Le pape Benoît XVI et les droits de l'homme |
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Le 13 janvier 2009 -
(E.S.M.)
- Les droits de l'homme sont aujourd'hui le théâtre d'une lutte sans
merci pour les reformuler et renverser leur fondement... en attaquant la
vie.
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La
Révolution française -
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Le pape Benoît XVI et les droits de l'homme
Le 13 janvier 2009 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
- Protéger et promouvoir les droits de l'homme, telle fut la
mission assignée à l'ONU au lendemain de la barbarie nazie. S'adossant à
la dignité inaliénable de tout être humain, ils revendiquent par là même
une portée universelle et sont reconnus antérieurement à toute
ratification. Découverts, non pas inventés, les droits fondamentaux
s'imposent à tous par la force même de leur vérité. Comme l'a rappelé
Benoît XVI le 18 avril dernier devant l'assemblée générale des Nations
Unies, la « Déclaration universelle a réaffirmé avec force la
conviction que le respect des droits de l'homme s'enracine avant tout
sur une justice immuable sur laquelle la force contraignante des
proclamations internationales est fondée » (Benoît
XVI, Discours devant les représentants des Nations Unies à New York, 18
avril 2008).
Clé de voûte de l'édifice, le droit à la vie est conçu pour protéger ce
processus biologique concret et réel qui conditionne l'existence même de
l'être humain. L'homme est bénéficiaire de droits fondamentaux par sa
dignité naturelle; de fait, sans la protection inconditionnelle de sa
vie qui en est le support, tous les autres droits s'évanouissent et
périssent ensemble. C'est cette conception réaliste et objective qui
vole aujourd'hui en éclats par un double mouvement de subversion
provenant d'une part des États, d'autre part du sein même de l'ONU. Nous
assistons de fait à une attaque en règle contre le droit à la vie, vidé
de sa substance et qui, sous les coups de boutoir du relativisme et de
l'utilitarisme, laisse place à une cohorte de nouveaux droits «
compromettant l'unité interne de la Déclaration pour favoriser la
satisfaction de simples intérêts, souvent particuliers » (Ibid).
Emblématique de ce phénomène, la promotion des droits sexuels et
reproductifs dont le droit à l'avortement est le fer de lance. À
l'échelon étatique, c'est la procédure juridique de la dérogation qui en
a permis progressivement l'émergence depuis trois décennies. En France,
la loi Veil de 1975 en est le paradigme, introduisant une dérogation
exceptionnelle au principe de respect de la vie de l'être humain affirmé
solennellement dans son premier article. Notre loi de bioéthique
s'inscrit dans cette filiation, posant l'interdiction de recherche sur
l'embryon tout en ouvrant un régime dérogatoire suspendant la protection
qui lui est due. Toutes les lois modernes attentant à la vie humaine
sont bâties de la sorte, c'est pourquoi jusqu'à présent les juristes ont
toujours parlé de dépénalisation et non de légalisation. Or, notre
époque est justement celle où les concessions de jadis sont en passe
d'être érigées en nouveaux droits.
C'est ici qu'entre en jeu l'ONU, dont plusieurs de ses institutions
travaillent à transmuer les anciennes dérogations en droits coercitifs
qui assujettiraient les États. La dérogation est en définitive
révélatrice de la honte et de la mauvaise conscience du législateur qui
ne peut s'empêcher de rappeler le principe de respect de la vie pour
camoufler sa volonté de transgression et donner l'illusion à ses
citoyens que la morale est sauve.
Plusieurs instances ou groupes de pression onusiens ne se contentent
plus de cette éthique de façade : ce sont des droits opposables qu'ils
revendiquent haut et fort. Avec en contrepartie un devoir de tutelle du
politique sur ceux-ci. Benoît XVI a parfaitement compris le danger de
cette mutation idéologique qui conduirait à une situation
d'irréversibilité des atteintes à la vie humaine. C'est à un effort sans
pareille de refondation des droits de l'homme qu'il nous convie depuis
qu'il a été élu pape. Ainsi a-t-il rappelé à Vienne devant les autorités
politiques et l'ensemble du corps diplomatique que « c'est l'Europe
qui a formulé pour la première fois le concept des droits humains. Le
présupposé de tous les autres droits est le droit à la vie elle-même.
Ceci vaut pour la vie de la conception à sa fin naturelle. En
conséquence, l'avortement ne peut être un droit humain - il est son
contraire » (Benoît
XVI, Discours aux autorités politiques et au corps diplomatique à
Vienne, 7 septembre 2007). Benoît XVI
développe ce thème avec insistance dans d'innombrables documents, au
premier chef dans ses lettres pour la Journée mondiale de la Paix, ses
rencontres avec le monde politique ou sa leçon de droits au palais de
verre à New York. Un patrimoine philosophique et juridique de première
main.
Mais plus encore, il convoque tous les chrétiens et les hommes de bonne
volonté à oublier les années de compromis vers le bas pour choisir un
dialogue vers le haut. Les hommes peuvent en effet à nouveau se
rencontrer pour créer « un consensus éthique fondamental » selon
l'expression qu'il a proposée au président Sarkozy
le 12 septembre dernier, avec à la clé la reconnaissance des «
droits inaliénables de la personne humaine depuis sa conception à sa
mort naturelle ».
Pierre-Olivier Arduin
« La dignité de chaque homme est véritablement
garantie uniquement lorsque tous ses droits fondamentaux sont reconnus,
protégés et promus. Depuis toujours, l'Église rappelle que les droits
fondamentaux, au-delà des différentes formulations et importances qu'ils
peuvent prendre dans le cadre des diverses cultures, sont un fait
universel, parce qu'inhérents à la nature même de l'homme. La loi
naturelle, inscrite par le créateur dans la conscience humaine, est un
dénominateur commun à tous les hommes et à tous les peuples; c'est un
guide universel que tous peuvent connaître et sur la base desquels tous
peuvent s'entendre. Les droits de l'homme sont donc, finalement
enracinés en Dieu créateur, lequel a donné à chacun l'intelligence et la
liberté. Si l'on fait abstraction de ce fondement éthique, les droits
humains demeurent fragiles car privés d'un fondement solide. [...] Un
long chemin a sans aucun doute été parcouru, mais une bonne partie reste
encore à parcourir: des centaines de mil/ions de nos frères et sœurs
voient aujourd'hui encore leurs droits à la vie, à la liberté, à la
sécurité, menacés; l'égalité entre tous n'est pas toujours respectée ni
la dignité de chacun, alors que de nouvelles barrières sont élevées pour
des raisons liées à la race, à la religion, aux opinions politiques et à
d'autres convictions. Que ne cesse donc pas l'engagement commun à
promouvoir et mieux définir les droits de l'homme, et que s'intensifient
les efforts pour en garantir le respect »
(Benoît XVI, le mercredi 10 décembre 2008 à l'occasion des
60 ans de la signature de la Déclaration universelle des droits de
l'homme
- les droits de l'homme sont enracinés en Dieu Créateur).
La position de l'Église
Bien qu'ayant condamné certains aspects de la
Déclaration des droits de l'homme de 1789, l'Église a fini par reprendre
à son compte cette notion. Explication de cette évolution.
par Thibaud Collin
Qui veut saisir la position de I l'Église par rapport aux droits de
l'homme doit la considérer dans l'histoire politique et intellectuelle
de ces derniers siècles. Réfléchir de manière abstraite est possible
mais présente des difficultés méthodologiques propres dont un des effets
fréquents est la mise à jour de soi-disant contradictions dans le
Magistère de l'Église. Ainsi dans cette délicate question de
l'appréciation des droits de l'homme se rejoignent ceux qui condamnent
le « modernisme » de l'Église d'aujourd'hui au nom de celle d'hier et
ceux qui accablent l'« obscurantisme » de l'Église d'hier au nom de sa
supposée ouverture actuelle. Comme le dit le père Bertrand de Margerie,
« il n'y a pas de fidélité à la tradition apostolique sans
explicitation circonstancielle des doctrines à transmettre, bref sans
développement doctrinal » (Liberté
religieuse et Règne du Christ, Cerf, 1988, p. 16).
Cela ne veut pas dire qu'une approche historique d'une telle question
légitime l'historicisme
(relativisme fondé sur l'histoire),
bien au contraire. La mesure ultime de la
réflexion est toujours la totalité de la Révélation de Dieu.
Toute hérésie est un rétrécissement de la doctrine catholique à telle de
ses parties tendant à exclure les autres. La prise en compte des
développements doctrinaux a toujours pour matrice la vérité totale sur
Dieu. « L'Église tend constamment vers la plénitude de la divine
vérité jusqu'à ce que soient accomplies en elle les paroles de Dieu
» (Dei
Verbum, n. 8.).
La Révolution française
La déclaration des droits de l'homme et du citoyen participe de la
reconfiguration sociale et politique que le peuple français effectue
dans ce qu'il est convenu d'appeler la Révolution. La première
déclaration du Pape sur cet événement est datée du 10 mars 1791. Dans le
bref Quod aliquandum, examen de la Constitution civile du clergé,
Pie VI condamne vigoureusement l'article X de la déclaration de 1789
portant sur la liberté d'opinion même religieuse. « On établit comme
un droit de l'homme en société, cette liberté absolue, qui non seulement
assure le droit de n'être point inquiété sur ses opinions religieuses,
mais qui accorde encore cette licence de penser, de dire, d'écrire et
même de faire imprimer impunément en matière de religion, tout ce que
peut suggérer l'imagination la plus déréglée;
droit monstrueux, qui paraît cependant à l'Assemblée résulter de
l'égalité et de la liberté naturelles à tous les hommes. Mais que
pouvait-il y avoir de plus insensé, que d'établir parmi les hommes cette
égalité et cette liberté effrénée qui semble étouffer la raison, le don
le plus précieux que la nature ait fait à l'homme et le seul qui le
distingue des animaux ? [...] Ce droit
chimérique n'est-il pas contraire aux droits du Créateur suprême à qui
nous devons l'existence et tout ce que nous possédons ? »
II est remarquable que le pape invoque ici en même temps comme critères
d'appréciation le Dieu créateur et la raison. D'emblée il pointe
l'impossibilité d'une liberté de pensée absolue. Certes l'article X
souligne que « la manifestation des opinions ne doit pas troubler
l'ordre public ». Mais Pie VI va plus loin en soulignant que de
telles limites restent extrinsèques à l'ordre propre de la raison. La
pensée ne doit pas être simplement limitée en aval quant à ses
applications pratiques mais aussi dans son développement interne.
La raison humaine cherche la vérité et le bien ; elle ne peut sans
absurdité se couper de sa source. Est donc rappelée sa dépendance
à Celui dont elle se reçoit. Considérer la liberté comme l'indifférence
de l'être humain envers son bien et son salut, c'est mettre en danger
tout l'ordre humain.
Cette condamnation de l'indifférentisme sera réitérée quelques décennies
après par Grégoire XVI dans Mirari Vos
(1832). L'indifférentisme est «
cette opinion funeste répandue partout
par la fourbe des méchants, qu'on peut, par une profession de foi
quelconque, obtenir le salut éternel de l'âme, pourvu qu'on ait des
mœurs conformes à la justice et à la probité. [...] De cette
source empoisonnée de l'indifférentisme
découle cette maxime fausse et absurde ou plutôt
ce délire : qu'on doit procurer et garantir à chacun la liberté
de conscience; erreur des plus contagieuses,
à laquelle aplanit la voie cette liberté absolue et sans frein des
opinions qui, pour la ruine de l'Église et de
l'État, va se répandant de toutes parts ». Là encore est
affirmé que l'homme ne peut être considéré de manière abstraite comme un
individu en soi. Il n'est pas sa propre mesure ; il est causé par Dieu
et par la nature et ne peut se découvrir lui-même dans sa vérité que
s'il reconnaît cette double causalité. Proclamer par principe un droit à
une liberté absolue dans les champs moral, intellectuel et spirituel,
c'est attaquer à la racine la dignité de l'esprit humain. Le sens même
de l'esprit est, en effet, de se tourner vers autre chose que lui :
l'intelligence vers la connaissance du vrai et la volonté libre vers la
fruition du bien. Imaginer que ces facultés sont indifférentes à leur
objet propre est non seulement contraire à l'expérience mais injurie
l'humanité.
On peut donc estimer que les papes ont immédiatement eu un diagnostic
pertinent sur les enjeux métaphysiques et moraux d'une
telle déclaration des droits de l'homme, symbole d'une culture se
coupant de sa source. Cette coupure peut être appelée la
modernité. Ce qui est fascinant est de constater l'aspect prophétique du
diagnostic. En effet, le « délire » de l'indifférentisme n'annonce-t-il
pas le nihilisme dont Nietzsche fera le portrait quelques décennies plus
tard et dont les totalitarismes du XXe siècle seront l'expression la
plus vive mais non l'unique ? C'est comme si les papes de l'époque
révolutionnaire avaient eu les bons outils pour percevoir à leur juste
profondeur et expliciter les principes anthropologiques et métaphysiques
des droits de l'homme ; l'outil principal utilisé par le Magistère est
la Parole de Dieu lue dans la Tradition.
La position de Pie VI
En effet, dès 1791 Pie VI comprend la Déclaration des droits de l'homme
à partir de la Genèse et de l'Exode. « Dieu, après avoir créé
l'homme, après l'avoir établi dans un lieu de délices, ne le menaça-t-il
pas de mort, s'il mangeait du fruit de l'arbre de la science du bien et
du mal ? Et par cette première défense ne mit-il pas des bornes à sa
liberté ? Lorsque dans la suite sa désobéissance l'eût rendu coupable,
ne lui imposa-t-il pas de nouvelles obligations par l'organe de Moïse ?
Et quoiqu'il eût laissé à son libre arbitre le pouvoir de se déterminer
pour le bien ou pour le mal, ne l'environna-t-il pas de préceptes et de
commandements qui pouvaient le sauver, s'il
voulait les accomplir ? » C'est l'antique tentation de
rébellion envers Dieu consistant pour l'homme à déterminer lui-même le
bien et le mal, le vrai et le faux. « Vous serez comme des dieux
». Si la liberté de l'homme est effectivement absolue alors l'homme
n'est pas créé par Dieu qui le gouverne en lui communiquant sa loi. On
peut alors affirmer que l'homme peut vivre comme si Dieu n'existait pas;
de là à conclure qu'il n'existe pas, ce n'est plus qu'une formalité.
Histoire et nouveautés
Ces papes, de Pie VI à Pie IX, qui passent pour des nostalgiques de
l'Ancien Régime ne sont pas des réactionnaires. Ils sont éminemment
conservateurs au sens strict du terme ; en effet, ils se savent
dépositaires d'un dépôt, la foi de l'Église, dont ils ne sont pas la
mesure et ils cherchent à être fidèles à leur mission : rappeler à temps
et à contretemps à leurs contemporains la divine vérité sur leur
condition et sur leur destinée. Ces papes conservent un savoir dont
l'époque moderne se détache; d'où l'impression qu'ils ne font que réagir
au mouvement de l'histoire alors qu'ils ne cessent d'enseigner et de
transmettre la même foi que leurs prédécesseurs. Sans exagération on
peut dire qu'ils mettent déjà en pratique la fameuse phrase de Paul VI
sur l'Église « experte en humanité »
(Populorum
Progressio, n. 13). Réfléchir sur la
manière dont l'Église a perçu les droits de l'homme permet de saisir le
rapport que le Magistère entretient avec l'histoire et la nouveauté.
La mentalité moderne valorise l'histoire comme ce au sein de quoi
l'homme se libère de toutes les tutelles. La déclaration des droits de
l'homme est prise dans cette matrice. Mais à bien y réfléchir le terme
déclaration signifie la mise en mots d'une réalité antérieure à sa
reconnaissance explicite. Ici c'est bien la dignité de l'être humain qui
est en jeu. Donc la modernité historique ne peut être tout au plus que
le progrès dans la conscience de ce qu'est l'homme, c'est-à-dire de ce
qui n'est pas nouveau mais immuable. Elle est donc elle aussi à la
recherche de la vérité sur la nature de l'homme et de son bien. Aucun «
homme nouveau » ne peut sortir normalement d'un tel moment historique.
De plus, la seule nouveauté pour l'Église, et elle est radicale, c'est
le Christ, vrai Dieu et vrai Homme. Or les papes ont bien identifié dans
le mouvement moderne, dont la déclaration des droits de l'homme
représente la quintessence, la volonté d'accomplir enfin la promesse
chrétienne que l'Église aurait occultée. C'est ce qui donne aux droits
de l'homme tels qu'ils sont énoncés par les révolutionnaires français
une résonance universelle, tel un nouvel Évangile
proclamé à tous les hommes. Pie VI réplique en faisant mémoire du
don de la Loi au Sinaï que la nouvelle charte du monde moderne ne peut
ignorer. Dieu a parlé dans l'histoire des hommes et comme II est aussi
Créateur et Sauveur, sa Parole est la mesure de la
vérité et du bien pour tout homme quel que soit le développement des
temps. Cette relecture ecclésiale de la Déclaration des droits de
l'homme va être explicitée de Pie XII à Benoît XVI dans une parfaite
continuité avec le diagnostic des papes du XIXe siècle.
Lorsque la promesse moderne de bonheur va
accoucher du cauchemar de l'aliénation, les papes ne cesseront pas de
parler au nom du respect de la dignité humaine fondée et garantie par
Dieu. Ils pourront ainsi rappeler aux
hommes d'aujourd'hui les véritables principes d'une déclaration des
droits digne de l'humanité créée à l'image de Dieu. Si «
l'homme passe infiniment l'homme »
(Pascal), sa mesure ne peut être
prise qu'en Dieu.
Jean-Paul II dans Mémoire et identité (Flammarion,
2005) réfléchit sur les idéologies du mal que
sont les totalitarismes. Mais certaines lois démocratiques actuelles
(le pape cite la dépénalisation de l'avortement, la
légalisation des unions homosexuelles) n'ont
rien à envier à ces régimes. « On peut et même on doit se poser la
question de savoir qu'il ne s'agit pas, ici encore, d'une nouvelle "idéologie
du mal", peut-être plus insidieuse et plus occulte, qui tente
d'exploiter, contre l'homme et contre la famille même, les droits de
l'homme. [...] Quelle est la racine de ces idéologies de l'après-Lumières
? En définitive, la réponse est simple: cela arrive parce que Dieu en
tant que Créateur a été rejeté, et du même coup la source de toute
détermination de ce qui est bien et de ce qui est mal. On a aussi rejeté
la notion de ce qui, de manière plus profonde, nous constitue comme
êtres humains, à savoir la notion de "nature humaine" comme "donné
réel", et à sa place, on a mis un "produit de la pensée" librement
formée et librement modifiable en fonction des circonstances » (p.
25). Jean-Paul II a bien perçu le retournement des
droits de l'homme contre l'homme, ou plutôt
l'exploitation idéologique de ces droits pour outrepasser l'ordre humain
véritable. Il ne cesse de rappeler au régime démocratique libéral
que la sphère du politique ne peut pas autoriser des pratiques
inhumaines. Cette version permissive et libertaire du politique rejoint
paradoxalement la version totalitaire antérieure dans la violation de la
dignité humaine. Ce qui est en jeu dans les deux cas, c'est le refus par
le politique des limites inhérentes à l'ordre humain aussi bien dans la
sphère morale que dans la sphère intellectuelle et spirituelle.
La position de l'Église
Jean-Paul II et Benoît XVI, dans la ligne de Pie XII et de Vatican II,
développe donc une compréhension enveloppante des droits de l'homme. La
Déclaration de 1789 reste abstraite parce qu'elle
tronque la réalité totale dans laquelle l'homme s'inscrit. Dans
un chapitre de Mémoire et identité au titre éloquent « De bons fruits
sur le terrain des Lumières », Jean-Paul II réaffirme que « la
clé pour se comprendre lui-même, l'homme la trouve en contemplant le
Prototype divin, le Verbe incarné, Fils éternel du Père. La Sainte
Trinité est donc source première et décisive pour comprendre la nature
intime de l'être humain » (p. 136).
Face au constructivisme actuel qui utilise les droits de l'homme pour
promouvoir une vision indifférenciée de l'homme, Jean-Paul II
approfondit la signification de ce mot homme
afin de saisir ce qui en fait la dignité
inaliénable. Dieu donne aux hommes, personne individuelle et
communauté politique, leur nature inclinée à la vérité et au bien; ils
doivent librement y adhérer au terme d'une recherche honorant leur
dignité. Les droits de l'homme ont donc un
fondement divin puisque l'homme n'est homme que parce qu'il est créé par
Dieu à son image et ressemblance. Seule une société qui s'ouvre à
la vérité chrétienne peut se limiter dans ses actes en les orientant
vers son vrai bien. La nouveauté chrétienne apparaît alors comme rendant
l'homme pleinement à lui-même après l'aliénation due à la chute
originelle.
Le défunt pape exhorte les régimes reconnaissant la Déclaration des
droits de l'homme comme fondement à remonter jusqu'à la racine des dits
droits. C'est le lien vivant à la racine divine qui permettra à la
liberté humaine de ne pas détruire l'homme. La Révolution française, les
totalitarismes et certaines lois démocratiques actuelles permettent de
se rappeler ce qu'il advient lorsque les peuples oublient de vivre de ce
lien. Dans une belle continuité avec la critique de Pie VI, Jean-Paul II
peut ainsi tranquillement affirmer : « Les Lumières européennes n'ont
pas seulement produit les atrocités de la Révolution française: elles
ont eu des fruits positifs comme les idées de liberté, d'égalité et de
fraternité, qui sont aussi des valeurs enracinées dans l'Évangile. Même
si elles ont été proclamées indépendamment de lui, ces idées révélaient
à elles seules leur origine »
(p. 136).
Thibaud Collin
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Sources : La Nef/N°200
-
(E.S.M.)
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M. sur Google actualité)
13.01.2009 -
T/Église
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