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Léon XIV, première année. Notes sur la géopolitique du nouveau pape
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Le 10 mai 2025 -
E.S.M.
- Le nouveau Pape qui a pris le nom de Léon XIV,
théologien et canoniste formé à l’école du grand
Augustin, devra affronter quant à lui les Attila
modernes, au milieu des bouleversements actuels des
équilibres nationaux, qu’ils se nomment Xi Jinping ou
Vladimir Poutine.
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Léon XIV -
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Léon XIV, première année. Notes sur la géopolitique du nouveau pape
Le 10 mai 2025 -
E.S.M. -
Le premier Pape à porter ce nom, Léon le Grand, très fin théologien et
homéliste, a affronté Attila et est parvenu à le dissuader de descendre
sur Rome à l’époque des invasions barbares sur l’Empire romain.
Mais
le nouveau Pape qui a pris le nom de Léon XIV, théologien et canoniste
formé à l’école du grand Augustin, devra affronter quant à lui les
Attila modernes, au milieu des bouleversements actuels des équilibres
nationaux, qu’ils se nomment Xi Jinping ou Vladimir Poutine.
Ses
premiers mots, prononcés depuis le balcon de la basilique
Saint-Pierre, ont été ceux-là même du Christ ressuscités : « La paix
soit avec vous tous ». Et ce mot est revenu à dix reprises : « paix ».
Cette paix qui pour l’Augustin de « La Cité de Dieu » n’a jamais
synonyme de capitulation, mais également de justification d’une guerre
juste : « quand un État doit être contraint de restituer ce qu’il a ôté
par injustice ».
Robert Francis Prevost, dans sa vie de religieux augustinien, de
chercheur, de missionnaire, d’évêque et de cardinal préfet, ne s’est
jamais frotté à la géopolitique qui était plutôt le lot quotidien du
cardinal Pietro Parolin, qui se tenait d’ailleurs à ses côtés au balcon
de Saint-Pierre.
Tout laisse à penser que Léon XIV reconduira Parolin dans sa charge
de Secrétaire d’État et agira à partir de ce moment de concert avec lui
et avec la diplomatie vaticane. Et ceci suffit déjà pour renverser la
manière d’agir du Pape François sur la scène internationale, lui qui
décidait tout seul quoi dire et quoi faire, quitte à mettre au placard
la Secrétairerie d’État, à l’humilier, préférant recourir à la
« diplomatie parallèle » déployée par la
Communauté de Sant’Egidio, dont fait partie notamment le cardinal
Zuppi depuis sa création.
L’Ukraine pourrait bien constituer un terrain d’essai décisif de
cette réorganisation, comme en témoigne le joyeux
message adressé au nouveau pape par le principal archevêque de
l’Église grecque catholique de cette nation, Sviatoslav Chevchouk : « En
prenant le nom de Léon, Sa Sainteté témoigne au monde entier que le
souffle de paix du Sauveur ressuscité doit être transformé, dans le
contexte actuel, en une doctrine renouvelée de l’Église catholique sur
la paix juste et durable ».
Ce n’est certes pas dans la bouche de Léon XVI que nous entendrons à
nouveau la justification de
l’agression de Poutine contre l’Ukraine comme ayant été provoquée
par l’OTAN qui « était aller aboyer aux portes de la Russie sans
comprendre que les Russes sont impérialistes et qu’ils ne permettent à
aucune puissance étrangère de s’approcher de leurs frontières », comme
le Pape François l’a déclaré à plusieurs reprises.
Le peuple Ukrainien n’aura pas non plus à souffrir de Léon XIV la
demande d’avoir « la courage de se rendre, du drapeau blanc », comme le
proposait son prédécesseur, et encore moins la demande de faire de Kiev
une « ville ouverte » à l’entrée des troupes russes, sans opposer de
résistance, comme le demandait aux premiers jours de l’invasion le
fondateur et chef tout-puissant de la Communauté de Sant’Egidio, Andrea
Riccardi.
Bref, il est prévisible qu’avec le pape Léon XIV, la Secrétairerie
d’État reprendra bien vite son autonomie d’action en matière de
politique internationale, avec l’accord du pape sans plus de
« diplomatie parallèle » dans les pieds. Et s’il n’en demeure pas moins
que Parolin appartient au courant diplomatique de l’ « Ostpolitik »
autrefois prônée par le cardinal Agostino Casaroli, et que ne
partageaient ni Jean-Paul II ni Benoît XVI, il n’en demeure pas moins
qu’aujourd’hui, l’équilibre international est à ce point bouleversé
qu’il requiert une inventivité sans précédent, y compris de la part de
la diplomatie vaticane.
Si une inconnue demeure encore concernant les prochaines étapes de ce
pontificat en matière de relations internationales, celle-ci concerne la
Chine et elle mérite d’être décrite en détail.
Un accord est en vigueur depuis 2018 entre la Chine et le
Saint-Siège. Un accord voulu à n’importe quel prix par le pape François,
conçu par ce même Parolin, mais appliqué par les autorités de Pékin avec
un degré d’arrogance qui est allé crescendo jusqu’à atteindre son
paroxysme au moment même de la vacance du siège apostolique.
Non seulement la Chine n’a envoyé aucun représentant aux funérailles
du pape défunt, mais elle a déclaré prendre acte de la disparition de
François dans un bref message de circonstance prononcé par le
porte-parole du ministère des Affaires étrangères en réponse à la
question d’un journaliste étranger. Et elle a imposé le silence sur les
sites catholiques officiels tels que « Catholic Church in China », qui
n’a affiché la nouvelle concise de la mort du pape que pendant quelques
heures, avant de la faire disparaître rapidement.
Mais par-dessus tout, pendant la période de vacance du siège, la
Chine a annoncé la nomination de
deux nouveaux évêques, sans même plus prendre la peine de simuler le
consentement « a posteriori » du pape exigé par l’accord de 2018. Deux
nominations par ailleurs assez peu amicales envers Rome.
La première a été la promotion de Wu Jianlin comme auxiliaire du
diocèse de Shanghai, celui-là même où Pékin avait parachuté en 2023
comme évêque titulaire l’un de ses apparatchiks, Joseph Shen Bin, sans
même avertir le pape François qui avait été contraint d’accepter ce
diktat des mois plus tard, et cela comme s’il n’y avait pas déjà deux
évêques auxiliaires dans ce même diocèse : Joseph Xing Wenzi, tombé en
disgrâce en 2011 et contraint à se retirer de la vie publique, et
surtout
Thaddée Ma Daqin, ordonné évêque le 7 juillet 2012 et depuis ce
jour, aux arrêts sans interruption pour le seul crime d’avoir annulé son
adhésion à l’Association patriotique des catholiques chinois, le
principal organe de contrôle du régime sur l’Église.
La seconde a été la nomination comme évêque de Xinxiang, dans la
province du Henan, d’un autre apparatchik du parti communiste, Li
Jianlin, là encore alors qu’un évêque était déjà en place mais sans être
reconnu officiellement : Joseph Zhang Weizhu, arrêté à plusieurs
reprises pour avoir refusé de se soumettre au régime. En 2018, le nouvel
évêque de Xinxiang s’était distingué pour avoir signé l’ordonnance
interdisant dans toute la province aux mineurs de moins de 18 ans
d’entrer dans une église pour assister aux messes.
En plus de ceux que nous avons cités, d’autres évêques en Chine sont
encore privés de liberté à l’heure actuelle.
L’un d’eux est
Pierre Shao Zhumin, l’évêque de Wenzhou, qui périodiquement, avant
Noël et Pâques, est emmené dans un lieu secret pour l’empêcher de
célébrer les fêtes avec ses fidèles et qui, même en ce temps pascal de
changement de pontificat, a été mis au secret dans un lieu inconnu.
Il y a également
Vincent Guo Xijing, l’un des premiers à être nommé sur base l’accord
de 2018 entre la Chine et le Saint-Siège comme auxiliaire du diocèse de
Mindong, mais qui s’est rapidement retiré « pour une vie de prière »
pour de ne pas se soumettre à l’obligation de s’enregistrer auprès des
organismes officiels et qui est, depuis l’hiver dernier, confiné chez
lui derrière une porte barrée par une chaîne bien visible.
Étant donné que ni le pape François ni les autorités vaticanes n’ont
jamais eu le moindre mot en public pour défendre ces martyrs de
l’oppression chinoise, beaucoup se demandent si aujourd’hui, avec le
pape Léon XIV, ce silence pourra encore durer.
De plus, le 1er mai, des nouvelles règles hostiles sont
entrées en vigueur en Chine, il s’agit en quelque sorte de « droits de
douanes » imposés aux étrangers qui mettent le pied temporairement sur
le sol chinois avec l’intention d’y effectuer une activité en rapport
avec les religions.
Sur le site « Catholic
Church in China », on peut consulter ces règles dans leur
intégralité. Il est notamment sévèrement interdit aux étrangers d’entrer
en contact avec les communautés religieuses soi-disant « souterraines »,
c’est-à-dire non reconnues par le gouvernement, ou avec des prêtres qui
ne se sont pas inscrits à l’incontournable Association patriotique des
catholiques chinois.
Mais les étrangers ne peuvent pas non plus se mêler aux locaux dans
les Églises officiellement reconnues. Ils doivent célébrer leurs rites
seuls, pour autant que ce soit un émissaire du régime qui officie.
Il est en outre interdit d’apporter avec soi en Chine plus de 10
livres ou supports audiovisuels sur des sujets religieux. Et malheur à
celui qui voudrait diffuser ces livres sans la permission préalable des
autorités, par ailleurs très compliquée à obtenir.
Bref, cette « sinisation » des religions qui représente l’un des
dogmes de Xi Jingping, atteint avec ces nouvelles règles un niveau de
rigidité supplémentaire pendant les jours du changement de pontificat.
Il s’agit là d’un défi que Léon XIV ne pourra plus éluder ni subir
passivement. Tout comme son prédécesseur Léon le Grand, c’est à présent
à son tour d’affronter les Attila des temps modernes.
Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire
L’Espresso.
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Sources
: diakonos.be-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 10.05.2025
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