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Message de
Benoît XVI pour la Journée Mondiale de la Paix, 1er
janvier 2013
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Le 14 décembre 2012 -
(E.S.M.)
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“Heureux les artisans de paix”, c’est le titre du message
du Pape Benoît XVI pour la Journée Mondiale de la Paix, 1er janvier
2013, publié ce midi.
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Message de
Benoît XVI pour la Journée Mondiale de la Paix, 1er
janvier 2013
Le 14 décembre 2012 - E.
S. M. - “Heureux les artisans de paix”, c’est le titre
du message du Pape pour la Journée Mondiale de la Paix, 1er janvier 2013. Il
a été publié ce midi. Dans ce message, Benoît XVI commence par souligner «
qu’il est encourageant de constater, à 50 ans de l’ouverture du Concile
Vatican II, que les chrétiens s’engagent dans l’histoire en partageant ses
joies et ses espoirs, ses tristesses et ses angoisses, en annonçant le salut
du Christ et promouvant la paix pour tous. »
Le Pape dresse alors le constat d’un monde qui est loin de vivre en paix. Et
il nous dit pourquoi.
MESSAGE DE SA SAINTETÉ
BENOÎT
XVI
POUR LA CÉLÉBRATION DE
LA
JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX
JANVIER 2013
HEUREUX LES ARTISANS DE PAIX
1. Chaque année nouvelle porte en elle l’attente d’un monde meilleur.
Dans cette perspective, fondée sur la foi, je prie Dieu, Père de l’humanité,
de nous donner la concorde et la paix afin que puissent se réaliser pour
tous les aspirations à une vie heureuse et prospère.
À 50 ans de l’ouverture du
Concile Vatican II qui a permis de renforcer la mission de l’Église dans
le monde, il est encourageant de constater que les chrétiens – peuple de
Dieu en communion avec lui et en chemin parmi les hommes – s’engagent dans
l’histoire en partageant ses joies et ses espoirs, ses tristesses et ses
angoisses
[1], annonçant le salut du Christ et promouvant la paix pour tous.
Notre temps en effet, marqué par la mondialisation, avec ses aspects
positifs et négatifs, mais aussi par des conflits sanglants toujours en
cours et par des menaces de guerre, demande un engagement renouvelé et
collectif pour la recherche du bien commun, du développement de tous les
hommes et de tout l’homme.
Les foyers de tension et d’opposition causés par des inégalités
croissantes entre riches et pauvres, par la prévalence d’une mentalité
égoïste et individualiste qui s’exprime également au travers d’un
capitalisme financier sans régulation, nous inquiètent. En plus des
différentes formes de terrorisme et de criminalité internationales, les
fondamentalismes et les fanatismes qui défigurent la vraie nature de la
religion, appelée qu’elle est à favoriser la communion et la réconciliation
entre les hommes sont autant de dangers pour la paix.
Et pourtant les nombreuses œuvres de paix dont le monde est riche,
témoignent de la vocation innée de l’humanité à la paix. En chaque personne,
le désir de paix est une aspiration essentielle qui coïncide, d’une certaine
façon, avec le désir d’une vie humaine pleine, heureuse et accomplie. En
d’autres termes, le désir de paix correspond à un principe moral
fondamental, c’est-à-dire au développement intégral, social, communautaire,
entendu comme un droit et un devoir, et cela fait partie du dessein de Dieu
sur l’homme. L’homme est fait pour la paix qui est don de Dieu.
Tout ce qui précède m’a conduit à m’inspirer, pour ce Message, des
paroles de Jésus-Christ : « Heureux les artisans de paix, parce qu’ils
seront appelés fils de Dieu » (Mt 5,9).
La béatitude évangélique
2. Les béatitudes, proclamées par Jésus (cf. Mt 5,3-12 et Lc
6,20-23), sont autant de promesses. Dans la tradition biblique en effet,
le genre littéraire correspondant à la béatitude porte toujours en lui-même
une bonne nouvelle, c’est-à-dire un évangile, qui culmine en une promesse.
Les béatitudes ne sont donc pas seulement des recommandations morales dont
l’observance prévoit, au temps prescrit – temps généralement situé dans
l’autre vie –, une récompense, c’est-à-dire une situation de bonheur à
venir. La béatitude consiste plutôt en l’accomplissement d’une promesse
adressée à tous ceux qui se laissent guider par les exigences de la vérité,
de la justice et de l’amour. Ceux qui mettent leur foi en Dieu et en ses
promesses apparaissent souvent aux yeux du monde naïfs et éloignés de la
réalité. Eh bien, Jésus leur déclare qu’ils découvriront être fi ls de Dieu
non seulement dans l’autre vie mais déjà en celle-ci et que, depuis toujours
et pour toujours, Dieu est pleinement solidaire d’eux. Ils comprendront
qu’ils ne sont pas seuls parce qu’Il est du côté de ceux qui s’engagent en
faveur de la vérité, de la justice et de l’amour. Jésus, révélation de
l’amour du Père, n’hésite pas à s’offrir lui-même en sacrifice. Quand on
accueille Jésus-Christ, Homme-Dieu, on vit la joyeuse expérience d’un don
immense : le partage de la vie même de Dieu, ou encore la vie de la grâce,
prémisse d’une existence pleinement heureuse. Jésus-Christ nous donne en
particulier la paix véritable qui naît de la rencontre confi ante de l’homme
avec Dieu.
La béatitude de Jésus dit que la paix est à la fois don messianique et
œuvre humaine. En effet, la paix présuppose un humanisme ouvert à la
transcendance. Il est fruit du don réciproque, d’un enrichissement mutuel,
grâce au don qui jaillit de Dieu et permet de vivre avec les autres et pour
les autres. L’éthique de la paix est une éthique de la communion et du
partage. Il est alors indispensable que les différentes cultures
contemporaines dépassent les anthropologies et les éthiques fondées sur des
présupposés théorico-pratiques surtout subjectifs et pragmatiques, au nom
desquels les relations de cohabitation sont inspirés par des critères de
pouvoir ou de profit, où les moyens deviennent des fins et vice-versa, où la
culture et l’éducation sont seulement centrées sur les instruments, sur la
technique et sur l’efficience. Le démantèlement de la dictature du
relativisme et de l’adoption d’une morale totalement autonome qui interdit
la reconnaissance de l’incontournable loi morale naturelle inscrite par Dieu
dans la conscience de chaque homme est une condition nécessaire de la paix.
La paix est construction d’un vivre-ensemble en termes rationnels et moraux,
s’appuyant sur un fondement dont la mesure n’est pas créée par l’homme mais
par Dieu même. « Le Seigneur donne la puissance à son peuple, le Seigneur
bénit son peuple dans la paix », rappelle le Psaume 29 (v.11).
La paix : don de Dieu et œuvre de l’homme
3. La paix concerne l’intégrité de la personne humaine et appelle
l’implication de tout l’homme. C’est la paix avec Dieu, en vivant selon sa
volonté. C’est la paix intérieure avec soi-même et la paix extérieure avec
le prochain et avec toute la création. Elle comporte principalement, comme
l’a écrit le bienheureux
Jean
XXIII dans l’encyclique
Pacem in Terris dont nous commémorerons dans quelques mois le
cinquantième anniversaire, la construction d’un vivre-ensemble fondé sur la
vérité, sur la liberté, sur l’amour et sur la justice
[2]. La négation de ce qu’est la véritable nature de l’être humain, en
ses dimensions essentielles, en sa capacité intrinsèque de connaître le vrai
et le bien et, en définitive, Dieu lui-même, met en danger la construction
de la paix. Sans la vérité sur l’homme, inscrite en son cœur par le
Créateur, la liberté et l’amour s’avilissent, la justice perd le fondement
de son exercice.
Pour devenir d’authentiques artisans de paix, l’attention à la dimension
transcendante est fondamentale comme l’est le dialogue constant avec Dieu,
Père miséricordieux, dialogue dans lequel on implore la rédemption que nous
a obtenue son Fils Unique. Ainsi l’homme peut vaincre ce germe
d’affaiblissement et de négation de la paix qu’est le péché en toutes ses
formes : égoïsme et violence, avidité et volonté de puissance et de
domination, intolérance, haine et structures injustes.
La réalisation de la paix dépend avant tout de la reconnaissance d’être,
en Dieu, une unique famille humaine. Celle-ci se structure, comme l’a
enseigné l’Encyclique
Pacem in Terris, à travers des relations interpersonnelles et des
institutions soutenues et animées par un « nous » communautaire, impliquant
un ordre moral, interne et externe, où sont sincèrement reconnus, selon la
vérité et la justice, les droits réciproques et les devoirs correspondants.
La paix est un ordre vivifié et structuré par l’amour; ainsi chacun ressent
comme siens les besoins et les exigences d’autrui, fait partager ses propres
biens aux autres et rend la communion aux valeurs spirituelles toujours plus
répandue dans le monde. Cet ordre se réalise dans la liberté, c’est-à-dire
de la façon qui convient à la dignité des personnes qui, par leur nature
raisonnable elle-même, assument la responsabilité de leurs actes
[3].
La paix n’est pas un rêve, ce n’est pas une utopie : elle est possible.
Nos yeux doivent regarder plus profondément, sous la surface des apparences
et des phénomènes, pour distinguer une réalité positive qui existe dans les
cœurs parce que tout homme est créé à l’image de Dieu, et appelé à grandir,
contribuant à l’édification d’un monde nouveau. Dieu lui-même en effet, par
l’incarnation de son Fils et la rédemption qu’il réalise, est entré dans
l’histoire, suscitant une nouvelle création et une nouvelle alliance entre
Dieu et l’homme (cf. Jer 31,31-34), nous donnant la possibilité
d’avoir « un cœur nouveau » et « un esprit nouveau » (cf. Ez 36,26).
C’est justement pourquoi l’Église est convaincue qu’existe l’urgence
d’une nouvelle annonce de Jésus-Christ, premier et principal facteur du
développement intégral des peuples et aussi de la paix. En effet, Jésus est
notre paix, notre justice, notre réconciliation (cf. Ep 2,14 ; 2
Cor 5,18). L’artisan de paix, selon la béatitude de Jésus, est celui qui
recherche le bien de l’autre, le bien complet de l’âme et du corps,
aujourd’hui et demain.
De cet enseignement, on peut déduire que toute personne, toute communauté
– religieuse, civile, éducative et culturelle –, est appelée à être artisan
de paix. La paix est principalement réalisation du bien commun des
différentes sociétés, qu’elles soient primaires ou intermédiaires,
nationales, internationales ou mondiale. C’est justement pourquoi on peut
dire que les voies de réalisation du bien commun sont aussi celles qu’il
importe de parcourir pour obtenir la paix.
Les artisans de paix sont ceux qui aiment, défendent et
promeuvent la vie dans son intégralité
4. Le chemin de réalisation du bien commun et de la paix est avant tout
le respect pour la vie humaine, considérée dans la variété de ses aspects, à
commencer par sa conception, dans son développement, et jusqu’à son terme
naturel. Les vrais artisans de paix sont alors ceux qui aiment, défendent et
promeuvent la vie humaine en toutes ses dimensions : personnelle,
communautaire et transcendante. La vie en plénitude est le sommet de la
paix. Qui veut la paix ne peut tolérer des atteintes ou des crimes contre la
vie.
Ceux qui n’apprécient pas suffisamment la valeur de la vie humaine et,
par conséquent, soutiennent la libéralisation de l’avortement par exemple,
ne se rendent peut-être pas compte que de cette façon ils proposent la
recherche d’une paix illusoire. La fuite des responsabilités qui avilit la
personne humaine et, encore davantage, le meurtre d’un être sans défense et
innocent, ne pourront jamais produire ni bonheur ni paix. Comment peut-on
penser en effet construire la paix, le développement intégral des peuples ou
la sauvegarde même de l’environnement sans que soit défendu le droit des
plus faibles à la vie, à commencer par les enfants à naître ? Toute atteinte
à la vie, en particulier à son origine, provoque inévitablement des dégâts
irréparables pour le développement, pour la paix, pour l’environnement. Il
n’est pas juste non plus de codifier de manière sournoise de faux droits ou
des abus qui, fondés sur une vision réductrice et relativiste de l’être
humain et sur l’utilisation habile d’expressions ambiguës destinées à
favoriser un prétendu droit à l’avortement et à l’euthanasie, menacent le
droit fondamental à la vie.
La structure naturelle du mariage doit être aussi reconnue et promue,
c’est-à-dire l’union entre un homme et une femme, face aux tentatives de la
rendre juridiquement équivalente à des formes radicalement différentes
d’union qui, en réalité, la dénaturent et contribuent à la déstabiliser,
éclipsant son caractère particulier et son rôle social irremplaçable.
Ces principes ne sont pas des vérités de foi ; ils ne sont pas non plus
seulement une conséquence du droit à la liberté religieuse. Ils sont
inscrits dans la nature humaine elle-même, identifiables par la raison, et
donc communs à toute l’humanité. L’action de l’Église en faveur de leur
promotion ne revêt donc pas un caractère confessionnel mais s’adresse à
toutes les personnes, quelle que soit leur appartenance religieuse. Cette
action est d’autant plus nécessaire que ces principes sont niés ou mal
compris, car cela constitue une offense faite à la vérité de la personne
humaine, une grave blessure infligée à la justice et à la paix.
C’est pourquoi la reconnaissance par les ordonnancements juridiques et
par l’administration de la justice du droit à l’usage du principe
d’objection de conscience face à des lois et à des mesures gouvernementales
portant atteintes à la dignité humaine, comme l’avortement et l’euthanasie,
est aussi une importante contribution à la paix.
Parmi les droits fondamentaux, concernant aussi la vie pacifique des
peuples, il y a également celui des particuliers et des communautés à la
liberté religieuse. En ce moment de l’histoire, il devient de plus en plus
important qu’un tel droit soit promu non seulement du point de vue négatif,
comme liberté face à – par exemple des obligations ou des
restrictions relatives à la liberté de choisir sa propre religion –, mais
aussi du point de vue positif, en ses différentes articulations, comme
liberté de : par exemple de témoigner de sa propre religion, d’annoncer
et de communiquer ses enseignements ; d’accomplir des activités éducatives,
de bienfaisance et d’assistance qui permettent d’appliquer les préceptes
religieux ; d’exister et d’agir en tant qu’organismes sociaux, structurés
selon les principes doctrinaux et les fins institutionnelles qui leur sont
propres. Malheureusement, même dans les pays de vieille tradition
chrétienne, se multiplient les épisodes d’intolérance religieuse, en
particulier contre le christianisme et contre ceux qui revêtent simplement
les signes distinctifs de leur propre religion.
L’artisan de paix doit aussi avoir conscience que de plus en plus de
secteurs de l’opinion publique sont touchés par les idéologies du
libéralisme radical et de la technocratie qui leur instillent la conviction
selon laquelle la croissance économique est à obtenir aussi au prix de
l’érosion de la fonction sociale de l’État et des réseaux de solidarité de
la société civile, ainsi que des droits et des devoirs sociaux. Or, il faut
considérer que ces droits et devoirs sont fondamentaux pour la pleine
réalisation des autres, à commencer par les droits et les devoirs civiques
et politiques.
Parmi les droits et les devoirs sociaux aujourd’hui les plus menacés, il
y a le droit au travail. Cela est dû au fait que le travail et la juste
reconnaissance du statut juridique des travailleurs sont de moins en moins
correctement valorisés, parce que le développement économique dépendrait
surtout de la pleine liberté des marchés. Le travail est appréhendé comme
une variable dépendant des mécanismes économiques et financiers. À ce sujet,
je répète ici que la dignité de l’homme, ainsi que la logique économique,
sociale et politique, exigent que l’on continue à « se donner comme objectif
prioritaire l’accès au travail ou son maintien, pour tous »
[4]. La réalisation de cet objectif ambitieux a pour condition une
appréhension renouvelée du travail, fondée sur des principes éthiques et des
valeurs spirituelles de nature à renforcer sa conception en tant que bien
fondamental pour la personne, la famille, la société. À ce bien
correspondent un devoir et un droit qui exigent des politiques courageuses
et novatrices en faveur du travail pour tous.
Construire le bien de la paix par un nouveau modèle de
développement et d’économie
5. De plusieurs côtés, il est reconnu qu’aujourd’hui un nouveau modèle de
développement comme aussi un nouveau regard sur l’économie s’avèrent
nécessaires. Aussi bien le développement intégral, solidaire et durable, que
le bien commun, exigent une échelle correcte de “biens-valeurs”, qu’il est
possible de structurer en ayant Dieu comme référence ultime. Il ne suffit
pas d’avoir à disposition de nombreux moyens et de nombreuses opportunités
de choix, même appréciables. Autant les multiples biens efficaces pour le
développement, que les opportunités de choix doivent être utilisés dans la
perspective d’une vie bonne, d’une conduite droite qui reconnaisse le primat
de la dimension spirituelle et l’appel à la réalisation du bien commun. Dans
le cas contraire, ils perdent leur juste valeur, finissant par s’ériger en
nouvelles idoles.
Pour sortir de la crise financière et économique actuelle – qui a pour
effet une croissance des inégalités – il faut des personnes, des groupes,
des institutions qui promeuvent la vie en favorisant la créativité humaine
pour tirer, même de la crise, l’occasion d’un discernement et d’un nouveau
modèle économique. Le modèle prévalant des dernières décennies postulait la
recherche de la maximalisation du profit et de la consommation, dans une
optique individualiste et égoïste, tendant à évaluer les personnes seulement
par leur capacité à répondre aux exigences de la compétitivité. Au
contraire, dans une autre perspective, le succès véritable et durable
s’obtient par le don de soi, de ses propres capacités intellectuelles, de
son esprit d’initiative, parce que le développement économique vivable,
c’est-à-dire authentiquement humain, a besoin du principe de gratuité comme
expression de fraternité et de la logique du don
[5]. Concrètement, dans l’activité économique, l’artisan de paix se
présente comme celui qui instaure avec ses collaborateurs et ses collègues,
avec les commanditaires et les usagers, des relations de loyauté et de
réciprocité. Il exerce l’activité économique pour le bien commun, vit son
engagement comme quelque chose qui va au-delà de son intérêt propre, au
bénéfice des générations présentes et futures. Et ainsi, il travaille non
seulement pour lui, mais aussi pour donner aux autres un avenir et un
travail décent.
Dans le domaine économique, il est demandé, spécialement de la part des
États, des politiques de développement industriel et agricole qui aient le
souci du progrès social et de l’universalisation d’un État de droit,
démocratique. Ensuite, la structuration éthique des marchés monétaires,
financiers et commerciaux est fondamentale et incontournable; ceux-ci seront
stabilisés et le plus possible coordonnés et contrôlés, de façon à ne pas
nuire aux plus pauvres. La sollicitude des nombreux artisans de paix doit en
outre se mettre – avec plus de résolution par rapport à ce qui s’est fait
jusqu’à aujourd’hui – à considérer la crise alimentaire, bien plus grave que
la crise financière. Le thème de la sécurité des approvisionnements
alimentaires en est venu à être central dans l’agenda politique
international, à cause de crises connexes, entre autre, aux fluctuations
soudaines des prix des matières premières agricoles, aux comportements
irresponsables de certains agents économiques et à un contrôle insuffisant
de la part des gouvernements et de la communauté internationale. Pour faire
face à cette crise, les artisans de paix sont appelés à œuvrer ensemble en
esprit de solidarité, du niveau local au niveau international, avec pour
objectif de mettre les agriculteurs, en particulier dans les petites
réalités rurales, en condition de pouvoir exercer leur activité de façon
digne et durable, d’un point de vue social, environnemental et économique.
Éducation pour une culture de paix : le rôle de la famille et
des institutions
6. Je désire rappeler avec force que les nombreux artisans de paix sont
appelés à cultiver la passion pour le bien commun de la famille et pour la
justice sociale, ainsi que l’engagement en faveur d’une éducation sociale
valable.
Personne ne peut ignorer ou sous-évaluer le rôle décisif de la famille,
cellule de base de la société du point de vue démographique, éthique,
pédagogique, économique et politique. Elle a une vocation naturelle à
promouvoir la vie : elle accompagne les personnes dans leur croissance et
les incite au développement mutuel par l’entraide réciproque. La famille
chrétienne, tout particulièrement, porte en elle le projet embryonnaire de
l’éducation des personnes à la mesure de l’amour divin. La famille est un
des sujets sociaux indispensables à la réalisation d’une culture de la paix.
Il faut protéger le droit des parents et leur rôle premier dans l’éducation
des enfants, tout d’abord dans le domaine moral et religieux. Dans la
famille, naissent et grandissent les artisans de paix, les futurs promoteurs
d’une culture de la vie et de l’amour
[6].
Dans cette immense tache de l’éducation à la paix, les communautés
religieuses sont particulièrement impliquées. L’Église se sent
partie-prenante d’une si grande responsabilité à travers la nouvelle
évangélisation, qui a comme pivot la conversion à la vérité et à l’amour du
Christ, et, par conséquent, la renaissance spirituelle et morale des
personnes et des sociétés. La rencontre avec Jésus Christ façonne les
artisans de paix en les engageant à la communion et au dépassement de
l’injustice.
Une mission spéciale concernant la paix est remplie par les institutions
culturelles scolaires et universitaires. Il leur est demandé une
contribution importante non seulement à la formation de nouvelles
générations de leader, mais aussi au renouvellement des institutions
publiques, nationales et internationales. Elles peuvent aussi contribuer à
une réflexion scientifique qui enracine les activités économiques et
financières dans un solide fondement anthropologique et éthique. Le monde
actuel, particulièrement le monde politique, a besoin du support d’une
nouvelle pensée, d’une nouvelle synthèse culturelle, pour dépasser les
approches purement techniques et harmoniser les multiples tendances
politiques en vue du bien commun. Celui-ci, considéré comme un ensemble de
relations interpersonnelles et institutionnelles positives, au service de la
croissance intégrale des individus et des groupes, est à la base de toute
éducation véritable à la paix.
Une pédagogie de l’artisan de paix
7. En conclusion, ressort la nécessité de proposer et de promouvoir une
pédagogie de la paix. Elle demande une vie intérieure riche, des références
morales claires et valables, des attitudes et des manières de vivre
appropriées. En effet, les œuvres de paix concourent à réaliser le bien
commun et créent l’intérêt pour la paix, en éduquant à la paix. Pensées,
paroles et gestes de paix créent une mentalité et une culture de la paix,
une atmosphère de respect, d’honnêteté et de cordialité. Il faut alors
enseigner aux hommes à s’aimer et à s’éduquer à la paix, et à vivre avec
bienveillance, plus que par simple tolérance. L’encouragement fondamental
est celui de « dire non à la vengeance, de reconnaître ses torts, d’accepter
les excuses sans les rechercher, et enfin de pardonner »
[7], de sorte que les erreurs et les offenses puissent être reconnues en
vérité pour avancer ensemble vers la réconciliation. Cela demande qu’une
pédagogie du pardon se répande. Le mal, en effet, se vainc par le bien, et
la justice est recherchée en imitant Dieu, le Père, qui aime tous ses
enfants (cf. Mt 5, 21-48). C’est un travail de longue haleine, parce
qu’il suppose une évolution spirituelle, une éducation aux valeurs les plus
élevées, une vision neuve de l’histoire humaine. Il convient de renoncer à
la fausse paix que promettent les idoles de ce monde et aux dangers qui
l’accompagnent, à cette fausse paix qui rend les consciences toujours plus
insensibles, qui porte au repliement sur soi, à une existence atrophiée
vécue dans l’indifférence. Au contraire la pédagogie de la paix implique
action, compassion, solidarité, courage et persévérance.
Jésus incarne l’ensemble de ces attitudes dans son existence, jusqu’au
don total de lui-même, jusqu’à « perdre sa vie » (cf. Mt 10,39 ;
Lc 17,33 ; Jn 12,25). Il promet à ses disciples que, tôt ou tard,
ils feront la découverte extraordinaire dont nous avons parlé au début, à
savoir que dans le monde, il y a Dieu, le Dieu de Jésus, pleinement
solidaire des hommes. Dans ce contexte, je voudrais rappeler la prière par
laquelle nous demandons à Dieu de faire de nous des instruments de sa paix,
pour porter son amour là où il y a la haine, son pardon là où il y a
l’offense, la vraie foi là où il y a le doute. Pour notre part, avec le
bienheureux
Jean
XXIII, demandons à Dieu qu’il éclaire les responsables des peuples, afin
que, tout en se préoccupant du légitime bien-être de leurs compatriotes, ils
garantissent et défendent le précieux don de la paix. Qu’il enflamme la
volonté de tous pour renverser les barrières qui divisent, renforcer les
liens de l’amour mutuel, user de compréhension à l’égard d’autrui et
pardonner à ceux qui leur ont fait du tort, de sorte que, grâce à son
action, tous les peuples de la terre fraternisent et que parmi eux ne cesse
de fleurir et de régner la paix tant désirée
[8].
Par ce vœu, je souhaite que tous puissent être de véritables artisans et
bâtisseurs de paix, de sorte que la cité de l’homme grandisse dans une
concorde fraternelle, dans la prospérité et dans la paix.
Du Vatican, le 8 décembre 2012.
[1] Cf. CONC. ŒCUM. VAT. II, Const. past. sur l’Église dans le monde de
ce temps
Gaudium et spes, n. 1.
[2] Cf. Lett. enc.
Pacem in terris (11 avril 1963) : AAS 55 (1963), 265-266.
[3] Cf. ibid. : AAS 55 (1963), 266.
[4] BENOÎT XVI, Lett. enc.
Caritas in veritate (29 juin 2009), n. 32 : AAS 101 (2009),
666-667.
[5] Cf.
ibid., n. 34 et
36 : AAS 101 (2009), 668-670 et 671-672.
[6] Cf. JEAN-PAUL II,
Message pour la Journée mondiale de la Paix 1994 (8 décembre 1993):
AAS 86 (1994), 156-162.
[7] Benoît XVI,
Discours aux membres du Gouvernement, aux institutions de la République,
au corps diplomatique, aux chefs religieux et aux représentants du monde de
la culture, Baabda-Liban (15 septembre 2012) : L’Osservatore
romano, édition française n. 3.253 (20 septembre 2012), p. 7.
[8] Cf. Lett. enc.
Pacem in terris (11 avril 1963) : AAS 55 (1963), 304.
►
Message pour la Journée mondiale de la paix de Benoît XVI, une petite encyclique - 14.12.12
Sources : www.vatican.va
-
E.S.M.
© Copyright 2012 - Libreria Editrice Vaticana
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 14.12.2012- T/Benoît XVI
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