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Naissance et frontières de l’État d’Israël, une histoire à
reconstruire
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Le 10 janvier 2025 -
E.S.M.
- La solution à deux États, que de nombreux gouvernements ainsi que le
Saint-Siège ne cessent d’appeler de leurs vœux, est en réalité
impraticable. Alors que la solution d’un État unique pour Juifs et
Palestiniens qui s’étendrait précisément « du fleuve à la mer », avec
Jérusalem pour capitale, bien qu’elle soit ardue et lointaine, serait en
fait plus sincère et mieux à même de résoudre le problème.S.M.
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Palestine (1920-1948) -
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Naissance et frontières de l’État d’Israël, une histoire à reconstruire
Le 10 janvier 2025 -
E.S.M. -
« Du fleuve à la mer », du Jourdain à la mer Méditerranée. Il est
difficile de trouver une formule plus destructrice, vociférée par ceux
qui veulent chasser les Juifs de cette terre qui est la leur.
Mais «
du fleuve à la mer » pourrait aussi bien être une formule prophétique,
une formule de paix véritable entre les deux peuples qui habitent cette
même terre, les Juifs et les Arabes.
La solution à deux États, que de nombreux gouvernements ainsi que le
Saint-Siège ne cessent d’appeler de leurs vœux, est en réalité
impraticable. Alors que la solution d’un État unique pour Juifs et
Palestiniens qui s’étendrait précisément « du fleuve à la mer », avec
Jérusalem pour capitale, bien qu’elle soit ardue et lointaine, serait en
fait plus sincère et mieux à même de résoudre le problème.
Dans le monde catholique, cette solution a été évoquée publiquement
pour la première fois par les évêques de Terre Sainte – et au premier
chef par le patriarche latin de Jérusalem, Pierbattista Pizzaballa –
dans une déclaration du 20 mai 2019 :
« Dans la situation actuelle, on ne fait que parler d’une solution à
des États, mais ce sont que de vains discours. Par le passé, nous avons
vécu ensemble sur cette terre, pourquoi ne pourrions-nous pas y vivre
ensemble à l’avenir également ? La condition fondamentale pour une paix
juste et durable, c’est que tous les habitants de cette Terre Sainte
jouissent de la pleine égalité. Voilà notre vision pour Jérusalem et
pour tout le territoire appelé Israël et Palestine, qui se situe entre
le Jourdain et la mer Méditerranée. »
Et c’est aussi la solution proposée à plusieurs reprises, ces
dernières années, dans une revue faisant autorité, « La Civiltà
Cattolica », par son principal spécialiste du judaïsme, le jésuite
israélien David M. Neuhaus.
Cette solution souffre cependant d’une objection, à première vue
incontournable, partagée universellement, et même par une grande partie
du monde juif. C’est l’objection qui consiste à dire qu’Israël occupe
illégalement des territoires qui n’ont jamais été les siens, à
Jérusalem-Est, en Judée, en Samarie : les territoires que les Nations
Unies avaient attribués aux Palestiniens dans le plan de partage de 1947
dont est issu l’actuel État d’Israël.
Mais est-ce vraiment le cas ? Ou bien la naissance réelle de l’État
d’Israël devrait-elle être antidatée d’un quart de siècle ? Et si,
depuis cette époque ses frontières légitimes, s’étendaient effectivement
« du fleuve à la mer » ?
C’est précisément la thèse que David Elber, un spécialiste juif en
géopolitique, soutient et détaille dans un livre à plusieurs voix –
juives, chrétiennes, musulmanes – récemment sorti en Italie sous le
titre : « Il nuovo rifiuto d’Israele ».
*
La reconstruction réalisée par M. Elber commence avec la Conférence
de San Remo d’avril 1920, au cours de laquelle les puissances
victorieuses de la Première Guerre mondiale – la Grande-Bretagne, la
France, l’Italie, le Japon – forts de l’autorité qui leur avait conférée
par la Société des Nations, décident de créer une patrie pour le peuple
juif sur la terre de leurs pères, une terre qui n’était plus soumise à
l’Empire ottoman qui venait d’être dissous, et confient à la
Grande-Bretagne le « mandat international de catégorie A » pour la
Palestine.
C’est sous ce nom de Palestine, remontant à l’Empire romain avant
d’être supprimé aussi bien par les Arabes que Ottomans, que la puissance
mandataire a commencé à désigner l’ensemble du territoire allant du
Jourdain à la Méditerranée, jusqu’aux pentes du mont Hermon au Nord et
jusqu’à l’embouchure de la mer Rouge au Sud : pratiquement l’actuel État
d’Israël plus les territoires dits « occupés ». Tandis que les
territoires situés à l’est du Jourdain, l’actuelle Jordanie, reçurent le
nom de Transjordanie.
Selon l’article 5 du Mandat, approuvé le 16 septembre 1922 par la
Société des Nations, c’est le peuple juif qui détenait la souveraineté
sur le territoire appelé Palestine, tandis que la Grande-Bretagne devait
se borner à l’administrer, le protéger et à défendre ses frontières.
L’entrée en vigueur définitive du mandat est datée du 29 septembre 1923,
soit deux mois après la signature du traité de paix avec la Turquie à
Lausanne.
Les colonies de Juifs arrivés de l’étranger étaient autorisées sur
l’ensemble du territoire appelé Palestine. À partir de 1939, cependant,
la Grande-Bretagne, pour des raisons politiques d’« apaisement » avec
les Arabes, rendit pratiquement impossible la construction de nouvelles
colonies, sauf dans une petite partie du territoire, où les prix d’achat
des terres grimpèrent en flèche.
« Cette décision », écrit Elber, «
aura très lourdes répercussions
sur l’immigration juive en Palestine et sera la cause de nombreux décès
dans les camps d’extermination. »
En 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Société des
Nations dissoute fut remplacée par l’Organisation des Nations Unies,
dont l’article 80 de son statut – explique Elber – « renforça et rendit
à nouveau contraignant ce qui avait été mis en œuvre avec le Mandat pour
la Palestine » : autrement dit que « la Puissance mandataire n’avait pas
la pleine souveraineté territoriale du Mandat, qui appartenait en
dernière instance au peuple pour lequel il avait été institué ».
Mais entre-temps, une véritable guerre civile entre les populations
juives et arabes locales déchirait la Palestine, ce qui a conduisit
l’Assemblée générale de l’ONU à chercher une solution, qui ne pouvait
certainement pas être celle d’abroger une disposition contraignante
telle que celle de 1923 coulée dans un traité international.
En en effet, l’Assemblée générale, n’a pris aucune décision de ce
genre, qui n’aurait d’ailleurs pas été de son ressort, mais le 29
novembre 1947, elle a approuvé la résolution 181, qui suggérait à la
Grande-Bretagne, en tant que puissance mandataire, une manière de
procéder pour diviser le territoire de la Palestine entre Juifs et
Arabes, d’apaiser le conflit.
Voici ce qu’écrit M. Elber :
« Pour rendre cette recommandation impérative, les deux parties
impliquées dans la partition, c’est-à-dire les Juifs et les Arabes,
devaient donner leur consentement à rendre contraignant le principe
juridique de la « pacta sunt servanda ». Les Juifs ont accepté, mais les
Arabes refusèrent catégoriquement et décidèrent d’entrer en guerre. Le
Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas non plus pris les mesures
nécessaires pour mettre en œuvre la résolution elle-même. Il est donc
évident que, dès le début, la résolution 181 n’a jamais eu les pouvoirs
que beaucoup lui ont prêté par la suite.
Comme on le sait, la guerre s’est terminée par la victoire des Juifs,
qui se sont installés à l’intérieur des frontières actuelles de l’État
d’Israël, officiellement proclamé le 14 mai 1948, tandis que
Jérusalem-Est, la Judée et la Samarie furent annexées à la Jordanie et
la bande de Gaza à l’Égypte. Elber poursuit :
« Quand alors a‑t-on commencé à accuser Israël d’occuper illégalement
la Cisjordanie et Gaza ? Cette accusation est née après la guerre des
Six Jours de 1967, une guerre défensive dans laquelle, en réalité,
Israël n’a rien fait d’autre que de reconquérir des terres qui lui
appartenaient déjà légalement, même si elle n’en avait pas la possession
effective. »
« Pendant dix-neuf ans, entre 1948 et 1967, ces terres ont été
occupées illégalement par la Jordanie sans qu’Israël ne renonce jamais à
sa pleine souveraineté. En 1967, la Jordanie a attaqué militairement
Israël, qui a vaincu les Jordaniens avant de reconquérir les territoires
en question. Quoi qu’il en soit, le différend territorial prit fin en
1994 avec la signature du traité de paix entre les deux pays, en vertu
duquel la Jordanie renonçait à toute revendication territoriale sur la
Judée, la Samarie et Jérusalem. »
« Pourtant, malgré cela, au fil des ans, la croyance qu’Israël
occuperait illégalement les territoires de Judée et de Samarie s’est
tellement enracinée que cette thèse est devenue une certitude dès que
l’on parle d’Israël et au Moyen-Orient. Cette croyance est si
profondément ancrée, y compris dans la diaspora juive et en Israël – en
particulier dans les milieux de gauche – qu’elle est considérée comme
une certitude factuelle, même si elle est tout simplement fausse ».
Et les Palestiniens ? Elber écrit encore ceci :
« En ce qui concerne les revendications des Palestiniens, on peut
souligner qu’ils n’étaient pas un peuple reconnu en tant que tel par le
droit international en 1948 ni en 1967. Ils n’ont été reconnus comme
tels par la communauté internationale qu’en 1970 (Assemblée générale des
Nations Unies, résolution 2.672 C du 8 décembre). »
« Pour cette raison, ces derniers ne peuvent faire valoir après coup
des prérogatives sur ces terres. Avant cette date, ils étaient un peuple
arabe impossible à distinguer des Jordaniens ou des Syriens (ce qui,
l’est d’ailleurs encore aujourd’hui en matière de langue et de culture).
Ils auraient pu revendiquer le droit à la terre s’ils avaient accepté
les dispositions de la Résolution 181, qui – il faut le répéter une fois
de plus – n’avait aucun pouvoir juridique en elle-même : ce n’est que si
elle avait été acceptée à la fois par les Juifs et par les Arabes
qu’elle aurait posé les bases juridiques à la division territoriale
entre les deux peuples ».
Elber arrête ici sa reconstruction. Mais la suite ne change pas le
fond de la question. Il y a eu la guerre du Kippour de 1973, puis la
paix avec l’Égypte avec sa renonciation à Gaza en 1979, puis cette
période – entre les accords d’Oslo de 1993 et les accords de Camp David
de 2000 – pendant laquelle la solution à deux États a semblé être à
portée de main avant d’échouer en raison du refus palestinien, jusqu’à
la guerre actuelle déclenchée par le massacre des innocents le 7 octobre
2023 perpétré par le Hamas en terre d’Israël, encore et toujours avec
l’objectif déclaré – non seulement par le Hamas mais aussi par le
Hezbollah libanais, les Houthis yéménites et surtout par l’Iran –
d’anéantir la nation juive.
La guerre qui fait rage actuellement diminue la force de cet aspect
d’inimité. Mais la paix véritable ne semble pas être pour demain. Dans
les territoires soi-disant « occupés », la cohabitation entre Juifs et
Arabes est tout sauf pacifique, que ce soit à cause des foyers de
guérilla islamiste ou des abus de pouvoir imaginés et mis en pratique
par une grande partie des 700 000 colons Juifs qui s’y sont installés
année après année.
Et il faut également tenir compte des 2,1 millions d’Arabes qui sont
citoyens de l’État d’Israël, soit plus d’un cinquième de la population
totale, avec leurs représentants au parlement, dans les gouvernements, à
la Cour suprême et à la tête de la première banque du pays, qui exercent
des fonctions importantes dans les hôpitaux et les universités. Aucun
d’entre eux ne montre une quelconque volonté d’émigrer vers les pays
arabes voisins. Et l’acte fondateur d’Israël de 1948 affirme sans
équivoque l’égalité de tous les citoyens sans distinction, une égalité
qui ne saurait être remise en question, même par la loi très
controversée adoptée en 2018 sur la nature juive de l’État.
*
Pour en revenir au livre qui a inspiré cet article de Settimo Cielo,
publié chez Belforte sous la direction de Massimo De Angelis, il est à
noter qu’il porte ce sous-titre : « Réflexions sur le judaïsme, le
christianisme, l’islam et la haine de soi de l’Occident ». Et qu’il
entend aborder les questions les plus cruciales qui se sont posées après
le pogrom du 7 octobre 2023, tout d’abord ce « nouveau rejet d’Israël
»
(titre du livre) allant même jusqu’à lui nier le droit d’exister.
Parmi les auteurs des différents chapitres, outre David Elber et
Massimo De Angelis, on retrouve les Juifs Michael Ascoli, Marco Cassuto
Morselli, Sergio Della Pergola, Ariel Di Porto, Alon Goshen-Gottstein,
Shmuel Trigano, Ugo Volli ; les chrétiens Pier Francesco Fumagalli,
Guido Innocenzo Gargano, Massimo Giuliani, Ilenya Goss, Paolo Sorbi ; le
musulman Yahya Pallavicini et le laïc Vannino Chiti.
Tous animés par la conviction que « c’est peut-être seulement la
redécouverte du chemin indiqué et préservé par les religions, qui au
Moyen-Orient sont certes en conflit mais qui ont aussi un lien plus
profond et originaire les unes avec les autres, qui peut éclairer un
chemin de dialogue, vers la redécouverte de notre identité et la
reconnaissance de l’autre ».
Il est également intéressant de mettre en parallèle les analyses
contenues dans ce livre avec l’éditorial de l’historien Ernesto Galli
della Loggia dans le « Corriere della Sera » du 30 décembre 2024, sur le
« sentiment d’insupportabilité » qui grandit en Occident à l’égard du
judaïsme, notamment en raison de l’utilisation sans entrave par Israël
de l’instrument de la guerre, alors qu’il se voit menacé dans son
existence même.
Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire
L’Espresso.
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Sources
: diakonos.be-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 10.01.2025
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