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Jésus de Nazareth de Benoit XVI Tome III
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Le 03 mars 2023 -
(E.S.M.)
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Cependant, dans le récit de l'apparition de l'archange Gabriel à
l'heure de l'offrande du soir, on peut certainement voir une
référence à Daniel, à la promesse de la justice éternelle qui entre
dans le temps. De cette façon, il y serait donc dit : le temps est
accompli. L'événement caché, advenu durant l'offrande du soir de
Zacharie et non perçu par le vaste public du monde, indique en
réalité l'heure eschatologique — l'heure du salut.
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Nativité de Saint Jean Baptiste
- Le Tintoret 1563 -
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Jésus de Nazareth de Benoit XVI Tome III
L'annonce de la naissance de
Jean
Après ces réflexions de fond, le moment d'écouter les
textes eux-mêmes est maintenant arrivé. Nous nous trouvons face à deux
groupes narratifs avec des différences caractéristiques et pourtant avec de
grandes affinités entre eux : l'annonce de la
naissance et de l'enfance du Baptiste et l'annonce de la naissance de Jésus
comme Messie, de Marie.
L'histoire de Jean est enracinée de manière particulièrement
profonde dans l'Ancien Testament. Zacharie est prêtre de la classe d'Abia.
Elisabeth, sa femme, est elle aussi d'origine sacerdotale : c'est une
descendante d'Aaron (cf. Lc 1, 5). Selon le droit
vétérotestamentaire, le ministère des prêtres est lié à l'appartenance à la
tribu des fils d'Aaron et de Lévi. Donc, Jean-Baptiste
est prêtre. En lui, le sacerdoce de l'Ancienne Alliance va vers Jésus
; il devient un renvoi à Jésus, une annonce de sa mission.
Il me semble important qu'avec Jean le sacerdoce de
l'Ancienne Alliance tout entier devienne une prophétie de Jésus, et ainsi —
avec son haut sommet théologico-spirituel, le Psaume 118 — renvoie à
lui et commence à faire partie de ce qui lui est propre. Si, de façon
unilatérale, on accentue l'opposition entre le culte sacrificiel
vétérotestamentaire et le culte spirituel de la Nouvelle Alliance (cf. Rm
12, 1), on perd de vue cette ligne comme aussi la dynamique intrinsèque
du sacerdoce vétérotestamentaire qui non seulement avec Jean, mais déjà dans
le développement de la spiritualité sacerdotale défini par le Psaume 118,
est un chemin vers Jésus-Christ.
Ce qui caractérise Zacharie et Elisabeth dans le verset
suivant de l'Évangile de Luc (1, 6) oriente aussi dans la même
direction de l'unité interne des deux Testaments. De chacun des deux on dit
qu'ils « étaient justes devant Dieu, et ils suivaient,
irréprochables, tous les commandements et observances du Seigneur ».
À l'occasion de la rencontre avec la figure de saint Joseph nous
considérerons de plus près l'attribut « juste », dans lequel est résumée
toute la spiritualité de l'Ancienne Alliance. Les « justes » sont des
personnes qui vivent vraiment de l'intérieur les prescriptions de la Loi —
des personnes qui, du fait qu'elles sont justes selon la volonté révélée de
Dieu, avancent sur leur chemin et créent un espace pour le nouvel agir du
Seigneur. En eux, l'Ancienne et la Nouvelle Alliance s'interpénètrent
mutuellement, s'unissent pour former une unique histoire de Dieu avec les
hommes.
Zacharie entre dans le Temple, dans l'espace sacré, alors que
le peuple demeure dehors et prie. C'est l'heure du sacrifice du soir, durant
lequel il met l'encens sur le charbon incandescent. Le parfum de l'encens
qui monte vers le haut est un symbole de la prière : « Que monte ma prière,
en encens devant ta face, les mains que j'élève, en offrande du soir », dit
le Psaume 141, 2. L'Apocalypse décrit ainsi la liturgie du
Ciel : les quatre Vivants et les vingt-quatre Vieillards avaient « chacun
une harpe et des coupes d'or pleines de parfums, les prières des saints »
(5, 8). En ce moment où la liturgie céleste et la liturgie terrestre
s'unissent, « un ange du Seigneur », dont le nom, pour le moment, n'est pas
encore mentionné, apparaît au prêtre Zacharie. Il se tient debout « à droite
de l'autel de l'encens» (Lc 1, 11). Erik Peterson décrit ainsi la
situation : « C'était au côté méridional de l'autel. L'ange se tenait entre
l'autel et le chandelier à sept branches. Sur le côté gauche de l'autel, le
côté septentrional, se trouvait la table avec les pains de l'offrande » (Lukasevangelium
p. 22).
Le lieu et l'heure sont sacrés : la nouvelle avancée de
l'histoire du salut est totalement intégrée dans les règlements de
l'Alliance divine du Sinaï. Dans le Temple lui-même, durant sa liturgie,
commence la nouveauté : la continuité intérieure de l'histoire de Dieu avec
les hommes se manifeste de manière extrêmement forte. Cela correspond à la
fin de l'Évangile de Luc, où le Seigneur, au moment de son ascension au
Ciel, commande aux disciples de retourner à Jérusalem pour recevoir là le
don de l'Esprit Saint et de là porter l'Evangile dans le monde (cf. Lc
24, 49-53).
En même temps, cependant, nous devons voir la différence
entre l'annonce de la naissance du Baptiste à Zacharie et l'annonce de la
naissance de Jésus à Marie. Zacharie, le père du Baptiste, est prêtre et il
reçoit le message dans le Temple, durant sa liturgie. La provenance de Marie
n'est pas mentionnée. L'ange Gabriel lui est envoyé par Dieu. Il entre dans
sa maison à Nazareth - dans une ville inconnue des Saintes Écritures ; dans
une maison que nous devons certainement imaginer très humble et très simple.
Le contraste entre les deux scènes ne pourrait pas être plus grand : d'une
part, le prêtre, le Temple, la liturgie, de l'autre une jeune femme
inconnue, une petite ville inconnue, une maison privée inconnue.
Le signe de la Nouvelle Alliance est l'humilité, le
fait d'être caché : le signe de la graine de moutarde. Le Fils de
Dieu vient dans l'humilité. Les deux choses vont ensemble : la profonde
continuité dans l'histoire de l'action de Dieu et la nouveauté de la graine
de moutarde cachée.
Revenons à Zacharie et à l'annonce du message de la naissance
du Baptiste. La promesse a lieu dans le contexte de l'Ancienne Alliance
quant au milieu, mais pas uniquement ; tout ce qui est dit et arrive ici est
pénétré de paroles de la Sainte Ecriture, comme nous l'avons relevé tout à
l'heure. C'est seulement au moyen des nouveaux événements que les Paroles
acquièrent leur sens plein et, inversement, les événements possèdent une
signification permanente, parce qu'ils naissent de la Parole, qu'ils sont
Parole accomplie. Deux groupes de textes vétérotestamentaires s'accordent
ici dans une nouvelle unité.
Il y a avant tout les histoires analogues de la promesse d'un
fils engendré de parents stériles, qui ainsi apparaît justement comme donné
par Dieu lui-même. Nous pensons surtout à l'annonce de la naissance d'Isaac,
de l'héritier de cette promesse donnée par Dieu à Abraham : « Le Seigneur
dit : "Je reviendrai vers toi l'an prochain ; alors ta femme Sara aura un
fils." [...] Or Abraham et Sara étaient vieux, avancés en âge, et Sara avait
cessé d'avoir ce qu'ont les femmes. Donc, Sara rit en elle-même [...]. Mais
le Seigneur dit à Abraham : "Pourquoi Sara a-t-elle ri ? [...] Y a-t-il rien
de trop merveilleux pour le Seigneur ?" » (Gn 18, 10-14). Le récit de
la naissance de Samuel est aussi très proche. Anne, sa mère, était stérile.
À la suite de sa prière passionnée, le prêtre Eli lui avait promis que Dieu
exaucerait sa demande. Elle tomba enceinte et consacra son fils Samuel au
Seigneur (cf. 1 S 1). Jean se situe donc dans la longue ligne de ceux
qui sont nés de parents stériles grâce à une intervention prodigieuse de la
part de ce Dieu à qui rien n'est impossible. Puisqu'il provient de Dieu
d'une façon particulière, il appartient totalement à Dieu et, d'autre part,
c'est précisément pour cette raison qu'il est entièrement à la disposition
des hommes pour les conduire à Dieu.
Si au sujet de Jean on affirme : « II ne boira ni vin ni
boisson forte » (Lc 1, 15), il est aussi introduit par là dans la
tradition sacerdotale. « Pour les prêtres consacrés à Dieu vaut la norme :
"Quand vous venez à la Tente de la Rencontre, toi et tes fils avec toi, ne
buvez ni vin ni autre boisson fermentée ; alors vous ne mourrez pas. C'est
pour tous vos descendants une loi perpétuelle" (Lv 10, 9) » (Stöger,
p. 31). Jean qui « sera rempli d'Esprit Saint dès le sein de sa mère » (Lc
1,15) vit, pour ainsi dire, toujours « dans la Tente de la Rencontre », il
est prêtre non seulement à certains moments mais dans la totalité de son
existence, annonçant ainsi le nouveau sacerdoce qui apparaîtra avec Jésus.
À côté de cet ensemble de textes, tiré des livres historiques
de l'Ancien Testament, quelques textes prophétiques des livres de Malachie
et de Daniel influencent l'entretien de l'ange avec Zacharie.
Écoutons tout d'abord Malachie : « Voici que je vais
vous envoyer Élie le prophète, avant que n'arrive le Jour du Seigneur, grand
et redoutable. Il ramènera le cœur des pères vers leurs fils et le cœur des
fils vers leurs pères » (3, 23 sq.). « Voici que je vais envoyer mon
messager, pour qu'il fraye un chemin devant moi. Et soudain il entrera dans
son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez ; et l'ange de l'alliance que
vous désirez, le voici qui vient ! dit le Seigneur Sabaot » (3, 1). La
mission de Jean est interprétée selon la figure d'Élie : il n'est
pas Elie, mais il vient avec l'esprit et la puissance du grand
prophète. En ce sens, il accomplit justement dans sa mission l'attente selon
laquelle Élie serait revenu et aurait purifié et relevé le peuple de Dieu,
l'aurait préparé pour l'arrivée du Seigneur lui-même.
Ainsi Jean, d'un côté, est inséré dans la catégorie des prophètes, de
l'autre, cependant, il est en même temps élevé au-delà d'elle, puisque
l'Élie qui est sur le point de revenir est le précurseur de l'arrivée de
Dieu lui-même. Ainsi, dans ces textes, la figure de Jésus, son arrivée, est
tacitement mise au même niveau que l'arrivée de Dieu lui-même. Avec Jésus le
Seigneur lui-même arrive et il confère ainsi à l'histoire sa direction
définitive.
Le prophète Daniel est la seconde voix prophétique qui
se trouve en arrière-fond de notre récit. C'est seulement dans le Livre de
Daniel que se trouve le nom de Gabriel. Ce grand messager de Dieu apparaît
au prophète « à l'heure de l'oblation du soir » (9, 21) pour apporter des
informations sur le destin futur du peuple élu. Face aux doutes de Zacharie,
le messager de Dieu se révèle comme « Gabriel qui [se tient] devant Dieu » (Lc
1, 19).
Dans le Livre de Daniel, les mystérieuses indications
de nombres sur les prochaines grandes difficultés et sur le temps du salut
définitif — dont l'annonce au milieu des détresses est la véritable tâche de
l'archange — font partie des révélations transmises par Gabriel. La pensée
aussi bien juive que chrétienne s'est à maintes reprises intéressée à ces
nombres chiffrés. La prédiction des soixante-dix semaines qui « sont
assignées pour ton peuple et ta ville sainte pour [...] introduire éternelle
justice... » (9, 24) a suscité une attention particulière. René Laurentin a
cherché à montrer que le récit de l'enfance chez Luc suivait une chronologie
précise selon laquelle, de l'annonce à Zacharie jusqu'à la présentation de
Jésus au Temple, quatre cent quatre-vingt-dix jours se seraient passés,
c'est-à-dire soixante-dix semaines de sept jours (cf. Structure et
théologie de Luc /-//, p. 49 sq.}. Doit demeurer ouverte la question de
savoir si Luc a sciemment construit une telle chronologie.
Cependant, dans le récit de l'apparition de l'archange
Gabriel à l'heure de l'offrande du soir, on peut certainement voir une
référence à Daniel, à la promesse de la justice éternelle qui entre dans le
temps. De cette façon, il y serait donc dit : le temps est accompli.
L'événement caché, advenu durant l'offrande du soir de Zacharie et non perçu
par le vaste public du monde, indique en réalité l'heure eschatologique —
l'heure du salut.
A SUIVRE ...
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Jésus de Nazareth : Le regard nouveau de Benoît XVI :
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Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -
E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 03.03.2023
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