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Méditation de Benoît XVI : Synode des évêques
sur La nouvelle
évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne
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Le 10 octobre 2012 -
(E.S.M.)
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Le Saint-Père Benoît XVI a convoqué la XIII Assemblée
Générale Ordinaire du Synode des Évêques, qui se tient au Vatican du
dimanche 7 au dimanche 28 octobre 2012, et qui a pour thème: « La nouvelle
évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne ».
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Le pape Benoît XVI
Ouverture du Synode des évêques sur La nouvelle
évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne
Le 10 octobre 2012 - E.
S. M. - Le Saint-Père Benoît XVI a convoqué la XIII Assemblée
Générale Ordinaire du Synode des Évêques, qui se tient au Vatican du
dimanche 7 au dimanche 28 octobre 2012, et qui a pour thème: «La nouvelle
évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne».
MÉDITATION DU SAINT- PÈRE (LUNDI 8
OCTOBRE 2012 - MATIN)
À l’ouverture de la Première Congrégation générale de lundi 8 octobre 2012,
après la lecture brève de l’Heure Tierce, le Saint-Père Benoît XVI a tenu la
méditation suivante:
Mes chers Frères,
Ma méditation se réfère au mot “evangelium” “euangelisasthai” (cf. Lc 4,18).
Dans ce Synode, nous voulons connaître davantage ce que nous dit le Seigneur
et ce que nous pouvons ou devons faire. Elle est divisée en deux parties:
une première réflexion sur la signification de ces mots, et puis après je
voudrais tenter d’interpréter l’Hymne de l’Heure Tierce: “Nunc, Sancte,
nobis Spiritus”, qui se trouve à la page 5 du Livre des Prières.
Le mot “evangelium” “euangelisasthai” a une longue histoire. Il apparaît
dans Homère: c’est l’annonce d’une victoire et donc une annonce de bien, de
joie, de bonheur. Il apparaît ensuite dans le Second Isaïe (cf. Is 40,9)
comme une voix qui annonce la joie venant de Dieu, comme une voix qui fait
comprendre que Dieu n’a pas oublié son peuple, que Dieu, qui s’était
apparemment retiré de l’histoire, existe, qu’Il est présent. Et Dieu a le
pouvoir, Dieu donne la joie, Il ouvre les portes de l’exil. Après la longue
nuit de l’exil, sa lumière apparaît et donne la possibilité de revenir à son
peuple, il rénove l’histoire du bien, l’histoire de son amour. Dans ce
contexte de l’évangélisation, trois mots apparaissent surtout: dikaiosyne,
eirene, soteria - justice, paix, salut. Jésus lui-même a repris les paroles
d’Isaïe à Nazareth, en parlant de cet “Évangile” qu’Il apporte maintenant
justement aux exclus, aux prisonniers, aux souffrants et aux pauvres.
Mais pour la signification du mot “evangelium” dans le Nouveau Testament,
au-delà de cette dernière - le Deutéro-Isaïe qui ouvre la porte - est
d’égale importance l’emploi du mot sous l’Empire Romain, en commençant par
l’empereur Auguste. Ici le terme “evangelium” indique un mot, un message qui
vient de l’Empereur. Le message de l’Empereur donc, en tant que tel, fait du
bien: c’est un renouveau du monde, c’est le salut. Le message impérial est,
en tant que tel, un message de puissance et de pouvoir; c’est un message de
salut, de renouvellement et de santé. Le Nouveau Testament accepte cette
situation. Saint Luc confronte de façon explicite l’Empereur Auguste avec
son Enfant né à Bethléem: “evangelium” - dit-il - oui, c’est un mot de
l’Empereur, du véritable Empereur du monde. Le véritable Empereur du monde
s’est fait entendre, il parle avec nous. Et ce fait, en tant que tel, est
une rédemption parce que la grande souffrance de l’homme - à cette époque,
tout comme aujourd’hui - est justement celle-ci: derrière le silence de
l’univers, derrière les nuages de l’histoire, y a-t-il ou n’y a-t-il pas un
Dieu? Et, si ce Dieu existe, nous connaît-il, a-t-il quelque chose à voir
avec nous? Cette question est aujourd’hui tellement actuelle, tout comme
elle l’était à cette époque. Beaucoup de personnes se demandent: Dieu est-il
une hypothèse ou pas? Est-ce une réalité ou pas? Pourquoi ne se fait-il pas
entendre? “Évangile” signifie: Dieu a rompu son silence, Dieu a parlé, Dieu
existe. Ce fait, en tant que tel, est salut: Dieu nous connaît, Dieu nous
aime, Il est entré dans l’histoire. Jésus est sa Parole, le Dieu avec nous,
le Dieu qui nous montre qu’Il nous aime, qui souffre avec nous jusqu’à la
mort et qui ressuscite. Ceci est l’Évangile même. Dieu a parlé, Il n’est
plus le grand inconnu mais Il s’est montré lui-même et c’est cela le salut.
La question pour nous est la suivante: Dieu a parlé, Il a vraiment rompu le
grand silence, Il s’est montré, mais comment pouvons-nous faire arriver
cette réalité à l’homme d’aujourd’hui afin qu’elle devienne salut? Le simple
fait qu’Il ait parlé est le salut, la rédemption. Mais comment l’homme
peut-il le savoir? Il me semble que ce point est une interrogation mais
également une question, un mandat pour nous: nous pouvons trouver une
réponse en méditant l’Hymne de l’Heure Tierce “Nunc, Sancte, nobis
Spiritus”. La première strophe déclare: “Dignare promptus ingeri
nostro refusus, pectori”, à savoir prions afin que l’Esprit Saint
vienne, aussi bien en nous qu’avec nous. En d’autres mots: nous ne pouvons
pas faire l’Église, nous pouvons seulement faire connaître ce que Lui a
fait. L’Église ne commence pas avec notre “faire” mais avec le “faire” et le
“parler” de Dieu. Ainsi les Apôtres n’ont pas dit après certaines
assemblées: “à présent nous voulons créer une Église et avec la forme d’une
constituante ils auraient élaboré une constitution. Non, ils ont prié et
dans la prière ils ont attendu, car ils savaient que seul Dieu lui-même peut
créer son Église, que Dieu est le premier agent: si Dieu n’agit pas, nos
affaires sont seulement les nôtres et elles sont insuffisantes; Dieu seul
peut témoigner que c’est Lui qui parle et qui a parlé. La Pentecôte est la
condition de la naissance de l’Église: seulement parce que Dieu a d’abord
agi, les Apôtres peuvent agir avec Lui et avec sa présence et rendre présent
ce que Lui fait. Dieu a parlé et ce “a parlé” est le parfait de la foi mais
c’est toujours également un présent: le parfait de Dieu n’est pas simplement
un passé, parce que c’est un passé véritable qui porte toujours en soi le
présent et le futur. Dieu a parlé, cela veut dire: “parle”. Et comme à cette
époque, c’est seulement grâce à l’initiative de Dieu que pouvait naître
l’Église, que pouvait être connu l’Évangile, le fait que Dieu a parlé et
parle, ainsi aujourd’hui aussi c’est seulement Dieu qui peut commencer, nous
ne pouvons que coopérer, et le début doit venir de Dieu. Ainsi, ce n’est pas
une simple formalité si nous commençons chaque jour notre assise par la
prière: ceci répond à la réalité même. Seulement le fait que Dieu nous
précède rend possible notre chemin, notre coopération, qui est toujours une
coopération et non une décision qui est purement nôtre. Il est donc
important de toujours savoir que le premier mot, l’initiative véritable,
l’activité véritable vient de Dieu et c’est seulement en s’insérant dans
cette initiative divine, c’est seulement en implorant cette initiative
divine, que nous pouvons devenir nous aussi - avec Lui et en Lui - des
évangélisateurs. Dieu est toujours le début, et c’est toujours seulement Lui
qui peut faire Pentecôte, qui peut créer l’Église, qui peut montrer la
réalité de sa présence parmi nous. Mais d’un autre côté, ce Dieu, qui est
toujours le début, veut également notre engagement. Il veut engager notre
activité, de façon à ce que les activités soient théandriques, pour ainsi
dire, faites par Dieu mais avec notre engagement et en impliquant notre
être, toute notre activité.
Lorsque nous faisons donc la nouvelle évangélisation, il s’agit toujours
d’une coopération avec Dieu, elle réside dans l’être ensemble avec Dieu,
elle est fondée sur la prière et sur sa présence réelle.
Or, notre action, qui suit l’initiative de Dieu, nous la voyons décrite dans
la seconde strophe de cet Hymne: “Os, lingua, mens, sensus, vigor,
confessionem, personent, flammescat igne caritas, accendat ardor proximos”.
Ici nous avons, en deux lignes, deux substantifs déterminants: “confessio”
dans les premières lignes, et “caritas” dans la deuxième ligne. “Confessio”
et “caritas”, comme les deux modalités dans lesquelles Dieu nous engage,
nous fait agir avec Lui, en Lui et pour l’humanité, pour sa créature:
“confessio” et “caritas”. Sont aussi ajoutés les verbes: dans le premier cas
“personent” et dans le deuxième “caritas” interprété par le mot feu, ardeur,
allumer, flamber.
Voyons le premier: “confessionem personent”. La foi a un contenu: Dieu se
communique mais ce Moi de Dieu se montre réellement dans la figure de Jésus
et est interprété dans la “confession” qui nous parle de sa conception
virginale de la Naissance, de la Passion, de la Croix, de la Résurrection.
Le fait de se montrer de la part de Dieu est tout une Personne: Jésus comme
le Verbe, avec un contenu très concret qui s’exprime dans la “confessio”. Le
premier point est donc que nous devons entrer dans cette “confession”, nous
faire pénétrer, de façon à ce que “personent” - comme le dit l’Hymne - en
nous et à travers nous. Il est important ici d’observer également une petite
réalité filologique: “confessio” dans le latin pré-chrétien on devrait dire
non pas “confessio” mais “professio” (profiteri): c’est la façon de
présenter positivement une réalité. Le mot “confessio” se réfère au
contraire à la situation dans un tribunal, dans un procès où l’on ouvre son
esprit et où l’on confesse. En d’autres mots, ce mot “confessione”, qui a
remplacé dans le latin chrétien le mot “professio”, porte en soi l’élément
martyriologique, l’élément de témoigner face à des instances ennemies de la
foi, de témoigner même dans des situations de passion et de danger de mort.
La disponibilité à souffrir appartient essentiellement à la confession
chrétienne: ceci me semble très important. Toujours dans l’essence de la
“confessio” de notre Credo, sont par ailleurs impliqués la passion, la
souffrance, voire le don de la vie. Et c’est justement ceci qui garantit la
crédibilité: la “confessio” n’est pas quelque chose que l’on peut laisser
tomber; la “confessio” implique la disponibilité de donner ma vie,
d’accepter la passion. C’est justement la vérification de la “confessio”.
Pour nous la “confessio” n’est pas simplement un mot, c’est plus que la
douleur, c’est plus que la mort. Pour la “confessio” il vaut vraiment la
peine de souffrir, il vaut vraiment la peine de souffrir jusqu’à la mort.
Celui qui fait cette “confessio” démontre ainsi que vraiment ce qu’il
confesse est plus que la vie: c’est la vie même, le trésor, la perle
précieuse et infinie. La vérité apparaît justement dans la dimension
martyrologique du mot “confessio”: elle se produit seulement pour une
réalité pour laquelle il vaut la peine de souffrir, qui est plus forte même
que la mort, et démontre qu’elle est une vérité que je tiens dans la main,
que je suis plus sûr, que “je porte” ma vie parce que je trouve la vie dans
cette confession.
Voyons à présent où nous devrions pénétrer cette “confession”: “Os, lingua,
mens, sensus, vigor”. Selon saint Paul, Épître aux Romains 10, nous savons
que l’endroit de la “confession” est dans le coeur et dans la bouche: elle
doit rester dans la profondeur du cœur mais elle doit être aussi publique;
la foi portée dans le coeur doit être annoncée: elle n’est jamais une
réalité dans le cœur mais elle tend à être communiquée, à être confessée
réellement face aux yeux du monde. Ainsi nous devons apprendre, d’un côté, à
être réellement - disons - pénétrés dans le cœur de la “confession”, de
façon à ce que notre cœur soit formé, de l’autre nous devons aussi trouver,
avec la grande histoire de l’Église, venant du cœur le mot et le courage du
mot, et le mot qui indique notre présent, cette “confession” qui est
toujours toutefois une. “Mens”: la “confession” n’est pas simplement une
chose du cœur et de la bouche mais aussi de l’intelligence; elle doit être
pensée et ainsi, en tant que pensée et intelligemment conçue, elle touche
l’autre et suppose toujours que ma pensée est réellement placée dans la
“confession”. “Sensu”: il ne s’agit pas d’une chose purement abstraite et
intellectuelle, la “confessio” doit pénétrer également les sens de notre
vie. Saint Bernard de Clairvaux nous a dit que Dieu, dans sa révélation,
dans l’histoire du salut, a donné à nos sens la possibilité de voir, de
toucher, de goûter la révélation. Dieu n’est plus seulement une chose
spirituelle: Il est entré dans le monde des sens et nos sens doivent être
emplis de ce goût, de cette beauté de la Parole de Dieu, que représente la
réalité. “Vigor”: c’est la force vitale de notre être et même la vigueur
juridique d’une réalité. Avec toute notre vitalité et notre force, nous
devons être pénétrés par la “confessio” qui doit réellement “personare”; la
mélodie de Dieu doit entonner notre être dans sa totalité.
“Confessio” est la première colonne - pour ainsi dire - de l’évangélisation
et la seconde est “caritas”. La “confessio” n’est pas une chose abstraite,
elle est “caritas”, elle est amour. Seulement ainsi, elle est le reflet de
la vérité divine qui, en tant que vérité, est également inséparablement
amour. Le texte décrit, à l’aide de mots très forts, cet amour: c’est
l’ardeur, c’est la flamme, elle allume les autres. Il y a une passion qui
est nôtre, qui doit grandir de la foi, qui doit se transformer en feu de la
charité. Jésus nous a dit: “Je suis venu jeter un feu sur la terre et
qu'ai-je à désirer s'il est déjà allumé?”. Origène nous a transmit une
parole du Seigneur: “Celui qui est près de moi est près du feu”. Le chrétien
ne doit pas être tiède. L’Apocalypse nous dit que là est le plus grand
danger du chrétien: qu’il ne dise pas non mais un oui très tiède. Cette
tiédeur discrédite justement le christianisme. La foi doit devenir en nous
une flamme de l’amour, une flamme qui allume réellement mon être, devient
une grande passion de mon être, et allume ainsi mon prochain. Ceci est le
mode de l’évangélisation: “Accendat ardor proximos”, que la vérité devienne
en moi charité et la charité allume comme le fait le feu, l’autre aussi.
Seulement dans cette action d’allumer l’autre à travers la flamme de notre
charité, croît réellement l’évangélisation, la présence de l’Évangile, qui
n’est plus seulement parole mais réalité vécue.
Saint Luc nous raconte que dans la Pentecôte, dans cette fondation de
l’Église de Dieu, l’Esprit Saint était le feu qui a transformé le monde,
mais un feu en forme de langue, à savoir un feu qui est toutefois
raisonnable, qui est esprit, qui est aussi compréhension; un feu qui est uni
à la pensée, à la “mens”. Et justement ce feu intelligent, cette “sobria
ebrietas”, est une caractéristique du christianisme. Nous savons que le feu
est au début de la culture humaine; le feu est lumière, chaleur, force de
transformation. La culture humaine commence au moment où l’homme a le
pouvoir de créer le feu: avec le feu il peut détruire mais avec le feu il
peut transformer, rénover. Le feu de Dieu est le feu transformant, le feu de
la passion - certainement - qui détruit même beaucoup en nous, qui porte à
Dieu, mais un feu surtout qui transforme, qui rénove et créé une nouveauté
de l’homme, qui devient lumière en Dieu.
Ainsi, au bout du compte, nous pouvons seulement prier le Seigneur que la
“confessio” soit en nous fondée de façon profonde et qu’elle devienne le feu
qui allume les autres; ainsi le feu de sa présence, la nouveauté de son être
avec nous, devient réellement visible et force du présent et de l’avenir.

Sources : www.vatican.va
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E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 10.10.2012- T/Benoît XVI
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