Le pape Benoît XVI : se tenir devant
Toi et Te servir |
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Rome, le 07 novembre 2008 -
(E.S.M.)
- La lecture et la méditation des homélies de Benoît XVI est
désormais pour beaucoup de prêtres une aide précieuse et presque un
modèle pour leurs propres homélies.
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Le pape Benoît XVI et
le cardinal Ruini
Le pape Benoît XVI : se tenir devant Toi et Te servir
"Un prédicateur extraordinaire, un modèle pour beaucoup de prêtres et pour
moi-même..."
Le 07 novembre 2008 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Un guide de lecture pour le livre: "Homélies. L'année liturgique racontée
par Joseph Ratzinger, pape", sorti en librairie depuis quelques jours. Voici
comment le présente un cardinal qui connaît très bien l'auteur
par Camillo Ruini
Lors de l’un de nos entretiens, il y a quelque temps, Sandro Magister
regrettait que le trésor que sont les homélies de Benoît XVI reste caché et
ignoré de trop de gens. Ce livre simple, beau et bien fait – pour lequel je
veux exprimer mes félicitations et ma gratitude aux éditions
Libri Scheiwiller et au Groupe 24 Ore – vise clairement à remédier à ce manque de
communication. Je prévois, j’espère fermement qu’il y parviendra largement,
parce que ces pages claires contiennent vraiment un trésor, une nourriture
et un remède qui peuvent faire beaucoup de bien à ceux qui le liront. Ce que
je vais dire vise donc à expliquer les raisons pour lesquelles le livre
mérite d’être lu.
Ces raisons, à vrai dire, Sandro Magister les donne très bien dans la
préface du livre. Mon premier soin est donc de recommander la lecture de
cette
préface, qui montre que Magister, journaliste et vaticaniste, est
aussi un théologien et un passionné de liturgie.
* * *
La préface écrite par Benoît XVI pour le premier volume de ses "Opera
omnia" – publié voici quelques jours en allemand et attendu d’ici
quelques mois en italien – est très importante pour définir et comprendre la
signification, les objectifs, le contexte personnel et existentiel de ses
homélies.
Le pape explique d’abord pourquoi il a choisi de publier en premier le
volume qui réunit ses écrits sur la liturgie, reprenant ainsi l’ordre suivi
par le Concile Vatican II dont la première constitution a été celle sur la
liturgie.
Benoît XVI écrit: “La liturgie de l’Église a été pour moi, depuis l’enfance,
l’activité centrale de ma vie. Elle est aussi devenue, à l’école théologique
de maîtres comme Schmaus, Söhngen, Pascher et Guardini, le centre de mon
travail théologique”. Certes, il avait choisi comme matière spécifique
d’enseignement la théologie fondamentale parce qu’il voulait explorer à fond
la question “pourquoi croyons-nous ?”, mais, dès le début, cette question “en
incluait une autre, celle de la bonne réponse à donner à Dieu et donc aussi
celle qui concernait le service de Dieu, c’est-à-dire de la liturgie”.
Benoît XVI ajoute : “C’est vraiment à partir de là qu’il faut comprendre mes
travaux sur la liturgie. J’étais intéressé non par les problèmes spécifiques
de la science liturgique mais toujours par l’ancrage de la liturgie dans
l’acte fondamental de notre foi et donc aussi par sa place dans toute notre
existence humaine”. Son intérêt s’est donc concentré sur trois domaines
fondamentaux: le rapport intime entre l’Ancien et le Nouveau Testament,
le
rapport avec les religions du monde et le caractère cosmique de la liturgie;
celle-ci “représente quelque chose de plus que la simple réunion d’un groupe
plus ou moins nombreux d’êtres humains; la liturgie est en effet célébrée au
sein de l’étendue du cosmos, elle embrasse à la fois la création et
l’histoire”.
Dans sa préface, Sandro Magister cite à ce sujet l’Homélie prononcée par
Benoît XVI, le 29 juin de cette année, pour la fête des saints apôtres
Pierre et Paul. Le pape y cite le verset 15, 16 de la Lettre aux Romains, où
Paul lui-même exprime l’essentiel de sa mission en disant qu’il est appelé
“à servir en tant que liturge de Jésus-Christ pour les peuples, assurant
comme prêtre le service de l’Évangile de Dieu, pour que les païens
deviennent une offrande agréable, sanctifiée par l’Esprit Saint”. Magister
estime à juste titre que Benoît XVI voit, dans ces mots de saint Paul, sa
propre vocation et sa mission. Selon lui, ce qui distingue les homélies du
reste du magistère du pape, c’est qu’elles font “partie d’une action
liturgique ou plutôt elles sont elles-mêmes liturgie”.
En réalité, Joseph Ratzinger-Benoît XVI est à tous égards – en raison de son
sens profond du mystère liturgique et donc de l’action liturgique, mais
aussi en raison des caractéristiques propres de sa théologie –
remarquablement équipé et pour ainsi dire “orienté” vers le ministère de
l’homélie.
Dans son
intervention improvisée du 14 octobre 2008 au
synode des évêques sur la Parole de Dieu, il
a soutenu que, dans l’exégèse actuelle, l’absence d’une herméneutique de la
foi – au profit d’une herméneutique philosophique profane “qui nie la
possibilité de l’entrée et de la présence réelle du divin dans l’histoire” –
crée “une forme de perplexité jusque dans la préparation des homélies”. En
effet, “si l’exégèse n’est pas théologie, l’Écriture ne peut être l’âme de
la théologie et, inversement, si la théologie n’est pas essentiellement
interprétation de l’Écriture dans l’Église, cette théologie n’a plus de
base”. Pour la vie et la mission de l’Église, pour l’avenir de la foi, Il
faut donc absolument surmonter le dualisme entre exégèse et théologie.
Joseph Ratzinger avait mis en pratique, en tant que théologien, cette union
intime entre exégèse et théologie avant de l’affirmer en tant que pape. Dans
son livre "Ma vie", indiquant pourquoi sa théologie différait profondément
de celle de Karl Rahner, il a écrit: “Au contraire, j’avais été surtout
marqué, justement à cause de ma formation, par l’Écriture et les Pères, par
une pensée essentiellement historique” (p. 93).
Ce caractère essentiellement
biblique, patristique, liturgique et historique de sa théologie a fait de
Joseph Ratzinger-Benoît XVI un extraordinaire prédicateur et catéchiste qui,
par la simplicité et le contenu de sa parole, rompt de manière
compréhensible pour tous le pain de la Parole de Dieu et du mystère de notre
salut.
* * *
J’ajoute une précision qui évite le risque d’une équivoque. Il ne faut
surtout pas voir le caractère essentiellement historique de la pensée du
théologien Ratzinger comme une approche historique qui laisse les mots de la
Sainte Écriture enfermés dans le passé où elles ont été écrites. Au
contraire – comme il l’explique lui-même amplement dans son livre "Jésus
de Nazareth" (pp. 12-15) – on peut et on doit percevoir, dans les mots du
passé, la question à propos de leur actualité; dans ce que dit l’homme – ici
chaque auteur biblique – on perçoit quelque chose de plus grand,
Dieu qui
nous fait connaître son visage pour notre salut.
En réalité Joseph Ratzinger élabore et fait vivre le grand patrimoine de la
foi biblique et ecclésiale dans un échange fécond avec les grandes questions
de notre époque, dont il perçoit en profondeur le sens, les origines et les
dynamismes. Voilà pourquoi ses homélies, comme ses travaux théologiques et
ses interventions magistérielles, nous interpellent et nous captivent en
tant que lumière et nourriture pour le cheminement actuel de notre vie.
Concrètement, les homélies réunies dans ce livre simple montrent comment les
textes des lectures bibliques de chaque célébration peuvent être compris
dans leur sens plein et authentique, historique et théologique, justement en
tant que partie intégrante de l’action liturgique, et comment, à partir de
leur plénitude, ils peuvent vivre dans l’actualité de la foi et nous parler.
C’est pourquoi la lecture et la méditation des homélies de Benoît XVI est
désormais pour beaucoup de prêtres une aide précieuse et presque un modèle
pour leurs propres homélies. J’ai moi-même expérimenté combien l’écoute
directe de beaucoup de ces homélies avait aidé ma prédication parce qu’elle
en a amélioré l’ancrage biblique et liturgique et qu’elle a stimulé
l’attention et la participation des fidèles. Ce livre est donc aussi une
aide pratique que tout prêtre pourra facilement se procurer afin d’avoir un
modèle dont s’inspirer pour ses homélies, pas par répétition ou imitation
servile, mais comme point de référence pour son application personnelle à
assimiler et communiquer la parole de notre salut.
* * *
Afin de rendre cette présentation un peu plus concrète, je propose pour
terminer deux exemples de contenu des homélies réunies dans ce livre.
Je prends le premier exemple dans l’homélie de
la messe chrismale du Jeudi Saint au matin. A cette messe, les prêtres renouvellent, dans les mains de
l’évêque, leur “oui” à l’appel qu’ils ont reçu de Dieu. Cette homélie nous
fait pénétrer dans la nature et la signification du ministère sacerdotal.
Benoît XVI part des mots du Deutéronome qui décrivent l’essence du sacerdoce
vétérotestamentaire: “astare coram te et tibi ministrare” –
se tenir devant
toi et te servir –, expressions qui se trouvent maintenant dans le canon II
de la messe, juste après la consécration, et indiquent donc le fait de se
tenir devant le Seigneur présent dans l’Eucharistie et centre de la vie du
prêtre.
L’homélie continue en évoquant un hymne de la Liturgie des Heures pendant le
Carême, où figure l’impératif “arctius perstemus in custodia” –
veillons de
manière plus intense –: le prêtre doit donc être quelqu’un qui veille, qui
est vigilant face aux pouvoirs menaçants du mal.
Benoît XVI approfondit ensuite le sens du service du Seigneur: dans la
célébration de l’Eucharistie, le prêtre accomplit un service pour Dieu et un
service pour les hommes, en s’inscrivant dans le don que le Christ a fait de
lui-même. Ce “service” comporte plusieurs dimensions. D’abord la célébration
correcte de la liturgie, “l’art de célébrer”, et donc la prière, qu’il faut
toujours “apprendre” de nouveau à l’école du Christ et des saints; puis la
familiarité avec la Parole de Dieu, que le prêtre doit annoncer et
expliquer, ou plutôt la familiarité avec Dieu lui-même; mais celle-ci ne
doit pas devenir une accoutumance qui effacerait le fait, bouleversant et
toujours nouveau, que Dieu est présent, qu’il nous parle et se donne à nous.
Le service qu’accomplit le prêtre signifie donc obéissance, l’obéissance de
Jésus au Jardin des Oliviers, l’obéissance de la foi qui nous rend libres
dans la communion de l’Église et dans le service de nos frères.
Second exemple :
l’homélie de la messe de la fête du Saint-Sacrement, avant
la procession eucharistique dans les rues de Rome. Dans ce cas, Benoît XVI
nous aide à comprendre le sens qu’a pour nous le Mystère eucharistique:
c’est avant tout l’unité de l’Église – et, potentiellement, de tout le genre
humain – qui s’exprime dans ce Mystère, selon ce que dit saint Paul aux
Galates (3, 28) “Il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre,
ni homme ni femme, car tous vous ne faites qu’un en Jésus-Christ”. Voilà la
“révolution chrétienne, la révolution la plus profonde de l’histoire
humaine, qui se réalise vraiment autour de l’Eucharistie”, où toutes nos
différences sont réconciliées.
Le deuxième aspect constitutif de la fête du Saint-Sacrement, c’est
le
cheminement avec le Seigneur, qui s’exprime dans la procession
eucharistique. Par le don de lui-même, le Seigneur nous libère de nos
paralysies, il nous relève et nous met en route, avec la force qui vient du
Pain de vie : en effet, sans le Dieu-avec-nous, le Dieu proche, nous ne
pouvons faire le pèlerinage de la vie, ni individuellement ni comme société
et famille des peuples.
Le troisième élément constitutif de la fête du Saint-Sacrement, c’est le
fait d’adorer à genoux le Seigneur, de reconnaître en Lui l’unique Seigneur.
Voilà le remède le plus valable et le plus radical contre les idolâtries
d’hier et d’aujourd’hui : celui qui s’agenouille devant l’Eucharistie ne peut
et ne doit se prosterner devant aucun pouvoir terrestre, si fort que
celui-ci puisse être.
Le bref résumé que je viens d’en donner ne peut rendre la beauté et la
richesse de ces deux homélies, et encore moins des autres que contient ce
livre. De nouveau, je vous invite donc cordialement à le lire et à le
méditer, pour y trouver ce réconfort de l’esprit et de la vie que seul
Jésus-Christ peut nous donner (cf. Matthieu 11, 28).
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Source
:
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou
© 1999-2008
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