Huit ans avant la publication du Motu
proprio par le pape Benoît XVI |
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Le 01 février 2009 -
(E.S.M.)
- Les lignes qui suivent sont extraites de "La liturgie après
Vatican II" (éd. Téqui), un opuscule
paru en février 1999 - soit près de huit ans avant la publication du
Motu proprio Summorum pontificum par le pape Benoît XVI - . Ces lignes
nous avaient valu les critiques acerbes de l'ensemble des mouvements
traditionalistes. Et pourtant...
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Le pape Benoît XVI -
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Huit ans avant la publication du Motu proprio par le pape Benoît XVI
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Le 01 février 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Les lignes qui suivent sont extraites de "La liturgie après Vatican II"
(éd. Téqui), un opuscule paru en février 1999 - soit près de huit
ans avant la publication du Motu proprio Summorum pontificum par le pape
Benoît XVI - . Ces lignes nous avaient valu les critiques acerbes de
l'ensemble des mouvements traditionalistes. Et pourtant...
"(...) Désireux de mettre fin à ce qu'il est convenu d'appeler "la querelle
des rites", certains milieux traditionalistes ou conservateurs demandent de
laisser coexister deux rites de la messe: celui dit "de S. Pie V" et celui
dit "de Paul VI". Dans d'autres milieux, on envisage une "fusion de ces deux
rites", ce qui permettrait, pense-t-on, de contenter une majorité de fidèles
aujourd'hui insatisfaits et de faire cesser les abus liturgiques qui se sont
multipliés après Vatican II et subsistent en de nombreux endroits. Que
penser de ces deux solutions envisagées envisagées pour mettre fin au
problème actuel de la liturgie?
Pour répondre à cette question, il faut commencer par étudier de plus près
l'état actuel de la liturgie. Il est évident que pour que l'on puisse songer
à une coexistence ou à une fusion des rites, il faudrait qu'existent au
moins deux rites distincts et reconnus par l'Eglise. D'où une question
préalable: existe-t-il véritablement deux rites romains de la messe, d'un
côté celui de S. Pie V en usage jusqu'au concile Vatican II et d'un autre le
rite de Paul VI né à la suite de Vatican II pour remplacer celui de S. Pie
V? Un rapide survol historique permet de répondre à cette question
d'actualité.
Quelles liturgies trouvait-on dans l'Eglise catholique jusqu'au moment du
Concile? La réponse la plus simple que l'on puisse donner est la suivante:
l'Eglise catholique connaissait deux grandes familles liturgiques, l'une
orientale, l'autre occidentale. Dans la famille orientale, on trouvait par
exemple le rite maronite (au Liban), le rite copte (en Egypte), le rite de
S. Jean Chrysostome (dans différentes régions de l'Est)... etc. Dans la
famille occidentale, on trouvait par exemple le rite hispanique (en
Espagne), le rite ambrosien (à Milan), le rite lyonnais (à Lyon), le rite
cistercien (dans les monastères cisterciens), le rite dominicain
(dans les
couvents dominicains)... et principalement le rite romain, héritier plus ou
moins direct de la liturgie papale autrefois en usage à Rome. Pour des
raisons historiques, le rite romain était devenu le plus courant, le plus
universel, le mieux connu: il était le plus employé pour célébrer la
liturgie eucharistique à travers le monde.
(...) Toujours avant le Concile, le livre dont se servaient les prêtres pour
célébrer la messe et qui détaillait l'agencement du rite romain, portait
comme titre: Missale Romanum (Missel Romain). Il ne serait venu à l'idée de
personne d'appeler ce Missel romain "Missel de Saint Pie V" ou "Missel
traditionnel": cela aurait semblé totalement absurde. Jusqu'au moment du
Concile, on n'a donc jamais entendu parler de "Missel de S. Pie V": il ne
serait venu à l'idée de personne de penser ou d'enseigner que le pape Pie V
avait un jour créé un missel qui pourrait porter son nom.
De fait, il faut redire ici qu'un pape ne peut pas davantage "créer" un
missel qu'il ne peut de son propre chef inventer un rite liturgique. Seule
la Tradition vivante de l'Eglise peut donner naissance aux rites, les papes
ne pouvant que vérifier si les développements de ces rites n'ont rien de
contradictoire avec la foi de l'Eglise et s'ils ne risquent pas d'induire
chez les fidèles des comportements mal réglés. Après cela, les papes se
soumettent aux rites liturgiques, comme doivent au demeurant s'y soumettre
tous les fidèles, qu'ils soient clercs ou laïcs.
Nous avons donc ici un premier élément de réponse à la question posée plus
haut: il n'existe pas de "rite de S. Pie V", ni avant ni pendant le concile
Vatican II. A plus forte raison, il ne peut exister un "rite de S. Pie V"
après le Concile. Prétendre le contraire, comme le font de nombreux
mouvements traditionalistes, relève de l'erreur historique, théologique et,
ce qui est grave, d'une volonté de désinformer les fidèles.
En règle générale, les divers groupes traditionalistes enseignent qu'à la
suite de Vatican II, des commissions d'experts ainsi que de nombreuses
bureaucraties ont créé de toutes pièces un nouveau rite qui n'a plus guère
de lien avec le rite romain auquel participaient les fidèles jusqu'au moment
du Concile.
Les traditionalistes affirment donc que Vatican II a marqué une rupture avec
la longue tradition liturgique et a, de ce fait, engendré deux rites
romains: l'ancien, qui serait selon eux, le seul témoin de la Tradition
authentique, et le nouveau, élaboré par des théologiens plus ou moins
atteints par le progressisme régnant à l'époque du Concile
(dans le Courrier
Hebdomadaire de Pierre Debray n°1322 de juillet 1998, il était affirmé que
"le nouvel Ordo a été fabriqué artificiellement"). Puisque ces mêmes
traditionalistes estiment que ce qu'ils nomment le nouveau rite n'a plus
aucun lien avec la tradition romaine authentique, ils s'attachent à
conserver vivante l'ancienne forme du rite romain (qu'ils appellent
abusivement rite de S. Pie V ou encore rite romain classique) et réclament
son maintien à côté de la liturgie nouvelle que certains vont jusqu'à
refuser en la qualifiant d'hérétique bien qu'elle ait été reconnue par les
Souverains Pontifes: Paul VI lui-même, puis Jean-Paul Ier et Jean-Paul II.
Pour justifier le maintien de deux formes rituelles en quelque sorte
parallèles, les mouvements traditionalistes se basent d'abord sur l'article
4 de la Constitution
Sacrosanctum Concilium qui déclare que le Concile reconnaît l'égalité de
droit et de dignité de tous les rites. Puis, pour que cet article 4 puisse
servir la cause pour laquelle ils se mobilisent, les mêmes traditionalistes
décrètent de leur propre autorité que la forme de la liturgie romaine
d'avant le Concile doit être considérée comme un rite autonome, distinct de
la liturgie créée après le Concile. Il s'agit là d'une conclusion hâtive qui
résulte d'une lecture erronée du texte conciliaire en général et de
l'article 4 de la Constitution Sacrosanctum Concilium en particulier. En
effet, une telle interprétation de l'article 4 introduit une notion de
"création" d'un rite que rien, ni dans les textes conciliaires, ni dans les
enseignements des papes, ne permet de justifier ou même d'envisager. Mais le
tour de passe-passe est joué: pour les mouvements traditionalistes qui se
veulent souvent les plus modérés, il n'y a plus qu'à demander la coexistence
des deux prétendus rites: celui d'avant Vatican II et celui d'après Vatican
II. Ce serait, selon eux, une façon de mettre fin à la querelle des rites.
Enfin, pour démontrer qu'une telle coexistence serait pleinement conforme à
la grande tradition liturgique de l'Eglise, les fidèles traditionalistes
appuient leur argumentation sur le fait que, tant en Orient qu'en Occident,
il y a toujours eu une grande diversité de rites et que cette diversité a
été source d'enrichissement. Ici encore, il convient de dénoncer l'erreur:
en Orient comme en Occident, les divers rites reconnus par l'Eglise sont des
rites autonomes qui sont nés dans des contextes socio-historiques distincts
les uns des autres, et se sont développés dans des traditions ininterrompues
se rattachant toutes à une source liturgique commune. Ces divers rites, tous
reconnus par le Magistère, ne sont donc pas issus du refus ou de
l'acceptation d'une forme rituelle plus ancienne, comme ce serait le cas
pour le rite romain si l'on en venait à retenir l'argumentation des groupes
traditionalistes. Si donc on devait souscrire à la théorie des mouvements
traditionalistes, il faudrait admettre que seuls les fidèles attachés à la
liturgie romaine d'avant le Concile seraient des catholiques de rite romain;
les autres fidèles ayant accepté la Constitution conciliaire sur la liturgie
seraient, eux, quelque chose comme des catholiques de rite "vaticanais" ou
"néo-romain". Or, comme on l'a vu, il n'existe aux yeux de l'Eglise ni rite
vaticanais ni rite néo-romain. L'Eglise ne reconnaît qu'un seul rite romain,
et les artifices de vocabulaire employés par les groupes traditionalistes
pour désigner tel ou tel état de ce rite romain ne correspondent à aucune
réalité.
En fin de compte, ce qu'il faut, c'est interpréter correctement l'article 4
de la Constitution sur la liturgie qui affirme l'égalité en droit et en
dignité de tous les rites légitimement reconnus par l'Eglise. Cet article 4
enseigne sans la moindre ambiguïté qu'en s'attaquant à la révision du seul
rite romain, le Concile n'a pas voulu faire croire que les autres rites
reconnus par l'Eglise (les rites orientaux et les rites occidentaux autres
que le rite romain) auraient une valeur moindre aux yeux du Magistère.
Vatican II enseigne que toutes les liturgies autres que la romaine, qu'elles
soient orientales ou occidentales, ont la même valeur que la liturgie
romaine sur laquelle devront se pencher les Pères conciliaires pour la
restaurer et lui donner sa splendeur première. Un tel enseignement est
important dans la mesure où il rappelle l'identité de valeur des sources
occidentales et orientales de notre liturgie.
L'article 4 ne veut en aucun cas dire que le Concile va créer un nouveau
rite qui donnerait à la liturgie romaine en usage jusqu'à Vatican II et dont
l'agencement est défini par le Missel de 1962, le droit d'être considérée
comme un rite autonome (appelé "rite de S. Pie V" ou "rite tridentin") dont
il faudrait reconnaître l'égalité en droit et en dignité avec le rite
nouveau.
Toute l'erreur que font la quasi totalité des mouvements traditionalistes
est là: elle se trouve dans une mauvaise lecture et une interprétation
erronée de l'article 4 de la Constitution
Sacrosanctum Concilium.
(...) Le texte de la Constitution Sacrosanctum Concilium dit très clairement
que le Concile s'est donné pour objectifs principaux de réviser le rituel
(et non les rites, ce qui n'est pas la même chose) de la messe romaine pour
faciliter la participation des fidèles à la liturgie. Tel a été le programme
de la Constitution conciliaire sur la liturgie: ni plus, ni moins. Il est
évident que réviser le rituel de la messe romaine ne signifie pas créer une
nouvelle liturgie. Pour les Pères conciliaires il s'agissait, tout en
gardant fidèlement la substance des rites de la liturgie romaine maintenus
jusqu'au moment de Vatican II, de supprimer des rites secondaires ajoutés
tardivement dans la liturgie et faisant souvent double emploi.
Eventuellement, il était prévu de réintroduire des rites anciens qui
faisaient partie de la célébration eucharistique et dont on trouvait encore
des traces dans le Missel de 1962, mais qui avaient été oubliés avec le
temps ou progressivement omis. La conclusion s'impose d'elle-même: le
Concile n'a pas créé ex nihilo un nouveau rite différent du rite romain en
usage jusqu'au moment de Vatican II. Avant comme après le Concile, il ne
s'agit toujours que du seul et même rite romain, même s'il se présente sous
deux aspects quelque peu différents; ceux-ci, en réalité, ne sont que deux
reflets plus marqués des nombreux états qu'a connu le développement de la
liturgie romaine au cours des siècles.
Il faut insister sur ce point si l'on veut éviter la propagation d'idées
fausses: contrairement à ce qu'affirment les groupes et mouvements se
situant dans la mouvance traditionaliste, il n'y a aucune différence
substantielle entre la liturgie romaine d'avant Vatican II et la liturgie
romaine d'après Vatican II. Objectivement, on peut uniquement dire que le
Missel romain qui était en usage avant le Concile présente exactement le
même rite romain sous deux aspects différents mais traditionnels de son
évolution historique. Qu'à partir de la diffusion du Missel romain restauré
il y ait eu des déviations, des désobéissances souvent bien plus graves
qu'on n'a cherché à le faire croire aux fidèles, qu'il y ait une certaine
anarchie et un processus de désacralisation que nous déplorons tous, c'est
un tout autre problème. Ce problème est lié à la désobéissance de clercs qui
ont profité du silence ou de la faiblesse des autorités ecclésiastiques
diocésaines et nationales, mais il n'est certainement pas lié au Concile
lui-même. Au demeurant, il faut se demander si la restauration liturgique
voulue par Vatican II n'a pas simplement servi de révélateur à une crise qui
était latente avant le Concile. Il est en effet bien curieux de constater
que les prêtres qui auront été les plus grands dévastateurs après le Concile
sont souvent ceux qui étaient les plus conservateurs avant le Concile.
Pourquoi cette soudaine volte-face et cette soudaine envie de démolir la
liturgie? Aux yeux de certains clercs de plus en plus attirés par le sociale
et l'humain (avaient-ils vraiment une vocation sacerdotale?) la liturgie
d'avant le Concile n'était-elle pas déjà comme une baudruche, comme une
enveloppe plus ou moins vidée de son contenu spirituel? Des psychologues
seraient bien avisés de se pencher sur cette question; les réponses qu'ils
seraient éventuellement en mesure de donner pourraient éclairer le problème
de la crise sacerdotale - liée à la crise liturgique - qu'a connue l'Eglise
postconciliaire."
Ces lignes, nous les écrivions en 1999. Elles expriment une position que
nous tenons depuis Vatican II, par fidélité aux enseignements des papes
successifs, et qui nous a valu beaucoup de critiques virulentes, notamment
de la part de certains ultra-traditionalistes s'exprimant sur le site
internet du "Forum (dit) catholique" (1).
Or, en 2007, Benoît XVI écrit dans
Summorum Pontificum : "Le Missel romain promulgué par Paul VI est
l'expression ordinaire de la "lex orandi" de l'Eglise catholique de rite
latin. Le Missel romain promulgué par S. Pie V et réédité par le bienheureux
Jean XXIII doit être considéré comme l'expression extraordinaire de la même
"lex orandi" de l'Eglise et être honoré en raison de son usage vénérable et
antique. Ces deux expressions de la "lex orandi" de l'Eglise n'induisent
aucune division de la "lex credendi" de l'Eglise; ce sont en effet deux
mises en œuvre de l'unique rite romain." (cf. n°1).
Tel est l'enseignement du Successeur de Pierre, seul garant de la tradition
authentique dans l'Eglise. Il nous revient de l'accepter tel quel.
(1) "Dit catholique" parce que selon le Droit canonique,
aucune association - au sens large du terme - de fidèles ne peut prendre le
nom de "catholique" sans le consentement de l'autorité ecclésiastique
compétente (cf. Can. 300). Il serait donc plus conforme au Droit de dire
"Forum de fidèles se disant catholiques" au lieu de "Forum catholique". Mais
peut-on se dire "catholique" quand on écrit dans le forum en question: "La
messe Traditionnelle est partiellement libérée. L'excommunication est levée.
Le troisième point est fondamental: prier pour la condamnation des hérésies
de Vatican II. La plus grande catastrophe de l'histoire de l'Eglise..."?
Sources :
PRO LITURGIA -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 01.02.2009 -
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