La Légion est à la dérive. Une
intervention directe de Benoît XVI est demandée |
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Rome, le 16 février 2009 -
(E.S.M.)
- Les Légionnaires du Christ risquent d'être déstabilisés.
L'épilogue du choc précédent date du 19 mai 2006, quand la congrégation
pour la doctrine de la foi, avec l'approbation déclarée de Benoît XVI, a
enjoint au père Maciel de mener
"une vie réservée de prière et de pénitence, en renonçant à tout
ministère public".
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Père
Marcial Maciel
La Légion est à la dérive. Une intervention directe de Benoît XVI est
demandée
Le 16 février 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
-
Nouvelles révélations sur la seconde vie du père Marcial Maciel. Coupable
d’abus sexuels, il a aussi eu une maîtresse et une fille. Les Légionnaires
du Christ risquent d'être déstabilisés. Certains demandent un visiteur
apostolique. Ou une intervention directe du pape
Depuis une douzaine de jours, une lettre insolite
circule parmi les 800 prêtres et 2 500 séminaristes de la congrégation des
Légionnaires du Christ et les 65 000 membres laïcs du mouvement d’apostolat Regnum Christi, présent dans 30 pays du monde.
Elle est du supérieur général de la congrégation, le père Alvaro Corcuera,
qui y écrit: "Nous vivons actuellement des moments de douleur et de
souffrance". Et il demande pardon à tous.
A l'origine de cette souffrance, il y a le fondateur des Légionnaires et de
Regnum Christi, le père Marcial Maciel Degollado (photo), mort à 88 ans, il
y a un an, et enterré dans son village natal, Cotija de la Paz, au Mexique.
Dans la lettre son successeur Corcuera reconnaît "tout le bien" accompli par
le fondateur: "Nous sommes nombreux à avoir reçu de Dieu à travers le
charisme qu’il nous a transmis, ce qui a donné un sens à nos vies".
Mais, tout de suite après, il écrit :
"Il est vrai aussi que ce fut un homme et que ces faits que nous avons
découverts, nous ont contrariés et surpris – et je crois que nous ne
pourrons pas les expliquer avec notre compréhension – mais elles sont déjà
dans le jugement de Dieu.".
Pas un mot de plus, dans la lettre, sur les "faits" en question. Mais
désormais les Légionnaires et les membres de Regnum Christi le savent tous :
le père Maciel a eu une fille, qui a aujourd’hui un peu plus de vingt ans et
vit en Espagne, née d’une liaison non pas occasionnelle mais continue.
La nouvelle n’est pas venue de l’extérieur, elle a été établie par une
enquête interne et secrète. Et elle a frappé avec une force inouïe une
congrégation déjà bouleversée par un autre choc, également dû à la conduite
du fondateur.
* * *
L'épilogue du choc précédent date du 19 mai 2006, quand la congrégation pour
la doctrine de la foi, avec l'approbation déclarée de Benoît
XVI, a enjoint
au père Maciel – qui avait déjà quitté ses fonctions de supérieur général
des Légionnaires quelques mois plus tôt – de mener "une vie réservée de
prière et de pénitence, en renonçant à tout ministère public". Son âge
avancé et de sa santé fragile lui ont permis d’éviter un procès canonique.
Mais de fait sa culpabilité a été reconnue : le père Maciel avait commis des
abus sexuels sur de nombreux jeunes disciples pendant plusieurs décennies.
Le père Maciel et les nouveaux dirigeants de la congrégation avaient obéi à
la sentence mais n’avaient jamais reconnu publiquement la vérité de ces
fautes.
Maintenant qu’à ces fautes s’en sont ajoutées d’autres, ils disent qu’elles
sont vraies. Dans les premiers jours de février, les porte-parole des
Légionnaires l'ont reconnu à plusieurs reprises. Aux Etats-Unis, Jim Fair a
confirmé au "New York Times" que "nous avons découvert des aspects de la vie
du père Maciel qui sont très difficiles à comprendre et ne sont pas
appropriés pour un prêtre". A Rome le père Paolo Scarafoni, qui a été
recteur de leur athénée pontifical "Regina Apostolorum", a déclaré à "Avvenire",
le quotidien de la conférence des évêques d’Italie: "Bien sûr, découvrir ces
aspects déroutants a été douloureux. Mais cela n’enlève rien à l’œuvre
fondée par le père Maciel, qui démontre, si nécessaire, que le Seigneur sait
aussi se servir d’outils imparfaits".
On perçoit dans ces derniers mots le grave problème qui se pose maintenant
aux Légionnaires : la peur que l'indignité du fondateur ne ruine toute
l’œuvre.
* * *
Déjà, après la sentence de 2006, les Légionnaires et le Saint-Siège avaient
fait le maximum pour séparer le sort du père Maciel de celui de la
congrégation et du mouvement qu’il avait fondés.
Pas facile, dans une communauté très fortement liée, dès l’origine, à la
figure du fondateur : suivi, imité et presque vénéré durant des décennies
comme un modèle d’extraordinaire vertu pour tout un chacun.
Aujourd’hui, après la découverte de ses autres turpitudes, c’est encore plus
difficile.
Dans sa lettre diffusée il y a quelques jours, le père Corcuera, actuel
supérieur général, a appelé à "tout voir à travers le cœur de Jésus-Christ"
et à "voir plus loin, ne pas nous arrêter ni nous lasser de faire le bien".
Mais son autorité est profondément ébranlée. Le père Corcuera a toujours été
très proche du fondateur, dont les méfaits pendant des décennies
rejaillissent inexorablement sur lui, ainsi que sur d’autres dirigeants de
la congrégation.
C’est donc aussi pour des raisons de parcours personnels que la congrégation
des Légionnaires du Christ semble ne plus avoir en elle-même la capacité de
se régénérer.
Certains prêtres très estimés au sein de la congrégation – Thomas Berg.
Richard Gill e Thomas Williams – ne voient pas d’autre solution qu’une
intervention d'autorité du Saint-Siège.
Dans une lettre ouverte, le père Berg, directeur du Westchester Institute
for Ethics and the Human Person, signale que les supérieurs de la
congrégation ont subi une perte générale de confiance et souhaite que Rome
nomme un visiteur apostolique qui prendrait la direction, établirait les
responsabilités de chacun et imposerait les réformes nécessaires pour sauver
ce qui est bon et supprimer ce qui est mauvais.
Si cela se faisait, c’est la congrégation vaticane pour les instituts de vie
consacrée et les sociétés de vie apostolique, actuellement présidée par le
cardinal slovène Franc Rodé, qui nommerait le visiteur et donnerait suite à
ses indications.
Mais certains ne se fient pas à la curie qui se montre actuellement très
médiocre – voir l’affaire des lefebvristes – et qui, dans ce cas précis,
depuis que la conduite du père Maciel a été examinée en 1988, a agi à
maintes reprises plutôt pour gêner les enquêtes que pour faire la lumière.
En 2006, pour vaincre les dernières résistances à l'injonction faite au père
Maciel de se retirer et de faire pénitence, il a fallu un ordre direct de
Benoît XVI. Le secrétaire d’état de l'époque, le cardinal Angelo Sodano, a
défendu jusqu’au bout le fondateur des Légionnaires.
Aujourd’hui, à plus forte raison, n’y a-t-il à nouveau que le pape lui-même
qui puisse sauver ce qui peut l’être ? C’est l’avis d’un intellectuel
catholique connu, grand admirateur des Légionnaires du Christ, l'américain
George Weigel, membre de l'Ethics and Public Policy Center de Washington. Il
l’a écrit dans une note publiée le 9 février dans l'édition en ligne de
"First Things", la plus "ratzingerienne" des revues américaines de culture
catholique.
Selon Weigel, seule une personnalité forte, nommée par le pape lui-même et
ne répondant qu’à lui, pourra intervenir avec de bonnes chances de succès
pour une régénération des Légionnaires du Christ et "pour le bien de toute
l’Église catholique".
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 16.02.2009 -
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