peut discuter ensemble des
problèmes actuels, chercher des solutions. Nous savons d’un côté que le Pape
n’est pas du tout un monarque absolu, mais il doit – pour ainsi dire –
personnifier le tout qui se met ensemble à l’écoute du Christ. On ressent très
fort le besoin d’une instance unifiante, susceptible de garantir l’indépendance
par rapport aux forces politiques, le besoin que les « christianismes » ne
s’identifient pas trop avec les nationalités, on ressent très fort le besoin
d’une telle instance supérieure et plus vaste capable de créer l’unité dans
l’intégration dynamique du tout, et qui d’autre part accueille et promeut la
multiplicité. C’est pourquoi je crois qu’il y a vraiment une adhésion intime au
ministère de Pierre qui s’exprime dans la volonté de le développer encore plus,
afin qu’il puisse répondre aussi bien à la volonté du Seigneur qu’aux nécessités
du temps présent.
Question : L’Allemagne en tant que terre de la réforme
est naturellement marquée d’une manière particulière par les rapports entre les
diverses confessions. Les rapports œcuméniques sont une réalité sensible qui se
heurte toujours à de nouvelles difficultés. Quelles possibilités voyez-vous
d’améliorer les rapports avec l’Eglise évangélique ou quelles difficultés
voyez-vous sur ce chemin?
Benoît XVI : Il est peut-être important de dire avant tout que l’Eglise
évangélique présente une remarquable diversité. En Allemagne nous avons, si je
ne m’abuse, trois communautés principales: les Luthériens, les Réformés et l’Union
Prussienne. En outre de nombreuses Eglises libres (Freikirchen) se forment
aujourd’hui et, au sein même des Eglises classiques, des mouvements, comme « l’Eglise
qui confesse » et ainsi de suite. Il s’agit donc d’un ensemble à plusieurs voix
avec lequel nous devons entrer en dialogue dans la recherche de l’unité, en
respectant la multiplicité des voix et avec lequel nous voulons collaborer. Je
crois que la première chose à faire dans la société actuelle c’est de nous
engager tous ensemble à clarifier, trouver et mettre en pratique les grandes
lignes directrices éthiques afin de garantir la consistance éthique de la
société, sans laquelle cette société ne pourra pas réaliser l’objectif ultime de
la politique, qui est justice pour tous, paix et convivialité. Dans ce domaine,
je crois que l’on fait déjà beaucoup, que nous nous retrouvons déjà réellement
ensemble sur un fondement chrétien commun face aux grands défis moraux.
Naturellement il faut ensuite témoigner Dieu dans un monde qui a du mal à le
trouver, comme on l’a déjà dit, et rendre visible Dieu dans le visage humain de
Jésus Christ, et offrir aux hommes l’accès à ces sources sans lesquelles la
morale devient stérile, perd ses repères, et aussi apporter la joie pour que
nous ne soyons pas isolés en ce monde. Ce n’est qu’ainsi que peut naître la joie
devant la grandeur de l’homme qui n’est pas un produit raté de l’évolution, mais
l’image de Dieu. Nous devons agir sur ces deux plans – pour ainsi dire – celui
des grands repères éthiques et celui qui prouve – de l’intérieur et en
s’orientant vers eux – la présence de Dieu, d’un Dieu concret. Si nous le
faisons, et surtout si dans chacun de nos regroupements nous essayons de ne pas
vivre la foi d’une manière particulariste, mais toujours à partir de ses
fondements les plus profonds, nous n’arriverons peut-être pas très vite à des
manifestations extérieures d’unité, mais nous pourrons mûrir vers une unité
intérieure qui, si Dieu le veut, portera un jour aussi à des formes extérieures
d’unité.
Question : Le thème de la famille. Il y a un mois
environ vous étiez à Valence pour la rencontre mondiale des familles. Ceux qui
vous ont écouté attentivement – comme nous avons essayé de le faire à Radio
Vatican – ont noté que vous n’avez jamais prononcé les mots « mariages
homosexuels », que vous n’avez jamais parlé d’avortement ni de contraception.
Des observateurs attentifs ont trouvé que cela était intéressant!
A l’évidence votre intention est d’annoncer la foi et non pas de parcourir le
monde comme un « apôtre de la morale ». Pouvez-vous commenter cela?
Benoît XVI : Oui, naturellement. Il faut avant tout dire que j’avais à ma
disposition pour parler en tout deux fois 20 minutes. Et quand on a aussi peu de
temps, on ne peut pas en venir à bout en disant simplement non. Il faut savoir
avant tout ce que nous voulons réellement, n’est-ce pas? Et le christianisme, le
catholicisme, n’est pas une somme d’interdits, mais une option positive. Et il
est très important que cela soit à nouveau visible, car aujourd’hui cette
conscience a presque totalement disparu. On a tellement entendu parler de ce qui
n’était pas permis qu’il est nécessaire de proposer aujourd’hui nos idées
positives: nous avons une idée positive à vous proposer à savoir que l’homme et
la femme sont faits l’un pour l’autre, que la séquence - pour ainsi dire -
sexualité, éros, agapè, indique les dimensions de l’amour et que c’est sur cette
voie que se développe en premier lieu le mariage, qui est la rencontre
débordante de bonheur et de bénédiction d’un homme et d’une femme, et puis la
famille qui garantit la continuité entre les générations, et où les générations
se réconcilient entre elles et où même les cultures peuvent se rencontrer. Il
est donc important, avant tout de mettre en évidence ce que nous voulons. En
second lieu, on peut aussi voir ce que nous ne voulons pas et pourquoi. Et je
crois qu’il faut voir et réfléchir, car, et ce n’est pas une invention
catholique, l’homme et la femme sont faits l’un pour l’autre afin que l’humanité
continue à vivre: toutes les cultures le savent. En ce qui concerne
l’avortement, il n’entre pas dans le sixième mais dans le cinquième
commandement: « tu ne tueras point!». Et cela nous devons le considérer comme
une évidence et nous devons toujours réaffirmer que la personne humaine commence
dans le sein de sa mère et reste une personne humaine jusqu’à son dernier
souffle. L’homme doit toujours être respecté en tant qu’homme. Mais cela devient
plus clair si on a commencé par dire ce qu’il y a de positif.
Question : Très Saint Père, ma question se rattache
d’une certaine manière à celle du Père von Gemmingen. Dans le monde entier les
croyants attendent de la part de l’Eglise catholique des réponses aux problèmes
globaux les plus urgents, comme le SIDA et la surpopulation. Pourquoi l’Eglise
catholique insiste-t-elle autant sur la morale plutôt que sur les efforts
destinés à apporter une solution concrète à ces problèmes cruciaux pour
l’humanité, par exemple sur le continent africain?
Benoît XVI : Justement, c’est le problème: est-ce que nous insistons vraiment
tant que cela sur la morale? Moi je dirais – et j’en suis toujours plus
convaincu après mes entretiens avec les évêques africains – que la question
fondamentale, si nous voulons faire des pas en avant dans ce domaine, c’est
l’éducation, la formation.
Le progrès ne peut être authentique que s’il rend
service à la personne humaine et si la personne humaine elle-même grandit, non
seulement au niveau de son potentiel technique, mais aussi de ses capacités
morales. Et je crois que le vrai problème dans la conjoncture historique
actuelle c’est le déséquilibre entre la croissance incroyablement rapide de
notre potentiel technique et celui de nos capacités morales, qui n’ont pas
grandi de manière proportionnelle. C’est pourquoi la vraie recette c’est la
formation de la personne humaine,
c’est, selon moi, la clef de tout, et c’est
aussi notre option. Et cette formation – pour être bref – a deux dimensions :
tout d’abord naturellement nous devons apprendre, acquérir des connaissances,
des compétences, know how comme ont dit. L’Europe, et au cours des dernières
décennies l’Amérique, ont fait beaucoup dans cette direction, et c’est très
important. Mais si on se limite à propager uniquement le know how, si on
enseigne seulement la façon de construire et d’utiliser les machines, et le mode
d’emploi des contraceptifs, alors il ne faut pas s’étonner si on finit par se
retrouver avec des guerres et des épidémies de SIDA. Nous avons besoin de deux
dimensions: il faut dans le même temps la formation des cœurs – si je peux
m’exprimer ainsi – qui permet à la personne humaine d’acquérir des repères et
d’apprendre aussi à employer correctement sa technique. Voilà ce que nous
essayons de faire. Dans toute l’Afrique et aussi dans de nombreux pays d’Asie,
nous avons un vaste réseau d’école à tous les degrés, où on peut avant tout
apprendre, acquérir de vraies connaissances, des compétences professionnelles,
et donc obtenir l’autonomie et la liberté. Mais dans ces écoles nous cherchons
justement non seulement à communiquer du know-how, mais à former des personnes
humaines, qui aient envie de se réconcilier, qui sachent qu’il faut construire
et non détruire, et qui aient les repères nécessaires pour savoir vivre
ensemble. Les évêques ont institué avec les musulmans des comités communs pour
voir comment on peut créer la paix dans les situations de conflit. Et ce réseau
d’écoles, d’étude et de formation humaine, qui est très important, est complété
par un réseau d’hôpitaux et de centres d’assistance qui rejoint de façon
capillaire les villages les plus reculés. Et en de nombreux endroits, malgré les
destructions de la guerre, l’Eglise est la seule force qui soit restée intacte.
Voilà la réalité! Et là où on soigne, où on soigne aussi le SIDA, on offre aussi
une éducation, qui aide à nouer de justes rapports avec les autres. C’est
pourquoi je crois qu’il faudrait corriger l’image selon laquelle nous ne faisons
que semer autour de nous des « non » catégoriques. En Afrique, justement, on
travaille beaucoup, afin que les diverses dimensions de la formation puissent
s’intégrer et afin qu’il soit possible de surmonter la violence et les épidémies
aussi, parmi lesquelles il faut citer également le paludisme et la tuberculose.
Question : Très Saint Père, le christianisme s’est
répandu dans le monde entier à partir de l’Europe. Aujourd’hui, beaucoup pensent
que l’avenir de l’Eglise se trouve dans les autres continents. Est-ce vrai? Ou
en d’autres termes, quel avenir pour le christianisme en Europe, où il a l’air
de se réduire petit à petit à une affaire privée ne touchant qu’une minorité?
Benoît XVI : Tout d’abord je voudrais introduire quelques nuances. En fait,
comme nous le savons, le christianisme est né au Proche-Orient. Et pendant
longtemps c’est là principalement qu’il s’est développé et il s’est répandu en
Asie beaucoup plus que ce que nous croyons aujourd’hui après les changements
apportés par l’Islam. D’autre part pour ces raisons justement son axe s’est
déplacé sensiblement vers l’Occident et l’Europe, et l’Europe – nous en sommes
fiers et nous nous en félicitons – a ultérieurement développé le christianisme
dans ses grandes dimensions intellectuelles et culturelles également. Mais je
crois qu’il est important de se souvenir des chrétiens d’Orient, puisqu’ils
risquent d’émigrer, eux qui ont toujours représenté une minorité importante,
entretenant des rapports fructueux avec le contexte environnant. Et le grand
danger est que ces lieux d’origine du christianisme se vident de leurs
chrétiens. Je pense que nous devons les aider à rester.
Mais venons-en à votre question. L’Europe est devenue certainement le cœur du
christianisme et de son mouvement missionnaire. Aujourd’hui les autres
continents, les autres cultures, font partie au même titre du concert de
l’histoire mondiale. Ce qui fait que le nombre des voix de l’Eglise augmente, et
c’est un bien. Il est bon que puissent s’exprimer les divers tempéraments, les
dons propres à l’Afrique, à l’Asie et à l’Amérique et en particulier aussi à
l’Amérique latine. Tous naturellement sont touchés non seulement par la parole
du christianisme, mais aussi par le message séculier de ce monde. Tous les
évêques des autres endroits du monde nous disent: nous avons encore besoin de
l’Europe, même si l’Europe n’est qu’une partie d’un tout plus vaste. Nous
portons aujourd’hui encore la responsabilité qui nous vient de nos expériences,
de la science théologique qui s’est développée ici, de notre expérience
liturgique, de nos traditions, et aussi des expériences œcuméniques que nous
avons accumulées: tout cela est très important y compris pour les autres
continents. C’est pourquoi nous ne devons pas capituler, nous plaindre, nous
dire: « Voilà, nous ne sommes qu’une minorité, essayons au moins de sauvegarder
notre petit nombre! »; au contraire, nous devons tenir en vie notre dynamisme,
nouer des relations afin que nous puissions aussi recevoir des autres des forces
nouvelles. Aujourd’hui il y a des prêtres indiens et africains en Europe, et au
Canada aussi de nombreux prêtres africains font un travail très intéressant. Il
y a cet échange mutuel. Mais si à l’avenir nous recevons davantage, il faudra
aussi continuer à donner avec un courage et un dynamisme croissant.
Question : Un thème qui a déjà en partie été abordé,
très Saint Père. Les sociétés modernes, lorsqu’il s’agit de prendre des
décisions importantes en matière de politique et de science, ne s’inspirent pas
des valeurs chrétiennes et l’Eglise – les enquêtes le prouvent – est la plupart
du temps considérée uniquement comme une voix qui met en garde, voire qui
freine. L’Eglise ne devrait-elle pas sortir de cette attitude défensive et
assumer une attitude plus positive vis-à-vis de l’avenir et de sa construction?
Benoît XVI : Je dirais que de toute manière nous avons le devoir de mieux mettre
en évidence ce qui pour nous est positif. Et nous devons le faire en premier
lieu dans le dialogue des cultures et des religions, puisque, comme je l’ai déjà
dit je crois, le continent africain, l’âme africaine ainsi que l’âme asiatique
sont horrifiées par la froideur de notre rationalisme. Il est important qu’elles
puissent voir qu’il n’y a pas que cela chez nous. Et réciproquement il est
important que notre monde laïciste se rende compte que la foi chrétienne n’est
pas une entrave, mais un pont pour le dialogue avec les autres mondes. Il est
erroné de croire que la culture purement rationnelle, en vertu de sa tolérance,
dispose d’une approche plus facile avec les autres religions. Il lui manque en
partie «l’organe religieux » et par conséquent le point d’accroche à partir
duquel et vers lequel les autres veulent entrer en relation. C’est pourquoi nous
devons, nous pouvons montrer que justement pour la nouvelle inter culturalité,
dans laquelle nous vivons, le pur rationalisme libéré de Dieu est insuffisant,
mais qu’il faut un rationalisme plus ample, qui considère Dieu en harmonie avec
la raison, conscient que la foi chrétienne qui s’est développée en Europe est
aussi un moyen pour faire converger la raison et la culture et pour les
compléter aussi avec l’action dans une vision unitaire et globale. Dans ce sens
je crois que nous avons une tâche importante à accomplir, montrer que cette
Parole que nous possédons, n’appartient pas – pour ainsi dire – aux oripeaux de
l’histoire, mais qu’elle est nécessaire justement aujourd’hui.
Question : Très Saint Père, parlons de vos voyages.
Vous êtes au Vatican, cela vous coûte peut-être d’être un peu loin des
personnes, coupé du monde, ici aussi dans le très beau cadre de Castelgandolfo.
Mais vous allez avoir bientôt 80 ans. Pensez-vous, avec l’aide de Dieu, pouvoir
faire encore de nombreux voyages? Avez-vous une idée de ceux que vous aimeriez
faire? En terre Sainte, au Brésil? Avez-vous déjà décidé?
Benoît XVI : A vrai dire je ne suis pas si seul que cela. Naturellement il y a –
pour ainsi dire – les murs qui rendent l’accès difficile, mais il y a une «
famille pontificale », je reçois chaque jour de nombreuses visites, surtout
quand je suis à Rome. Il y a les évêques qui viennent, il y a d’autres
personnes, il y a les visites d’Etat, de personnalités qui veulent parler avec
moi personnellement et non seulement de questions politiques. Dans ce sens il y
a une multiplicité de rencontres qui grâce à Dieu me sont données sans cesse. Et
il est aussi important que le siège du Successeur de Pierre soit un lieu de
rencontre – n’est-ce pas? Depuis l’époque de Jean XXIII d’autre part, le pendule
s’est déplacé aussi dans l’autre direction: les papes ont commencé à rendre
visite eux aussi. Je dois dire que je ne me sens pas assez fort pour programmer
de nombreux grands voyages, mais je voudrais aller là où je pourrai apporter un
message ou – pour ainsi dire – répondre à un vrai désir ; je voudrais y aller,
en « dosant » ce que je peux faire. Certaines choses sont déjà prévues: l’année
prochaine au Brésil se déroulera la rencontre du CELAM, le Conseil épiscopal
Latino Américain, et je pense qu’il est important que j’y sois dans le contexte
actuel que l’Amérique du Sud vit intensément, et pour renforcer l’espérance qui
est vive dans cette région. Puis je voudrais aller en Terre Sainte, et j’espère
pouvoir la visiter en temps de paix, et pour le reste nous verrons ce que la
Providence me réserve.
Question : Permettez-moi d’insister. Les Autrichiens
parlent eux aussi l’allemand et ils vous attendent à Mariazell.
Benoît XVI : Oui, des accords ont été pris. Moi je l’ai tout simplement promis,
d’une manière un peu imprudente. C’est un lieu qui m’a tant plu et j’ai dit:
Oui, je reviendrai à la Magna Mater Austriae. Naturellement cela s’est
transformé immédiatement en promesse, que je maintiendrai, et je le ferai
volontiers.
Question : J’insiste encore. Je vous admire tous les
mercredis, quand vous présidez l’audience générale. Il y a 50.000 personnes.
Cela doit être fatigant, très fatigant. Vous arrivez à résister?
Benoît XVI : Oui, le Bon Dieu me donne la force nécessaire. Et quand on voit la
cordialité de l’accueil, naturellement c’est encourageant.
Question : Très Saint Père, vous venez de dire que vous
avez fait une promesse une peu imprudente. Entendez-vous dire que malgré votre
ministère, malgré les nombreuses contraintes protocolaires, vous ne perdez pas
votre spontanéité?
Benoît XVI : En tous les cas, j’essaye de ne pas la perdre. Parce que, même si
les choses sont établies, je voudrais essayer de garder et de réaliser aussi
quelque chose de purement personnel.
Question : Très Saint Père, les femmes sont très
actives dans diverses fonctions dans l’Eglise catholique. Leur contribution ne
devrait-elle pas devenir plus clairement visible, même à des postes de
responsabilité plus élevés dans l’Eglise?
Benoît XVI : Sur ce sujet naturellement on réfléchit beaucoup. Comme vous le
savez, nous considérons que notre foi, la constitution du collège des Apôtres,
nous obligent et ne nous permettent pas de conférer l’ordination sacerdotale aux
femmes. Mais il ne faut pas non plus penser que dans l’Eglise seuls les prêtres
ont un rôle à jouer. Dans l’histoire de l’Eglise il y a eu de très nombreuses
tâches et fonctions. En commençant par les sœurs des Pères de l’Eglise, pour
arriver au Moyen-âge, lorsque de grandes femmes ont joué un rôle déterminant, et
jusqu’aux temps modernes. Qu’il suffise de penser à Hildegarde de Bingen, qui
protestait avec force contre des évêques et contre le Pape; à Catherine de
Sienne et à Brigitte de Suède. Ainsi même à l’époque moderne les femmes doivent
– et nous avec elles – chercher pour ainsi dire leur juste place. Aujourd’hui,
elles sont bien présentes aussi dans les Dicastères du Saint Siège. Mais il y a
un problème juridique: celui de la juridiction, c’est-à-dire le fait que selon
le Droit Canonique le pouvoir de prendre des décisions juridiquement
contraignantes est lié à l’Ordre sacré. De ce point de vue il y a donc des
limites, mais je crois que les femmes elles-mêmes, avec leur élan et leur force,
avec leur supériorité, avec ce que je définirais leur « puissance spirituelle »,
sauront déblayer le terrain. Et nous, nous devrions essayer de nous mettre à
l’écoute de Dieu, afin de ne pas entraver ce mouvement, mais au contraire nous
réjouir que l’élément féminin obtienne dans l’Eglise la place pleine
d’efficacité qui lui convient, à commencer par la Mère de Dieu et par Marie
Madeleine.
Question : Très Saint Père, depuis quelque temps on
parle du nouvel attrait qu’exerce le catholicisme. Quels sont donc la vitalité
et les possibilités d’avenir pour cette institution si ancienne?
Benoît XVI : Je dirais que déjà tout le pontificat de Jean Paul II a attiré
l’attention des hommes et les a réunis. Ceux qui s’est produit à l’occasion de
sa mort est historique, un événement unique: des centaines de milliers de
personnes accourraient de manière disciplinée vers la Place saint Pierre,
restaient debout pendant des heures, et alors qu’elles auraient dû s’effondrer
elles résistaient sous une poussée intérieure. Et nous l’avons vécu à nouveau à
l’occasion de l’inauguration de mon pontificat et puis à Cologne. Il est très
beau que l’expérience communautaire devienne en même temps une expérience de
foi, que l’on fasse l’expérience de la communauté non seulement dans un lieu
quelconque, mais que cette expérience devienne plus vive et qu’elle donne au
catholicisme son intensité lumineuse justement là où se trouvent les lieux de la
foi. Naturellement cela doit se prolonger aussi dans la vie quotidienne. Les
deux choses doivent aller de pair. D’une part, les grands moments, où l’on
ressent qu’il est beau d’être là, que le Seigneur est présent et que nous
formons une grande communauté réconciliée au-delà de toutes les frontières. Mais
ensuite, il faut aussi savoir puiser l’élan nécessaire pour résister pendant les
pèlerinages éprouvants de la vie quotidienne, et vivre en s’inspirant de ces
moments lumineux, s’orienter vers eux, et savoir aussi inviter les autres à
s’intégrer dans la communauté en marche. Mais je voudrais profiter de cette
occasion pour dire que je rougis quand je pense à tout ce qui est fait pour
préparer ma visite, à tout ce que les gens sont entrain de faire. Ma maison a
été repeinte, une école professionnelle a refait la grille. Le professeur de
religion évangélique a collaboré pour ma grille. Et ce ne sont que des petits
détails, mais ils en disent long sur tout ce qui est fait. Je trouve que tout
cela est extraordinaire, et je ne le rapporte pas à moi-même, je le considère
comme l’expression d’une volonté d’appartenir à cette communauté de foi et de se
servir les uns les autres. Faire preuve d’une telle solidarité et se laisser
inspirer par le Seigneur: c’est quelque chose qui me touche et je voudrais dire
merci de tout cœur.
Question : Très Saint Père, vous avez parlé de
l’expérience communautaire. Vous venez en Allemagne pour la seconde fois déjà
depuis votre élection. Avec la Journée Mondiale de la Jeunesse, et peut-être
aussi d’une autre manière avec la coupe du monde de football, le climat en un
certain sens a changé. On a l’impression que les allemands sont plus ouverts au
monde, plus tolérants, plus joyeux. Qu’espérez-vous encore de la part des
allemands?
Benoît XVI : Je dirais que la transformation intérieure de la société allemande
et même de la mentalité allemande a déjà commencé avec la fin de la seconde
guerre mondiale et s’est renforcée encore plus avec la réunification. Nous nous
sommes insérés beaucoup plus profondément dans la société mondiale et
naturellement nous avons été transformés aussi par sa mentalité. Et alors des
aspects du caractère allemand dont les autres auparavant n’étaient pas
conscients apparaissent au grand jour. Et nous avons peut-être un peu trop été
décrits comme si nous étions tous toujours disciplinés et réservés ce qui n’est
certes pas sans fondement. Mais si on voit maintenant un peu mieux ce que tous
sont en train de voir, je trouve c’est bien: les allemands ne sont pas seulement
réservés, ponctuels et disciplinés, mais ils sont aussi spontanés, gais,
accueillants. Cela est très beau. Et voilà ce que je souhaite: que ces vertus se
développent encore plus, et qu’elles puissent profiter de l’élan et du caractère
durable que donne la foi chrétienne.
Question : Très Saint Père, votre Prédécesseur a
proclamé un très grand nombre de bienheureux et de saints. Certains trouvent
même que c’était trop. Voici ma question: les béatifications et les
canonisations n’apportent à l’Eglise quelque chose de nouveau que si ces
personnes peuvent être considérées comme de vrais modèles. L’Allemagne produit
un nombre relativement faible de saints et de bienheureux par rapport à d’autres
pays. Peut-on faire quelque chose pour que cette dimension pastorale se
développe et pour que le besoin de béatifications et de canonisations donne de
vrais fruits pastoraux?
Benoît XVI : Au début je pensai un peu moi aussi que le grand nombre de
béatifications nous écrasait presque et que peut-être il fallait mieux choisir:
des figures qui puissent pénétrer plus clairement dans nos consciences.
Entre-temps j’ai décentralisé les béatifications, pour que, à chaque fois, ces
figures soient plus visibles dans les lieux spécifiques de leur appartenance.
Peut-être qu’un saint du Guatemala ne nous intéresse pas en Allemagne et vice
versa un saint d’Altötting peut-être n’intéresse personne à Los Angeles et ainsi
de suite, vous ne pensez pas? En outre je crois que cette décentralisation est
en accord avec la collégialité de l’épiscopat, avec ses structures collégiales,
et qu’elle est opportune justement pour bien montrer que chaque pays a ses
propres grandes figures et que celles-ci sont plus efficaces dans leurs pays.
J’ai par ailleurs noté que ces béatifications dans des lieux différents touchent
d’innombrables personnes et que les gens se disent: «Enfin, un des nôtres! » et
ils vont vers lui et ils s’en inspirent. Le bienheureux leur appartient et nous
sommes heureux qu’il y en ait beaucoup. Et si petit à petit nous aussi, avec le
développement de la société mondiale, nous apprenons à mieux les connaître,
c’est bien. Mais avant tout il est important que la multiplicité soit présente
aussi dans ce domaine et c’est pourquoi il est important que nous aussi en
Allemagne nous apprenions à connaître nos propres grandes figures et à nous
réjouir de les avoir. A côté de cela il y a les canonisations des plus grandes
figures qui sont importantes pour l’Eglise tout entière. Je dirais que chaque
Conférence épiscopale devrait choisir, voir ce qui est plus opportun, ce qui
peut nous apporter réellement quelque chose et qu’elles devraient rendre ces
figures plus visibles – il ne faut pas qu’il y en ait trop – des figures qui
laissent des traces profondes. Elles peuvent le faire par la catéchèse, la
prédication, on pourrait peut-être leur consacrer des films. J’imagine de très
beaux films. Moi naturellement je ne connais bien que les Père de l’Eglise: un
film sur Augustin, et un aussi sur Grégoire de Nizance et sa personnalité si
particulière, sa façon de fuir sans cesse les responsabilités toujours plus
grandes qui lui étaient confiées et ainsi de suite. Il faut essayer de réfléchir
à tout cela: Il n’y a pas que les situations mauvaises auxquelles sont consacrés
tant de films, il y a des figures merveilleuses de l’histoire, qui ne sont pas
du tout ennuyeuses, qui sont très actuelles. Bref il faut essayer de ne pas trop
peser sur les gens, mais de leur proposer les figures qui restent actuelles et
dont on peut s’inspirer.
Question : Des histoires où il y ait aussi un peu
d’humour? En 1989 à Munich vous avez été décoré du Karl Valentin Orden. Quel est
le rôle de l’humour dans la vie d’un Pape, de la légèreté de l’être?
Benoît XVI (en riant) : Je ne suis pas le genre d’homme qui a toujours une
blague à raconter. Mais je trouve qu’il est très important de savoir cueillir
les côtés amusants de la vie et sa dimension joyeuse et de ne pas tout prendre
de façon tragique, et je dirais que cela est même nécessaire pour mon ministère.
Un écrivain a dit que les anges pouvaient voler parce qu’ils ne se prennent pas
trop au sérieux. Et nous, nous pourrions peut-être voler un peu plus, si nous ne
nous donnions pas toujours de grands airs.
Question : Quand on a une responsabilité importante
comme la vôtre, Très Saint Père, on est naturellement scruté à la loupe. On
parle beaucoup de vous. Et j’ai été frappé de lire que certains observateurs
trouvent que le Pape Benoît XVI est différent du Cardinal Ratzinger. Quel regard
portez-vous sur vous-même, si je peux me permettre de poser cette question ?
Benoît XVI : J’ai déjà été sectionné plus d’une fois: le professeur de la
première période, puis la période intermédiaire, puis les premiers temps du
cardinalat puis la période suivante. Et maintenant une nouvelle section. Bien
entendu, on est influencé par les circonstances, par les situations, par les
hommes aussi, quand on recouvre des postes différents. Ma personnalité de base
et aussi ma vision de base se sont développées, mais elles sont restées
identiques dans tout ce qui est essentiel, et je me réjouis que l’on mette
aujourd’hui en avant des aspects qui n’avaient pas été remarqués auparavant.
Question : Est-ce qu’on peut dire que votre rôle vous
plait, que ce n’est pas un poids pour vous?
Benoît XVI : Ce serait aller trop loin, parce qu’en fait c’est fatigant, mais
quoiqu’il en soit j’essaye de trouver de la joie là aussi.
Conclusion : En mon nom et au nom de mes collègues je vous remercie très
sincèrement de ce colloque, de cette « première mondiale ». Nous nous
réjouissons de votre prochaine visite en Allemagne, en Bavière. Au revoir.
Lire la
première partie de la synthèse de l'interview du pape Benoît XVI:
Benoît XVI aborde les thèmes de la société
Lire la
deuxième partie de la synthèse de l'interview du pape Benoît XVI:
Benoît XVI présente le côté positif de l'Eglise
Pour en
savoir plus,
voir le programme du Voyage Apostolique du pape Benoît XVI en
Bavière
Sources: Vatican - (Traduit de l’allemand) -
Castelgandolfo, le 5 août 2006
Eucharistie sacrement de la miséricorde
- 15.08.2006 - BENOÎT XVI
|