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19 Avril 2005
 

Les cinq journées conciliaires du pape Benoît XVI

Le 14 octobre 2012 - (E.S.M.) - Avec six interventions à propos de Vatican II, cinquante ans après le début de ce concile. Ensuite, une note de Pietro De Marco à propos du "paradigme externe" qui conditionne l'interprétation et la réception de cet événement

Les cinq journées conciliaires du pape Benoît XVI

par Sandro Magister

Le 14 octobre 2012 - E. S. M. - Au cours des cinq jours qui ont été marqués à la fois par le début du synode des évêques consacré à la nouvelle évangélisation et par l’ouverture de l'année de la foi, Benoît XVI est intervenu six fois à propos de la question la plus controversée et la plus brûlante de toutes : le concile Vatican II.

Avec des accents différents à chaque fois. Et parfois surprenants.

1. L'HOMÉLIE DU DIMANCHE 7 OCTOBRE

Lors de la messe d’ouverture du synode, au cours de laquelle il a mis saint Jean d'Avila et sainte Hildegarde de Bingen au nombre des docteurs de l’Église, le pape a remarqué qu’"une des idées fondamentales de la nouvelle impulsion que le concile Vatican II a donnée à l’évangélisation est celle de l’appel universel à la sainteté".

"Les véritables protagonistes de l’évangélisation", ce sont les saints. Et Benoît XVI de poursuivre :

"La sainteté ne connaît pas de barrières culturelles, sociales, politiques, religieuses. Son langage – celui de l’amour et de la vérité – est compréhensible par tous les hommes de bonne volonté et les rapproche de Jésus-Christ, source intarissable de vie nouvelle". Lire la suite

2. LA "LECTIO DIVINA" DU LUNDI 8 OCTOBRE

Dans la méditation qu’il a prononcée devant les pères du synode après la récitation de l’office de tierce, le premier matin des travaux, Benoît XVI a insisté sur le primauté de Dieu pour ce qui est de "faire" l’Église :

"Nous ne pouvons pas faire l’Église, nous pouvons seulement faire connaître ce que Lui a fait. L’Église ne commence pas avec notre 'faire' mais avec le 'faire' et le 'parler' de Dieu. Ainsi les Apôtres n’ont pas dit après certaines assemblées : à présent nous voulons créer une Église et avec la forme d’une constituante ils auraient élaboré une constitution. Non, ils ont prié et dans la prière ils ont attendu, car ils savaient que seul Dieu lui-même peut créer son Église. [...] Comme à cette époque, c’est seulement grâce à l’initiative de Dieu que pouvait naître l’Église, [...] ainsi aujourd’hui aussi c’est seulement Dieu qui peut commencer, nous ne pouvons que coopérer et le début doit venir de Dieu".

On voit transparaître ici, dans l’allusion polémique du pape à une "constituante", sa critique de l'identification faite par certains entre le concile Vatican II et une assemblée destinée à donner à l’Église une "constitution", par analogie avec les États.

L’universitaire qui a le plus soutenu cette thèse, même si c’est avec toutes les précautions que demande la question, est Peter Hünermann, de la faculté de théologie de Tubingen, responsable d’un imposant commentaire théologique du concile Vatican II en cinq volumes, publié aux éditions Herder. Lire la suite

3. L'AUDIENCE GÉNÉRALE DU MERCREDI 10 OCTOBRE

Lors de l’audience accordée aux fidèles le 10 octobre, le pape Joseph Ratzinger a rappelé que la convocation de Vatican II n’avait pas été provoquée, comme cela avait été au contraire le cas pour d’autres conciles, par des erreurs en matière de foi qu’il fallait corriger ou condamner, mais par l’intention de "présenter à notre monde, qui a tendance à s’éloigner de Dieu, l’exigence de l’Évangile dans toute sa grandeur et toute sa pureté".

En d’autres termes :

"Ce qui est important aujourd’hui, tout comme cela l’a été dans la volonté des pères conciliaires, c’est que l’on voie – à nouveau, de manière claire – que Dieu est présent, qu’il nous regarde, qu’il nous répond. Et que, au contraire, lorsque la foi en Dieu fait défaut, ce qui est essentiel s’écroule, parce que l’homme perd sa dignité profonde et ce qui fait la grandeur de son humanité".

En guise de boussole pour cette navigation, le pape indique les documents du concile, "auxquels il faut revenir, en les dégageant d’une masse de publications qui, bien souvent, les ont cachés au lieu de les faire connaître ". Lire la suite

4. LA PRÉFACE A SES ÉCRITS RELATIFS AU CONCILE

"Ce fut une journée splendide" : c’est en ces termes que Benoît XVI évoque le 11 octobre 1962 dans la préface aux deux volumes de ses "opera omnia" qui contiennent ses écrits relatifs au concile Vatican II et dont la parution en Allemagne est imminente.

Cette préface a été présentée de manière anticipée par "L'Osservatore Romano" dans l’après-midi du 10 octobre. Le pape y entre plus que jamais dans le vif de la controverse.

Ayant préalablement affirmé que “Jean XXIII avait convoqué le Concile sans lui indiquer de problèmes concrets ou de programmes” et que ce fut là sa “grandeur et en même temps la difficulté”, le pape écrit qu’il y avait cependant "une attente générale".

Et il résume celle-ci de la manière suivante, tout en en reconnaissant à nouveau les limites :

"L’Église, qui à l’époque baroque avait encore, d’une certaine manière, modelé le monde, à partir du XIXe siècle était entrée d’une façon toujours plus évidente dans une relation négative avec l'époque moderne, qui ne commença vraiment qu’à ce moment-là. Les choses devaient-elles demeurer ainsi ? L’Église ne pouvait-elle accomplir un pas positif dans les temps nouveaux ? Derrière la vague expression 'monde d’aujourd’hui' se trouve la question du rapport avec l'époque moderne. Pour l’éclaircir il aurait été nécessaire de mieux définir ce qui était essentiel et constitutif de l'époque moderne. On n’y est pas parvenu dans le 'Schéma XIII'. Même si la Constitution pastorale exprime beaucoup de choses importantes pour la compréhension du 'monde' et apporte d’importantes contributions sur la question de l’éthique chrétienne, sur ce point elle n’a pas réussi à offrir un éclaircissement substantiel”.

Toutefois, immédiatement après cette note critique envers "Gaudium et Spes", le pape poursuit en disant :

“De manière inattendue, on ne trouve pas la rencontre avec les grands thèmes de l'époque moderne dans la grande Constitution pastorale, mais bien dans deux documents mineurs, dont l'importance est apparue seulement peu à peu, avec la réception du Concile”.

Ces deux documents sont la déclaration “Dignitatis Humanae” concernant la liberté religieuse et la déclaration “Nostra ætate” concernant les relations avec les religions non chrétiennes.

À propos de "Dignitatis Humanae", Benoît XVI rappelle ce qu’il a affirmé plusieurs fois, y compris contre les objections des lefebvristes et des traditionalistes. À savoir que le concile a effectivement contredit le magistère des papes des derniers siècles, qui s’était révélé "insuffisant", mais pour revenir à la tradition originelle, au principe de la liberté religieuse porté par les premiers chrétiens dans le monde païen de l'époque.

Selon Benoît XVI, il a été "certainement providentiel" que, après le concile, il y ait eu un pape comme Jean-Paul II, venu de la Pologne communiste, c’est-à-dire "d'une situation qui ressemblait par certains côtés à celle de l'Église antique, si bien que le rapport intime entre la foi et le thème de la liberté devint à nouveau visible".

En ce qui concerne "Nostra Aetate", Benoît XVI écrit que ce texte a “abordé un thème dont l’importance n’était pas encore prévisible à l’époque”. Mais il en montre également les limites :

“La tâche que celui-ci implique, les efforts qu'il faut encore accomplir pour distinguer, éclaircir et comprendre, apparaissent toujours plus évidents. Au cours du processus de réception active, une faille est peu à peu apparue également dans ce texte, qui est en soi extraordinaire : celui-ci parle de la religion uniquement de manière positive et ignore les formes malades et déviées de religion qui, du point de vue historique et théologique, ont une vaste portée ; c'est pourquoi, dès le début, la foi chrétienne a été très critique, que ce soit vers l'intérieur ou vers l'extérieur, à l'égard de la religion”. Lire la suite

5. L'HOMÉLIE DU JEUDI 11 OCTOBRE

Lors de la messe d’ouverture de l’année de la foi, le pape a réaffirmé que la volonté des pères conciliaires était de "présenter la foi de façon efficace. Et s’ils se sont ouverts dans la confiance au dialogue avec le monde moderne c’est justement parce qu’ils étaient sûrs de leur foi, de la solidité du roc sur lequel ils s’appuyaient".

Mais ensuite il est arrivé que, "en revanche, dans les années qui ont suivi, beaucoup ont accueilli sans discernement la mentalité dominante, mettant en discussion les fondements même du 'depositum fidei' qu’ils ne ressentaient malheureusement plus comme leurs dans toute leur vérité".

Si donc l’Église propose aujourd’hui une année de la foi – a-t-il poursuivi – "ce n’est pas pour célébrer un anniversaire, mais parce que le besoin s’en fait sentir, encore plus qu’il y a cinquante ans".

Au cours de ces décennies une "désertification" spirituelle s’est développée. "Et dans le désert il faut surtout des personnes de foi qui, par l’exemple de leur vie, montrent le chemin vers la Terre Promise et tiennent ainsi l’espérance en éveil".

En ce qui concerne, dans l'interprétation du concile, les oppositions entre l’esprit et la lettre, entre la continuité et la rupture, le pape s’est exprimé ainsi :

"J’ai insisté à plusieurs reprises sur la nécessité de revenir, pour ainsi dire, à la 'lettre' du Concile – c’est-à-dire à ses textes – pour en découvrir aussi l’esprit authentique et j’ai répété que le véritable héritage du Concile réside en eux. La référence aux documents protège des excès ou d’une nostalgie anachronique et ou de courses en avant et permet d’en saisir la nouveauté dans la continuité". Lire la suite

6. LA BÉNÉDICTION DU SOIR DU 11 OCTOBRE

Enfin, le soir du 11 octobre, Benoît XVI s’est mis à la fenêtre de son bureau, face à une place Saint-Pierre pleine de monde, où brillaient des milliers de petites lumières, comme au soir du11 octobre 1962, jour où le concile a commencé.

Et il a parlé en improvisant. Voici ce qu’il a dit :

"Il y a cinquante ans, ce même jour, j’étais moi aussi sur cette place, le regard tourné vers cette fenêtre où s’est montré le bon pape, le bienheureux pape Jean, et il nous a adressé des paroles inoubliables, pleines de poésie, de bonté, des paroles qui venaient du cœur. Nous étions heureux, je dirais pleins d’enthousiasme.

"Le grand concile œcuménique était inauguré. Nous étions sûrs qu’un nouveau printemps de l’Église allait venir, une nouvelle Pentecôte, une nouvelle présence forte de la grâce libératrice de l’Évangile.

"Aujourd’hui aussi, nous sommes heureux, nous avons la joie au cœur, mais je dirais une joie peut-être plus sobre, une joie humble. Au cours de ces cinquante ans, nous avons appris et expérimenté que le péché originel existe et se traduit toujours de nouveau en péchés personnels qui peuvent aussi devenir des structures du péché. Nous avons vu que, dans le champ du Seigneur, il y a aussi toujours de l’ivraie. Nous avons vu que, dans le filet de Pierre, il y a aussi toujours de mauvais poissons. Nous avons vu que la fragilité humaine est aussi présente dans l’Église, que la nef de l’Église navigue par vent contraire et que des tempêtes la menacent. Et parfois nous avons pensé : où est le Seigneur ? Il nous a oubliés ! Cela, c’est une partie des expériences qui ont été faites au cours de ces cinquante ans.

"Mais nous avons aussi eu la nouvelle expérience de la présence du Seigneur, de sa bonté, de sa force. Le feu du Saint-Esprit, le feu du Christ, n’est pas un feu dévorant, destructeur. C’est un feu silencieux, une petite flamme de bonté, de bonté et de vérité qui transforme, qui donne de la lumière et de la chaleur.

"Nous avons vu : le Seigneur ne nous oublie pas. Aujourd’hui aussi, à sa manière humble, le Seigneur est présent et il donne de la chaleur aux cœurs, il montre la vie, il crée des charismes de bonté et de charité qui illuminent le monde et qui sont pour nous une garantie de la bonté de Dieu.

"Oui, le Christ vit, il est avec nous aujourd’hui aussi et nous pouvons être heureux aujourd’hui aussi parce que sa bonté ne s’éteint pas, elle est forte aujourd’hui aussi. Pour finir, j’ose faire miennes les paroles inoubliables du pape Jean. Rentrez chez vous, embrassez vos enfants et dites-leur que c’est de la part du pape. Et avec cela je vous donne ma bénédiction de tout mon cœur".

*

On a vu jusqu’ici les interventions de Benoît XVI relatives au concile, ces jours derniers.

Mais il va certainement intervenir encore plusieurs fois. Dans un débat qui est redevenu passionné.

La discussion est vive aussi à propos de ce qu’a réellement été le concile Vatican II, il y a un demi-siècle.

Il existe une lecture de l’événement conciliaire qui s’est largement imposée et dans laquelle les observateurs externes, à commencer par les médias, ont joué un rôle déterminant.

Dans la note qui suit, le professeur Pietro De Marco soumet à la critique précisément ce "paradigme externe" qui a influencé si profondément l'interprétation et la réception du concile le plus médiatique de l’Histoire.

LE CONCILE ET SON PARADIGME EXTERNE

par Pietro De Marco

Bernard Dumont, directeur de la revue française "Catholica", l’a rappelé récemment : tous les conciles ont été soumis au jeu de pressions extérieures provenant de forces politiques, de groupes dissidents, etc. Pourtant Vatican II apparaît, sur ce point aussi, comme un concile particulier, unique.

Il a eu lieu au moment où les moyens de communication de masse franchissaient une nouvelle étape, dans laquelle l'art de la propagande se dotait de nouveaux instruments techniques. Loin de s’en tenir éloignés, les acteurs de ce concile – curie romaine, évêques, théologiens et Jean XXIII tout le premier – sont entrés dans ce jeu. Dans lequel des secteurs de pointe de la culture laïque dominante, aussi bien "liberal" que marxiste, prenaient place à côté de courants internes à l’Église qui étaient de type néo-moderniste.

Déjà, pendant le concile, le centre d'information de l'épiscopat néerlandais s’était transformé, sous le nom d’"I-Doc", en un groupe de pression dirigé par Gary McEoin et Leo Alting von Geusau. Par la suite, la revue internationale de théologie "Concilium" a fonctionné comme une base pour un réseau d'influence qui s’étendait à toute l’Église. L'université de Louvain a constitué le centre moteur de ce qui allait devenir la théologie de la libération. En somme, un réseau de "foyers" idéologiques et de centres de rayonnement ecclésiaux a emprisonné l’Église même après le concile, pendant une durée d’au moins quinze ans.

Cet emprisonnement – qui constituait comme une cage dorée et, pour beaucoup de gens, un enchantement irrésistible – s’est affaibli par la suite. Mais c’est seulement sous le pontificat de Benoît XVI que, la cage étant brisée, “le débat sur l’essentiel du concile, sur les textes et les événements enfin considérés en eux-mêmes et non pas à travers leur reconstitution médiatique” s’est rouvert.

LE CONCILE CONÇU DE L’EXTÉRIEUR

En effet, l’emprise des médias et de l’opinion publique sur le concile Vatican II pendant toute la période où il a eu lieu, y compris les mois d’attente, n’est pas seulement un fait qu’aucune reconstitution historique ne peut sous-estimer, comme le montre le tout récent ouvrage de Federico Ruozzi, "Il concilio in diretta. Il Vaticano II e la televisione" [Le concile en direct. Vatican II et la télévision], aux éditions Il Mulino. C’est aussi une composante de son interprétation que l’on ne peut pas éluder.

Et il en a été ainsi dès le début. Le "concile au-delà du concile", en dehors du lieu de réunion et des palais où vivaient et agissaient les pères conciliaires, au Vatican et à Rome, fut encensé par l'opinion progressiste comme étant la preuve de son immédiate harmonie avec le monde. Et ce jugement a été consolidé dans l’historiographie. La reconstitution réalisée par Alberto Melloni, dans un livre publié en 2000, de l’intérêt des ambassades et des chancelleries du monde entier pour ce qui se passait à Rome à cette époque-là insiste également sur l’appartenance et la subalternité heureuse du concile à l’histoire.

Rien de nouveau, s’il n’y avait implicitement, dans la célébration de cette harmonie avec l’histoire, un paradoxe révélateur. Le côté remarquable de la relation entre le concile et l’histoire tiendrait en effet, selon de nombreux jugements émis à l’époque ou aujourd’hui, à l’influence positive en soi de l’histoire et du monde sur le concile, mais pas inversement.

Il ne faut pas oublier que, en raison d’une série d’équivoques théoriques dissimulées dans des formules à succès, telles que “l’autonomie des réalités terrestres”, le monde, ou plus exactement le "monde historique", fut considéré, dans les années Soixante-dix, comme porteur, en soi et pour soi, de valeur et de vérité.

On soutenait que le monde pénétrait dans un concilie "ouvert" et y coopérait, en dépit des résistances de certains secteurs de l’Église et des partis de la curie. On voyait le monde agir de la part de l’Esprit.

Et cette osmose avec le monde devenait un critère de l'interprétation du concile, divulguée avec autorité et même de manière anticipée et indépendante par rapport aux résolutions de l’assemblée des évêques.

Au cours des quatre années de concile, entre 1962 et 1965, il s’est donc créé un décalage, peut-être un hiatus, entre les intentions et les contenus des divers documents conciliaires, d’une part, et leur anticipation, leur description et leur réception publique d’autre part.

Dans la lecture publique du concile sont donc intervenus conjointement :

a) la sélection habituelle, par les journalistes, des faits, c’est-à-dire de ce qui "fait l’actualité",
b) le groupe des "vaticanistes" catholiques, souvent prestigieux,
c) le travail local des centres de diffusion principalement intra-ecclésiaux et, de concert avec eux, celui des centres extra-ecclésiaux.

Toute information concernant le concile se colore et se définit à travers l’activité des journalistes religieux. Ces journalistes spécialisés finissent par dicter à tous les observateurs les règles de sélection et de reconstitution de ce qui compte au concile et à propos du concile.

C’est ainsi que se construit un paradigme conciliaire externe qui trouve son origine dans le monde des médias et se consolide à un niveau de plus en plus élevé de réflexion : dans un article, une conférence, un essai publié dans une revue spécialisée, un livre.

Ce paradigme, produit pour le monde et par l’effet du monde, devient un véritable canon de reconstitution et d’interprétation du concile. Et chacun des "foyers" internationaux, qui sont souvent en concurrence les uns avec les autres, tendra à en donner une version qui lui sera propre, mais toujours dans le cadre d’un front commun.

On a suggéré, pour définir le rapport existant entre le concile et le cadre historique, le recours à l’analogie avec des ondes concentriques qui, comme sur un plan d’eau, partent du concile, source unique, s’élargissent vers le monde et reviennent du monde, pas seulement catholique, jusqu’au concile, comme des reflets ou des échos du monde.

Mais il y a deux sources, opposées, qui produisent du mouvement ; il y en a aussi une, externe, qui tente de pénétrer par ses propres impulsions jusqu’aux pères conciliaires. Et tout ne s’éteint pas aux marges troublées du concile.

Cela implique, en dehors de toute métaphore, l’existence d’une histoire exogène du concile, à côté de son histoire interne et, en particulier, de causes exogènes dans la définition de son image et de son "esprit".

L’ESPRIT CONTRE LA LETTRE

Alors même que, après le concile, beaucoup de ces "foyers" disparaissent ou se transforment, le paradigme externe perdure en ayant une vie propre et il s’affirme dans la littérature théologique comme dans la divulgation, dans la pastorale comme dans les thèses de doctorat de facultés de théologie.

Il converge pour l’essentiel avec ce qui est invoqué, dans les milieux militants, sous le nom d’“esprit du concile”.

Nouveauté, discontinuité, avenir, sont les principales significations de "l’esprit du concile". La coïncidence avec le paradigme externe est révélatrice. De même que la notion d’"esprit" évoque la distinction-opposition avec la "lettre", de même le paradigme externe choisit ce qui lui sert dans la "lettre" des documents conciliaires. Il est un canon à lui tout seul. Il se perpétue comme un récit utile à la "révolution" conciliaire.

Pour identifier cette façon de faire, la catégorie "gnose politique" reste fondamentale. Elle a été élaborée par Eric Voegelin à partir de l’utilisation sélective des Saintes Écritures dans le mouvement puritain, mais elle est commune à toutes les cultures révolutionnaires comme à tous les fondamentalismes dans leurs rapports avec leurs textes fondateurs.

La terminologie qui, dans des essais, des colloques, des grandes œuvres, caractérise le paradigme généré par les médias extérieurs au concile est également révélatrice. C’est la terminologie du discernement, de la séparation, par rapport au reste, des "parties stimulantes" ou "portantes" du concile, qu’elles aient été repérées dans les documents, opportunément filtrés et purifiés des "compromis", ou qu’elles aient été définies, sous forme de postulat, comme la "véritable" intention des pères conciliaires.

La papauté, certains épiscopats, certains groupes de théologiens et d’ecclésiastiques, se sont toujours tenus à l’extérieur de cette cage. Rome l’a combattue, non sans difficultés. Mais le paradigme externe – même si c’est dans une version affaiblie ou, pour reprendre une expression de Zygmunt Bauman, à l’état liquide – conditionne encore, cinquante ans après, la réception la plus répandue de Vatican II.

L’une des constructions les plus systématiques et les plus durables, peut-être parce qu’elles sont les plus organisées en termes d’autopromotion, du paradigme externe est celle de Hans Küng.

UN CAS EMBLÉMATIQUE : L’"ÉCOLE DE BOLOGNE"

Parmi les centres qui agissent autour du concile, avant, pendant et après son déroulement, l’un des plus actifs et des plus influents est l’Institut pour les Sciences Religieuses de Bologne, initialement dénommé Centre de Documentation.

Le succès de cet institut tient au fait qu’il a proposé une forme savante du paradigme externe décrit ci-dessus, en tentant de montrer, avec une conviction totale et avec l’aide d’autres intelligences, que ce paradigme est en réalité fondé sur l’histoire interne et sur les textes du concile lui-même.

Cet effort a été couronné par la publication des cinq volumes de l’"Histoire du Concile Vatican II", dont la première édition est parue entre 1995 et 2001, qui a été traduite en plusieurs langues et qui est devenue un ouvrage de base dans le monde entier.

Il est intéressant de revoir comment l'institut de Bologne a pu parvenir à un tel résultat.

Dans les années Soixante ses études portaient principalement sur le concile de Trente, la réforme protestante, la réforme catholique. Il avait comme figure tutélaire l’Allemand Hubert Jedin, mais également un grand historien laïc italien, Delio Cantimori. Le monastère de Monteveglio contribuait, autour du père Giuseppe Dossetti, au travail de réflexion mené par l’institut et il y avait une osmose entre les recherches historiques et les études patristiques et historico-liturgiques. La constellation italienne et européenne d’amis et de collègues était constituée d’historiens de la théologie et de l’Église, d’exégètes et de patrologues. Le directeur de l'institut, Giuseppe Alberigo, avait l'ambition de produire des recherches de niveau immédiatement international, pour répondre aux demandes qui, selon lui, étaient adressées aux sciences religieuses par l’Église universelle.

Le projet était d’opposer la formule de l'institut à celle des facultés ecclésiastiques, en particulier à celles des facultés de théologie romaines, dans une compétition portant sur les programmes de formation, la dotation en livres, les thèmes et méthodes de recherche. Ils étaient convaincus de n’être inférieurs à aucun des lieux prestigieux où, en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, on faisait de la théologie. À Bologne, la théologie était conçue comme un "savoir historique", dont la pratique permettait de se sentir en avance sur les facultés de théologie et leurs enseignements généraux et doctrinaux.

Le ciment conceptuel du groupe était certainement la réforme de l’Église, mais avec une distanciation par rapport aux formes militantes du désaccord catholique qui se manifestèrent dans les années Soixante et Soixante-dix. "L’Église des pauvres" proposée au concile par le cardinal Giacomo Lercaro, archevêque de Bologne, devait naître de sa réforme "in capite et membris" et non pas de l'agitation sociale et idéologique des groupes.

Le prestige de l’institut provenait donc d’un travail mené selon une ligne "orthodoxe" et destiné à un mouvement et à un sentiment conciliaire de grande ampleur que l’on trouvait également dans la hiérarchie de l’Église.

Alors pourquoi cette expression savante, l’une des plus incisives tout en étant prudente (au moins jusqu’aux années Quatre-vingt-dix), de "l’esprit du concile" apparaît-elle aujourd’hui tellement excentrique par rapport à la recherche du paradigme conciliaire originel lancée dans l’Église par Benoît XVI ?

Peut-être une réponse est-elle apportée à cette question par le déclin, de décennie en décennie, des programmes de recherche de l'institut, depuis les programmes "tridentins" des années Soixante jusqu’à ceux d’aujourd’hui, après avoir bloqué pendant une longue durée le travail sur l’"Histoire du concile Vatican II", précieuse mais entièrement prédéfinie dans ses résultats. Cette "Histoire" est en effet le monument scientifique élevé au paradigme conciliaire externe, déjà construit depuis longtemps.

Mais aujourd’hui ce paradigme est en pleine régression. Sa banalisation et son passage à l’état liquide, dans des milieux "théologiques" improvisés, sont évidents. Et les membres actuels de l'institut de Bologne, qui sont plus polémiques et anti-romains, plus anti-dogmatiques et spiritualistes que la génération de leurs maîtres, semblent ne pas savoir s’opposer à cette décadence objective.

Aujourd’hui le travail d’historiographie qui est effectué par l’institut reste utile comme tout travail académique, mais il ne se rattache plus à quoi que ce soit de solide. Il sert, sans que ce soit voulu, à animer à distance un clergé et un laïcat qui ne lisent pas le travail produit par l’institut et qui ne sauraient pas comment l’utiliser. Il semble qu’un sort semblable touche également d’autres centres européens.

AU-DELÀ DU PARADIGME EXTERNE

L’issue me paraît inéluctable. L’herméneutique du concile doit se montrer capable d’un changement de méthode, d’une rigoureuse mise entre parenthèses du paradigme externe, ce produit caractéristique d’un front d’intellectuels théologiens veiné d’utopie révolutionnaire et perméable au modernisme latent dans la culture religieuse européenne. Un mélange qui a généré une crise très profonde dans l’Église des années Soixante-dix et suivantes.

Le véritable équilibre conciliaire, l’équilibre "interne", a toujours obéi, en fin de compte, à une logique de composition entre les fondements, c’est-à-dire la Tradition, et les règles d’une transcription permettant de les communiquer à "l'homme d'aujourd’hui". Les résultats ont été d’une portée variable, mais ils ont été voulus en conscience par les évêques du monde.

Cette adaptation des fondements aux attentes d’une réception a produit des textes qui ont souvent été négociés âprement, mais ce sont ces textes et l'intention du corps conciliaire tout entier, avec le pape, qui constituent le terrain et l’objet de l’herméneutique de Vatican II. Et non pas ce qu’une intelligentsia ambitieuse a arraché des mains des évêques pour en exhiber les lambeaux dans la vitrine de la modernité.

Pietro De Marco enseigne à l'université de Florence et à la faculté de théologie d'Italie centrale. Il a fait partie du cénacle de chercheurs de l'Institut pour les Sciences Religieuses de Bologne, dans les premières années.

POST-SCRIPTUM – Benoît XVI a ajouté une septième intervention aux six qu’il vient de consacrer au concile Vatican II et qui sont passées en revue dans cet article. C’était au matin du vendredi 12 octobre et il recevait quelques-uns des pères conciliaires encore vivants (il en reste près de 70), rassemblés à Rome pour le cinquantième anniversaire du début de cette assemblée.

En s’adressant à eux, le pape Joseph Ratzinger s’est arrêté sur un mot-clé de Vatican II, lancé par Jean XXIII presque comme un programme et sans cesse répété au cours des travaux conciliaires : le mot "aggiornamento".

Voici comment il l’a commenté :

"Cinquante ans après l’ouverture de cette solennelle assemblée de l’Église, on peut se demander si cette expression n’a pas été, peut-être dès le début, très malvenue. Je pense que l’on pourrait discuter du choix des mots pendant des heures et que l’on trouverait sans cesse des opinions divergentes, mais je suis convaincu que l’intuition que le bienheureux Jean XXIII a résumée dans cette expression a été juste et l’est encore. [...] Le mot 'aggiornamento' ne signifie pas rupture avec la tradition, mais il exprime la vitalité continuelle de celle-ci. Il ne signifie pas réduire la foi, en l’abaissant à la mode du temps, à l’aune de ce qui plaît, à ce qui plaît à l’opinion publique, mais qui en est le contraire. Exactement comme l’ont fait les pères conciliaires, nous devons mettre l''aujourd’hui' que nous vivons à la mesure de l’événement chrétien, nous devons placer l''aujourd’hui' de notre temps dans l''aujourd’hui' de Dieu".

Le texte intégral du discours "Venerati e cari fratelli..."

 Traduction française par Charles de Pechpeyrou, Paris, France.


 

Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 14.10.2012 - T/International

 

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