Benoît XVI, méditation de l’Evangile du dimanche 5 mars
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ROME, Samedi 4 mars 2006 – Nous publions ci-dessous les commentaires de l’Evangile de ce dimanche 5 mars, proposés tout d'abord par le cardinal Ratzinger, notre bien aimé pape Benoît XVI et ensuite par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.
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Méditation de l’Evangile du dimanche 5 mars.
Vous trouverez tout d'abord une méditation, très dense, du cardinal Ratzinger, notre bien aimé pape Benoît XVI, ensuite un commentaire du même Evangile, par le P. Cantalamessa, prédicateur pontifical et pour terminer l'homélie de Benoît XVI lors du rite des Cendres, mercredi 1er mars
Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc 1,12-15.
Aussitôt l'Esprit pousse Jésus au désert.
Et dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.
Après l'arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait :
« Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. »
Cardinal Joseph Ratzinger, Pape Benoît XVI
Retraite prêchée au Vatican 1983 (trad. Le Ressuscité, DDB 1986, p.12)
«
Dans le désert, il resta quarante jours
»
En entrant dans le désert, Jésus s'insère dans l'histoire du salut de son peuple, du peuple élu.
Cette histoire, commente Benoît XVI, commence après la sortie d'Égypte, par une migration de quarante ans dans le désert. Au centre de ces quarante ans se placent
les jours du face à face avec Dieu
: ces quarante jours que Moïse a passés sur la montagne, dans le jeûne absolu, loin de son peuple, dans la solitude de la nuée, au sommet de la montagne (Ex 24,18). C'est du coeur de ces journées que jaillit la source de la Révélation.
Nous retrouvons cette durée de quarante jours
dans la vie d'Élie
: persécuté par le roi Achab, il chemine quarante jours dans le désert, revenant ainsi au point d'origine de l'alliance, à la voix de Dieu, pour un nouveau départ de l'histoire du salut (1R 19,8).
Le cardinal Ratzinger, notre pape Benoît XVI poursuit en exposant que Jésus entre dans cette histoire. Il revit les tentations de son peuple, les tentations de Moïse. Comme Moïse, il offrait l'échange sacré : être effacé du livre de la vie pour sauver son peuple (Ex 32,32).
Ainsi, poursuit Benoît XVI, Jésus sera l'Agneau de Dieu, qui porte les péchés du monde ; il sera le véritable Moïse qui est vraiment «
dans le sein du Père
» (Jn 1,18),
face à face avec lui pour le révéler.
Dans les déserts du monde, il est vraiment la source de l'eau vive (Jn 7,38), lui qui ne se contente pas de parler, mais qui est lui-même la parole de la vie :
voie, vérité et vie
(Jn 14,6).
Du haut de la croix, il nous donne l'alliance nouvelle.
Véritable Moïse, il entre par sa résurrection dans la terre promise dont Moïse s'est vu refuser l'accès et, par la clef de la croix, il nous en ouvre la porte.
« Le carême est une sorte de cure de désintoxication de l’âme »
Méditation de l’Evangile du dimanche 5 mars du père Cantalamessa
Concentrons notre attention sur la première phrase de l’Evangile : «
Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert
». Cette phrase contient un appel important au début du carême. Jésus vient à peine de recevoir, dans le Jourdain, l’investiture messianique pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, guérir les cœurs affligés, prêcher le royaume. Mais il ne s’empresse de faire aucune de ces choses. Au contraire, obéissant à une motion de l’Esprit Saint, il se retire dans le désert où il demeure pendant quarante jours, jeûnant, priant, méditant et luttant. Tout cela dans la solitude et le silence profonds.
Tout au long de l’histoire, des foules d’hommes et de femmes ont choisi d’imiter ce Jésus qui se retire dans le désert. En Orient, à commencer par saint Antoine Abbé, ils se retiraient dans les déserts d’Egypte ou de Palestine ; en Occident, où il n’existait pas de déserts de sable, ils se retiraient dans des lieux isolés, des montagnes ou des vallées à l’écart du monde.
Mais l’invitation à suivre Jésus dans le désert s’adresse à tous. Les moines et les ermites ont choisi un espace de désert. Nous devons quant à nous choisir au moins un temps de désert. Vivre un temps de désert signifie faire un peu de vide et de silence autour de nous, retrouver le chemin de notre cœur, nous soustraire au vacarme et aux sollicitations extérieures, pour entrer en contact avec les sources les plus profondes de notre être.
Bien vécu, le carême est une sorte de cure de désintoxication de l’âme
. La pollution provoquée par l’oxyde de carbone n’est pas, en effet, la seule pollution qui existe. Il existe aussi la pollution acoustique et lumineuse. Nous sommes tous un peu étourdis par le bruit et le monde extérieur. L’homme est capable d’envoyer ses sondes jusqu’à la périphérie du système solaire mais il ignore le plus souvent ce qu’il y a dans son propre cœur. S’évader, se distraire, se divertir : ce sont des mots qui indiquent tous le fait de sortir de soi-même, de se dérober à la réalité. Il existe des spectacles « d’évasion » (la TV en propose en quantité), une littérature « d’évasion ». On les appelle, de manière significative, fiction. Nous préférons vivre dans la fiction plutôt que dans la réalité. On parle beaucoup aujourd’hui d’extraterrestres, mais nous sommes nous-mêmes des « extraterrestres », victimes d’une « aliénation », sur notre propre planète. Nous n’avons pas besoin que d’autres viennent de l’extérieur.
Les jeunes sont les plus exposés à cette ivresse du bruit. « Qu’on alourdisse le travail de ces gens – disait le pharaon à propos des juifs, à ses ministres – qu’ils le fassent et ne prêtent plus attention » aux paroles de Moïse, et ne pensent pas à se soustraire à l’esclavage (cf. Ex 5, 9). Les « pharaons » d’aujourd’hui disent, de manière tacite mais non moins péremptoire : « Qu’on amplifie le bruit sur ces jeunes, que cela les étourdisse, afin qu’ils ne pensent pas, qu’ils ne décident pas par eux-mêmes, mais suivent la mode, qu’ils achètent ce que nous voulons nous, consomment les produits que nous décidons nous ».
Que faire ? Etant donné que nous ne pouvons pas aller au désert, nous devons faire un peu de désert au-dedans de nous. Saint François d’Assise nous fait à cet égard, une suggestion pratique. « Nous avons, disait-il, un ermitage toujours avec nous, où que nous allions, et chaque fois que nous le souhaitons nous pouvons nous y enfermer comme des ermites. L’ermitage est notre corps et l’âme est l’ermite qui y habite ! ». Nous pouvons entrer dans cet ermitage « portable » sans attirer l’attention de quiconque, même dans un bus bondé. Le tout est de savoir de temps à autre « rentrer en nous-mêmes ».
Que l’Esprit qui « conduisit Jésus au désert », nous y conduise également, nous assiste dans le combat contre le mal et nous prépare à célébrer Pâques, avec un esprit renouvelé
!
Liens concernant le sujet de cette page
:
Texte intégral du Message de Benoît XVI pour le Carême 2006:
Message de Benoît XVI.
Tous les liens concernant le Mercredi des cendres se retrouvent sur la page
:
Consigne de Benoît XVI, "Suivre le divin Maître",
ZF06030303
Homélie de Benoît XVI lors du rite des Cendres, mercredi 1er mars
Texte intégral
Texte intégral de l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcée au cours du rite des Cendres, qui a eu lieu dans la basilique Sainte-Sabine, sur l’Aventin, le mercredi des cendres, 1er mars.
Messieurs les Cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce !
Chers frères et sœurs !
La procession pénitentielle, par laquelle nous avons commencé la célébration d'aujourd'hui, nous a aidés à entrer dans le climat typique du carême,
qui est un pèlerinage personnel et communautaire de conversion et de renouveau spirituel.
Selon la très antique tradition romaine des
stationes
quadragésimales, au cours de ce temps, les fidèles, avec les pèlerins, se réunissent chaque jour et s'arrêtent —
statio
— devant l'une des nombreuses « mémoires » des martyrs, qui constituent les fondements de l'Eglise de Rome. La messe, précédée par une procession, au cours de laquelle on chante les litanies des saints, est célébrée dans les Basiliques où sont exposées leurs reliques. On fait ainsi mémoire de tous ceux qui, par leur sang, ont rendu témoignage au Christ, et leur évocation devient un encouragement pour chaque chrétien à renouveler son adhésion à l'Evangile. En dépit des siècles écoulés, ces rites conservent leur valeur, car ils rappellent combien il est important, notamment à notre époque, d'accueillir sans compromis les paroles de Jésus: «
Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix chaque jour, et qu'il me suive
» (Lc 9, 23).
Poursuivant , Benoît XVI a expliqué que : "L’
imposition des cendres
est un autre rite symbolique, geste propre et exclusif du premier jour du carême. Quelle est sa signification la plus profonde ? Il ne s'agit certes pas d'un simple rituel, mais de quelque chose de très profond, qui touche notre cœur. Il nous fait comprendre l'actualité de l'avertissement du prophète Joël, qui a retenti au cours de la première lecture, un avertissement qui conserve sa valeur salutaire également pour nous: aux gestes extérieurs doit toujours correspondre la sincérité de l'âme et la cohérence des œuvres. A quoi cela sert-il en effet — se demande l'auteur inspiré — de déchirer ses vêtements, si le cœur demeure éloigné du Seigneur, c'est-à-dire du bien et de la justice ? Voilà ce qui compte véritablement: retourner à Dieu, avec une âme sincèrement repentie, pour obtenir sa miséricorde (cf. Jl 2, 12-18). Un cœur nouveau et un esprit nouveau: c'est ce que nous demandons à travers le Psaume pénitentiel par excellence, le
Miserere
, dont nous chantons aujourd'hui le refrain: « Aie pitié de nous, Seigneur, car nous avons péché ». Le vrai croyant, conscient d'être pécheur, aspire de tout son être — esprit, âme et corps — au pardon divin, comme à une nouvelle créature, en mesure de lui redonner joie et espérance (cf. Ps 50, 3.5.12.14).
Un autre aspect de la spiritualité quadragésimale, a exposé le pape Benoît XVI, est celui que nous pourrions définir « de compétition », et qui ressort de la prière de la « collecte » d'aujourd'hui, où il est question d'« armes » de la pénitence et de « lutte » contre l'esprit du mal.
Chaque jour, mais en particulier au cours du carême, le chrétien doit mener
une lutte comme celle que le Christ a menée dans le désert de Judée, où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable
,
puis à Gethsémani, lorsqu’il repoussa la tentation extrême
en acceptant jusqu'au bout
la volonté du Père.
Il s'agit d'une lutte spirituelle, qui est dirigée contre le péché, et, en ultime analyse, contre satan. C'est une lutte qui engage la personne tout entière, et qui exige une vigilance attentive et constante. Saint Augustin observe que celui qui veut marcher dans l'amour de Dieu et dans sa miséricorde ne peut se contenter de se libérer des péchés graves et mortels, mais « accomplit la vérité en reconnaissant également les péchés que l'on considère moins graves et vient à la lumière en accomplissant des œuvres dignes.
Même les péchés moins graves, s'ils sont négligés, prolifèrent et conduisent à la mort
» (In Io. evang. 12, 13, 35).
Le carême nous rappelle donc que l'existence chrétienne est une lutte sans relâche, au cours de laquelle sont utilisées les « armes » de la prière, du jeûne et de la pénitence. Lutter contre le mal, contre toute forme d'égoïsme et de haine, et mourir à soi-même pour vivre en Dieu représente l'itinéraire ascétique que tout disciple de Jésus est appelé à parcourir avec humilité et patience, avec générosité et persévérance.
L'obéissance docile au Maître divin
fait des chrétiens des témoins et des apôtres de paix
. Nous pourrions dire que cette attitude intérieure nous aide à mieux mettre en évidence également quelle doit être la réponse chrétienne à la violence qui menace la paix dans le monde. Certainement pas la vengeance, ni la haine, ni même la fuite dans un faux spiritualisme. La réponse de celui qui suit le Christ est plutôt celle qui consiste à parcourir la voie choisie par Celui qui, devant les maux de son temps et de tous les temps, a embrassé la Croix avec décision, en suivant le chemin plus long et efficace de l'amour. Sur ses traces et unis à Lui, nous devons tous nous engager en vue de lutter contre le mal par le bien, contre le mensonge par la vérité, contre la haine par l'amour. Dans
L'Encyclique "DEUS CARITAS EST",
j'ai voulu, nous précise Benoît XVI, présenter cet amour comme le secret de notre conversion personnelle et ecclésiale. En me référant aux paroles de Paul aux Corinthiens, «
l'amour du Christ nous presse
» (2 Co 5, 14), j'ai souligné que « la conscience qu'en Lui Dieu lui-même s'est donné pour nous jusqu'à la mort doit nous amener à ne plus vivre pour nous-mêmes, mais pour Lui et avec Lui pour les autres » (n. 33).
L'amour, comme le souligne Jésus aujourd'hui dans l'Evangile, doit ensuite se traduire par des gestes concrets envers le prochain, en particulier envers les pauvres et les personnes dans le besoin, en faisant toujours dépendre la valeur des « bonnes actions » de la sincérité du rapport avec « le Père qui est dans les cieux », qui « voit dans le secret » et « récompensera » ceux qui font le bien de façon humble et désintéressée (cf. Mt 6, 1.4.6.18). Le caractère concret de l'amour constitue l'un des éléments essentiels de la vie des chrétiens, qui sont encouragés par Jésus à être la lumière du monde, afin que les hommes, en voyant leurs « bonnes œuvres », rendent gloire à Dieu (cf. Mt 5, 16). Cette recommandation nous apparaît très opportune au début du carême, car nous comprenons toujours plus que «
la charité n'est pas pour l'Eglise une sorte d'activité d'assistance sociale
[...]
mais elle appartient à sa nature, elle est une expression de son essence elle-même, à laquelle elle ne peut renoncer
» (
Deus caritas est, n. 25, a
). L'amour véritable se traduit en gestes qui n'excluent personne, à l'exemple du Bon Samaritain, qui, avec une grande ouverture d'esprit, aida un inconnu en difficulté, rencontré « par hasard » le long du chemin (cf. Lc 10, 31).
Benoît XVI a conclu par ces paroles: "Messieurs les Cardinaux, vénérés Frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce, chers religieux, religieuses et fidèles laïcs, que je salue avec une profonde cordialité, entrons dans le climat typique de cette période liturgique avec ces sentiments, en nous laissant illuminer et guider par la Parole de Dieu.
Au cours du carême, nous entendrons souvent retentir l'invitation à nous convertir et à croire à l'Evangile, et nous serons constamment encouragés à ouvrir notre esprit à la puissance de la grâce divine
. Mettons à profit ces enseignements que l'Eglise nous offrira en abondance au cours de ces semaines. Animés par un profond engagement de prière, décidés à accomplir un effort plus grand de pénitence, de jeûne et d'attention remplie d’amour envers nos frères, mettons nous en marche vers Pâques, accompagnés de la Vierge Marie, Mère de l'Eglise et modèle de tout disciple authentique du Christ."
Libreria Editrice Vaticana - ZF06030306
Eucharistie, Sacrement de la Miséricorde.
04.03.2006 - MEDITATION
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