Benoît XVI
: de quoi est-il question quand on parle de
salut ? |
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Le 11 novembre 2008 -
(E.S.M.)
- Joseph Ratzinger/Benoît XVI se sentit obligé de
demander aux architectes du document, majoritairement français : Dans
ces conditions, de quoi est-il question quand on parle de salut ? Que
peut donc bien signifier pour l'homme sa totalité, s'il peut
parfaitement être défini sans elle, et qu'on puisse ainsi en faire un
portrait juste et satisfaisant ?
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La foi
des simples -
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La Sainte Famille
visitée par sainte Elisabeth, Zacharie et saint Jean-Baptiste
-
Jacques
Stella (1596-1657)
J. Ratzinger craignait que le "renouveau" serait tenu pour synonyme de "dilution et
banalisation"
La quatrième session -
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Troisième session)
Le 11 novembre 2008 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
- Vint enfin la quatrième et dernière session du concile,
dont l'œuvre principale allait être
Gaudium et
Spes, la constitution pastorale sur l'Église dans le monde « de ce temps
». Comme il ressort clairement du commentaire de Joseph Ratzinger, c'est
à ce moment que commença à s'effondrer l'alliance entre francophones et
germanophones parmi les théologiens et les évêques, alliance qui avait
été si vitale pour le succès des travaux sur les trois précédentes
constitutions dogmatiques - sur la liturgie, sur la révélation divine, sur
l'Église. Les choses allaient de telle façon qu'il fut inévitable que J.
Ratzinger se tînt à distance. L'ébauche du texte de
Gaudium et
Spes, dans son désir louable de s'adresser au monde moderne par delà les
murs des facultés de théologie, avait complètement manqué sa cible. Ses
auteurs avaient
malencontreusement tiré hors de l'enceinte protectrice de
la faculté de théologie ce genre d'affirmations que la théologie partage
de toute façon avec n'importe quelle vision tant soit peu spirituelle et
éthique de l'homme ; par contre, ils avaient laissé de côté, dans
un congélateur conceptuel, ce qui est propre à la théologie :
le discours sur le Christ et sur son œuvre, faisant apparaître cela comme
inintelligible et démodé par contraste avec la partie plus
aisément compréhensible. (Die
letzte Sitzungsperiode, p. 34.)
Joseph Ratzinger se sentit obligé de demander aux architectes
du document, majoritairement français :
Dans ces conditions, de quoi est-il
question quand on parle de salut ? Que peut donc bien signifier pour
l'homme sa totalité, s'il peut parfaitement être défini sans elle, et
qu'on puisse ainsi en faire un portrait juste et satisfaisant ?
(ibidem.)
Ou bien la foi dans le Christ
touche au cœur de l'existence humaine, et alors quiconque a cette foi ne
peut décrire l'homme autrement que sur cette base; ou bien elle
appartient à quelque autre monde, et elle finira alors tôt ou tard par
être démasquée et tenue pour ce qu'elle est : une idéologie. J.
Ratzinger critiqua aussi la façon dont le projet de constitution
forgeait son propre mode de dialogue avec le monde. Il s'agissait
d'un langage où la foi apparaît comme une sorte de
philosophie obscure qui traite de choses sur lesquelles à vrai dire
l'homme ne sait rien, alors qu'il désirerait - et même devrait - en
savoir quelque chose, puisque, après tout, ces choses concernent son
propre destin.
(Idem, p. 35-36.)
Or, l'essence de la foi, protesta J. Ratzinger, consiste
à fournir aux gens le terrain solide sur lequel ils peuvent se tenir et
vivre, précisément en ces matières où les autres voies de connaissance
aboutissent au mieux à des probabilités. Le texte risquait donc de faire
douter du contenu de la foi plutôt que de son contraire, et de plus il
formulait des exigences, émettait des ordres sur des questions toutes
profanes, là même où, en fait, la certitude est rarement vue d'un bon
œil. J. Ratzinger s'opposa aussi à l'utilisation dans ce contexte du
terme « peuple de Dieu ». Cela donnait l'impression que ceux qui sont
dans l'Église comprennent les problèmes humains par pure empathie, et
non parce qu'ils appartiennent eux-mêmes à l'espèce humaine ! En outre,
il semblait qu'ils dussent se conduire comme n'importe quel groupe
sociologique cherchant à établir des liens avec ses voisins ;
c'était rabaisser les exigences de la foi à un
niveau tout à fait inapproprié à leurs dimensions réelles.
(Voir J. RATZINGER, « The Dignity of thé
Human Person », in Commentary, op. cit., vol. 5, p. 115-163.)
En d'autres termes, l'ecclésiologie sous-jacente à ce texte était à la
fois trop « haute » d'un côté, et trop « basse » de l'autre. Tout ce que
l'on pouvait dire pour la défense de l'approche générale du document -
car Joseph Ratzinger était tout à fait favorable à certaines de ses
affirmations, comme par exemple le personnalisme accru de son
enseignement sur le mariage, ou son souci de limiter les conflits et,
dans la mesure du possible, d'humaniser la guerre -, c'est que ses
artisans manquaient de modèles. Jusqu'alors, les conciles avaient mesuré
leurs formulations à l'aune des grands Credo. C'étaient des explorations
autorisées du monde de la foi ; ce n'étaient pas de joviales ouvertures
aux non-croyants. J. Ratzinger était d'accord sur l'importance de
trouver une manière ecclésiale et cependant « non autoritaire » de
s'adresser au monde séculier, mais demandait qu'on le dispense de croire
que cette manière, en l'occurrence, fût la bonne. Il s'opposait en
particulier à la présence d'un teilhardisme vulgarisé pour lequel
progrès humain et espérance chrétienne, libération technologique et
rédemption chrétienne sont placés sur une ligne de continuité linéaire,
quand ils ne sont pas tout simplement tenus pour synonymes.
En dernière analyse, il est toujours vrai que le monde
est sauvé par l'amour, et non par la technique. [...] Le service que la
technologie peut rendre est christianisé lorsqu'il se soumet à une
éthique qui n'a d'autre but que de rendre l'homme plus humain, et qu'il
se voue au service de l'amour.
(Ergebnisse und Problème der dritten Konzilsperiode,
p. 42.)
Les deux dernières discussions du concile traitaient des
missions et de la prêtrise. En ce qui concerne les premières, Joseph
Ratzinger rappela que l'« idée missionnaire » était entrée dans une
phase de crise. Il fit remarquer qu'un facteur significatif de cette
évolution, en l'occurrence une ouverture optimiste aux religions du
monde, montrait que « parmi les vogues intellectuelles de la théologie
moderne, toutes ne sont pas de bout en bout bibliques »
(Die letzte Sitzungsperiode, p. 60.)
Sur la question, soulevée par des évêques d'Amérique du Sud, de
l'ordination d'hommes mariés au presbytérat, Joseph Ratzinger était
d'avis que le climat de sensationnalisme qui enveloppait désormais le
concile, ainsi que l'inquiétude qui saisissait bien des catholiques au
delà de l'enceinte conciliaire, n'offraient pas « les conditions
requises pour un débat paisible sur un problème aussi difficile ».
(idem, p. 67.) L'« épilogue
» de J. Ratzinger résonne de plus d'une note sombre. Ici et là,
pensait-il, et peut-être plus fréquemment qu'on ne pourrait s'y
attendre, « renouveau » serait tenu pour
synonyme de « dilution et banalisation de
l'ensemble ». Ici et là le plaisir de l'expérimentation
liturgique finirait par « déprécier et discréditer
» la réforme du culte. Ici et là les gens rechercheraient la
modernité, et non plus la vérité, et feraient
de ce qui est contemporain la mesure de tous leurs actes. Déjà,
notait-il, les fidèles se plaignaient de prédicateurs dont les sermons
étaient bâtis sur le schème : « Depuis longtemps
on vous a dit - eh bien moi je vous dis... »
(idem, p. 75.) II sentait
qu'au milieu de la joie des nombreuses réalisations évangéliques du
concile, on ne pouvait négliger de tels signes avertisseurs.
Par-dessus tout, nous ne devons pas oublier que
l'Église demeure l'Église de tous les âges. En chacune de ses
générations, on peut trouver la voie de l'Évangile, et de fait, on la
trouve. (1)
Il cite, dans le dernier paragraphe, un livre du
luthérien Friedrich Heiler qui, après avoir dit un certain nombre de
choses déplaisantes sur les méthodes et les dogmes de l'Église de Rome,
rappelait à ses lecteurs que des millions d'êtres humains voyaient dans
cette Église « une mère spirituelle [...] au sein de laquelle ils
trouvaient un abri pour leur vie et pour leur mort ». Joseph Ratzinger
réalisa que c'était peut-être parce qu'il n'avait lui-même que peu
d'expérience de la mort de chrétiens que cette remarque de Heiler le
frappa si fortement, et put l'aider à mettre en perspective la
signification nécessairement limitée d'une chose telle qu'un concile.
Finalement, l'Église vit, à n'importe quelle époque, de la foi des
simples : c'est en Zacharie, Élisabeth, Joseph, Marie que
l'Ancien Testament parvient à son achèvement, et que le Nouveau
Testament commence sa voie glorieuse et pourtant cachée.
(1)
Idem, p. 49. Comme confirmation de la
place centrale qu'occupé
Gaudium
et Spes dans l'attitude de Joseph Ratzinger/Benoît XVI vis-à-vis du concile, on
peut consulter sa contribution, « Der Weltdienst der Kirche.
Auswirkungen von Gaudium et spes im letzten Jahrzehnt » dans
l'ouvrage dirigé par M. SEY-BOLD, Zehnjahre Vaticanum II, Pustet,
Ratisbonne, 1976; traduction française : « L'Église et le monde : à
propos de la réception du deuxième concile du Vatican », in J.
RATZINGER, Les principes de la théologie catholique. Esquisse et
matériaux, Téqui, Paris, 1985, p. 423-440. Dans cet article, Joseph
Ratzinger demande si l'on doit considérer Gaudium et spes comme le
sommet du concile, et donc comme la base d'interprétation de tout le
reste, ou s'il ne faut pas plutôt lui accorder une place plus modeste,
comme tentative d'exposer, à un moment charnière de l'histoire, la
vision de la foi chrétienne émanant des trois constitutions dogmatiques
des sessions précédentes.
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Sources : Introduction
à la théologie de Joseph Ratzinger - (E.S.M.)
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M. sur Google actualité)
11.11.2008 - T/Théologie
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