Désaveu. Le Saint-Office donne une
leçon à Mgr Fisichella |
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Rome, le 12 juillet 2009 -
(E.S.M.)
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La Congrégation pour la doctrine de la foi a publié un "éclaircissement" qui
désavoue en fait l'article du président de l'Académie pontificale pour la
vie paru dans "L'Osservatore Romano" à propos de l'avortement d'une
fillette-mère brésilienne. Voici le document :
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Mgr Fisichella
Désaveu. Le Saint-Office donne une leçon à Mgr Fisichella
Le 12 juillet 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Vendredi après-midi, alors même que Benoît XVI
s’entretenait au Vatican avec le président des Etats-Unis, Barack Obama,
"L'Osservatore Romano" a publié un "éclaircissement" de la Congrégation pour
la doctrine de la foi "sur l'avortement provoqué".
Un "éclaircissement", c’est ce que beaucoup de gens attendaient après un
article controversé publié le 15 mars, également dans le quotidien du
Saint-Siège, sous la signature de l'archevêque Rino Fisichella, président de
l’Académie pontificale pour la vie.
L’"éclaircissement" se trouve en page 7 du quotidien du Saint-Siège, mais il
est annoncé en première page.
L'article de Fisichella concernait l’affaire d’une fillette-mère brésilienne
que l’on a fait avorter des jumeaux dont elle était enceinte ; il a été
interprété par beaucoup de gens comme une justification de ce double
avortement.
Il en est résulté une vive controverse publique dont www.chiesa a rendu
compte en deux longs articles. Mais, dans le même temps, de nombreuses
protestations et demandes confidentielles ont été adressées aux autorités
vaticanes.
Parmi celles-ci, la démarche de 27 des 46 membres de l’Académie pontificale
pour la vie. Le 4 avril, ils ont écrit à Fisichella, leur président, une
lettre collective le priant de corriger les prises de position "erronées"
qu’il avait exprimées dans l’article.
Le 21 avril, Fisichella leur a répondu par écrit, en rejetant leur demande.
Le 1er mai, 21 des signataires de la lettre précédente se sont alors
adressés au cardinal William Levada, préfet de la Congrégation pour la
doctrine de la foi, pour demander à la congrégation une déclaration qui
clarifie la doctrine de l’Eglise en matière d’avortement.
La lettre, remise le 4 mai, n’a pas reçu de réponse. Ses auteurs ont su par
un responsable de la congrégation que la lettre avait été transmise au
secrétaire d’Etat, le cardinal Tarcisio Bertone, "parce que l’article de Fisichella avait été écrit à sa demande".
Deux membres de l’Académie pontificale pour la vie ont alors adressé
directement au pape un dossier sur l’affaire.
Le 8 juin, Benoît XVI a discuté de l’affaire avec Bertone et ordonné que
soit publiée une déclaration qui confirme comme inchangée la doctrine de
l’Eglise en matière d’avortement.
L’"éclaircissement" publié aujourd’hui dans "L'Osservatore Romano" daté du
11 juillet 2009 est précisément le fruit de cette décision.
Le voici, textuellement :
Sur l’avortement provoqué
Eclaircissement de la Congrégation pour la doctrine de la foi
Le Saint-Siège a récemment reçu plusieurs lettres, dont certaines
provenaient de hautes personnalités de la vie politique et ecclésiale,
l’informant de la confusion créée dans différents pays, surtout en Amérique
Latine, par la manipulation et l’instrumentalisation d’un article de Son
Excellence Mgr Rino Fisichella, président de l’Académie pontificale pour la
vie, à propos de la triste affaire de la "fillette brésilienne".
Cet article, paru dans "L'Osservatore Romano" du 15 mars 2009, présentait la
doctrine de l’Eglise, tout en tenant compte de la situation dramatique de la
fillette, qui - comme on pouvait le constater ensuite - avait été
accompagnée avec toute la délicatesse pastorale possible, en particulier par
celui qui était alors archevêque d’Olinda et Recife, Son Excellence Mgr José
Cardoso Sobrinho.
A ce sujet, la Congrégation pour la doctrine de la foi confirme que la
doctrine de l’Eglise sur l’avortement provoqué n’a pas changé et ne peut
changer.
Cette doctrine a été exposée aux numéros 2270-2273 du Catéchisme de l’Eglise
Catholique en ces termes :
"La vie humaine doit être respectée et protégée de manière absolue depuis le
moment de la conception. Dès le premier moment de son existence, l’être
humain doit se voir reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels le
droit inviolable de tout être innocent à la vie" (cf. CDF, instr. "Donum
Vitae" 1, 1). "Avant d’être façonné dans le ventre maternel, je te
connaissais. Avant ta sortie du sein, je t’ai consacré"
(Jr 1, 5 ; cf. Jb
10, 8-12 ; Ps 22, 10-11). "Mes os n’étaient point cachés devant toi quand je
fus fait dans le secret, brodé dans les profondeurs de la terre"
(Ps 139,
15).
«Depuis le premier siècle, l’Église a affirmé la malice morale de tout
avortement provoqué. Cet enseignement n’a pas changé. Il demeure invariable.
L’avortement direct, c’est-à-dire voulu comme une fin ou comme un moyen, est
gravement contraire à la loi morale : "Tu ne tueras pas l’embryon par
l’avortement et tu ne feras pas périr le nouveau-né" (Didaché 2, 2 ; cf.
Barnabé, ép. 19, 5 ; Epître à Diognète 5, 5 ; Tertullien, apol. 9). "Dieu,
maître de la vie, a confié aux hommes le noble ministère de la vie et
l’homme doit s’en acquitter d’une manière digne de lui. La vie doit donc
être sauvegardée avec soin extrême dès la conception : l’avortement et
l’infanticide sont des crimes abominables" (GS 51, § 3).
«La coopération formelle à un avortement constitue une faute grave. L’Église
sanctionne d’une peine canonique d’excommunication ce délit contre la vie
humaine. "Qui procure un avortement, si l’effet s’en suit, encourt
l’excommunication latæ sententiæ" (CIC, can. 1398) "par le fait même de la
commission du délit" (CIC, can. 1314) et aux conditions prévues par le Droit
(cf. CIC, can. 1323-1324). L’Église n’entend pas ainsi restreindre le champ
de la miséricorde. Elle manifeste la gravité du crime commis, le dommage
irréparable causé à l’innocent mis à mort, à ses parents et à toute la
société.
« Le droit inaliénable à la vie de tout individu humain innocent constitue un
élément constitutif de la société civile et de sa législation : "Les droits
inaliénables de la personne devront être reconnus et respectés par la
société civile et l’autorité politique. Les droits de l’homme ne dépendent
ni des individus, ni des parents, et ne représentent pas même une concession
de la société et de l’état ; ils appartiennent à la nature humaine et sont
inhérents à la personne en raison de l’acte créateur dont elle tire son
origine. Parmi ces droits fondamentaux, il faut nommer le droit à la vie et
à l’intégrité physique de tout être humain depuis la conception jusqu’à la
mort" (CDF, instr. "Donum
Vitae" 3). "Dans le moment où une loi positive
prive une catégorie d’êtres humains de la protection que la législation
civile doit leur accorder, l’Etat en vient à nier l’égalité de tous devant
la loi. Quand l’Etat ne met pas sa force au service des droits de tous les
citoyens, et en particulier des plus faibles, les fondements même d’un état
de droit se trouvent menacés... Comme conséquence du respect et de la
protection qui doivent être assurés à l’enfant dès le moment de sa
conception, la loi devra prévoir des sanctions pénales appropriées pour
toute violation délibérée de ses droits" (CDF, instr. "Donum
Vitae" 3)».
Dans l'encyclique "Evangelium
Vitae" le pape Jean-Paul II a réaffirmé cette doctrine avec
son autorité de Pasteur Suprême de l’Eglise :
« Avec l'autorité conférée par le Christ à Pierre et à ses successeurs,
en communion avec les Evêques - qui ont condamné l'avortement à différentes
reprises et qui, en réponse à la consultation précédemment mentionnée, même
dispersés dans le monde, ont exprimé unanimement leur accord avec cette
doctrine - je déclare que l'avortement direct, c'est-à-dire voulu comme fin
ou comme moyen, constitue toujours un désordre moral grave, en tant que
meurtre délibéré d'un être humain innocent. Cette doctrine est fondée sur la
loi naturelle et sur la Parole de Dieu écrite ; elle est transmise par la
Tradition de l'Eglise et enseignée par le Magistère ordinaire et universel
» (n° 62).
En ce qui concerne l'avortement provoqué dans certaines situations
difficiles et complexes, l'enseignement clair et précis du pape Jean-Paul II
est valable :
«I l est vrai que, de nombreuses fois, le choix de l'avortement revêt
pour la mère un caractère dramatique et douloureux, lorsque la décision de
se défaire du fruit de la conception n'est pas prise pour des raisons
purement égoïstes et de facilité, mais parce que l'on voudrait sauvegarder
des biens importants, comme la santé ou un niveau de vie décent pour les
autres membres de la famille. Parfois, on craint pour l'enfant à naître des
conditions de vie qui font penser qu'il serait mieux pour lui de ne pas
naître. Cependant, ces raisons et d'autres semblables, pour graves et
dramatiques qu'elles soient, ne peuvent jamais justifier la suppression
délibérée d'un être humain innocent » (Encyclique "Evangelium
Vitae", n° 58).
Quant au problème de traitements médicaux déterminés visant à préserver la
santé de la mère, il faut bien distinguer deux cas d’espèce différents :
d’une part une intervention qui provoque directement la mort du fœtus,
parfois appelée, de manière inappropriée, avortement "thérapeutique", qui ne
peut jamais être licite dans la mesure où elle est le meurtre direct d’un
être humain innocent ; d’autre part une intervention non abortive en soi,
qui peut avoir comme conséquence collatérale la mort de l’enfant :
« Si, par exemple, pour sauver la vie de la future mère, indépendamment
de son état de grossesse, il faut accomplir d’urgence un acte chirurgical,
ou une autre application thérapeutique, ayant comme conséquence accessoire,
en aucune façon voulue ou attendue mais inévitable, la mort du fœtus, un tel
acte ne peut plus être qualifié d’attentat direct contre la vie innocente.
Dans ces conditions, l'opération peut être considérée comme licite, comme
d’autres interventions médicales similaires, à condition qu’il s’agisse
toujours d’un bien de grande valeur, comme la vie, et qu’il ne soit pas
possible de la reporter après la naissance de l’enfant ou de recourir à un
autre traitement efficace » (Pie XII, Discours au
Front de la famille et à l'Association des familles nombreuses, 27 novembre
1951).
Quant à la responsabilité du personnel médical, il faut rappeler ce qu’a dit
le pape Jean-Paul II :
« Leurs professions en font des gardiens et des serviteurs de la vie
humaine. Dans le contexte culturel et social actuel, où la science et l'art
médical risquent de faire oublier leur dimension éthique naturelle, ils
peuvent être parfois fortement tentés de se transformer en agents de
manipulation de la vie ou même en artisans de mort. Face à cette tentation,
leur responsabilité est aujourd'hui considérablement accrue ; elle puise son
inspiration la plus profonde et trouve son soutien le plus puissant
justement dans la dimension éthique des professions de santé, dimension qui
leur est intrinsèque et qu'on ne peut négliger, comme le reconnaissait déjà
l'antique serment d'Hippocrate, toujours actuel, qui demande à tout médecin
de s'engager à respecter absolument la vie humaine et son caractère sacré
» (Encyclique "Evangelium
Vitae", n° 89).
***
Les précédents reportages sur cette controverse, avec l'article de Mgr
Fisichella et d’autres documents:
►
L'affaire de Recife. Rome a parlé, mais le procès n'est pas fini
►
Bombes à retardement. En Afrique le préservatif, au Brésil l'avortement
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 12.07.2009 -
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