Benoît XVI déclare que Dieu est "Raison
créatrice et Raison-Amour" |
 |
Rome, le 02 février 2008 - Lorsqu’il étudie la biologie, les
mathématiques ou la géographie, l’élève doit se sentir explorateur de la
réalité créée par ce Dieu qui est « Raison
créatrice et dans le même temps, Raison-Amour », comme l'a
indiqué le pape Benoît XVI dans le texte qu'il se disposait à lire à
l'université de la Sapienza.
|
Benoît XVI déclare que Dieu est "Raison créatrice et Raison-Amour"
L’école, la foi et la raison
Alors que Mgr Cattenoz a remis sur le devant de la
scène médiatique l’école catholique comme enjeu fondamental, qu’est-ce qui,
à la lumière de l’enseignement de l’Église, caractérise une école catholique
? Celle-ci doit contribuer au rétablissement d’un juste rapport entre la foi
et la raison.
L’école catholique n’a trop souvent de catholique que le nom. Mgr Cattenoz
l’a dit avec force. Ce constat est aujourd’hui unanimement admis. En
revanche, on peine à s’entendre sur ce qui fait la catholicité d’une école.
Quel changement faudrait-il introduire pour que les écoles deviennent
catholiques au sens plein du terme ? Suffit-il d’instaurer un catéchisme qui
enseigne sans complexe ce que nous devons croire, faire et espérer ? Faut-il
ajouter à cela un aumônier qui vienne régulièrement enseigner et dispenser
les sacrements dans l’école ? Cette réforme-là est déjà amorcée dans un
nombre minoritaire mais croissant d’établissements de l’Enseignement
catholique. Mais après tout, de telles possibilités existent aussi dans les
écoles publiques, puisqu’elles sont légalement habilitées à accueillir et
rémunérer un aumônier (La loi du 9 décembre 1905 de
séparation de l’Église et de l’État prévoit, dans son article 2, « pourront
toutefois être inscrites audits budgets, les dépenses relatives à des
services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes
dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices,
asiles et prisons. »). Elles n’en sont pas catholiques pour
autant !
Et si l’on ajoutait à cela la prière du matin, le bénédicité et la présence
accrue de thèmes religieux dans les matières profanes, obtiendrait-on enfin
une école catholique ?
Tous ces « ingrédients », pour utiles qu’ils soient, ne sont pas suffisants.
Apporter une réponse est un exercice particulièrement ardu : la Congrégation
pour l’éducation catholique a publié à ce propos pas moins de sept textes en
dix ans : L’école catholique (19 mars 1977) ; Le laïc catholique témoin de
la foi dans l’école (15 octobre 1982) ; Orientations éducatives sur l’amour
humain. Traités d’éducation sexuelle (1er novembre 1983) ; Dimension
religieuse de l’éducation dans l’école catholique (7 avril 1988) ; L’école
catholique au seuil du troisième millénaire (28 décembre 1997) ; Les
personnes consacrées et leur mission dans l’école. Réflexions et
orientations (28 octobre 2002) et tout récemment, Éduquer ensemble dans
l’école catholique, mission partagée par les personnes consacrées et les
fidèles laïcs (novembre 2007).
Dans cet article, nous ne ferons qu’aborder la seule question de la place
respective de la foi et de la raison dans l’enseignement. Mais il est clair
que les dimensions suivantes sont également déterminantes pour l’école
catholique : nature de la relation école-famille ; rapport d’« amitié »
professeurs-élèves ; professeur : métier ou vocation ? ; « communauté
éducative » et communion etc.
Légitimer la recherche incessante de la Vérité.
Contre le nihilisme ambiant, qui ne fait que prolonger le « Quid est
veritas ? » désabusé de Ponce Pilate, l’école catholique est celle qui
ose donner à ses élèves l’audace de rechercher la vérité. Tout effort et
toute exigence académique, en quelque matière que ce soit, doivent être
replacés dans cette perspective. L’enfant doit être convaincu qu’il
atteindra sa dignité s’il applique sa raison à la recherche de vérité
(cf. l’encyclique
Fides et ratio,
n. 28). Cette ambition s’oppose à la tendance actuelle selon laquelle «
la raison se plie face à la pression des intérêts et à l’attraction de
l’utilité, contrainte de la reconnaître comme le critère ultime » (Discours
de Benoît XVI à la
Sapienza, 17 janvier 2008.). Or la finalité de
l’école n’est pas, fondamentalement, d’assurer une bonne situation
professionnelle à ses élèves mais de concourir à l’avènement de l’homme
intérieur.
Restaurer la raison, priorité de l’école
catholique.
Pour ce faire, il faut déjà que l’école redevienne pleinement une école,
c’est-à-dire un lieu de formation rigoureuse de la raison. L’école
catholique doit être avant tout le lieu de l’excellence académique. Cela
nécessite de remonter le niveau des exigences et de réorganiser le travail
en conséquence : la refonte des programmes, la hiérarchisation des matières,
l’utilisation de manuels rigoureux ainsi que la réforme de la formation des
maîtres et professeurs sont des priorités. Ce travail de refondation repose
sur le principe que la raison ne saurait être formée seulement in abstracto
et de manière a-historique mais aussi et surtout à travers l’héritage, la
réception, la rumination raisonnée des trésors contenus dans la culture. Ce
qui suppose de rendre leurs lettres de noblesse aux humanités (français,
histoire, philosophie).
Bref, il nous semble donc que le rétablissement de la raison est encore plus
urgent que celui d’un enseignement religieux substantiel. En effet, si la
raison naturelle est déficiente, par manque de formation, dans quel terreau
la vie surnaturelle pourra-t-elle s’enraciner puis se déployer ?
Réintégrer la foi dans le giron de la pensée.
Après avoir abordé la place de la vérité et de la raison, il nous faut à
présent étudier celle de la foi dans l’école. Cette dernière n’est pas un
sentiment optionnel auquel certains s’adonnent irrationnellement en privé.
Il convient d’y voir le couronnement de la raison, ce qui lui donne sa
noblesse-même. L’institution scolaire doit manifester qu’elle reconnaît une
telle place pour la foi, dans son organisation des matières comme dans
l’esprit de son enseignement. L’école doit ordonner « toute la culture
humaine à l'annonce du salut de telle sorte que la connaissance graduelle
que les élèves acquièrent du monde, de la vie et de l'homme, soit illuminée
par la foi » (In
Gravissimum Educationis (Vatican II, 1965).).
La dénaturation de la foi autant que de la raison rend compliqué ce travail
de refondation de l’école : « la foi et la raison se sont toutes deux
appauvries et se sont affaiblies l’une par rapport à l’autre. La raison,
privée des apports de la Révélation a pris des sentiers latéraux qui
risquent de lui faire perdre de vue son but final. La foi, privée de la
raison, a mis l’accent sur le sentiment et l’expérience, encourant le risque
de ne plus être une proposition universelle. Il est illusoire de penser que
la foi, face à une raison faible, puisse avoir une force plus grande ; au
contraire, elle tombe dans le grand danger d’être réduite à un mythe ou à
une superstition. De la même manière, une raison qui n’a plus une foi adulte
en face d’elle n’est pas incitée à s’intéresser à la nouveauté et à la
radicalité de l’être » (Fides
et ratio, n. 48). Cette réintégration de la foi dans l’école est
désormais facilitée par la vulgarisation des travaux des philosophes à ce
sujet (Cf. le cycle de conférences à l’IPC du philosophe
Bruno Couillaud du 4 février au 5 mai.).
Respecter l’autonomie de la raison.
Pour autant, il serait peu judicieux que l’école mélange les champs de la
foi et de la raison. « La présentation de toute la culture en fonction de
l'annonce du salut, selon les indications du Concile, ne signifie pas que
l'école catholique n'ait pas le devoir de respecter l'autonomie et la
méthode propres des diverses disciplines du savoir humain et qu'elle
pourrait considérer les disciplines particulières comme de simples
auxiliaires de la foi » (In Dimension religieuse de
l’éducation dans l’école catholique (7 avril 1988), n. 53.).
« Il existe deux ordres de connaissance, distincts non seulement par leur
principe mais aussi par leur objet. Par leur principe, puisque dans l’un
c’est par la raison naturelle et dans l’autre par la foi divine que nous
connaissons. Par leur objet, parce que, outre les vérités que la raison
naturelle peut atteindre, nous sont proposés à croire les mystères cachés en
Dieu, qui ne peuvent être connus s’ils ne sont divinement révélés »
(Fides et Ratio, n. 9).
« Dans l'école catholique, la culture humaine reste culture humaine, exposée
en toute objectivité scientifique. Toutefois l'enseignant et l'élève qui
sont croyants offrent et reçoivent la culture de façon critique sans la
séparer de la foi. […] Chacun développera son programme avec compétence
scientifique, mais il saura, le moment venu, aider les élèves à regarder
par-delà l'horizon limité de la réalité humaine. Dans l'école catholique et,
de manière analogue, dans toute école, Dieu ne peut pas être le Grand-Absent
ou un intrus mal accueilli » (Ibid., n. 51.).
Récuser l’autonomisme athée de la raison.
« On veut seulement souligner que la juste autonomie de la culture requiert
d'être distincte d'une vision autonomiste de l'homme et du monde qui
négligerait les valeurs spirituelles ou les laisserait de côté » (Ibid.,
n. 53.).
En pratique, cela signifie que les élèves doivent être invités à « être
toujours tendus vers la vérité et attentifs au bien que contient le vrai »,
à contracter le goût des sciences toujours dans une perspective
sapientielle, à cultiver la passion exacte de l’histoire en ayant à l’esprit
que Dieu s’y manifeste… Lorsqu’il étudie la biologie, les mathématiques ou
la géographie, l’élève doit se sentir explorateur de la réalité créée par ce
Dieu qui est « Raison créatrice et dans le même temps,
Raison-Amour », comme la indiqué le pape Benoît XVI dans le texte
qu'il se disposait à lire à l'université de la
Sapienza.
Lutter contre la tentation schizophrénique.
En passant sous silence la dimension spirituelle du travail, on crée une
habitude schizophrénique chez l’enfant qui le conduira adulte à dissocier
radicalement sa foi de sa vie professionnelle et sociale.
Les éducateurs, détenteurs des savoirs académiques, doivent témoigner
eux-mêmes dans leur vie, de manière individuelle et communautaire, des
rapports intimes qu’entretiennent en eux la raison et de la foi. Cette
dernière se manifeste notamment par l’exercice de la charité envers les
élèves. « Le projet de l’école catholique est convaincant seulement s’il est
réalisé par des personnes profondément motivées, parce que témoins d’une
rencontre vivante avec le Christ, car “le mystère de l’homme ne s’éclaire
vraiment que dans le mystère du Verbe incarné”. Des personnes qui, par
conséquent, se reconnaissent dans l’adhésion personnelle et communautaire au
Seigneur, choisi comme fondement et référence constante de la relation
inter-personnelle et de la collaboration mutuelle entre l’éducateur et celui
qui doit être éduqué » (Éduquer ensemble dans l’école
catholique, 2007, n. 4.).
L’enfant, quant à lui, ne peut être cantonné à la poursuite d’objectifs
purement pratiques (avoir de bons bulletins pour avoir un bon métier) en
taisant les finalités de l’accomplissement de son devoir d’état. Le travail
intellectuel qu’il fournit « ne doit pas être séparé de la vie chrétienne,
conçue comme une adhésion à l'amour de Dieu et un accomplissement de sa
volonté. La lumière de la foi chrétienne stimule la volonté de connaître
l'univers créé par Dieu. Elle allume l'amour de la vérité, qui exclut la
superficialité dans l'acquisition des connaissances et le jugement. Elle
ravive le sens critique qui refuse l'acceptation naïve de nombreuses
affirmations. Elle conduit à l'ordre, à la méthode, à la précision, signe
d'un esprit bien fait qui travaille avec un sens aigu des responsabilités.
Elle soutient le sacrifice et la persévérance, exigés par le travail
intellectuel » (Dimension religieuse, ibid., n. 49.).
Concluons avec saint Bonaventure qui nous invite « à ne pas croire qu’on
peut se satisfaire de la lecture sans componction, de la spéculation sans
dévotion, de la recherche sans admiration, de la prudence sans exultation,
de l’activité sans piété, de la science sans charité, de l’intelligence sans
humilité, de l’étude séparée de la grâce divine, de la réflexion séparée de
la sagesse inspirée par Dieu » (Prologue du Itinerarium
mentis in Deum, cité dans Fides et ratio, n. 105.).
Anne Coffinier
Texte
intégral du discours du saint Père Benoît XVI en français
►
Benoît XVI rappelle qu'il est avant tout,
Evêque de Rome
Sources: Source :
La Nef n°190
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 02.02.2008 - BENOÎT XVI
- T/Église |