L'Année Sacerdotale voulue par Benoît
XVI pour remettre les prêtres à neuf |
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Rome, le 10 juin 2009 -
(E.S.M.)
- Benoît XVI l'a lancée pour renforcer l'identité spirituelle du
clergé et pour en nettoyer la "saleté". Les Légionnaires du
Christ dans l'œil du cyclone. Séminaires: l'impitoyable diagnostic du
secrétaire de la congrégation pour l'éducation catholique
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Le pape Benoît
XVI au clergé
Une année spéciale pour remettre les prêtres à neuf
Le 10 juin 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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L'Année Sacerdotale spéciale voulue par Benoît XVI commencera dans quelques
jours, le vendredi 19, fête du Sacré-Cœur de Jésus.
Le pape en a indiqué les finalités aux cardinaux et évêques qui composent la
congrégation pour le clergé, réunis le 16 mars dernier en assemblée
plénière.
La congrégation pour le clergé s'appelait jusqu'en 1967 congrégation "du
Concile". Elle avait en effet été créée après le concile de Trente pour
assurer l'application des indications conciliaires par le clergé ayant
charge d'âmes.
Le profil de prêtre défini par le concile de Trente a caractérisé la vie de
l'Eglise catholique jusqu'au milieu du XXe siècle. Un modèle en a été le
saint Curé d'Ars, Jean-Marie Vianney, mort il y a 150 ans.
Mais au cours des dernières décennies, l'identité du prêtre catholique s'est
modifiée, obscurcie, effritée à des degrés divers, sous les coups de la
sécularisation, dans l'Eglise et au dehors.
L'objectif de l'Année Sacerdotale est justement de reconstruire une forte
identité spirituelle du prêtre, fidèle à sa mission originelle. Cela inclut
aussi un vigoureux travail d'élimination de la "saleté" qui a souillé une
partie du clergé, limitée en termes quantitatifs mais désastreuse quant à
son image globale.
On notera à ce sujet une coïncidence. L'Année Sacerdotale commencera au même
moment que la visite apostolique décidée par les autorités vaticanes au sein
de la congrégation des Légionnaires du Christ. Cette congrégation est
remarquable par l'abondance des vocations et le grand nombre de nouveaux
prêtres. Mais elle risque aussi de s'écrouler, comme l'a fait la figure de
son charismatique fondateur, le prêtre Marcial Maciel, dont la double vie
gravement immorale - définitivement révélée - constitue aujourd'hui un
terrible scandale, surtout pour ceux qui ont été ses plus fervents
disciples.
Reconstruire l'identité spirituelle du clergé implique donc aussi d'apporter
un soin particulier à sa formation. De même que les séminaires ont été un
élément fondamental de la réforme de l'Eglise voulue par le concile de
Trente, de même, aujourd'hui, c'est dans les séminaires que se forge
l'identité des nouveaux prêtres.
Ce n'est pas la congrégation du clergé qui s'occupe des séminaires, mais la
congrégation pour l'éducation catholique.
Cette dernière devra donc agir elle aussi pour que l'Année Sacerdotale porte
des fruits. En fait, elle a déjà fait quelque chose, à en juger par le
discours de son secrétaire, Jean-Louis Bruguès, aux recteurs des séminaires
pontificaux réunis à Rome ces jours derniers.
Mgr Bruguès, 66 ans, dominicain, a été évêque d'Angers jusqu'en 2007.
Secrétaire de la congrégation pour l'éducation catholique, il est aussi
vice-président de l'œuvre pontificale des vocations sacerdotales et membre
de la commission pour la formation des candidats au sacerdoce. Il fait par
ailleurs partie de l'académie pontificale Saint Thomas d'Aquin.
Son discours aux recteurs de séminaires n'a rien du langage de la curie.
Avec une franchise peu commune, il décrit et dénonce en termes clairs les
dégâts de l'après-concile, notamment en Europe, y compris l'ignorance
impressionnante sur des points de doctrine élémentaires dont font
aujourd'hui preuve les jeunes qui entrent au séminaire.
Cette ignorance est telle que, parmi les remèdes, Mgr Bruguès souhaite
qu'une année entière de séminaire soit consacrée à apprendre le Catéchisme
de l'Eglise catholique.
Le Catéchisme "ad parochos" fut un autre élément fondamental de la
réforme tridentine. Quatre siècles plus tard, on en est de nouveau là.
Voici le discours du secrétaire de la congrégation pour l'éducation
catholique aux recteurs des séminaires pontificaux, rendu public par "L'Osservatore
Romano" du 3 juin 2009 :
Formation au sacerdoce, entre sécularisme et
modèles d'Eglise
par Jean-Louis Bruguès
Il est toujours risqué d'expliquer une situation sociale à partir d'une
seule interprétation. Mais certaines clés ouvrent plus de portes que
d'autres. Depuis longtemps je suis convaincu que la sécularisation est
devenue un mot-clé pour penser aujourd'hui nos sociétés, mais aussi notre
Eglise.
La sécularisation représente un processus historique très ancien puisqu'il
est né en France au milieu du XVIIIe siècle, avant de s'étendre à l'ensemble
des sociétés modernes. Mais la sécularisation de la société varie beaucoup
d'un pays à l'autre.
En France et en Belgique, par exemple, elle a tendance à bannir les signes
d'appartenance religieuse de la sphère publique et à ramener la foi dans la
sphère privée. On remarque la même tendance, mais moins forte, en Espagne,
au Portugal et en Grande-Bretagne. Aux Etats-Unis, en revanche, la
sécularisation s'harmonise facilement avec l'expression publique des
convictions religieuses : on l'a encore vu à l'occasion des dernières
élections présidentielles.
Depuis une dizaine d'années, un débat très intéressant s'est ouvert à ce
sujet entre les spécialistes. Jusqu'alors il semblait qu'on devait
considérer comme acquis que la sécularisation à l'européenne était la règle
et le modèle, celle de type américain étant l'exception. Mais aujourd'hui
beaucoup de gens - comme Jürgen Habermas, par exemple - pensent que c'est le
contraire qui est vrai et que même en Europe postmoderne les religions
joueront un nouveau rôle social.
RECOMMENCER À PARTIR DU CATÉCHISME
Quelque forme qu'elle ait prise, la sécularisation a provoqué dans nos pays
un effondrement de la culture chrétienne. Les jeunes qui se présentent dans
nos séminaires ne savent plus rien ou presque de la doctrine catholique, de
l'histoire de l'Eglise et de ses coutumes. Cette inculture généralisée nous
oblige à effectuer des révisions importantes dans la pratique suivie jusqu'à
présent. J'en citerai deux.
Tout d'abord, il me paraît indispensable de prévoir pour ces jeunes une
période - un an ou plus - de formation initiale, de "rééducation", à la fois
catéchétique et culturelle. Les programmes peuvent être conçus de
différentes manières, en fonction des besoins spécifiques de chaque pays.
Personnellement, je pense à une année entière consacrée à l'assimilation du
Catéchisme de l'Eglise Catholique, qui se présente comme un résumé très
complet.
Deuxièmement, il faudrait revoir nos programmes de formation. Les jeunes qui
entrent au séminaire savent qu'ils ne savent pas. Ils ont humbles et
désireux d'assimiler le message de l'Eglise. On peut travailler vraiment
bien avec eux. Leur manque de culture a ceci de positif qu'ils ne traînent
plus avec eux les préjugés négatifs de leurs aînés. C'est une chance. Nous
sommes donc amenés à construire sur une "table rase". Voilà pourquoi je suis
favorable à une formation théologique synthétique, cohérente et visant à
l'essentiel.
Cela implique que les enseignants et les formateurs renoncent à une
formation initiale caractérisée par un esprit critique - comme ce fut le cas
de ma génération, pour laquelle la découverte de la Bible et de la doctrine
a été contaminée par un esprit de critique systématique - et à la tentation
d'une spécialisation trop précoce : précisément parce qu'il manque à ces
jeunes le background culturel nécessaire.
Permettez-moi de vous confier quelques questions qui me viennent maintenant
à l'esprit. On a mille fois raison de vouloir donner aux futurs prêtres une
formation complète et de haut niveau. Comme une mère attentive, l'Eglise
veut le meilleur pour ses futurs prêtres. Les cours ont donc été multipliés,
au point d'alourdir les programmes d'une façon qui me paraît exagérée. Vous
avez probablement senti le risque de découragement chez beaucoup de vos
séminaristes. Je pose la question : une perspective encyclopédique est-elle
adaptée à ces jeunes qui n'ont reçu aucune formation chrétienne de base?
Cette perspective n'a-t-elle pas provoqué une fragmentation de la formation,
une accumulation des cours et une organisation trop historicisante? Est-il
vraiment nécessaire, par exemple, de donner à des jeunes qui n'ont jamais
appris le catéchisme une formation approfondie en sciences humaines ou en
techniques de communication?
Je conseillerais de choisir la profondeur plutôt que l'étendue, la synthèse
plutôt que la dispersion dans les détails, l'architecture plutôt que la
décoration. Autant de raisons me portent à croire que l'étude de la
métaphysique, si contraignant soit-il, est une phase préliminaire absolument
indispensable à l'étude de la théologie. Ceux qui viennent chez nous ont
souvent reçu une solide formation scientifique et technique - c'est une
chance - mais leur manque de culture générale ne leur permet pas d'entrer
d'un pas décidé dans la théologie.
DEUX GÉNÉRATIONS, DEUX MODÈLES D'ÉGLISE
En de nombreuses occasions, j'ai parlé des générations : la mienne, celle
qui m'a précédé, les générations futures. C'est pour moi le nœud crucial de
la situation actuelle. Certes, le passage d'une génération à l'autre a
toujours posé des problèmes d'adaptation, mais ce que nous vivons
aujourd'hui est tout à fait particulier.
Le thème de la sécularisation devrait nous aider, là aussi, à mieux
comprendre. Elle a connu une accélération sans précédent au cours des années
60. Pour les hommes de ma génération et plus encore pour ceux qui m'ont
précédé, souvent nés et élevés dans un milieu chrétien, elle a constitué une
découverte essentielle, la grande aventure de leur vie. Ils en sont donc
arrivés à interpréter l'"ouverture au monde" souhaitée par le concile
Vatican II comme une conversion à la sécularisation.
C'est ainsi que nous avons vécu, ou même favorisé, une auto-sécularisation
extrêmement puissante dans la plupart des Eglises occidentales.
Les exemples abondent. Les croyants sont prêts à s'engager au service de la
paix, de la justice et de causes humanitaires, mais croient-ils à la vie
éternelle? Nos Eglises ont fait un immense effort pour renouveler la
catéchèse, mais cette catéchèse n'a-t-elle pas tendance à négliger les
réalités ultimes? Nos Eglises, sollicitées par l'opinion publique, se sont
embarquées dans la plupart des débats éthiques du moment, mais dans quelle
mesure parlent-elles du péché, de la grâce et de la vie théologale? Nos
Eglises ont déployé avec succès des trésors d'ingéniosité pour faire mieux
participer les fidèles à la liturgie, mais celle-ci n'a-t-elle pas perdu en
grande partie le sens du sacré? Peut-on nier que notre génération, peut-être
sans s'en rendre compte, a rêvé d'une "Eglise de purs", une foi
purifiée de toute manifestation religieuse, mettant en garde contre toute
manifestation de dévotion populaire comme les processions, les pèlerinages,
etc.?
Le choc entre la sécularisation et nos sociétés a profondément transformé
nos Eglises. On pourrait avancer l'hypothèse selon laquelle nous sommes
passés d'une Eglise d'"appartenance", où la foi était donnée par le groupe
de naissance, à une Eglise de "conviction", où la foi se définit comme un
choix personnel et courageux, souvent en opposition avec le groupe
d'origine. Ce passage a été accompagné d'impressionnantes variations
numériques. On a vu diminuer à vue d'œil la présence dans les églises, au
catéchisme, et dans les séminaires. Toutefois, il y a quelques années, le
cardinal Lustiger avait démontré, chiffres en main, qu'en France le rapport
entre le nombre des prêtres et celui des pratiquants réels était toujours
resté le même.
Nos séminaristes et nos jeunes prêtres appartiennent eux aussi à cette
Eglise de "conviction". Ils ne viennent plus tellement des campagnes mais
plutôt des villes et surtout des villes universitaires. Ils ont souvent
grandi dans des familles divisées ou "éclatées", ce qui leur laisse des
traces de blessures et, parfois, une sorte d'immaturité affective. Le milieu
social d'appartenance ne les soutient plus : ils ont choisi d'être prêtres
par conviction et ont renoncé, de ce fait, à toute ambition sociale
(ce que je dis n'est pas vrai partout : je connais des
communautés africaines où la famille ou le village portent encore des
vocations nées dans leur sein). C'est pourquoi ils ont un profil
plus déterminé, des individualités plus fortes et des tempéraments plus
courageux. A ce titre, ils ont droit à toute notre estime.
La difficulté sur laquelle je voudrais attirer votre attention dépasse donc
le cadre d'un simple conflit de générations. Ma génération, j'insiste
là-dessus, a identifié l'ouverture au monde à une conversion à la
sécularisation, pour laquelle elle a éprouvé une certaine fascination. Les
plus jeunes, au contraire, sont nés dans la sécularisation, c'est leur
environnement naturel, ils l'ont assimilée avec le lait de la nourrice :
mais ils cherchent surtout à prendre leurs distances vis-à-vis d'elle et ils
revendiquent leur identité et leurs différences.
ACCOMMODEMENT AVEC LE MONDE OU CONTESTATION?
Il existe désormais dans les Eglises européennes, et peut-être aussi dans
l'Eglise américaine, une ligne de partage, et parfois de fracture, entre un
courant de "composition" et un courant de "contestation".
Le premier nous conduit à penser qu'il y a, dans la sécularisation, des
valeurs à forte matrice chrétienne comme l'égalité, la liberté, la
solidarité, la responsabilité et qu'il doit être possible de trouver un
accord avec ce courant et de définir des domaines de coopération.
Le second courant, au contraire, invite à prendre ses distances. Il
considère que les différences ou les oppositions, surtout dans le domaine de
l'éthique, vont devenir de plus en plus marquées. Il propose donc un modèle
alternatif par rapport au modèle dominant et accepte de tenir le rôle d'une
minorité contestatrice.
Le premier courant a été prédominant pendant l'après-concile; il a fourni la
matrice idéologique des interprétations de Vatican II qui se sont imposées à
la fin des années 60 et pendant la décennie suivante.
Cela s'est inversé à partir des années 80, surtout - mais pas exclusivement
- sous l'influence de Jean-Paul II. Le courant de "composition" a vieilli
mais ses adeptes détiennent encore des positions clés dans l'Eglise. Le
courant du modèle alternatif s'est considérablement renforcé mais il n'est
pas encore devenu dominant. C'est ainsi que s'expliquent les tensions
actuelles dans beaucoup d'Eglises de notre continent.
Je n'aurais pas de mal à illustrer par des exemples l'opposition que je
viens de décrire.
Les universités catholiques se répartissent aujourd'hui selon cette ligne de
partage. Certaines jouent la carte de l'adaptation et de la coopération avec
la société sécularisée, ce qui les contraint à prendre leurs distances de
manière critique à propos de tel ou tel aspect de la doctrine ou de la
morale catholique. D'autres, d'inspiration plus récente, mettent l'accent
sur l'affirmation de la foi et la participation active à l'évangélisation.
Il en est de même pour les écoles catholiques.
Et, pour revenir au sujet de cette rencontre, on pourrait en dire autant à
propos du profil-type de ceux qui frappent à la porte de nos séminaires ou
de nos maisons religieuses.
Les candidats de la première tendance sont de plus en plus rares, au grand
déplaisir des prêtres des générations les plus âgées. Les candidats de la
seconde tendance sont aujourd'hui plus nombreux que les premiers, mais ils
hésitent à franchir le seuil de nos séminaires parce que, souvent, ils n'y
trouvent pas ce qu'ils cherchent.
Ils sont porteurs d'une préoccupation d'identité (ils sont parfois
qualifiés, avec un certain mépris, d'"identitaires") : identité chrétienne -
en quoi devons-nous nous distinguer de ceux qui ne partagent pas notre foi?
- et identité du prêtre, alors que l'identité du moine ou du religieux est
plus facilement perceptible.
Comment favoriser une harmonie entre les éducateurs, qui appartiennent
souvent au premier courant, et les jeunes qui s'identifient au second ? Les
éducateurs continueront-ils à s'attacher à des critères d'admission et de
sélection qui datent de leur époque mais ne correspondent plus aux
aspirations des plus jeunes? On m'a cité un séminaire français où les
adorations du Saint-Sacrement avaient été supprimées depuis une bonne
vingtaine d'années parce qu'elles étaient jugées trop dévotionnelles : les
nouveaux séminaristes ont dû se battre pendant plusieurs années pour
qu'elles soient rétablies, tandis que certains enseignants ont préféré
démissionner face à ce qu'ils considéraient comme un "retour au passé"; en
cédant aux demandes des plus jeunes, ils avaient l'impression de renier ce
pour quoi ils s'étaient battus toute leur vie.
Dans le diocèse dont j'étais évêque j'ai connu de telles difficultés quand
des prêtres plus âgés - ou des communautés paroissiales entières -
éprouvaient une grande difficulté à répondre aux aspirations des jeunes
prêtres qui leur étaient envoyés.
Je comprends les difficultés que vous rencontrez dans votre ministère de
recteurs de séminaires. Plus que le passage d'une génération à une autre,
vous devez assurer harmonieusement le passage d'une interprétation du
concile Vatican II à une autre et, peut-être, d'un modèle ecclésial à un
autre. Votre position est délicate mais elle est absolument essentielle pour
l'Eglise.
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Le discours du 15 mars 2009 dans lequel Benoît XVI a annoncé l'Année
Sacerdotale commençant le19 juin ►
Benoît XVI et la dimension missionnaire du presbyterium
Autre documentation relative à l'Année Sacerdotale ►
Congrégation pour le clergé
A propos de l'affaire des Légionnaires du Christ ►
La Légion est à la dérive. Une intervention directe de Benoît XVI ...
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 10.06.2009 -
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