Assise, le pape Jean Paul II a posé un geste
prophétique |
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Le 14 février 2008 - Jean Paul II insiste très fortement sur l’unité du
genre humain, fondée sur le mystère de la Création. Il affirme que « les
différences sont un élément moins important par rapport à l’unité qui,
au contraire, est radicale, fondamentale et déterminante »
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Le geste
prophétique du pape Jean-Paul II -
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Assise : une catéchèse du dialogue œcuménique et interreligieux
Conférence de Mgr Stanislas LALANNE
1° partie :
Le concile Vatican II et le dialogue - 14.02.08
2° partie :
Œcuménisme, l’engagement des papes Jean-Paul II et Benoît XVI - 14.02.08
3° partie (suite et fin)
25. Le dialogue avec les autres religions
Là encore, impossible de faire le tour en quelques minutes de tout ce
qu’implique le dialogue avec des religions qui ne confessent pas un Dieu
unique.
251. La rencontre d’Assise en 1986
L’événement le plus marquant pour le dialogue interreligieux a été sans
aucun doute la rencontre à Assise, le 27 octobre 1986. Non seulement les
représentants des grandes religions ont été invités à cette rencontre mais
aussi ceux des religions traditionnelles d’Afrique ou des Indiens
d’Amérique.
En prenant l’initiative d’inviter toutes les responsables des religions du
monde à venir ensemble prier pour la paix à Assise, ville de saint François,
Jean Paul II a posé un geste prophétique.
252. Assise : une catéchèse du dialogue œcuménique et
interreligieux
Deux mois après, dans un discours aux membres de la Curie romaine
(22 décembre 1986), le Pape a fait une lecture
théologique de cet événement en répondant ainsi à la fois à ceux qui avaient
critiqué la démarche et à ceux qui l’interprétaient de façon trop laxiste.
Pour lui cette rencontre s’inscrit dans la ligne dessinée par la déclaration
Nostra
Aetate du concile Vatican II et la poursuit :
- Jean Paul II insiste très fortement sur l’unité du genre humain, fondée
sur le mystère de la Création. Il affirme que « les différences sont un
élément moins important par rapport à l’unité qui, au contraire, est
radicale, fondamentale et déterminante » ;
- il estime que « l’événement d’Assise peut ainsi être considéré comme
une illustration visible, une leçon de choses, une catéchèse intelligible à
tous » de ce que signifient l’engagement œcuménique et l’engagement pour
le dialogue interreligieux prévu par le concile Vatican II.
- Jean Paul II souligne l’importance de la prière de chacun car « toute
prière authentique est suscitée par l’Esprit Saint qui est mystérieusement
présent dans le cœur de tout homme ».
253. L’importance de la prière
L’unité de la famille humaine se trouve illustrée dans cette unité de
prière. Bien sûr chacun prie selon sa propre tradition
(être ensemble pour prier ne signifie pas la
même chose que prier ensemble). Mais l’unité provient du fait que
toute personne est capable de prier, de se reconnaître pauvre devant Dieu.
La prière est ainsi un des moyens pour réaliser le dessein de Dieu parmi les
hommes. En même temps, elle apprend au monde que la paix est un don de Dieu
et qu’il faut l’obtenir de lui par la prière de tous.
Jean Paul II a encore précisé le but de cette rencontre et le rôle de la
prière dans son discours au corps diplomatique le 10 janvier 1987. Il ne
s’agissait pas de discuter ni de décider des initiatives concrètes ou de
plans d’action qui pourraient sembler utiles ou nécessaires à la paix. Ni de
négocier des convictions de foi pour arriver à un consensus religieux
syncrétiste. Mais de se tourner ensemble vers Dieu pour lui implorer ce don
de la paix, chacun dans sa prière.
254. A la suite de la rencontre d’Assise
La rencontre d’Assise a définitivement marqué le dialogue interreligieux. En
1991, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et la
Congréga-tion pour l’évangélisation des peuples ont publié ensemble, à
l’occasion du 25e anniversaire de Nostra aetate, un document intitulé «
Dialogue et annonce ».
Ce document intègre 25 ans de pratique et de réflexion théologique à la
suite du Concile. Il indique notamment très clairement que dialogue et
annonce sont deux éléments authentiques de la mission, intimement liés mais
non interchangeables. Pour ceux qui souhaitent approfondir la question du
dialogue interreligieux, je ne peux que recommander la lecture de ce
document.
De son côté, la Communauté de Sant’Egidio a repris le flambeau d’Assise et
organise chaque année, à travers le monde, une rencontre interreligieuse
dans « l’esprit d’Assise ». En 2006, pour le vingtième anniversaire de la
rencontre d’Assise, plusieurs manifestations ont été organisées, y compris à
Assise même.
En conclusion
Aux termes du survol de tout ce qui s’est développé à la suite du concile
Vatican II, il est possible d’affirmer que le Concile a vraiment ouvert la
voie pour le dialogue et a amorcé d’autres types de relations entre les
catholiques et tous les autres croyants ou non croyants.
Ce qui prime, c’est l’unité de la famille humaine et la conviction que le
salut, annoncé dans le Christ, s’adresse à tous les hommes. Dans le Christ,
Dieu s’est bien révélé complètement et définitivement. L’Église confesse
toujours que le Christ est « le Chemin, la Vérité et la Vie ». Mais c’est
une Vérité dont nous ne pouvons que témoigner et notre façon de la
comprendre peut avoir besoin de purification. Le dialogue avec d’autres
croyants peut ainsi nous permettre d’approfondir et de purifier notre propre
foi.
Il nous reste à voir si ces intuitions du concile Vatican II sont toujours
d’actualité aujourd’hui.
3. Le dialogue aujourd’hui
Plus de quarante ans ont passé depuis la fin du concile Vatican II et le
monde a bien changé.
31. Un contexte radicalement différent
Tant l’encyclique
Ecclesiam Suam que les textes du Concile sont marqués par l’optimisme
qui caractérisait les années soixante. C’était aussi une époque où la
transmission de la foi allait, pour ainsi dire, de soi.
S’il fallait brosser un rapide tableau de ce qui changé en 40 ans, je
retiendrais :
- la sécularisation grandissante qui a mis l’accent sur l’autonomie de
l’homme ;
- l’individualisme exacerbé qui glorifie la liberté de l’homme ;
- la pluralité des traditions, convictions, choix de vie, etc. que le
développement des moyens de transport et de communication a fait connaître à
tout le monde ;
- une emprise disproportionnée de l’économie de marché sur tous les aspects
de la vie, qui amène à raisonner en termes de marché et de biens de
consommation dans tous les domaines.
Avec comme résultat :
- la crise de la transmission : aucune valeur, tradition, conviction, etc.
n’est plus transmise d’office d’une génération à l’autre car il y a toujours
d’autres options possibles et chacun et libre et autonome pour choisir ;
- l’obligation pour chacun de construire son identité personnelle en faisant
continuellement des choix dans tous les domaines : vie professionnelle, vie
personnelle, convictions, religion, etc.
Cette situation crée un sentiment d’insécurité chez beaucoup de personnes,
notamment les jeunes. Dans un monde qui offre si peu de repères stables, il
n’est donc pas étonnant de trouver beaucoup de peurs et d’angoisses.
32. Conséquences pour l’Église
L’Église, qui est dans le monde, subit les conséquences de ces évolutions :
- elle subit de plein fouet la crise de la transmission : la foi ne passe
plus « automatiquement » d’une génération à l’autre. La foi aussi devient
l’objet d’un choix personnel ;
- son message, qui situe l’autonomie et la liberté de l’homme dans un
rapport de dépendance et d’obéissance à l’égard de Dieu, va à l’encontre de
l’idéologie individualiste ambiante ;
- la pluralité des choix fait que la foi chrétienne devient, pour certains,
une option parmi d’autres dont la spécificité n’est plus perçue.
Deux phénomènes extrêmes se dessinent :
- le relativisme : tout se vaut et chacun choisit, dans le supermarché du
religieux, les éléments qui lui conviennent pour se bricoler une petite
spiritualité sympathique et surtout pas trop contraignante. Dans ce cas, le
dialogue n’est plus utile !
- le repli identitaire : dans un monde qui n’offre plus de repères, la
religion devient le refuge, la seule chose qui tienne encore. Il faut la
défendre coûte que coûte contre l’influence du monde. C’est la stratégie de
la forteresse assiégée. Dans ce cas, le dialogue devient dangereux !
Aucune de ces positions n’est conforme à la mission de l’Église. Le monde a
besoin de repères et l’Église doit annoncer à tous le salut qui nous est
donné dans le Christ. Mais cette annonce ne peut pas se faire sans dialogue.
L’Évangile ne peut être imposé par la force.
33. Le dialogue aujourd’hui : une nécessité
théologique
Ce qui rend le dialogue peut-être plus difficile aujourd’hui est justement
cette peur qui habite beaucoup de nos contemporains et qu’il faut prendre au
sérieux.
Pour que le dialogue puisse porter ses fruits, nous devons connaître les
peurs et espoirs qui habitent ceux à qui nous nous adressons comme
d’ailleurs aussi nos propres peurs et espoirs. Il est légitime d’avoir peur
de voir la spécificité de notre foi engloutie par le relativisme ambiant.
Mais la peur est mauvaise conseillère !
Justement, dans un monde sans repères où, d’un côté, le relativisme domine
et, de l’autre côté, les religions sont instrumentalisées à des fins
politiques, la seule solution consiste à faire connaître la spécificité de
la foi chrétienne et à l’approfondir. Et cela ne peut pas se faire sans
dialogue (cf. à ce sujet la Lettre aux catholiques de
France, publiée par les évêques de France en 1996 et intitulée Proposer la
foi dans la société actuelle).
Au contraire, le dialogue entre croyants comme le dialogue avec les
non-croyants deviennent le moyen de faire connaître notre foi et de
combattre le relativisme et l’instrumentalisation des religions. Il s’agit
donc bien d’une nécessité théologique.
34. L’exemple du Christ
En fait, ce dialogue, le Christ nous en a donné un très bel exemple sur le
chemin d’Emmaüs. C’est lui qui prend l’initiative de rejoindre ces deux
disciples sur leur route. Il partage leur route de tristesse, s’inquiète de
ce qui les préoccupe et leur explique ensuite les Écritures. Pendant tout ce
temps, le cœur des disciples est brûlant, ils devaient sentir qu’ils
approchaient la Vérité.
Finalement, le Christ se met à table avec eux et au moment où ils le
reconnaissent à la fraction du pain, il disparaît. La Vérité nous échappe !
Nous aimerions tant la tenir et la retenir, ce serait tellement plus
rassurant de l’avoir sous la main. Mais non, cela ne serait pas la Vérité !
La Vérité, elle se cherche. Seuls nous n’y arriverons pas. Mais dès que nous
serons deux ou plusieurs en chemin pour la chercher, nous pourrons aussi
avoir la certitude que la Vérité sera parmi nous.
+ Stanislas LALANNE
Evêque de Coutances
Regarder la vidéo de la conférence
(le son n'arrive qu'après 1mn)
Sources: Service communication du diocèse de Bordeaux
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 14.02.2008 - BENOÎT XVI
- T/Œcuménisme |