Deuxième Prédication de l'Avent en
présence de Benoît XVI |
 |
Cité du Vatican, le 14 décembre 2007 -
(E.S.M.)
- Ce matin à 9 heures, dans la Chapelle "Redemptoris Mater",
en présence du Saint-Père Benoît XVI, le Prédicateur de la Maison
Pontificale, Rev.do P. Raniero Cantalamessa, O.F.M. Cap., a tenu la
seconde Prédication de l'Avent sur le sujet:"
Il nous a parlé par le Fils",
(Hébreux1,2) et
plus particulièrement de Jean le Baptiste.
|
Le pape Benoît XVI dans
la Chapelle "Redemptoris Mater"
Deuxième Prédication de l'Avent en présence de Benoît XVI
Jean Baptiste, "plus qu'un prophète"
Ce matin à 9 heures, dans la Chapelle "Redemptoris Mater", en
présence du Saint-Père Benoît XVI, le Prédicateur de la Maison Pontificale,
Rev.do P. Raniero Cantalamessa, O.F.M. Cap., a tenu la seconde Prédication
de l'Avent sur le sujet:"
Il nous a parlé par le Fils",
(Hébreux1,2).
La mission de Jean Baptiste et la nécessité d'une éternelle Pentecôte pour l'Église ont
été les thèmes clé de la seconde prédication de l'Avent devant le Pape et la
Curie Romaine par le prédicateur de la Maison Pontificale, le père Raniero Cantalamessa.
Le religieux a souligné que la comparaison entre le Baptiste et Jésus se comprend dans la comparaison
entre le baptême de l'eau et le
baptême de par l'Esprit.
JEAN BAPTISTE, « PLUS QU'UN PROPHETE »
La
dernière fois, j'ai essayé, en partant du texte de la Lettre aux Hébreux (1.1-3)
de définir l'image de Jésus qui ressort de la confrontation avec les
prophètes. Mais entre le temps des prophètes et celui de Jésus, il y a une
figure spéciale qui sert de charnière entre les premiers et le second : Jean
Baptiste. Rien dans le Nouveau Testament n'éclaire mieux la nouveauté du
Christ que la confrontation avec Jean Baptiste.
Le thème de l'accomplissement, du tournant décisif, ressort clairement des
textes dans lesquels Jésus lui-même parle de sa relation avec le Précurseur.
Les experts reconnaissent aujourd'hui que les déclarations à ce sujet qui
figurent dans les Evangiles ne sont ni des inventions ni des adaptations
apologétiques de la communauté postérieure à la Pâque, mais remontent
essentiellement au Jésus historique. Certaines d'entre elles deviennent même
incompréhensibles si on les attribue à la communauté chrétienne postérieure
(1).
Le meilleur moyen d'entrer en harmonie avec la liturgie de l'Avent est
d'entreprendre une réflexion sur Jésus et Jean Baptiste. La figure et le
message du Précurseur sont précisément au cœur de l'Evangile du deuxième et
du troisième Dimanche de l'Avent. Il y a une progression dans l'Avent : la
première semaine, la voix qui domine est celle du prophète Isaïe qui annonce
le Messie de loin ; la deuxième et la troisième semaine, c'est celle de Jean
Baptiste qui annonce le Christ présent ; la dernière semaine, le prophète et
le Précurseur laissent la place à la Mère qui le porte dans son sein.
Dans cette chapelle, nous avons le Précurseur devant les yeux à deux moments
: sur le mur latéral nous le voyons en train de baptiser Jésus, penché sur
lui en signe de reconnaissance de sa supériorité ; sur le mur du fond, dans
l'attitude de la Deesis typique de l'iconographie byzantine.
1. Le grand tournant
Le texte le plus complet dans lequel Jésus s'exprime sur sa relation avec
Jean Baptiste est le passage de l'Evangile que la liturgie nous fera lire
dimanche prochain à la messe. De sa prison, Jean envoie ses disciples
demander à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre
un autre ? » (Mt 11, 2-6 ; Lc 7, 19-23).
Jean a l'impression que la prédication du Maître de Nazareth qu'il avait
lui-même baptisé et présenté à Israël, prend une direction bien différente
de la direction flamboyante à laquelle il s'attendait. Il prêche davantage
la miséricorde présente, offerte à tous, justes et pécheurs, que le jugement
imminent de Dieu.
Le passage le plus significatif de tout le texte est l'éloge que Jésus fait
de Jean Baptiste après avoir répondu à sa question : « Qu'êtes-vous allés
voir... ? ...Un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu'un
prophète... Amen, je vous le dis : Parmi les hommes, il n'en a pas existé de
plus grand que Jean Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume
des cieux est plus grand que lui. Depuis le temps de Jean Baptiste jusqu'à
présent, le Royaume des cieux subit la violence, et des violents cherchent à
s'en emparer. Tous les Prophètes, ainsi que la Loi, ont parlé jusqu'à Jean.
Et, si vous voulez bien comprendre, le prophète Élie qui doit venir, c'est
lui. Celui qui a des oreilles, qu'il entende ! »
(Mt 11, 11-15).
Une chose apparaît clairement dans ces paroles : entre la mission de Jean
Baptiste et celle de Jésus il s'est passé une chose décisive qui représente
une ligne de séparation entre deux époques. Le barycentre de l'histoire
s'est déplacé : l'élément le plus important ne se trouve plus dans un avenir
plus ou moins imminent, mais est « maintenant et ici », dans le royaume qui
est déjà à l'œuvre dans la personne du Christ. Un saut de qualité s'est
produit entre les deux prédications : le plus petit dans le nouvel ordre est
supérieur au plus grand dans l'ordre précédent.
Ce thème de l'accomplissement et du tournant décisif est confirmé dans de
nombreux autres passages de l'Evangile. Il suffit de rappeler quelques
paroles de Jésus comme : « Il y a ici bien plus que Jonas !... Il y a ici
bien plus que Salomon ! » (Mt 12, 41-42).
« Mais vous, heureux vos yeux parce qu'ils voient, et vos oreilles parce
qu'elles entendent ! Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de
justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l'ont pas vu, entendre ce
que vous entendez, et ne l'ont pas entendu ! »
(Mt 13, 16-17). Toutes celles que
l'on a surnommées les « paroles du royaume » - on peut penser à celles du
trésor caché et de la perle précieuse - expriment, chaque fois de manière
différente, la même idée de fond : avec Jésus, l'heure décisive de
l'histoire a sonné, devant lui s'impose la décision dont dépend le salut.
C'est cette constatation qui a amené les disciples de Bultmann a se séparer
de leur maître. Bultmann situait Jésus dans le judaïsme, faisant de lui les
prémisses du christianisme, pas encore un chrétien ; il attribuait en
revanche le grand tournant à la foi de la communauté née après la Pâque.
Bornkamm et Conzelmann se sont rendus compte de l'incohérence de cette thèse
: le « tournant décisif » est déjà amorcé par la prédication de Jésus. Jean
appartient aux « prémisses » et à la préparation, mais avec Jésus on est
déjà dans le temps de l'accomplissement.
Dans son livre «
Jésus de Nazareth », le Saint-Père confirme cette conquête de l'exégèse
plus sérieuse et mise à jour. Il écrit : « Pour qu'on en vienne à ce choc
radical, pour qu'on recoure à l'extrémité qui consistait à livrer Jésus aux
Romains, il avait bien fallu que se produise et que se dise quelque chose de
dramatique. Ce qu'il y a de scandaleux et de grand se situe justement au
commencement, et l'Eglise naissante a dû faire un long chemin pour en
mesurer toute la grandeur, pour la saisir progressivement dans un processus
de ‘remémoration' réflexive. [...] Non, ce qu'il y a de grand, de nouveau et
de scandaleux est justement le fait de Jésus. Tout cela se développe dans la
foi et dans vie de la communauté, mais ce n'est pas là que cela est créé.
Oui, la ‘communauté' ne se serait pas d'abord constituée et n'aurait pas
survécu, si une réalité extraordinaire ne l'avait pas précédée »
(2).
Dans la théologie de Luc il est évident que Jésus occupe « le centre du
temps ». Par sa venue il a divisé l'histoire en deux parties, créant un «
avant » et un « après » absolus. Aujourd'hui est en train de s'affirmer,
surtout dans la presse laïque, l'habitude d'abandonner la manière
traditionnelle de dater les événements « avant Jésus Christ » ou « après
Jésus Christ » (ante Christum natum e post Christum natum), en faveur
de la formule plus neutre « avant l'ère vulgaire » et « de l'ère vulgaire ».
Il s'agit d'un choix motivé par le désir de ne pas heurter la sensibilité
des peuples d'autres religions qui utilisent la chronologie chrétienne ; en
ce sens, elle est à respecter, mais pour les chrétiens le rôle «
discriminant » de la venue du Christ pour l'histoire religieuse de
l'humanité reste incontesté.
2. Il vous baptisera dans l'Esprit Saint
Maintenant, comme toujours, nous allons partir de la certitude exégétique et
théologique mise en lumière pour en venir à notre vie aujourd'hui.
La comparaison entre Jean Baptiste et Jésus est cristallisée dans le Nouveau
Testament par la comparaison entre le baptême de l'eau et le baptême de
l'Esprit. « Moi, je vous ai baptisés avec de l'eau, mais lui vous baptisera
avec l'Esprit Saint » (Mc 1, 8 ; Mt 3, 11
; Lc 3, 16). « Et moi, je ne le connaissais pas, dit Jean
Baptiste dans l'Evangile de Jean, mais celui qui m'a envoyé baptiser dans
l'eau, celui-là m'avait dit : ‘Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et
demeurer, c'est lui qui baptise dans l'Esprit Saint' »
(Jn 1, 33). Et Pierre, chez Corneille : « Je me suis alors
rappelé cette parole du Seigneur. Jean, disait-il, a baptisé avec de l'eau
mais vous, vous serez baptisés dans l'Esprit Saint »
(Ac
11, 16).
Que signifie affirmer que Jésus est celui qui baptise dans l'Esprit Saint ?
Cette expression ne sert pas seulement à différencier le baptême de Jésus de
celui de Jean ; elle sert aussi à distinguer toute la personne et l'œuvre du
Christ de celles de son Précurseur. En d'autres termes, dans toute son
œuvre, Jésus est celui qui baptise dans l'Esprit Saint. Baptiser a ici un
sens métaphorique ; cela signifie inonder, envelopper de toutes parts, comme
fait l'eau avec les corps qui y sont immergés.
Jésus « baptise dans l'Esprit Saint » dans le sens où il reçoit et donne
l'Esprit « sans mesure » (cf. Jn 3, 34),
qui « répand » son Esprit (Ac 2, 33)
sur toute l'humanité rachetée. Cette expression se réfère davantage à
l'événement de la Pentecôte qu'au sacrement du baptême. « Jean, lui, a
baptisé avec de l'eau, mais vous, c'est dans l'Esprit Saint que vous serez
baptisés sous peu de jours » (Ac 1, 5),
dit Jésus aux apôtres, en faisant bien sûr référence à la Pentecôte qui
allait avoir lieu quelques jours plus tard.
L'expression « baptiser dans l'Esprit » définit donc l'œuvre essentielle du
Messie qui, déjà dans les prophètes de l'Ancien Testament se présente comme
orientée à régénérer l'humanité à travers une grande et universelle effusion
de l'Esprit de Dieu (cf. Jl 3, 1 ss.).
Si nous appliquons tout cela à la vie et au temps de l'Eglise, nous devons
conclure que Jésus ressuscité ne baptise pas dans l'Esprit Saint uniquement
à travers le sacrement du baptême mais, de manière différente, également à
d'autres moments : dans l'Eucharistie, dans l'écoute de la Parole, et, en
général, à travers tous les moyens de grâce.
Saint Thomas d'Aquin écrit : « Il y a une mission invisible de l'Esprit
chaque fois que s'accomplit un progrès dans la vertu ou une augmentation de
grâce... ; lorsque quelqu'un passe à une nouvelle activité ou à un nouvel
état de grâce » (3). La liturgie même
de l'Eglise enseigne cela. Toutes ses prières et ses hymnes à l'Esprit Saint
commencent par le cri : « Viens ! » : « Viens Esprit Créateur », « Viens,
Esprit Saint ». Et pourtant, celui qui prie ainsi a déjà reçu une fois
l'Esprit. Cela signifie que l'Esprit est quelque chose que nous avons reçu
et que nous devons recevoir toujours à nouveau.
3. L'effusion de l'Esprit
Dans ce contexte il faut évoquer ce que l'on a appelé le « baptême de
l'Esprit », une expérience vécue depuis un siècle par des millions de
croyants de presque toutes les dénominations chrétiennes. Il s'agit d'un
rite fait de gestes d'une grande simplicité, accompagnés par des
dispositions de repentir et de foi dans la promesse du Christ : « Le Père
donnera l'Esprit Saint à ceux qui l'en prient ».
Il s'agit d'un renouvellement et d'une activation, non seulement du baptême
et de la confirmation mais de tous les événements de grâce de notre état :
ordination sacerdotale, profession religieuse, mariage. La personne
intéressée s'y prépare, à travers une bonne confession mais aussi en
participant à des rencontres de catéchèse, dans lesquelles il redécouvre de
manière vivante et joyeuse les principales vérités et réalités de la foi :
l'amour de Dieu, le péché, le salut, la vie nouvelle, la transformation dans
le Christ, les charismes, les fruits de l'Esprit. Le tout dans un climat de
profonde communion fraternelle.
Parfois en revanche, tout se passe de manière spontanée, en dehors de tout
plan précis, et on est comme « surpris » par l'Esprit. Un homme a donné ce
témoignage : « J'étais dans l'avion et je lisais le dernier chapitre d'un
livre sur l'Esprit Saint. A un moment donné, c'est comme si l'Esprit Saint
était sorti des pages du livre et était entré dans mon corps. Les larmes
commencèrent à ruisseler de mes yeux. Je me mis à prier. J'étais submergé
par une force qui me dépassait totalement » (4).
L'effet le plus courant de cette grâce est que l'Esprit Saint, qui était un
objet de foi intellectuelle plus ou moins abstrait, devient un fait
d'expérience. Karl Rahner a écrit : « On ne peut nier que l'homme puisse
faire ici-bas des expériences de grâce, qui lui donnent un sentiment de
libération, lui ouvrent des horizons complètement nouveaux, s'impriment
profondément en lui, le transforment, et façonnent, même pour longtemps, son
comportement chrétien le plus profond. Rien n'interdit d'appeler ces
expériences effusion de l'Esprit » (5).
A travers ce que l'on appelle justement « effusion de l'Esprit » [littéral.
« baptême de l'Esprit », ndlr] on fait l'expérience de l'onction de l'Esprit
Saint dans la prière, de sa puissance dans le ministère pastoral, de son
réconfort dans l'épreuve, de sa présence comme guide dans les choix. Avant
même de le percevoir dans la manifestation des charismes, on le perçoit
comme Esprit qui transforme intérieurement, donne le goût de la louange de
Dieu, ouvre l'esprit à la compréhension des Ecritures, enseigne à proclamer
Jésus « Seigneur » et donne le courage d'assumer des tâches nouvelles et
difficiles, au service de Dieu et de son prochain.
Cette année, c'est le quarantième anniversaire de la retraite qui marqua, en
1967, la naissance du Renouveau charismatique dans l'Eglise catholique que
l'on estime avoir touché, en quelques années, pas moins de quatre-vingts
millions de catholiques. Voici comment l'une des personnes présentes à cette
première retraite décrivait les effets de l'effusion de l'Esprit :
« Notre foi est devenue vive : notre croyance est devenue une sorte de
connaissance. À l'improviste, le surnaturel est devenu plus réel que le
naturel. En bref, Jésus est devenu une personne vivante pour nous... La
prière et les sacrements sont vraiment devenus notre pain quotidien et non
plus de ‘pieuses pratiques'. Un amour pour les Écritures que je n'aurais
jamais cru possible, une transformation de nos relations avec les autres, un
besoin et une force de témoigner au-delà de toute attente ; tout cela fait
maintenant partie de notre vie. L'expérience initiale du baptême dans
l'Esprit ne nous a pas donné une émotion extérieure particulière mais la vie
s'est remplie de calme, de confiance, de joie et de paix... Nous avons
chanté le Veni creator Spiritus avant chaque rencontre, en prenant au
sérieux ce que nous disions et nous n'avons pas été déçus... Nous avons
aussi été inondés de charismes et tout cela nous a mis dans une parfaite
atmosphère œcuménique » (6).
Nous voyons tous clairement que ce sont précisément les choses dont l'Eglise
a le plus besoin aujourd'hui pour annoncer l'Evangile à un monde devenu
réfractaire à la foi et au surnaturel. Il n'est pas dit que tous soient
appelés à faire l'expérience de la grâce d'une nouvelle Pentecôte de cette
manière. Cependant, nous sommes tous appelés à ne pas rester en dehors de ce
« courant de grâce » qui traverse l'Eglise de l'après Concile. Jean XXIII
parla, à son époque, d'une « nouvelle Pentecôte » ; Paul VI est allé plus
loin et a parlé d'une « perpétuelle Pentecôte », d'une Pentecôte
continuelle. Cela vaut la peine de réentendre les paroles qu'il prononça au
cours d'une audience générale :
« Nous nous sommes demandés souvent [...] quel est le besoin premier et
dernier pour notre Église bénie et très chère [...]. Nous devons le dire,
presque anxieux et en priant parce que c'est son mystère et sa vie, vous le
savez : l'Esprit, l'Esprit-Saint, animateur et sanctificateur de l'Église,
son souffle divin, le vent de ses voiles, son principe unificateur, sa
source intérieure de lumière et de force, son soutien et son consolateur, sa
source de charismes et de chants, sa paix et sa joie, son gage et son
prélude de vie bienheureuse et éternelle
(cf.
Lumen
Gentium, 5). L'Église a besoin de sa perpétuelle Pentecôte ;
elle a besoin de feu dans le cœur, de parole sur les lèvres, de prophétie
dans le regard [...] L'Église a besoin d'acquérir de nouveau l'anxiété, le
goût, la certitude de sa vérité » (7).
Le philosophe Heidegger concluait son analyse de la société par un cri
d'alarme : « Seul un dieu peut nous sauver ». Ce Dieu qui peut nous sauver,
et qui nous sauvera, nous chrétiens, le connaissons : c'est l'Esprit Saint !
L'aromathérapie est aujourd'hui très à la mode. Il s'agit de l'utilisation
des huiles essentielles, qui distillent un parfum, pour maintenir en forme
ou pour soigner certains troubles. Internet est rempli d'annonces pour
l'aromathérapie. Celles-ci ne se limitent pas à promettre un bien-être
physique comme soigner le stress ; il y a aussi les « parfums de l'âme »,
par exemple le parfum pour obtenir « la paix intérieure ».
Les médecins invitent à se méfier de cette pratique qui n'est pas prouvée
scientifiquement et qui comporte même dans certains cas, des
contre-indications, mais, ce que je veux dire, c'est qu'il existe une
aromathérapie sûre, infaillible, qui ne comporte aucune contre-indication :
celle qui est faite avec l'arôme spécial, le « saint chrême de l'âme » qui
est l'Esprit Saint ! Saint Ignace d'Antioche a écrit : « Le Seigneur a reçu
sur la tête une onction parfumée (myron) pour répandre l'incorruptibilité
sur l'Eglise » (8). Nous ne pourrons
être à notre tour « la bonne odeur du Christ » dans le monde
(2 Co 2, 15) que si nous recevons
cet « arôme ».
L'Esprit Saint est avant tout un spécialiste des maladies du mariage et de
la famille, qui sont les grands malades d'aujourd'hui. Le mariage consiste à
se donner l'un à l'autre, c'est le sacrement du don. L'Esprit Saint est le
don devenu personne ; c'est le don du Père au Fils et du Fils au Père. Là où
il arrive renaît la capacité de se donner et avec elle la joie et la beauté
de vivre ensemble, pour les époux. L'amour de Dieu qu'il « répand dans nos
cœurs » ravive toutes les autres expressions d'amour et en premier lieu
l'amour conjugal. L'Esprit Saint peut véritablement faire de la famille « la
principale agence de paix », comme la définit le Saint-Père dans le message
pour la prochaine Journée mondiale de la paix.
Il existe de nombreux exemple de mariages morts, ressuscités à une vie
nouvelle par l'action de l'Esprit. Précisément ces jours-ci, j'ai recueilli
le témoignage émouvant d'un couple que je pense faire écouter lors de mon
émission télévisée sur l'Evangile pour la fête du baptême de Jésus...
L'Esprit ravive naturellement aussi la vie des consacrés qui consiste à
faire de sa vie un don et une oblation d' « agréable odeur » à Dieu pour ses
frères (cf. Ep 5, 2).
4. La nouvelle prophétie de Jean Baptiste
Revenons à Jean Baptiste. Il peut nous éclairer sur la manière d'accomplir
notre tâche prophétique dans le monde d'aujourd'hui. Jésus définit Jean
Baptiste « plus qu'un prophète », mais où est la prophétie dans son cas ?
Les prophètes annonçaient un salut à venir ; mais le Précurseur n'annonce
pas un salut à venir ; il indique un salut qui est présent. Dans quelle
mesure peut-on alors l'appeler prophète ? Isaïe, Jérémie, Ezéchiel, aidaient
le peuple à dépasser la barrière du temps ; Jean Baptiste aide le peuple à
dépasser la barrière, plus grande encore, des apparences contraires, du
scandale, de la banalité et de la pauvreté avec lesquelles l'heure fatidique
se manifeste.
Il est facile de croire à quelque chose de grandiose, de divin, lorsqu'il se
projette dans un avenir indéfini : « en ces jours », « les derniers jours »,
dans un cadre cosmique, avec les cieux qui distillent la douceur et la terre
qui s'ouvre pour faire germer le Sauveur. C'est plus difficile quand on doit
dire : « Le voici ! Il est là ! C'est lui ! ».
Par les paroles : « Au milieu de vous se tient quelqu'un que vous ne
connaissez pas ! » (Jn 1, 26),
Jean Baptiste a inauguré la nouvelle prophétie, celle du temps de l'Eglise,
qui ne consiste pas à annoncer un salut à venir et lointain, mais à révéler
la présence cachée du Christ dans le monde, à arracher le voile qui se
trouve devant les yeux des personnes, à secouer leur indifférence, en
répétant avec Isaïe : « Voici que je vais faire une chose nouvelle, déjà
elle pointe, ne la reconnaissez-vous pas ? »
(cf. Is 43, 19).
Il est vrai que vingt siècles se sont écoulés depuis et nous savons sur
Jésus beaucoup plus de choses que Jean. Mais le scandale demeure. Au temps
de Jean le scandale venait du corps physique de Jésus, de sa chair si
semblable à la nôtre, à l'exception du péché. Aujourd'hui encore, c'est son
corps, sa chair qui présente des difficultés et qui scandalise : son corps
mystique, si semblable au reste de l'humanité, y compris, malheureusement,
le péché.
« Le témoignage de Jésus - lit-on dans l'Apocalypse - c'est l'esprit de
prophétie » (Ap 19, 10),
c'est-à-dire que pour rendre témoignage à Jésus il faut un esprit de
prophétie. Cet esprit de prophétie existe-t-il dans l'Eglise ? Le
cultive-t-on ? L'encourage-t-on ? Ou croit-on, tacitement, pouvoir s'en
passer, en misant davantage sur les moyens et les talents humains ?
Jean Baptiste nous enseigne que pour être prophète, une grande doctrine et
une grande éloquence ne sont pas nécessaires. Ce n'est pas un grand
théologien ; il a une christologie pauvre et rudimentaire. Il ne connaît pas
encore les titres les plus élevés de Jésus : Fils de Dieu, Verbe, ni même
celui de Fils de l'homme. Et pourtant, il réussit à transmettre la grandeur
et l'unicité du Christ ! Il utilise des images extrêmement simples, des
images de paysan. « Je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales ». Le
monde et l'humanité apparaissent, à travers ses paroles, comme contenus dans
un crible que lui, le Messie, tient et secoue dans ses mains. Devant lui se
décide qui reste et qui tombe, qui est le bon grain et qui est l'ivraie que
le vent disperse.
En 1992 a eu lieu une retraite sacerdotale à Monterrey au Mexique, à
l'occasion des 500 ans de la première évangélisation de l'Amérique latine.
Environ 70 évêques et 1700 prêtres étaient présents. Au cours de l'homélie
de la messe de clôture, j'avais parlé du besoin urgent de prophétie qui
existe dans l'Eglise. Après la communion il y a eu une prière pour une
nouvelle Pentecôte en petits groupes répartis dans la grande basilique.
J'étais resté dans le chœur. A un moment donné, un jeune prêtre s'est
approché de moi en silence, s'est agenouillé devant moi et avec un regard
que je n'oublierai jamais il m'a dit : « Bendígame, Padre, quiero ser
profeta de Dios ! » (Bénissez-moi, Père, je veux être un prophète de
Dieu). J'ai été saisi car je voyais qu'il était manifestement touché par la
grâce.
Nous pourrions humblement faire nôtre le désir de ce prêtre : « Je veux être
un prophète de Dieu ». Petit, inconnu de tous, peu importe, mais un prophète
qui, comme le disait Paul VI, a « le feu dans le cœur, la parole sur les
lèvres, la prophétie dans le regard ».
NOTES
(1) Cf. J. D.G. Dunn, Christianity in the Making, I. Jesus remembered, Grand
Rapids. Mich. 2003, parte III, cap. 12, trad. ital. Gli albori del
Cristianesimo, I, 2, Paideia, Brescia 2006, pp. 485-496.
(2) Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion 2007, p. 352
(3) S. Tommaso d'Aquino, Somma teologica, I,q. 43, a. 6, ad 2.; cf. F.
Sullivan, in Dict.Spir. 12, 1045.
(4) In "New Covenant"(Ann Arbor, Michigan), Giugno 1984, p.12.
(5) K. Rahner, Erfahrung des Geistes. Meditation auf Pfingsten, Herder,
Freiburg i. Br. 1977.
(6) Témoignage rapporté dans P. Gallagher Mansfield, As by a New Pentecost,
Steubenville.
(7) Discours lors de l'audience générale du 29 novembre 1972, Paul VI
(8) S. Ignazio d'Antiochia, Agli Efesini 17.
Regarder
la vidéo
Première prédication de l'Avent par le
P. Raniero Cantalamessa, O.F.M. ►Le
livre Jésus de Nazareth au centre de la 1ère prédication
Tous les textes du temps de l'Avent
et de Noël : ►
Table Noël
Toutes les photos des célébrations ►Album
photos
Sources:
www.cantalamessa.org
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 14.12.2007 - BENOÎT XVI |