Benoît XVI ne fait confiance qu’au "pouvoir
intérieur" de la vérité |
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Le 08 novembre 2007 -
(E.S.M.) - Le récit et le témoignage de
l’archevêque de Vienne : « Dans les jours qu’il a passés en Autriche, le
pape Benoît XVI ne s’est jamais lassé de témoigner du christianisme
comme du “don d’une amitié” qui “perdure dans la vie et dans
la mort” »
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Benoît XVI
et le cardinal Schönborn -
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C'est ici
"Un pèlerinage contre la froideur de notre présent"
par le cardinal Christoph Schönborn
Le pape Benoît XVI en Autriche. Si je devais résumer en quelques mots ce qui
m’a frappé de ces trois jours de septembre, je dirais qu’il s’est agi d’“un
pèlerinage contre la froideur de notre présent”.
Sous la pluie et dans le froid qui nous ont mis à dure épreuve à Vienne, à
Mariazell et à Heiligenkreuz, ce pape a surpris notre pays – et même, je
crois, beaucoup de ses critiques – par sa cordialité et par sa chaleur,
marquées d’humilité, qui ont su convaincre pour cette raison même; une
chaleur qu’exprimait sa personne même, non moins que ses paroles; et qui
enveloppait petit à petit, de manière de plus en plus sensible, les
personnes qui l’écoutaient.
Il y a quelque chose qui est bientôt devenu évident: il ne s’agissait pas
d’une forme extérieure, d’une simple manière de se présenter, ou d’un simple
trait de son caractère. En effet, ce style aimant qui prédispose
naturellement à l’écoute et à la réflexion caractérise depuis des décennies
la pensée et l’enseignement du Saint-Père.
C’est ainsi, je crois, que le pape a présenté une synthèse de ce qui se
trouve au cœur de sa réflexion.
Sa théologie vit d’un «“oui” à Dieu, à
un Dieu qui nous aime et nous guide, qui nous conduit et qui, toutefois,
nous laisse notre liberté, plus encore, en fait une liberté véritable»
(homélie
au sanctuaire de Mariazell, 8 septembre 2007). Je crois que, dans
son sermon à Mariazell, le pape a justement voulu exprimer ce qui se trouve
au cœur de sa réflexion. De cette source émerge une image du christianisme
qui est bien plus et bien autre qu’un système moral, qu’une série
d’impositions et de préceptes. Dans ces journées passées en Autriche, Benoît
XVI ne s’est jamais lassé de témoigner du christianisme comme du «don
d’une amitié» qui «perdure dans la vie et dans
la mort» (homélie
au sanctuaire de Mariazell, 8 septembre 2007).
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C’est justement cette approche qui nous
avait déjà fascinés lorsque nous étions les étudiants du professeur
Ratzinger. Dès cette époque, le style de ses cours et la manière dont le
professeur se mettait en relation avec nous, ses étudiants, étaient
définis par ce quid, ce quelque chose qui nous invite amoureusement. Et
au cours de ces journées, j’ai donc pu constater avec joie et avec
gratitude qu’avec l’accession au trône de Pierre, cette manière
particulière de vivre et de témoigner la foi avait acquis une nouvelle
vitalité et une nouvelle luminosité. |
Cette attitude de fond imprègne vraiment toutes ses homélies et tous ses
discours, et cela s’est manifesté dans toutes les circonstances au cours de
son voyage en Autriche. Je pense par exemple à ses paroles sur le modèle de
vie européen dont il a mis positivement en lumière les caractéristiques, y
compris la capacité d’exercer l’autocritique. Il faut faire appel à cette
capacité justement aujourd’hui, au moment où l’Europe risque de se gaspiller
elle-même: par exemple par rapport à ses valeurs, dans le relativisme qui ne
cesse de croître; et puis, dans la perte d’espaces
pour le sacré, et en particulier du dimanche,
qui en l’absence d’un centre authentique «finit par être un temps vide qui
ne nous renforce pas et ne nous détend pas» (homélie
dans la cathédrale Saint-Étienne à
Vienne, 9 septembre). Ce regard s’est manifesté aussi lorsqu’il a
lancé un appel vibrant pour la vie de enfants à naître, en exprimant «non
pas un intérêt spécifiquement ecclésial», mais «une demande
profondément humaine» (Discours
aux autorités et au corps
diplomatique, Vienne, 7 septembre). En faisant cela, il n’a
jamais donné l’impression, pas le moindre instant, de fermer les yeux «devant
les problèmes et les conflits intérieurs de nombreuses femmes», comme
s’il ignorait que, pour reprendre ses propres mots, «la crédibilité de
notre discours dépend aussi de ce que l’Église elle-même fait pour venir en
aide aux femmes en difficulté» (ibidem).
Si je reviens sur les pensées, les impulsions et les sollicitations qu’il
nous a transmises au cours de ces journées, je crois qu’ont brillé plus que
toute autre les trois étoiles de la foi, de la vérité et de la raison, que
j’entends et que j’ai toujours perçues comme le grand fil conducteur de sa
pensée. Foi et raison: pour beaucoup d’hommes de notre temps, il y a entre
les deux termes une contradiction apparemment insoluble.
Pour ce pape en revanche, foi et raison sont
indissolublement liées l’une à l’autre. Une foi qui ne demande pas,
toujours, l’assentiment de la raison serait pour lui une deminutio de
l’homme. Dieu ne veut pas seulement des hommes qui
aiment, mais des hommes qui pensent, avec Lui.
La pensée présuppose cependant la liberté. Après de longues disputes autour
de cette question, l’Église est finalement parvenue à une grande clarté, et
ce pape éprouve un énorme respect pour la liberté de l’homme. L’Église n’est
donc crédible dans son action au niveau global en faveur de la liberté
religieuse que si elle part de cette attitude. Il reste que dans ce domaine,
celle-ci s’engage dans la grande question du rapport entre liberté et
vérité. Aux yeux de Benoît XVI, il est tout à fait clair que nous avons
besoin de la vérité. Dès que le Pape parle de vérité, on craint que cette
aspiration à la vérité ne cache aussi l’intolérance. Or c’est justement ce
que j’ai toujours admiré chez cet homme, toujours enclin à l’écoute et en
même temps toujours prêt à la discussion: loin de faire confiance à la
contrainte et à l’endoctrinement, il ne fait confiance
qu’au “pouvoir intérieur”
de la vérité. C’est dans cette profonde
confiance dans la force de persuasion de la vérité et dans la capacité de
l’esprit humain d’accueillir la vérité que naît son regard vers le Christ.
C’est ainsi que la vérité est humble, la vérité n’est pas notre produit,
elle n’est pas notre propriété. Elle se démontre par elle-même, elle fascine
par sa propre force, «de même que l’amour ne peut pas être produit, mais
seulement se recevoir et se transmettre comme don»
(homélie
au sanctuaire de Mariazell, 8 septembre 2007).
Que reste-t-il donc de cette visite ? Tout d’abord une profonde gratitude
envers le Saint-Père, qui aime évidemment ce pays et qui a exprimé son amour
de nombreuses manières. Peut-être n’en avons pas été tout à fait conscients
nous-mêmes, mais Benoît XVI a effectivement fait en Autriche sa première
visite pastorale, car jusqu’ici, les autres voyages de son pontificat
avaient tous eu lieu dans des occasions ou pour des célébrations
particulières, de sorte que les paroles qu’il a prononcées étaient adressées
avant tout à ce pays et à ses habitants, même s’il faut tenir compte du fait
qu’elles auraient été écoutées par une opinion publique bien plus vaste,
véritablement universelle.
Je suis reconnaissant envers tous ceux qui ont rendu possible cette fête de
la foi par leur propre action et par leur propre amour pour l’Église. En
effet, des milliers de personnes se sont prodiguées pour la réussite de ces
journées inoubliables. Je dois aussi une grande gratitude à tous ceux qui ne
se sont pas laissés intimider par les intempéries ou par les réserves de
type social, ou encore moins par les préjugés intra ecclésiastiques. Je suis
sûr que tous ceux qui se sont mis en marche sur la “voie du pèlerinage et de
la foi” ne sont pas retournés chez eux sans être enrichis intérieurement. Je
suis aussi reconnaissant envers les médias qui ont permis à des centaines de
milliers de personnes d’accomplir ce “pèlerinage de la foi” même de chez
eux. Les médias ont pu expérimenter qu’une nouvelle tâche se présente à eux
lorsqu’il s’agit d’exaucer une forte requête publique.
Rappelons-nous aussi de l’avertissement de Mariazell: «Nous avons besoin
d’un cœur inquiet et ouvert». Ouvert pour Dieu qui nous a montré son
visage à travers Jésus-Christ et qui nous a ouvert Son cœur. Ouvert pour
notre prochain en difficulté, pour notre prochain qui a besoin de nous, mais
dont nous avons aussi besoin, pour ne pas perdre le sens de ce qui est
humain. Ouvert aussi à une réflexion nouvelle. Beaucoup des problèmes et des
questions qui nous ont touchés dans le passé nous accompagneront aussi dans
le futur, après la visite du pape. Il serait naïf de croire autre chose. Et
pourtant, avec cette visite, le pape nous a laissé une certitude qui nous
donne de la force: «Mais la terre ne sera privée d’avenir que lorsque
s’éteindront les forces du cœur humain et de la raison illuminée par le cœur
- quand le visage de Dieu ne resplendira plus sur la terre. Là où se trouve
Dieu, là se trouve l’avenir» (homélie
au sanctuaire de Mariazell, 8 septembre 2007).
Tous les textes et photos du voyage apostolique : ►
Benoît XVI à Mariazell - du 7 au 9 septembre 2007
Sources: Gianni Cardinale
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 07.11.2007 - BENOÎT XVI
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