Dans ses homélies, Benoît XVI cherche
à introduire ses auditeurs dans le mystère pascal du Christ |
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Rome, le 09 décembre 2008 -
(E.S.M.)
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Les 55 propositions finales ont été remises au pape Benoît XVI, qui se
chargera de les exploiter dans l'exhortation post-synodale qu’il
promulguera, dans un an ou plus.
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Dans ses homélies, Benoît XVI cherche à introduire ses auditeurs dans le
mystère pascal du Christ
Ces trois ou quatre points forts qui sont l'héritage du synode sur la
"Parole de Dieu"
Le 09 décembre 2008 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Le premier : le christianisme n'est pas une "religion du livre" mais
s'identifie à une personne. Le deuxième : la Bible n'est pas seulement le
passé, mais aussi le présent et l'avenir. Le troisième : l'exégèse ne peut se
passer de la théologie et vice versa... Bilan du synode dans le carnet d'un
observateur spécial
Sept semaines après sa clôture, le synode des évêques sur "La Parole de Dieu
dans la vie et dans la mission de l’Église", qui a eu lieu à Rome en
octobre, paraît n’avoir laissé presque aucune trace.
Les 55 propositions finales ont été remises au pape Benoît XVI, qui se
chargera de les exploiter dans l'exhortation post-synodale qu’il
promulguera, dans un an ou plus.
Quant au
message final du synode au "peuple de Dieu", il est tout de suite
tombé dans l’oubli. Certes, il différait des messages finaux des précédents
synodes par son style plus communicatif et l’on pouvait y reconnaître la
plume experte du principal rédacteur, l'archevêque Gianfranco Ravasi,
président du Conseil pontifical de la Culture et bibliste de réputation
mondiale. Mais sa trop grande longueur en a rendu difficile la reprise par
les médias catholiques dans le monde, ce qui a empêché qu’il soit lu et
médité par de nombreux évêques, prêtres et fidèles.
Mais cela n’exclut pas que le
synode d’octobre dernier sur la Parole de Dieu
puisse avoir des effets importants et de longue durée sur la vie de l’Église.
A condition que les quelque 250 évêques qui y ont participé sachent en
recueillir les indications et en faire part à leurs épiscopats et Églises
nationales.
Mais, au fait, quelles grandes indications a données le synode ? Selon
quelles lignes maîtresses le mettre en pratique ?
On a beaucoup écrit sur le synode mais les analyses synthétiques ont été
rares. Celle qui figure ci-dessous est l’une des plus intéressantes et des
plus fines. Parue dans "L'Osservatore Romano" le 27 novembre, elle est
l’œuvre non d’un père synodal mais d’un observateur extérieur, professeur de
théologie au Boston College et prêtre du diocèse de New York, le père Robert Imbelli.
Logé pendant tout le synode au Collège Capranica, à Rome, le père Imbelli a
pu rencontrer chaque jour divers pères synodaux et suivre leurs travaux.
Le 14 octobre, il a même pu entrer dans la salle du synode et assister à une
séance qui était, par un heureux hasard, celle où Benoît XVI a pris la
parole et prononcé un
discours d’une extraordinaire importance.
Voici donc ce que notre observateur a tiré de son séjour à Rome :
Réflexions sur le synode
par Robert Imbelli
Professeur de théologie au Boston College en année sabbatique, j’ai voulu
être à Rome pendant le synode des évêques consacré à l’étude approfondie et
à l’affirmation renouvelée de la "Parole de Dieu dans la vie et dans la
mission de l’Église". De fait, peu de sujets sont aussi fondamentaux au
point de vue théologique et aussi pertinents au point de vue pastoral. [...]
Ma première impression forte : le synode a été une expérience ecclésiale
profonde, pour les participants, bien sûr, mais aussi, je l’espère, pour
toute l’Église catholique grâce à eux et aux comptes-rendus des médias.
Évêques et théologiens, laïcs et prêtres, femmes et hommes, mais aussi les
représentants d’autres communautés chrétiennes, ont partagé trois semaines
intenses, s’enrichissant les uns des autres de leurs expériences, idées,
opinions et intérêts. Ils l’ont fait de manière formelle, à travers les
déclarations et les débats en groupes linguistiques plus limités, ou
informelle lors des pauses-café et repas. Reflétée dans les nombreuses
paroles de la famille humaine, la Parole de Dieu a montré sa variété, sa
richesse et sa force de transformation: "suaviter et fortiter"
L’une des principales idées dégagées au cours du synode est la nécessité de
comprendre les multiples dimensions de la "Parole de Dieu". Dans le langage
des théologiens, c’est un concept "analogue". On ne peut pas identifier
simplement la "Parole de Dieu" aux Saintes Écritures, qui en sont le
témoignage privilégié, car la Parole de Dieu transcende même son incarnation
biblique.
En effet, la Parole de Dieu est, en définitive,
une Personne. L'incarnation
pleine et définitive de la Parole de Dieu, c’est Jésus-Christ lui-même. A
cet égard, il n’y a pas de verset biblique plus important que celui de l’Évangile
de Jean: "Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous"
(1, 14).
En Jésus-Christ, en sa vie, sa mort et sa résurrection, la Révélation de
Dieu trouve son expression parfaite et obtient la réconciliation du monde.
Il est significatif que, à cause de cette affirmation nourrie de foi, le
christianisme ne puisse être qualifié qu’improprement de "religion du
livre". Bien que le témoignage biblique de Jésus soit très précieux et
indispensable, le christianisme est, plus précisément, la "religion de la
personne": la personne de Jésus-Christ qui appelle tous les hommes à la
communion personnelle avec le Père, à travers lui.
Autre conséquence, notée par beaucoup d’évêques : Jésus-Christ offre aux
chrétiens la "clé herméneutique" pour comprendre l’Écriture. La Bible n’est
pas un recueil disparate de livres du monde de l’antiquité. Elle trouve en
Jésus son "principium", son principe d’interprétation parce que, en tant que
Parole de Dieu, il est aussi son origine et son but.
De la "relatio" d’ouverture
prononcée par le cardinal Ouellet aux
propositions finales présentées au Saint-Père, en passant par l'intervention
du pape, cette affirmation a amené à insister sur la nécessité d’utiliser
différentes méthodes d’interprétation des Écritures. La méthode dite
historico-critique est indispensable, parce que la Parole de Dieu est
vraiment entrée dans l’histoire humaine: née sous le règne de César Auguste
et crucifiée sous Ponce Pilate. Comme l’a affirmé le Saint-Père : "L’histoire
du salut, ce n’est pas de la mythologie, mais de la vraie histoire; il faut
donc l’étudier avec les méthodes de la recherche historique sérieuse".
Pour la même raison, une méthode uniquement historico-critique présente de
sérieuses limites. La Parole de Dieu, dont la Bible témoigne, transcende
clairement la dimension historique pour accueillir le plan de Dieu pour le
monde. La Bible n’est pas confinée dans le passé, elle défie le présent et
ouvre à un accomplissement futur.
L'approche historico-critique doit donc être accompagnée d’une approche
théologico-spirituelle qui affirme l'unité des Écritures et reconnaisse que,
à travers le mystère pascal du Christ, l’Esprit Saint s’est répandu et que
la nouvelle création a commencé.
La liturgie de l’Église, en particulier l'Eucharistie, est donc le cadre
approprié et privilégié pour écouter la Parole de Dieu. C’est là que se
réalise l'unité des Testaments et que se célèbre la présence du Christ
vivant qui dévoile le sens des Écritures. C’est là qu’il devient clair que
c’est dans la communauté de foi et dans sa tradition que la Parole de Dieu
continue à nourrir le peuple de Dieu en tout temps jusqu’au retour glorieux
du Seigneur.
A cet égard, le synode nous a lancé deux défis urgents. Le premier est que
tous les membres de l’Église sont appelés à se nourrir régulièrement, dans
la vie de tous les jours, de la Parole de Dieu pour qu’elle les guide et les
soutienne. D’où les appels répétés du synode à développer et répandre une
lecture spirituelle de la Bible allant au-delà du terme général de "lectio
divina". Même s’il faut des modalités et des méthodes différentes pour
répondre aux exigences des divers interlocuteurs et contextes culturels, une
nécessité constante est que tous, surtout ceux qui baignent dans des
cultures occidentales souvent frénétiques, se familiarisent avec le silence.
Ce n’est que dans un silence attentif que l’on peut entendre la Parole de
Dieu avec une force renouvelée.
Second défi : le besoin urgent d’efforts de créativité pour recréer les liens
entre exégèse et théologie systématique ou, plus concrètement, entre
exégètes et théologiens. C’est particulièrement difficile dans le contexte
universitaire actuel, où la forte volonté de mener des recherches
spécialisées aboutit souvent à séparer au lieu d’unir. C’est pourtant un
impératif. Comme l’a dit le Saint-Père dans son intervention au synode: "Si
l'exégèse n’est pas théologique, l’Écriture ne peut être l'âme de la
théologie et, inversement, si la théologie n’est pas essentiellement une
interprétation de l’Écriture dans l’Église, cette théologie n’a plus de
base".
* * *
Autre sujet qui a suscité beaucoup d’intérêt au synode :
la prédication. Les
évêques savent bien que la Parole de Dieu, tout comme le pain eucharistique,
doit être rompue et partagée avec le peuple de Dieu. Cela prend évidemment
des formes différente selon l'âge et la formation des auditeurs, mais la
réflexion sur la Parole de Dieu dans sa réalité transcendante a fait
apparaître une caractéristique commune: les homélies doivent être "mystagogiques",
c’est-à-dire conduire l'assemblée à une rencontre vivifiante avec
Jésus-Christ, vrai Verbe incarné.
Je pense que le pape lui-même apporte une formation précieuse à cet art de
la prédication mystagogique. Ses homélies, si attentives à la situation
concrète et à la sensibilité de ceux à qui elles s’adressent, cherchent
toujours à favoriser une prise de conscience renouvelée de la hauteur, de la
largeur, de la longueur et de la profondeur de l'amour du Christ pour son
corps, l’Église, et, à travers elle, pour le monde entier. Dans ses
homélies, Benoît XVI cherche à introduire ses auditeurs dans le mystère
pascal du Christ, dont ils ne sont pas de simples observateurs, mais des
participants.
Cette prédication mystagogique est amplifiée et renforcée par la qualité
esthétique de l’endroit où elle a lieu. Ce point, souvent abordé au synode,
a pris une importance particulière dans le discours historique de
Bartholomée Ier, le patriarche œcuménique. Dans la foi incarnationelle de l’Église,
la Parole de Dieu est entendue, mais aussi vue. Elle passe par les icônes et
les images. Bartholomée a dit des icônes: "Elles nous encouragent à chercher
ce qu’il y a d’extraordinaire dans l'ordinaire".
Il est donc providentiel que, le synode se déroulant au Vatican, une
magnifique exposition ait été consacrée, à Rome, dans le superbe cadre des
Écuries du Quirinal, à Giovanni Bellini (1435-1516), artiste vénitien de la
première Renaissance. Dans ses merveilleuses représentations de la Vierge à
l’Enfant, de la crucifixion et de la résurrection du Christ,
l’extraordinaire et l'ordinaire se mêlent de manière fascinante, l'un
éclairant l’autre. Ou plutôt, la lumière du Christ transfigure tout,
révélant l'authentique dignité et le vrai destin de l'ordinaire.
Les peintures de Bellini, très influencées par la tradition des icônes
orientales, sont un superbe commentaire de la Parole de Dieu incarnée,
unissant indissolublement la lettre et l’esprit. Devant beaucoup de ses
œuvres, on peut s’arrêter, pratiquer la "lectio divina", et puiser dans leur
grâce et leur beauté une eau pour âmes assoiffées.
* * *
Un ami évêque me disait à la fin du synode que, à son avis, celui-ci avait
été pour l’Église un nouvel "accueil", plus profond, de "Dei
Verbum", la
constitution de Vatican II sur la révélation divine. Si, comme je le pense,
il a raison, le synode est un moment très significatif. En effet, "Dei
Verbum" est peut-être la moins appréciée, la moins étudiée des quatre
constitutions - les principaux documents conciliaires - alors qu’elle est
absolument fondamentale.
Dans sa "relatio" d’ouverture du synode, le
cardinal Ouellet a dit beaucoup
de choses. Il a parlé de la compréhension renouvelée, dans "Dei Verbum", de
la révélation divine comme "dynamique et dialogique", tout en reconnaissant
que le document n’avait pas été "assez accueilli" et n’avait pas encore
donné les fruits espérés.
Si on se demande comment cela a pu arriver, le cardinal Ouellet lui-même
donne un indice possible plus loin dans sa "relatio", quand, un peu
provocateur, il affirme "l'ecclésiocentrisme est étranger à la réforme du
Concile". Peut-être, en effet, trop de débats et disputes conciliaires
ont-ils été excessivement ecclésiocentriques. N’avons-nous pas eu tendance à
oublier que c’est le Christ et non l’Église qui est la lumière du monde
("Lumen
Gentium") ? Ayant souligné que la "partecipatio actuosa" à la
liturgie était nécessaire, ne nous sommes-nous pas contentés de la
comprendre seulement en termes d’actes liturgiques à accomplir et pas comme
un appel à pénétrer plus en profondeur dans le mystère pascal du Christ ? La
légitime insistance sur le rôle de l'assemblée dans l’action liturgique
n’a-t-elle pas, parfois, mis dans l’ombre le sujet primordial: le Christ qui
s’offre au Père et permet au peuple de Dieu de partager son unique et
parfait sacrifice ?
La réforme du Concile est christocentrique, pas ecclésiocentrique. Ce n’est
qu’à travers le Christ que l’Église est introduite dans la communion de la
très sainte Trinité qui est vie éternelle. Voilà le cœur du message de "Dei
Verbum" et le récent synode nous donne la possibilité providentielle de
recevoir à nouveau cet Évangile salvateur.
Très souvent, après le Concile, on nous a dit de "nous emparer" de la
Tradition de l’Église, que nous devions la faire nôtre. Mais, à un niveau
plus profond et exigeant, il vaudrait mieux dire: nous devons faire en sorte
que la Tradition s’empare de nous et permette à la Parole de Dieu de nous
transformer. Se laisser posséder chaque jour par la Parole, c’est la vie de
l’Église et l'unique base crédible pour sa mission.
Le message final, les propositions remises au pape, l'intervention de Benoît
XVI dans la salle du synode et les autres textes et documents du synode
d'octobre 2008 :
La Parole de Dieu dans la vie et la mission de l'Église
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source : Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 09.12.2008 -
T/Synode |