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Le 03 octobre 2009 -
(E.S.M.)
- Mgr Nicola Bux publie début octobre un livre décapant : "La
réforme de Benoît XVI", qui pose les jalons entre juste réforme
et révolution, ouvrant ainsi la voie à la paix liturgique voulue
par le pape. Ce livre a suscité un vrai débat en Italie : en
sera-t-il de même en France ? Nous l’espérons et ouvrons le feu
avec cet entretien exclusif.
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Le pape Benoît XVI
célébrant ad Dominum -
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La réforme de Benoît XVI
Le 03 octobre 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
- La Nef – Vous écrivez que « la liturgie est devenue
un champ de bataille » (p. 69) : pourquoi et comment est-on arrivé
aujourd’hui à une telle situation qui a conduit à la perte du sens même de
la liturgie, vous le montrez dans votre livre ?
Mgr Nicola Bux – C’est vrai, j’ai consacré le troisième chapitre à « la
bataille de la réforme liturgique », qui, selon moi, a eu lieu en deux
étapes pendant le Concile Vatican II et après. La raison de ce conflit est
l’interprétation de la liturgie : est-elle – comme la foi même de l’Église –
en continuité avec la Tradition ou en rupture ? Le paradoxe a été que les
novateurs ont utilisé le modèle de l’Église primitive pour soutenir la
nécessité des changements dans la liturgie, exactement comme ont fait les
traditionalistes pour laisser les choses en état. Nous sommes devant le même
« péché » : l’archéologisme, déjà dénoncé par le pape Pie XII dans Mediator
Dei (1947).
Quelles mesures correctives peut-on prendre pour éviter de perdre l’esprit
de la liturgie qui est une rencontre avec le mystère à travers la tradition
de l’Église, corps vivant du Christ ? On doit comprendre que le
développement de la liturgie s’opère organiquement et de façon presque
imperceptible. Pour sortir de l’impasse actuelle, on doit étudier
Sacrosanctum Concilium et examiner de manière critique son application
post-conciliaire. Mais c’est surtout la « paix » que Benoît XVI a proposée à
travers le motu proprio Summorum Pontificum, paix qui peut aider à résoudre
la querelle liturgique : il invite à étudier l’histoire, la doctrine et la
discipline de la liturgie et à proposer à toutes les générations une
nouvelle compréhension de la liturgie. Car l’ignorance est toujours mère de
la partialité.
À plusieurs reprises dans votre livre, vous semblez
vouloir minimiser le rôle du pape Paul VI dans la réforme (cf. p. 101-102),
comme si celle-ci lui avait échappé : Paul VI ayant suivi les étapes de la
réforme de très près, n’est-ce pas un artifice pour le disculper de sa
responsabilité dans la catastrophe liturgique qui a suivi la réforme ?
Comme nous le savons, le rôle du pape Paul VI a été très important au
Concile Vatican II : c’est grâce à sa modération que l’œuvre du Concile a pu
atteindre sa fin. Nous savons également que, sur les questions liturgiques,
il a apporté quelques corrections à l’Ordo Missae de 1969. Lors de la
célèbre homélie du 29 juin 1972, il évoquait les « fumées de Satan » qui ont
pénétré dans l’Église : donc il savait bien que la réforme avait subi des
abus. Bien sûr, sans la direction ou l’approbation du pape, le Consilium ad
exsequendam Constitutionem de sacra liturgia n’aurait pas eu la possibilité
d’avancer. Des ouvrages récents et sérieux publiés en Italie confirment
cette analyse.
La liturgie, dans le cadre de la Tradition de l’Église, comme il est dit
dans le préambule du motu proprio
Summorum Pontificum, ne peut être que
préservé, conservé et respecté par l’autorité suprême jusqu’au pape lui-même
; même le Concile Vatican II ne pouvait agir différemment quand il a
commencé à renouveler la liturgie.
Vous écrivez : « la réforme liturgique n’est pas
parfaite, et elle n’est pas encore achevée » (p. 157)
: vous visez là l’idée
lancée par le cardinal Ratzinger d’une « réforme de la réforme ». Mais ne
peut-on pas dire plutôt que la réforme est allée trop loin, au-delà des vœux
des Pères conciliaires ? Et émettre l’idée que la réforme n’est pas achevée,
n’est-ce pas entretenir un état d’esprit de changement permanent dont nous
avons déjà trop souffert ?
La liturgie est vivante dans l’Église vivante, parce que l’Église est semper reformanda ; on peut penser que la liturgie marche avec elle. C’est la
raison pour laquelle une réforme liturgique ne peut jamais être définitive.
À condition toutefois de bien entendre le mot « reforme » qui ne signifie
pas « révolution » : c’est plutôt une mise en forme de quelque chose qui
risque de se déformer. C’est comme la restauration d’une fresque précieuse
en péril. De Pie X jusqu’à Pie XII, donc avant le Concile Vatican II, il y a
eu des étapes de restauration de la liturgie, ce mouvement n’est donc pas
achevé une fois pour toutes. Le mot traditio vient du verbe tradere, qui
indique un mouvement, le mouvement du Saint Esprit au sein même de l’Église
du Christ, c’est lui qui « renouvelle toutes choses ». Il faut donc parler
d’un changement ou d’un développement organique de la liturgie.
Votre dernier chapitre évoque « un nouveau mouvement
liturgique » : comment voyez-vous un tel mouvement émerger et quel en serait
le but ? Si l’on parvient grâce à ce mouvement liturgique à « l’achèvement
de la réforme », cela conduira-t-il à terme à retrouver l’unité du rite
romain ou deux formes de ce même rite sont-elles amenées à cohabiter encore
longtemps ?
Nous pouvons voir ce mouvement liturgique sortir de l’amour de la tradition
de l’Église que de nombreux jeunes ont découvert. Le pape Benoît XVI a donné
un élan à ce mouvement avec la patience de l’amour, bien sûr en liaison avec
le mouvement liturgique du XIXe siècle et de la première partie du XXe
siècle. Le but sera la redécouverte du rite romain comme lui-même l’avait
écrit dans la lettre au professeur Lothar Barth. Pour l’heure, ainsi que le
pape l’a écrit dans le
Motu Proprio, les deux formes ordinaire et
extraordinaire doivent s’enrichir mutuellement, ce qui suppose que les
prêtres apprennent à célébrer l’une et l’autre formes du même rite romain.
Vous démontrez (p. 113-122) que la messe dite de saint
Pie V n’a jamais été abrogée, ainsi que Benoît XVI l’a confirmé dans
Summorum Pontificum, alors que le pape Paul VI lui-même a dit explicitement
le contraire dans son discours du 24 mai 1976 (que vous citez) : comment
expliquer cette contradiction ?
La déclaration de Paul VI dans son discours – « Le nouvel Ordo a été
promulgué pour remplacer l’ancien » – ne signifie pas l’abrogation du missel
romain de saint Pie V, mais son interdiction. Cette interprétation justifie
l’indult de Jean Paul II, qui est un dispositif juridique qui permet l’usage
de ce qui était interdit. Le mot abrogation en latin signifie suppression ou
destruction : peut-on imaginer que le pape Paul VI ait voulu détruire le
vénérable Missel de saint Pie V, son prédécesseur ? Benoît XVI, dans le motu
proprio, a interprété de cette façon la question : la messe de saint Pie V –
que nous pouvons appeler « messe de saint Grégoire le Grand » – est passée
d’une situation extraordinaire, l’indult, à une situation ordinaire, celle
du motu proprio.
Pourtant, de la réflexion canonique sur les précédents termes de la loi, on
tire la conséquence que le motu proprio donne à la « question liturgique »
un statut entièrement nouveau, parce qu’il la replace sur un plan
théologique et doctrinal – et à notre avis également historique ; c’est le
principal avantage de la nouvelle formulation contenue dans l’art. 1. Autre
avantage, signalé par le professeur Antonio S. Sánchez-Gil : considérer
l’ancien Missel et le nouveau non pas « comme deux systèmes juridiques ou
incommunicables », mais comme deux expressions liturgiques de l’unique lex
orandi du rite romain qui peuvent s’enrichir mutuellement, de même qu’on
devrait enrichir, intégrer et réviser l’ars celebrandi. Telle est donc la
principale et importante nouveauté du motu proprio, car la réforme s’inscrit
à nouveau dans la tradition qui demeure notre guide.
« Ce changement d’orientation dans la liturgie a
provoqué une dérive de la foi elle-même » (p. 31), écrivez-vous :
pourriez-vous vous expliquer là-dessus et nous dire pourquoi le retour à une
célébration « versus Deum » serait de nature à changer l’esprit actuel de la
liturgie ?
Le culte divin, c’est-à-dire la sacrée et divine liturgie, est la rencontre
de Dieu avec l’homme. Dieu prend toujours l’initiative, lui, le Seigneur de
l’histoire et du cosmos, il nous précède toujours : avec sa catàbasi
(descente), il nous parle et nous sauve. N’est-ce pas l’esprit de la
liturgie de l’Orient et de l’Occident, la liturgie de la terre comme celle
du ciel ? Depuis les origines jusqu’à aujourd’hui, le prêtre, en Orient,
célèbre ad Dominum et les gens n’ont jamais pensé qu’il leur tournait ainsi
le dos ! Comment pouvons-nous être sursum corda, c’est-à-dire ad Dominum, si
le prêtre est face à nous et catalyse notre attention ? Cela est très
difficile d’un point de vue psychologique. Nous pouvons penser avec le pape,
que la foi et la prière retrouveront ce sens de l’orientation si la Croix
est à nouveau au centre, attirant l’attention du regard du prêtre et des
fidèles. Et l’on peut ajouter que l’orientation du célébrant ad Dominum
est
un geste œcuménique envers les orthodoxes !
Vous insistez beaucoup dans votre livre sur le sens du
sacré de la liturgie, sur l’importance de la beauté, des gestes et symboles
(comme l’agenouillement par exemple) : comment ce sens du sacré a-t-il été
perdu et comment le réintroduire dans la liturgie actuelle ?
Entre les juifs et les chrétiens, quand il s’agit de sacré, ils se réfèrent
à la Présence tout court (shekinah en hébreu)
de Dieu dans le Sancta
Sanctorum, c’est-à-dire le Sanctissimum. Le geste classique de la
reconnaissance de la présence divine est l’agenouillement : il s’agit
d’adoration. La perte du sens de la présence du
Seigneur dans l’Église a produit la perte du sens de la liturgie en tant que
culte. Pour le recouvrer, la place du tabernacle est très importante
! Sur ce point, une réflexion et un débat seront nécessaires pour résoudre certaines
contradictions que l’on trouve dans les instructions post-conciliaires,
comme je l’indique dans mon livre.
En abordant le motu proprio Summorum Pontificum, vous
justifiez l’analyse de Benoît XVI sur le fait qu’il ne peut y avoir de «
rupture » dans la liturgie : comment conciliez-vous cette affirmation avec
les propres écrits du cardinal Ratzinger qui a plusieurs fois parlé de
rupture et de « liturgie fabriquée » ou, plus concrètement, avec ce qui a
été vécu par de nombreux fidèles qui ont vu la messe se transformer
brutalement ?
Le pape, dans le motu proprio, décrit la liturgie de l’Église à travers les
siècles en continuité avec l’âge apostolique, parce la liturgie est avant
tout apostolique. Lorsque Benoît XVI a parlé de rupture ou de liturgie
fabriquée, il voulait dire que la « connexion » a été interrompue.
La valeur
sacrificielle de la messe a été remplacée par la mémoire du dernier repas du
Jeudi Saint : voilà la principale rupture. Paul VI lui-même a corrigé cette
hérésie dans l’editio typica première du Missel romain
(art. 7) ; bien sûr,
la messe est aussi un repas, mais le repas pascal, c’est-à-dire avec l’Agneau
de Dieu immolé pour nous. Donc la divine liturgie, comme on dit en Orient,
est un « repas mystique » au Corps sacrifié et au Sang répandu in remissionem peccatorum. Le livre de l’Apocalypse décrit aussi la liturgie
éternelle, représentée sur la terre par la liturgie de l’Église. L’aspect
fraternel, ou mieux communionel de la messe, dépend uniquement de ce
mystère.
Comment voyez-vous l’application concrète de ce motu
proprio avec le recul de deux années d’expérience et qu’en attendez-vous à
l’avenir ?
Tout le monde sait qu’au début le geste du Saint-Père a été accueilli de
façon variée. Il s’est surtout ouvert un débat « pour » ou « contre », mais,
dans le même temps, nombre de prêtres et d’évêques ont commencé à célébrer
la messe dans la forme extraordinaire. Donc, la mise en œuvre effective du
motu proprio repose sur la force de l’exemple, sans aucune restriction. Nous
pouvons cependant espérer que la forme extraordinaire se développera avec
les nouvelles générations de prêtres qui devront reprendre l’étude du latin
et de la messe de « saint Grégoire le Grand ». Nous avons besoin de beaucoup
de patience, celle de l’amour, comme l’avait déjà dit le Saint-Père, encore
cardinal, dans son célèbre Entretien sur la foi de 1985.
En France, on a l’impression que la réintroduction
dans les paroisses de la messe de « saint Grégoire le Grand », comme vous
dites, pose un problème insurmontable, au point que beaucoup d’évêques
freinent des quatre fers : pourquoi une telle peur, est-ce la même chose en
Italie ?
Dans le motu proprio, le pape rassure les évêques pour qu’ils n’aient pas
peur d’introduire dans les paroisses de leur diocèse la forme
extraordinaire, parce qu’elle ne sera pas une cause de divisions mais
d’enrichissement. Voici une réflexion : aujourd’hui, nous n’avons pas peur
d’inviter les chrétiens à comprendre les différentes religions et leurs
cultes : évidemment, nous les estimons adultes, capables d’évaluer la
situation sans scandale. Pourquoi devrions-nous croire les fidèles
incapables de comprendre l’unité dans la diversité, inaptes à appréhender la
richesse du patrimoine du rite romain ?
Peut être que la situation est différente en Italie, parce que l’application
de la réforme y a été plus équilibrée. En Italie aussi, plusieurs prêtres et
évêques ont commencé à célébrer selon le missel de 1962 : on peut donc
penser à une bonne évolution, lente mais inexorable.
Vous évoquez souvent dans votre livre la liturgie
byzantine : comment a-t-elle évolué au cours des âges ? A-t-elle connu une
réforme comparable à celle de 1969 pour le rite romain ? Comment les
Orientaux perçoivent-ils notre réforme ?
Pour commencer je voudrais rappeler l’exhortation œcuménique de Jean Paul II
: « L’Église doit respirer à deux poumons : celui de l’Orient et de l’Occident
». Cette phrase est souvent citée par les « œcuménistes » comme un exemple
de la nécessité d’intégration entre les deux traditions. Mais, lorsque nous
arrivons à la liturgie – qui est pars magna de la tradition chrétienne –, on
entend les « distinguos » ou plutôt la prise de distance de quelques
spécialistes latins de liturgie orientale qui, par exemple, à propos de
l’orientation du prêtre, affirment que le rite romain est une voie autre que
celle du rite byzantin : c’est vrai historiquement, mais ne devrions-nous
pas essayer de maintenir l’unité ou la rechercher ? Si des « œcuménistes »
catholiques blâment l’Église latine de nous avoir éloigné de l’Orient
lorsqu’elle a proclamé les dogmes de l’Immaculée Conception et de l’Assomption
de la Vierge Marie, ne devons-nous pas également déplorer le fait que, dans
le domaine liturgique, nous avons banni des gestes provenant de l’« Église
indivise », comme la prière du prêtre ad Orientem ou la Communion dans la
bouche ? N’est-ce pas une contradiction ? Si nous défendons les principes de
l’Église primitive, fort bien, mais l’orientation en fait partie. Ne
sommes-nous pas archéologistes ou modernistes selon ce qui nous convient ?
Cela étant dit, nous pouvons voir que la liturgie byzantine a évolué en un
système cohérent, d’abord avec la tradition apostolique et, ensuite, avec la
culture de Byzance, mais en conservant l’unité entre les trois dimensions :
le rite, la disposition architectonique et iconographique, l’ermêneia,
c’est-à-dire l’herméneutique des symboles liturgiques ou mystagogie. Donc,
elle n’a pas connu une réforme comparable à celle du 1969 pour le rite
romain. En Russie, au début du siècle dernier, le patriarche Nikon a tenté
de réformer les livres liturgiques, mais les fidèles ont complètement rejeté
le projet de réforme avec une grande violence. Peut-être est-ce cette
expérience qui explique l’attitude favorable des orthodoxes à la réforme de
Benoît XVI. Nous savons que le défunt patriarche Alexis a exprimé son
approbation du motu proprio, disant que la redécouverte de la tradition
réconcilie les chrétiens entre eux.
Que peut nous apporter l’exemple de la liturgie
byzantine aujourd’hui ?
Jean Paul II a publié la lettre apostolique Orientale lumen en 1995 dans
laquelle il a exhorté les chrétiens à se tourner vers l’Orient d’où venait
Jésus-Christ : l’Orient avec toute sa richesse de doctrine, de liturgie et
de sainteté. Nous savons que pendant les soixante-dix ans du communisme, les
chrétiens de l’Est ont réussi à survivre grâce à la divine liturgie célébrée
constamment dans des situations difficiles en raison de la destruction d’un
grand nombre d’églises. Quel enseignement en tirer ? Que la liturgie est «
fons et culmen » de la vie de l’Église sur la terre, parce qu’elle ne vient
pas d’ici-bas mais du Ciel. C’est la raison pour laquelle le Concile Vatican
II a souligné que la liturgie a une partie immuable d’institution divine :
c’est sur cette partie qu’il faut concentrer les recherches. Le rite
byzantin, avec sa vision de la liturgie comme « Ciel sur la terre »,
pourrait nous aider à découvrir aussi l’aspect mystique de la liturgie
latine. Mais pour les catholiques qui ne connaissent pas ou ne peuvent
facilement accéder à la liturgie byzantine, la messe de « saint Pie V », ou
mieux de « saint Grégoire le Grand » – qualifiée de forme extraordinaire du
rite romain –, suffit pour appréhender la tradition liturgique latine. Les
chrétiens byzantins (orthodoxes et catholiques)
ont pendant l’année
liturgique l’opportunité de participer à la « liturgie de saint Jean
Chrysostome », à celle « de saint Basile », ou encore à celle « des
Présanctifiés » : c’est bien une pluralité dans le même rite.
La liturgie byzantine nous donne donc un bon exemple d’unité et de pluralité
sans aucune rupture ou division, parce que la tradition de la foi qui nous
donne la liturgie est unique et que celle-ci ne peut se développer que par
un enrichissement, jamais par un appauvrissement. Il n’y a donc aucun
scandale si le pape, dans le motu proprio, propose, sans l’imposer,
l’utilisation des deux formes du même rite romain.
Propos recueillis par Christophe Geffroy
Une contribution essentielle
Mgr Nicola Bux est un proche de Benoît XVI qui l’a récemment nommé
conseiller des Cérémonies pontificales. C’est un liturgiste chevronné,
spécialiste des rites orientaux. Son livre a été salué en Italie, à tel
point que sa traduction espagnole a été préfacée par le nouveau préfet de la
Congrégation pour le Culte divin, le cardinal Canizarès lui-même (préface
reproduite en… postface de la présente édition en français). C’est un livre
assez petit par la taille, mais dense et puissant qui s’inscrit sans
conteste dans ce « nouveau mouvement liturgique » souhaité par le pape
Benoît XVI et auquel Mgr Bux consacre son dernier chapitre.
Sans jamais verser dans la critique systématique ni dans la remise en cause
des fondements de la réforme liturgique de 1969, Mgr Bux n’en dresse pas
moins un tableau sévère de la situation liturgique actuelle :
c’est bien le
sens même de la liturgie que tout un peuple a perdu par la faute de ses
pasteurs. Dans ce contexte, la reconnaissance du droit de cité de l’ancien
missel, voulue par le pape Benoît XVI dans le motu proprio Summorum
Pontificum, est bien plus qu’un acte de justice rendu à des prêtres et
fidèles attachés à cette forme liturgique : elle remet à l’honneur un trésor
de l’Église qui est de nature à aider au grand mouvement de resacralisation
de la liturgie que le pape appelle de ses vœux. Elle dépasse donc de loin le
périmètre du monde traditionaliste.
Mgr Bux ne vient d’ailleurs nullement de ce monde-là. Un des intérêts de son
livre est qu’il prend de la hauteur par rapport aux querelles liturgiques
passées et qu’il apporte une véritable compétence liturgique pour faire
avancer les choses. En conclusion de son analyse, il évoque cinq «
déformations » issues de la réforme :
1) « La transformation de la liturgie, faite de prière ou de dialogue avec
Dieu, en exhibition d’acteurs et en torrents de paroles. Cette déformation
est favorisée par la position du prêtre ».
2) « La substitution du concept de sacrifice par celui de repas ».
3) « La confusion produite par le fait de dire l’anaphore versus populum, ce
qui a contribué à renforcer l’idée que la messe est un repas fraternel ».
4) « La disparition totale du latin ».
5) « La révolution “artistique” qui a eu les effets suivants : l’autel a
changé de forme ; il est devenu une table. Le tabernacle a été décentré et
remplacé par le siège du prêtre, toujours plus visible » (p. 168-169).
Ce livre d’une réelle qualité, après d’autres comme ceux des Pères Nichols,
Lang ou Cassingena-Trévedy, montre que la réflexion sur la liturgie s’étend
dans l’Église, condition nécessaire pour l’avènement d’un véritable nouveau
mouvement liturgique. À lire et méditer d’urgence.
Christophe Geffroy
La réforme de Benoît XVI. La liturgie entre innovation et
tradition, de Mgr Nicola Bux, préface de Mgr Marc Aillet, postface du
cardinal Canizarès, Tempora, 2009, 208 pages, 17,90 euros.
Sources : sur le site du très bon
mensuel de "La Nef"
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 03.10.2009 -
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