 |
L’avenir de l’Église est en Afrique, mais elle apporte les guerres
tribales dans ses bagages
|
Le 14 juin 2023 -
E.S.M.
-
Il n’y a qu’un seul continent où le catholicisme
est en expansion plutôt que de régresser, c’est
l’Afrique. Cinq des dix pays qui connaissent les plus
hauts taux de participation à la messe sont africains.
Les seuls séminaires qui font le plein plutôt que de se
vider sont africains.
|
|
Antonio Spadaro, et l’évêque de
Rumbek, Christian Carlassare -
Pour agrandir
l'image ►
Cliquer
L’avenir de l’Église est en Afrique, mais elle apporte les guerres tribales
dans ses bagages
Le 14 juin 2023 -
E.S.M. -
Il n’y a qu’un seul continent où le catholicisme est en expansion
plutôt que de régresser, c’est l’Afrique. Cinq des dix pays qui
connaissent les plus hauts taux de participation à la messe sont
africains. Les seuls séminaires qui font le plein plutôt que de se
vider sont africains.
Et c’est également d’Afrique qu’est issue la résistance au courant
qui pousse tant d’Églises catholiques du Nord vers les rivages de la
bénédiction des couples homosexuels. Dans l’Église anglicane, cette
question a déjà causé un schisme, et là encore les chiffres sont
tous en faveur du Sud.
Bref, il n’est guère si incongru de voir en l’Afrique le futur axe
du christianisme mondial. Le synode qui se tiendra en octobre à
Rome, convoqué par le Pape François, constituera l’épreuve du feu de
ce tournant.
Mais il y également autre chose dans le catholicisme africain,
quelque chose de bien peu reluisant. Il s‘agit des conflits, souvent
armés, entre les tribus.
Le Pape François s’est est bien rendu compte lors de son voyage au
Congo et au Soudan du Sud en février dernier. Et il a pu en
constater les effets destructeurs à plusieurs reprises quand il a
nommé des évêques rejetés par les tribus ennemies, donnant lieu à
des disputes de plusieurs années parfois sans issue et aux
conséquences sanglantes.
Settimo Cielo en a d’ailleurs publié un compte-rendu
impressionnant le 6 mars dernier.
Lors de la
conférence de presse dans l’avion de retour de Djouba, le Pape
François n’a pas hésité à définir le tribalisme comme « diabolique »
tout en admettant « ne pas bien savoir comment c’est ». Mais s’il a
lu le dernier cahier de « La
Civiltà Cattolica » – qu’il reçoit toujours pour relecture avant
tout le monde – ses derniers doutes sur le sujet devraient
disparaître.
Dans son numéro du 3-17 juin en effet, « La Civiltà Cattolica » a
publié un entretien-fleuve (photo) entre son directeur, Antonio
Spadaro, et l’évêque de Rumbek, Christian Carlassare qui, après sa
nomination en 2021, a justement été victime des inimités tribales de
la part d’une bande armée commanditée par un prêtre et quatre laïcs
du diocèse.
Avec 12 millions d’habitants, le Soudan du Sud est presque aux
deux-tiers chrétien et s’est soustrait à la domination du Nord
musulman, dont la capitale est Khartoum, au terme de plus de vingt
années de guerre civile. Mais à peine avait-il obtenu son
indépendance en 2011 que des divisions irréductibles ont éclaté
entre les 64 groupes ethniques présents dans le pays, chacun avec sa
propre langue et ses propres traditions, et surtout entre les deux
principales tribus, les Dinka et les Nuer.
Mais laissons plutôt la parole à Mgr Carlassare :
« Le premier élément, c’est la violence, qui éclate de manière
totalement inattendue et qui peut atteindre des niveaux d’une
gravité incompréhensible sans susciter d’indignation ni de
condamnation. Il y a donc une forte tendance à se regrouper pour
chercher protection et sécurité ».
« Le proverbe africain ‘Je suis parce que nous sommes’, cache
derrière sa beauté une faiblesse. En effet, l’individu ne peut
survivre qu’au sein de son propre groupe – famille, clan, tribu -,
qui lui fournit sécurité et justice distributive. Cette appartenance
passe avant toutes les autres, avant même celle de la communauté
élargie et de l’État. Par conséquent, la fidélité à la tradition et
à la loi ethnique de la tribu a priorité sur la loi civile quin bien
qu’elle soit adoptée par la nation, s’inspire d’une philosophie du
droit totalement étrangère à la mentalité locale ».
« C’est à la famille de défendre ses propres membres, avant même
l’État. C’est pour cela qu’il y a une loyauté absolue envers un
parent proche, qu’il ait raison ou tort, aussi bien dans la justice
que dans l’erreur, qu’il soit innocent ou coupable. L’appartenance
tribale obscurcit presque entièrement l’identité de l’individu et,
étant donné que l’identité d’une personne est enracinée dans sa
collectivité, l’autre est toujours perçu comme un représentant de
son groupe ethnique ».
« Il est un fait que l’élite militaire du Soudan du Sud est bien
trop nombreuse. C’est un pays qui compte davantage de généraux que
de professeurs, comme on disait il y a quelque temps : pas moins de
745 généraux, un nombre qui plaçait le Soudan du Sud en deuxième
position, juste derrière la Russie. En plus de cela, le pays compte
un nombre de personnes recrutées dans l’armée régulière, ainsi que
dans de nombreuses autres milices, de très loin supérieur à celui
dont il a effectivement besoin. En outre, l’armée pâtit du fait que
chaque bataillon n’obéit exclusivement qu’à son propre commandant ».
« De nombreux rapports démontrent qu’il y a bien plus de
kalachnikovs en circulation hors de l’armée que dans l’armée. Le
conflit interne a favorisé une grande prolifération d’armes
notamment aux mains des civils ».
« Malgré l’accord de paix, un tiers de la population du Soudan du
Sud est encore réfugiée dans les pays proches ou déplacée au sein de
son propre pays. À plusieurs reprises, le gouvernement d’unité
nationale a invité ces personnes à rentrer chez elles. Mais que veut
dire rentrer chez soi après presque dix ans ? Y aura-t-il jamais un
endroit qu’ils pourront appeler ‘chez eux’ ? Souvent, leurs lieux
d’origine sont occupés par d’autres groupes, civils ou militaires.
Ailleurs, ces territoires ont été envahis par la forêt, et les
villages sont entièrement à reconstruire. Dans le cas des Nuer,
leurs territoires ont été submergés par les eaux à cause d’une crue
extraordinaire du Nil. Retourner chez soi fait peur. Il y a de
l’insécurité, de l’incertitude et de la pauvreté. Il n’y a de fait
pas de travail, et aucune motivation pour reconstruire. Alors, pour
beaucoup d’entre eux, mieux vaut rester déplacés ou réfugiés ».
« Les données révèlent qu’à peine 20% des enfants en âge scolaire
ont accès à une école primaire ; 2,8 millions d’entre eux n’ont pas
la possibilité d’aller à l’école. En plus du manque
d’infrastructures, le plus grand défi reste la rémunération des
enseignants et des professeurs. Le salaire est trop bas. Il pourrait
il y avoir un bon enseignant qui irait travailler pour une ONG, en
laissant la charge d’enseigner à des jeunes non qualifiés prêts à
donner un coup de main pendant un certain temps, en espérant trouver
quelque chose de mieux plus tard. De plus, dans les zones rurales,
il n’est pas facile d’aller à l’encontre de la culture et des
traditions qui considèrent l’instruction comme pas vraiment
nécessaire voir, dans le cas des enfants, comme dangereuse, dans la
mesure où elle promeut une émancipation qui rend les femmes moins
soumises à une société machiste ».
« Les personnes instruites, si elles ne trouvent pas une place,
souvent mal rétribuée, dans l’administration, cherchent du travail
dans les ONG ou essayent de fonder leur propre ONG pour profiter des
fonds de la communauté internationale. Mais la reprise économique du
pays ne peut pas se baser sur cela ».
« L’accord entre les parties n’est qu’un premier pas nécessaire pour
emprunter le chemin de la paix. Mais ce chemin est encore long, la
corruption et les injustices rendent ce processus très fastidieux.
L’Église est appelée à cheminer avec le peuple en portant ces
fardeaux, et c’est cela qui créera une communion. Dans le même
temps, elle évangélise, en reconnaissant et en faisant émerger cette
humanité lumineuse présente en chaque personne qui est l’unique
véritable source d’espérance. »
Et c’est sur ce rayon de lumière que s’achève l’entretien de
l’évêque Carlassare dans « La Civiltà Cattolica », avec ce portrait
très réaliste de ce tribalisme qui empoisonne non seulement le
Soudan du Sud mais également une grande partie de l’Afrique, et de
l’Afrique catholique.
Quand, en 2019, le Pape François avait convoqué les deux leaders
rivaux, catholiques, du Soudan du Sud pour une retraite spirituelle
au Vatican, il leur avait offert à chacun une bible sur laquelle – a
rappelé Carlassare – « figurait une citation empruntée à Jean
XXIII : ‘Chercher ce qui unit et dépasser ce qui divise’ ».
Puis le Pape s’est agenouillé pour leur baiser les pieds, dans un
geste « dont le message sous-entendu était : ‘Maintenant vous aussi
faites de même’ ».
Quatre années plus tard, cette espérance reste vive, mais elle est
encore loin de devenir réalité, à en juger par le témoignage
autorisé d’un homme de terrain tel que l’évêque de Rumbek.
Parce que si en Europe en en Amérique, l’Église s’effondre en nombre
et en vitalité, en Afrique non plus elle ne semble pas être en bonne
santé.
Un article de
Sandro Magister, vaticaniste à
L’Espresso.
Articles les plus
récents :
-
Cardinal Ratzinger : Le Christ est l'image originelle de l'homme
-
Benoît XVI : Le vrai Dieu n'habite pas dans des bâtiments de pierre, mais reste le Dieu en chemin
-
Le pape François à nouveau hospitalisé après l'audience générale
-
Sur l’euthanasie et le gender, l’Église catholique s’entend mieux avec les Juifs qu’en son propre sein
-
Le cardinal Sarah met en garde contre le danger de confusion dans l'enseignement doctrinal et moral
-
Bergoglio s'apprête à infliger une grande humiliation à Mgr Gänswein !
Les lecteurs qui
désirent consulter les derniers articles publiés par le site
Eucharistie Sacrement de la Miséricorde, peuvent
cliquer sur le lien suivant
► E.S.M.
sur Google actualité |
Sources
: diakonos.be
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 14.06.2023
|