Supposons que Benoît XVI s'excuse et
retire l'encyclique Humanae Vitae |
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Rome, le 12 novembre 2008 -
(E.S.M.)
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A chaque fois que Benoît XVI a parlé en public du cardinal Martini –
bibliste bien connu et archevêque de Milan de 1980 à 2002 – il a fait
l’éloge de celui qu’il a appelé "un vrai maître de la 'lectio divina', qui
aide à entrer dans le vif de l’Ecriture Sainte".
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Supposons que Benoît XVI s'excuse et retire l'encyclique Humanae Vitae
Dieu n'est pas catholique. Parole de cardinal
Le 12 novembre 2008 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Carlo Maria Martini publie un livre "sur le risque de la foi" et invite à se
méfier des définitions doctrinales, parce que Dieu "est au-delà". Mais le
risque est alors que les articles du Credo s'effacent, objecte le professeur
Pietro De Marco. Et il explique pourquoi
Dès sa sortie en Italie, le dernier livre du
cardinal Carlo Maria Martini, paru il y a quelques mois en Allemagne et
maintenant en Espagne, s’est tout de suite classé parmi les plus fortes
ventes. L’ouvrage, intitulé "Conversations nocturnes à Jérusalem. Sur le
risque de la foi", se présente sous la forme d’une interview, réalisée par
le jésuite allemand Georg Sporschill.
A chaque fois que Benoît XVI a parlé en public du cardinal Martini –
bibliste bien connu et archevêque de Milan de 1980 à 2002 – il a fait
l’éloge de celui qu’il a appelé "un vrai maître de la 'lectio divina', qui
aide à entrer dans le vif de l’Écriture Sainte".
Le cardinal, lui, ne se montre pas aussi magnanime quand il juge, dans son
livre, les actes de gouvernement et de magistère des derniers papes, à
partir de Paul VI.
Dans un précédent
article, la chiesa a déjà évoqué l'attaque frontale de
Martini contre l'encyclique "Humanae
Vitae".
Mais le livre va plus loin et accuse, de manière répétée, l’Église
d’"involution". Martini réclame au contraire une Église "courageuse" et
"ouverte", comme le disent les titres de deux chapitres du livre.
(ndlr : Cela devrait plaire à l'Église qui est en France)
Il y a surtout une description de Jésus liée à un idéal de justice très
terrestre. La distance entre ce Jésus et le "Jésus
de Nazareth" du livre de
Benoît XVI est impressionnante.
Le quotidien de la conférence des évêques d’Italie, "Avvenire", parlant du
livre de Martini à l’occasion de son lancement à la Foire du Livre de
Francfort, le 17 octobre, a écrit que "beaucoup des considérations qu’on y
trouve vont, à juste titre, susciter des discussions".
"Avvenire" n’a rien dit de plus et n’a, à ce jour, fait aucune critique du
livre. Personne ne pense qu’il le fasse à l’avenir. Silence total à "L'Osservatore
Romano" aussi.
En privé, la haute hiérarchie critique l'auteur du livre avec sévérité et
inquiétude. Mais la règle est de ne rien dire en public, par crainte qu’une
contestation publique des thèses du livre n’aggrave le mal.
Mais quel est, pour pousser l’analyse, le "risque de la foi" qu’évoque le
cardinal Martini ?
Pietro De Marco, professeur à l'Université de Florence et à la Faculté de
Théologie de l'Italie Centrale, le met en lumière et le soumet à la critique
dans le commentaire qui suit.
Pour De Marco, le message du cardinal est "réticent quant à l’exhaustivité
de la confession de la foi". Il témoigne d’une fréquentation assidue de l’Écriture
Sainte, mais les articles du Credo "sont mis en sourdine comme s’il était
superflu d’en parler".
Un effacement des bases doctrinales qui a caractérisé le parcours d’un grand
leader de l’Église comme Martini, mais aussi celui d’une bonne partie de l’Église
catholique au cours des dernières décennies.
Observations sur les "conversations nocturnes" de Carlo Maria Martini et
Georg Sporschill
par Pietro De Marco
La forme de ce livre – une interview bien construite, découpée en chapitres
qu’introduisent des textes courts écrits par des "jeunes", souvent des
questions – en fait un témoignage important de la pensée du cardinal Carlo
Maria Martini. Et de ceux qui le suivent, au sein et hors de l’Église.
J’indiquerai ce que je ne peux approuver dans le livre, notamment ce qui me
paraît en constituer la contradiction interne, une contradiction qui marque
peut-être toute la vie publique du jésuite, ancien archevêque de Milan. Mais
je rends un hommage qui est même filial à la grande personnalité qui se
révèle, encore une fois, dans ces pages, écrites avec Georg Sporschill, lui
aussi religieux de la Compagnie de Jésus.
Je pars de la réponse du cardinal à la question: "aujourd’hui, que devrait
être l’éducation religieuse ?" (p.19), autrement dit : comment éduquer
quelqu’un pour qu’il soit un "bon chrétien" ? Le cardinal avait dit peu
avant : on reconnaît un bon chrétien "à ce qu’il croit en Dieu, a confiance,
connaît le Christ, apprend à le connaître de mieux en mieux et l’écoute".
Dans le style du livre, qui paraît tout ramener à la dimension quotidienne,
à la vérité des "mondes de vie", Martini évoque d’abord des scènes
familières et de "simples coutumes", parmi lesquels on est impressionné de
voir cités Noël et Pâques eux-mêmes. J’y reviendrai. L'éducation religieuse
que propose le cardinal consiste à "écouter les questions et les découvertes
des jeunes et à les accepter", pour arriver à sa base, la Bible: "Ne pas
penser de manière biblique nous limite, nous met des œillères, ce qui nous
empêche de saisir l’ampleur de la vision de Dieu" (p.20).
On apprécie sûrement cette primauté confiante et raisonnée donnée à l’Écriture,
à une époque où d’aucuns voient dans le christianisme une “religion de la
raison", ou plutôt une recherche de Dieu qui élimine la Bible en tant
qu’accumulation d’erreurs. Mais quand le cardinal en vient à expliquer
comment s’exprime "l’ampleur de la vision de Dieu" que révèle l’Écriture, il
cite Jésus qu’émerveille la foi des païens et qui accueille le larron au
ciel, ou Dieu qui protège Caïn assassin de son frère. "Dans la Bible, Dieu
aime les étrangers, aide les faibles", continue le cardinal. Ce faisant, il
dérape dans le trop dit, dans le sermon, qui continue avec la réponse à la
question suivante : "Nous devons apprendre à vivre l’immensité de l’être
catholique. Et à connaître les autres. [...] Pour protéger cette
immensité, je ne connais rien de mieux que de continuer sans cesse à lire la
Bible. [...] Si nous écoutons Jésus et si nous regardons les pauvres,
les opprimés, les malades, [...] Dieu nous conduit au dehors, dans
l’immensité. Il nous apprend à penser de manière ouverte".
On trouve là un résumé de sa pensée
qui mérite un commentaire.
En attendant, si la foi/confiance en Dieu et la connaissance/écoute du
Christ sont l’essence de la condition chrétienne, cette belle formule
ne
peut être utilisée comme déjà suffisante en soi. Le seul renvoi à un
lire/penser biblique et à une "ouverture" du cœur reste tout à fait vague.
L'unique et minime précision dans les propos du cardinal est celle qui relie
“l’ouverture aux autres” à l’Écriture, pour y retrouver cette même
ouverture. Une telle circularité, même si elle est importante, est vraiment
peu de choses par rapport à l’immensité du trésor de l’Écriture.
Qu’en
est-il de la connaissance des choses divines ? De la crainte et de l'amour de Dieu ?
De l’économie trinitaire ? Si la Révélation nous transforme, c’est
parce qu’elle implique “infiniment” plus qu’une pensée "de manière ouverte"
à la manière des modernes; un "ouvert" qui s’oppose à ce que Sporschill
liquide sous le nom de "mentalité étroite".
Cette perspective, qui plaît tant à l’intelligentsia laïque et catholique,
explique aussi pourquoi Martini réduit les grandes fêtes de l’année
liturgique au rang de "simples coutumes". Une réduction peut-être
involontaire, mais révélatrice. Entrevoit-on jamais la "lex orandi" et la
plénitude du mystère liturgique dans le raisonnement pensif et souvent
profond du cardinal ? Il perd de vue le lien entre l’immensité de la "manière
biblique de penser" et celle du culte chrétien qui nous ouvre vraiment à une
liturgie cosmique, même si nous ne sommes ou ne devenons pas pour autant des
"esprits ouverts" à la manière moderne. La question n’est ni mineure ni
récente. Les catholiques et plus encore les orthodoxes sont à cet égard sur
des rives opposées par rapport aux communautés protestantes, à qui la
fréquentation de l’Écriture et la "manière biblique de penser" n’ont pas
suffi pour affronter la modernité.
"Vivre l’immensité de l’être catholique" ne se fait pas non plus en
regardant "les pauvres, les opprimés, les malades". Ce que le cardinal
appelle le "risque" pour l’Église de se poser comme un absolu ne me paraît
pas évoqué de manière pertinente. L’absoluité de l’incarnation du Logos dans
le cosmos et dans l’histoire n’est pas un "risque" mais c’est la base de
cette "immensité", c’est ce qui nous rend vraiment "ouverts".
Sans dévaloriser les "mondes de vie" que préfère le cardinal, c’est dans
l’absoluité que l’universalité et la responsabilité chrétiennes s’enracinent
depuis toujours. Il reste quelques penseurs laïcs, surtout en Italie, qui
insistent encore sur l'équivalence entre "prétention à la vérité" et
"fermeture" intellectuelle et morale. Je suis préoccupé par le passage où
Martini dit : "Les hommes s’éloignent des [...] dix commandements et se
construisent leur propre religion; ce risque existe aussi pour nous. On ne
peut pas rendre Dieu catholique. Dieu est au-delà des limites et des
définitions que nous établissons. Dans la vie nous avons besoin d’elles,
c’est évident, mais nous ne devons pas les confondre avec Dieu". Je suis
préoccupé parce que l’idée qu’une religion positive soit, en elle-même,
éloignement d’un fondement indéterminé qui la précède et lui est supérieur
est très dangereuse. Même du point de vue de la science des religions, il
n’existe pas en soi d’élément religieux indéterminé, commun et premier.
Seules les religions sont religion.
De même, je trouve maladroite la formule du "Dieu catholique"; elle donne
l’impression que les théologies de la "Catholica Ecclesia" sur Dieu sont une
appropriation indue et une perte du divin, et non l’amoureuse et jalouse
attention spirituelle et hiérarchique pour ce qui est révélé dans le Christ.
Bien sûr, Dieu est au-delà de nos définitions; mais ce n’est pas "pour la
vie", c’est-à-dire pour des motifs pratiques, que nous créons des
"définitions"; en effet, ne pas définir – ce que préfèrent tant de modernes
et de postmodernes – est bien plus pratique. L’admirable théologie
trinitaire des conciles et les "summae" théologiques sont plus et autre
chose que des contingences. Ce sont des monuments de louange au Dieu de
Jésus-Christ élevés par la raison chrétienne. Peut-être est-ce difficile à
comprendre pour un exégète moderne, même catholique et de la génération de
Martini.
Bien des passages dangereux se cachent au long de ces conversations
nocturnes : ce sont peut-être ceux que préfère et recherche Martini, qui fut
un alpiniste émérite. Restons au premier chapitre : le cardinal y dit, p. 18 :
"Jésus s’est battu au nom de Dieu pour que nous vivions selon la justice".
Et à la p. 24: "Jésus a osé intervenir et montrer que l’amour de Dieu doit
changer le monde et ses conflits. Pour cela il a risqué sa vie et l’a
finalement sacrifiée sur la croix. Mais nous voyons déjà son abnégation
avant cela. [...] Je crois que c’est cela, son amour, que je sens dans la
communion, dans la prière, avec mes amis, dans ma mission". Sans craindre
l’impopularité, je dis que cette christologie d’inspiration libérationniste
est peut-être pastoralement utile auprès de certains jeunes ouverts au
progrès, mais qu’elle me paraît présenter de sérieuses lacunes. Je n’ai pas
besoin de rappeler à un grand connaisseur des textes du Nouveau Testament
combien il est infondé du point de vue critique et profondément réducteur du
sens de la Révélation de dire que Jésus "s’est battu au nom de Dieu" comme
un rebelle religieux parmi tant d’autres et qu’il est mort sur la croix pour
changer le monde selon les demandes contingentes du monde (paix et justice
selon qui et pour qui ?). Si l’on admet que la lecture de Jésus par Martini
implique un antagonisme plus spirituel et moins “politique”; je n’y trouve,
en tout cas, presque rien de la tradition trinitaire et christologique.
Tradition qui, au contraire, innerve profondément le "Jésus
de Nazareth" de
Joseph Ratzinger, sur lequel le père Sporschill ironise (“le bon Jésus de
Ratzinger”) avec peu d’intelligence.
Par ailleurs plusieurs passages du chapitre 5, consacré à l'encyclique "Humanae
Vitae" de Paul VI, sont incorrects du point de vue ecclésiologique et ont
naturellement fait du bruit. Même le regret sincère que montre le cardinal
pour ce qu’il considère comme une mésaventure dans le pontificat de Paul VI
finit sur une pointe polémique. Martini souligne fortement l’isolement
volontaire du pape quand il dit que celui-ci a publié l’encyclique "avec un
sens solitaire du devoir et poussé par une profonde conviction personnelle".
Mais on se demande à qui Paul VI pouvait faire confiance, hors de Rome, en 1968 ? Aux épiscopats emportés par les crises de l’après-concile ? Ou aux
théologiens transformés en intelligentsia rebelle ? Il ne paraît pas non plus
très prudent de laisser le père Sporschill écrire cette provocation:
"Supposons que Benoît XVI s’excuse et retire l’encyclique Humanae Vitae".
Martini a tort de couvrir de son autorité la propension de certains courants
ecclésiaux à "s’excuser", non de leurs erreurs, bien sûr, mais de celles de
la hiérarchie : un sport irresponsable et qui manque de discernement.
La métaphore des 40 ans écoulés depuis "Humanae Vitae", identifiés aux 40
ans qu’Israël a passés par dans le désert (p. 93), est également ambiguë.
Qui aurait guidé qui, dans cette traversée pleine d’infidélités ? Le cardinal
Martini pense-t-il, comme le font les foyers éparpillés de la contestation,
que le peuple de Dieu ait guidé vers la Terre Promise une hiérarchie qui
résistait à l’appel de l’Esprit ? Ou reconnaît-il que c’est le contraire qui
s’est produit: l’irremplaçabilité de l’Église "mère et éducatrice" a été
fortement confirmée ? Le courage de Paul VI, enraciné dans sa conscience du
rôle de Pierre, a été énorme et, pendant la longue durée de l’attention de
l’Église pour l’homme, salutaire, comme on peut s’en rendre compte
aujourd’hui, après des décennies de confusion et de présomption
modernisante.
En somme, même si j’apprécie dans ces pages beaucoup d’observations mesurées
et d’une grande délicatesse pastorale, je trouve chez le cardinal une
conscience trop faible de ce qui est en jeu dans le changement actuel de
civilisation. Chez lui, ce qui prévaut, c’est l’écoute des opinions,
préoccupations et protestations, intérieures et extérieures à l’Église, et
une harmonie programmatique avec elles, typique de l'intellectuel. On jugera
comme elle le mérite la considération, vraiment excessive, qu’il a pour les
thèses exprimées par le philosophe allemand Herbert Schnädelbach dans un
essai sur les "fautes du christianisme" publié en 2000.
Je trouve également révélatrice la réponse de Martini quand on lui demande
s’il a jamais eu peur de prendre de mauvaises décisions (p. 64)
: "Par peur
des décisions on peut laisser la vie s’échapper. Ceux qui ont pris une
décision de manière trop précipitée ou imprudente, Dieu les aidera à se
corriger. [...] Je ne m’inquiète pas trop des gens qui quittent l’Église. Je
suis plus préoccupé par les gens qui ne pensent pas. [...] Je voudrais des
individus qui pensent. [...] Ce n’est qu’alors que se posera la question de
savoir s’ils sont croyants ou incroyants. Ceux qui réfléchissent seront
guidés dans leur cheminement. J’en suis sûr".
J’entrevois, dans ces formules, une méthode parfois adoptée par des hommes
d’Église et en particulier par la Compagnie de Jésus: attirer les gens qui
pensent, qu’ils croient ou non; ne pas se soucier des défections passées ou
présentes qui touchent l’institution; faire confiance à la direction et à la
correction de Dieu dans ce genre d’entreprises. Ce courage se montre souvent
efficace, même si nous ne savons pas ce qui en sortira de plus profond et
décisif pour la formation à la foi et pour l’Église elle-même. Mais il y a
quelque chose d’essentiel qui échappe. Qui est juge des "gens qui pensent" ?
Et que pensent-ils ? Que veut dire exactement le cardinal, si l’on va au-delà
des formules éducatives générales et généreuses pour entrer au cœur de
l’instruction chrétienne ?
Il est évident que le pari du cardinal a aussi été celui d’une partie de l’Église
dans la longue crise des hommes et de la foi après le concile. L’optimisme
qui sous-tend une telle pédagogie de la réalisation providentielle de soi
dans la liberté est aussi évident. Mais c’est ainsi que l’on a sous-estimé
et finalement favorisé la chute du nombre d’hommes de l’institution, du
clergé. Il y a encore quelques années, on entendait souvent des responsables
de la pastorale dire que le manque de prêtres était un faux problème et même
une chance pour le renouvellement de la transmission de la foi et pour sa
purification, naturellement dans un sens "non clérical".
L’optimisme qui marque la conversation nocturne du cardinal Martini ne peut
donc pas être proposé simplement à la future expérimentation. Il a déjà
marqué des pratiques du passé. Et les résultats de cet optimisme, tout le
monde peut en juger. On peut soupçonner que, derrière le charme des formules
et l’approbation de tant d’amis incroyants, cet optimisme a nourri cette
contradiction interne dont le cardinal apparaît porteur: d’un côté une
visibilité chrétienne dotée d’un profil “ouvert”, de l’autre un message
réticent quant à l’exhaustivité de la confession de la foi. Dans son modèle
pédagogique, il y a un déséquilibre considérable entre la fréquentation de
la Bible et la familiarité avec les articles du Credo: un déséquilibre dans
lequel la Tradition et le Credo sont mis en sourdine, comme s’il était
superflu d’en parler.
Paradoxalement, une contradiction semblable marque aussi les pages que Carlo
Maria Martini consacre aux exercices spirituels de saint Ignace. Pour le
cardinal ce sont "des exercices pratiques et simples qui font vivre l’amour.
C’est un peu comme dans la vie familiale [...]. L’amour pour Jésus et
l’intimité avec Dieu vivent aussi d’un comportement quotidien. Je ne peux
pas imaginer ma vie sans eau bénite, etc.". J’approuve ces formules
délicates, et, sur leur base, la distinction entre les exercices "sous leur
forme complète, réservés à un petit nombre", et les "nombreux exercices
faciles", qui conviennent à tous (p. 88). Mais pourquoi proposer aux
personnes ordinaires uniquement la première semaine, consacrée
(je
simplifie) à l’examen de conscience et ne pas les faire accéder au moins à
la seconde ? Dans le texte italien de 1555, qui traduit ce que l’on appelle
la "vulgate", on lit: "La seconde semaine, on contemple le royaume de
Jésus-Christ en évoquant un roi terrestre qui appelle ses soldats à la
guerre". Le texte autographe d’Ignace est plus sec: "El llamamiento del rey
temporal ayuda a contemplar la vida del rey eternal", mais cela ne change
pas la substance du texte. La royauté du Christ et son appel sont-ils
insignifiants pour le "bon chrétien" et pour sa vie de foi ?
Évidemment, pour le cardinal Martini, il n’est pas essentiel, il est même
gênant de "considerare Christum vocantem omnes suos sub vexillum suum", sauf
peut-être dans une version tout à fait spirituelle. Mais je crois qu’une
partie de l’Église a aussi trop caché ses "drapeaux" et s’est restreinte aux
affaires domestiques, qu’elles soient familiales ou communautaires. Ses
nécessaires profils universels et publics en ont pâti, ainsi que son
engagement et son appel à la Vérité. En effet, si la coutume privée du Pater
Noster et la lecture des Évangiles ou des Psaumes peut suffire à une
famille, cela ne suffit pas à la foi et à la mission. Et pas non plus, je
pense, à la Compagnie de Jésus, à ses membres, à sa raison de vivre.
Il a fallu que ce soit la chaire de Pierre qui garde le souvenir actif et
autorisé de tout cela au cours des dernières décennies.
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source
: Sandro Magister
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 12.11.2008 -
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