Les nouveaux hôtes catholiques
d'Israël |
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Rome, le 01 avril 2010 -
(E.S.M.)
- Ils sont 50 000, venus de pays lointains, pour effectuer les
travaux les plus humbles. Avec une première victime, un Thaïlandais tué
par une roquette tirée depuis Gaza.
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Les nouveaux hôtes catholiques d'Israël
Le 01 avril 2010 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Dans son
Homélie du dimanche des Rameaux, Benoît XVI a rappelé son pèlerinage de
l’an dernier en
Terre Sainte et sa triple finalité : voir et toucher les lieux de la vie
de Jésus, se faire messager de paix, apporter son soutien aux chrétiens qui
vivent en Israël et dans les régions voisines.
Depuis quelques années, il y a beaucoup plus de chrétiens en Israël mais
presque personne ne le sait. Et ce sont des nouveaux arrivants. Le Vendredi
Saint, jour où les catholiques du monde entier collectent des dons destinés
à aider leurs frères de Terre Sainte, leur est aussi consacré.
On estime qu’en Israël les nouveaux arrivants de confession catholique sont
50 000, soit près du double des 27 000 catholiques de souche arabe déjà
installés dans le pays et appartenant au patriarcat latin de Jérusalem, et
des 500 catholiques de la petite communauté de souche juive.
Par exemple, les catholiques qui remplissent la paroisse Saint-Joseph de
Haïfa, le samedi soir, sont de nouveaux arrivants. Près de l’autel ils
tiennent haut l’étendard d’El Shaddaï, mouvement charismatique très
populaire aux Philippines. Ils viennent en effet de ce pays lointain et sont
employés comme personnel de service dans les maisons et hôtels de la région.
Il en est de même à Jérusalem, à Beersheva, ou à Jaffa, point de référence
pour les catholiques de la grande agglomération de Tel Aviv. Il y a beaucoup
de monde aussi, à Herzlya, pour la messe célébrée dans une salle offerte par
l'ambassadeur du Nigéria, autre pays d’où proviennent de nouveaux arrivants.
Les nouveaux arrivants sont des travailleurs étrangers ayant un permis de
séjour valable cinq ans. En 2008 le gouvernement israélien a autorisé 30 000
entrées. Le groupe le plus nombreux, 5 800, est venu de Thaïlande ; 5 800
autres sont venus de Russie, d’Ukraine, de Moldavie et d’autres pays de
l'ex-Union Soviétique ; 5 500 des Philippines ; 2 700 de l'Inde ; 2 300 du
Népal ; 2 300 de Chine ; 1 400 de Roumanie ; et ainsi de suite pour d’autres
pays.
Mais il y a aussi les clandestins. Beaucoup d’entre eux, surtout des
Soudanais et des Erythréens, utilisent la voie terrestre, en passant par le
désert du Sinaï. Ils entrent en si grand nombre que le gouvernement
israélien a décidé d’ériger un mur à la frontière avec l'Égypte.
Les Thaïlandais, le plus nombreux des groupes d’immigrés réguliers,
travaillent surtout dans l'agriculture. L’attention a été attirée sur leur
présence, le 18 mars dernier, par la mort de l’un d’eux, tué par une
roquette Qassam tirée depuis la Bande de Gaza alors qu’il travaillait à la
campagne.
"Avvenire", le quotidien de la conférence des évêques d’Italie, a envoyé sur
place l’un de ses journalistes, qui y a réalisé l’enquête reproduite
ci-dessous.
L'auteur est déjà connu des lecteurs de www.chiesa grâce à un reportage
réalisé, il y a deux ans, dans l'Orissa, l’état de l’Inde dans lequel les
chrétiens sont le plus en danger.
Israël. Les nouveaux immigrés sous les roquettes
par Giorgio Bernardelli
Il s’appelait Manee Singueanphon et avait 33 ans. Trois ans plus tôt, il
avait laissé sa famille en Thaïlande et était venu travailler en Israël,
dans les serres du moshav Netiv Ha’asara, village agricole situé à 400
mètres à peine de la frontière avec la Bande de Gaza. Il a été tué le 18
mars, alors qu’il travaillait sur l’exploitation agricole, mortellement
blessé par les éclats d’une roquette Qassam tirée depuis Gaza par un groupe
de miliciens palestiniens.
Cette victime de la flambée de violence qui a récemment frappé la Terre
Sainte venait donc de l’autre bout du monde. Le drame a mis en évidence
l’aspect le moins visible du conflit qui ensanglante le Moyen-Orient. Parce
que ceux qui travaillent dans les moshavim situés sur la frontière vivent en
première ligne, partageant les souffrances et les dangers de cette guerre
sans fin, bien qu’ils ne soient ni Israéliens ni Palestiniens.
Ce n’est pas un hasard si la victime est justement un Thaïlandais : en effet
les travailleurs qui ont remplacé les Palestiniens comme main d’œuvre dans
les serres israéliennes proviennent en très grande majorité de ce pays
d’Extrême-Orient. Ce processus a commencé au milieu des années 90 mais il a
connu une forte accélération à partir de la seconde Intifada.
Les Thaïlandais arrivent en Israël par l’intermédiaire de sociétés de main
d’œuvre, agences de placement du marché mondial du travail. Les
exploitations agricoles du Neguev qui ont besoin de personnel à des tarifs
compétitifs pour leurs cultures de fleurs, de fruits ou de légumes destinées
à l’exportation s’adressent, à Tel Aviv, au représentant d’une société qui
se trouve à Bangkok. Celui-ci va alors recruter des paysans dans les
villages de son pays. Il en trouve à coup sûr parmi les propriétaires de
champs trop petits pour nourrir correctement leurs familles. Il leur propose
d’aller travailler dans les serres en Israël, où ils pourront mettre de côté
un peu d’argent. Il leur parle de 50 000 dollars en cinq ans, durée maximum
de validité du visa fourni par les autorités israéliennes pour motif de
travail. Entre temps, toutefois, le paysan doit donner son champ en
hypothèque au propriétaire de l’agence pour payer son voyage et la
"commission". Et, la première année, les 800 dollars que le travailleur
enverra chaque mois à sa famille en Thaïlande serviront uniquement à payer
cette dette.
On devine que c’est à peu près ce qui est arrivé à Manee Singueanphon en
lisant les déclarations de ses dix collègues interviewés par le "Jerusalem
Post" au lendemain de sa mort à Netiv Ha’asara. C’était un homme bon, qui
aimait beaucoup sa femme, ont raconté les Thaïlandais au journaliste, qui a
tout de suite remarqué la boîte en carton dans laquelle ils recueillaient un
peu d’argent pour la veuve. Ils lui ont aussi dit ce qu’ils font quand
l’alarme retentit parce qu’une roquette Qassam arrive : ils se jettent par
terre et espèrent qu’elle va tomber ailleurs ; ensuite ils recommencent à
travailler.
Aujourd’hui combien y a-t-il de Thaïlandais dans cette situation en Israël ?
On parle de quelques dizaines de milliers. Selon les données du bureau
central des statistiques, 10 600 Thaïlandais sont entrés en Israël avec un
visa de travail en 2007, l’année où Singueanphon est arrivé au Moyen-Orient.
Presque tous de sexe masculin et, pour les trois quarts d’entre eux, âgés de
15 à 34 ans. Pour 2008, en revanche, il n’y a eu que 5 800 nouvelles entrées
en provenance de Thaïlande. Mais la même source indique aussi que, ces deux
années là, 16 100 Thaïlandais ont quitté Israël pour rentrer à Bangkok.
Donc les arrivées et les départs s’équilibrent à peu près. C’est une donnée
caractéristique de la dynamique de la main d’œuvre étrangère en Israël. En
effet les étrangers ne peuvent rester dans le pays plus de cinq ans. Et
s’ils perdent leur travail, ils ne peuvent en trouver un autre dans un
domaine différent de celui pour lequel ils ont été recrutés. Mais tout cela
n’est vrai que sur le papier. En réalité un système de ce genre – dicté par
le souci des Israéliens de ne pas porter atteinte par la démographie à
l’identité juive de l’état – n’est pas du tout adapté aux exigences du
marché du travail. De fait, le phénomène des clandestins se répand dans le
pays.
Les chiffres à ce sujet sont controversés. Les dernières estimations
officielles – publiées en décembre dernier par le gouvernement Netanyahu –
donnent un total de 255 000 travailleurs étrangers, soit 10,4 % de la force
de travail israélienne, mais comprenant une bonne moitié d’illégaux. Mais on
dit beaucoup que les clandestins sont encore plus nombreux en réalité :
certains vont jusqu’à parler de 370 000 travailleurs étrangers. Les
professions sont réparties par ethnie de manière assez rigide : Thaïlandais
et Népalais dans l’agriculture ; Philippines, Ukrainiennes et Moldaves comme
domestiques et aides à domicile ; Indiens dans les restaurants, tandis que,
depuis quelques années, les Chinois sont plus nombreux que les Roumains dans
le bâtiment.
Il y a aussi la question des enfants d’immigrés. Selon la réglementation
israélienne, ils ne devraient tout simplement pas exister : la loi dit que
les nouveaux nés doivent être ramenés dans leur pays d’origine au plus tard
trois mois après la naissance, sous peine d’annulation du visa de travail de
la mère. Un système particulièrement dur, conçu pour décourager encore plus
la présence stable des étrangers en Israël. Mais beaucoup d’enfants sont
restés. Il y en a 1 200 qui sont nés et ont grandi en Israël. Ils parlent
mieux l’hébreu que la langue de leurs parents, beaucoup vont même à l’école,
mais ce sont des clandestins. Ils devaient être expulsés mais il a été
décidé d’attendre au moins jusqu’à la fin de l’année scolaire. La cour
suprême israélienne devrait se prononcer sur la question.
Il y a tout cela derrière la mort de Manee Singueanphon, paysan thaïlandais
qu’Israël a considéré, au moins un jour, comme l’un des siens.
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 01.04.2010 -
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