Le Motu Proprio de Benoît XVI, un élargissement
pour réunir |
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Rome, le 13 septembre 2007 -
(E.S.M.) -
Les évêques, qui ont pu à bon droit exprimer leurs réserves, ne peuvent
pas ne pas avoir conscience que désormais une résistance à la décision
prise par le pape benoît XVI attenterait à la communion de leur Église
particulière avec les autres Églises particulières et avec l'Église
universelle.
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Messe
tridentine à Saint-Pierre -
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Le Motu Proprio de Benoît XVI, un élargissement pour réunir
Renforcer la communion
L'unité est une caractéristique nécessaire de la véritable Église du Christ,
que nous confessons « une, sainte, catholique et apostolique
» dans le
Symbole de Nicée-Constantinople. Elle correspond à un dessein de son
fondateur: un seul troupeau guidé par un seul Pasteur. Elle est un don
procuré par son Esprit, destiné à triompher des divisions instaurées au
cours des âges par les péchés des hommes et la zizanie de l'Adversaire.
Cette unité, dans le temps et dans l'espace, maintient l'Église dans une
commune fidélité à la foi reçue des apôtres. Elle se traduit pratiquement
dans le sacrifice eucharistique, « source et sommet de la vie chrétienne »
(Lumen
Gentium 12) (1). Cet auguste
sacrement signifie et réalise l'unité ecclésiale
(LG 3), en exprimant l'unité de la
lex credendi dans une pluralité de formes de la lex orandi. À la diversité permanente de rites, liés aux histoires et aux
cultures des Églises particulières et des familles religieuses, vient
s'ajouter de manière inédite ce que le Motu proprio Summorum Pontificum
qualifie comme deux formes d'un même rite romain. Le pape Benoît XVI récuse
le fait que leur usage simultané induise de soi une division dans le corps
ecclésial. On peut même plaider pour le fait qu'il en favorise plutôt
l'unité. Le Saint-Père présente d'ailleurs la réconciliation interne au sein
de l'Église comme un motif positif de sa décision.
Le premier argument que l'on peut faire valoir en faveur de cette thèse
tient dans le fait que cet usage élargi de la liturgie précédant la réforme
du pape Paul VI n'instaure pas de nouveauté : cette liturgie existait
antérieurement à cette décision et son usage aussi. Son intensification,
certes probable et voulue, se fera de manière graduelle. La conviction du
Saint-Père est que la coexistence des deux formes liturgiques produira entre
elles un enrichissement mutuel, fonction de leurs valeurs propres. La forme
dite ordinaire du rire romain, promulguée par le pape Paul VI, non seulement
n'a pas à craindre de la concurrence de la forme dite extraordinaire mais en
recevra une consolidation dans certains aspects explicitement évoqués, comme
la sacralité. Le pape Benoît XVI souligne ainsi l'unité synchronique de l'Église en sa
pratique liturgique.
Le deuxième argument repose sur la mise en œuvre pratique de l'herméneutique
de la continuité énoncée dans l'important
discours du pape à la Curie le 22
décembre 2005. Dans la mesure où l'Église actuelle afficherait une rupture
avec son passé, elle ne saurait prétendre à la fidélité à sa mission reçue
de Jésus-Christ. Il importe donc en matière liturgique de bien s'assurer «
que les formes nouvelles sortent des formes déjà existantes par un
développement en quelque sorte organique »
(SC 23). Cela nécessite des
vérifications et des rectifications, non seulement dans les applications
pratiques mais aussi dans les décisions originelles elles-mêmes. Il restera
encore beaucoup à faire pour rapprocher la forme ordinaire du rite romain de
la Constitution
Sacrosanctum Concilium qu'elle vise à appliquer, et cela non
seulement en supprimant les abus et déviations clairement illégitimes mais
en continuant à rectifier certaines traductions officielles largement
fautives et en corrigeant par exemple de manière drastique l'hymnaire du
bréviaire français actuel. En situant en continuité les différents âges de
l'Église et ses différentes formes liturgiques, le pape Benoît XVI souligne ainsi
l'unité diachronique de l'Église en sa pratique liturgique.
Le troisième argument consiste dans le mode de promulgation de cette
décision. Elle émane en effet directement du pape agissant de son propre
chef (motu proprio). Or, « le Pontife Romain, comme successeur de Pierre,
est le principe perpétuel et visible et le fondement de l'unité qui lie
entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles », ainsi que le
dit expressément Vatican II (LG 23)
citant Vatican I. Les évêques, qui ont pu à bon droit exprimer leurs
réserves (du moins en soi car de fait ils le faisaient sur une information
fragmentaire donnée par la presse...), ne peuvent pas ne pas avoir
conscience que désormais une résistance à la décision prise par le pape
attenterait à la communion de leur Église particulière avec les autres
Églises particulières et avec l'Église universelle. Indépendamment de la
personnalité du Pontife Romain c'est intrinsèquement que le ministère
pétrinien réalise ce que dit encore le concile Vatican II à propos de la
diversité des Églises particulières, mais que le contexte autorise à étendre
aussi à la diversité liturgique : « la Chaire de Pierre qui préside au
rassemblement universel de la charité, garantit les légitimes diversités et
veille en même temps à ce que, loin de porter préjudice à l'unité, les
particularités, au contraire, lui soient profitables » (LG
13). Nul ne saurait suspecter le pape d'avoir en l'occurrence agi
à la légère: il a prié, écouté, pris son temps et décidé en engageant très
lucidement son autorité.
Enfin, la mention, dans la Lettre aux évêques, du fait que « ce Missel (de
1962) n'a jamais été juridiquement abrogé, et que par conséquent, en
principe, il est toujours resté autorisé » et plus encore dans le texte
juridique du Motu proprio Summorum Pontificum (art. 1) que l'édition typique
du Missel romain promulguée par le bienheureux Jean XXIII en 1962 « n'a
jamais été abrogée » - numquam abrogatam - est lourde de conséquences
potentielles. La charité, la prudence, la force dont témoigne la décision du
Saint-Père augurent aussi de la justice par laquelle ceux et celles,
individus et communautés, vivants ou défunts, qui auront été abusivement
sanctionnés pour le seul motif de leur attachement à une forme liturgique
légitime devront être directement rétablis dans leurs droits ou
indirectement réhabilités dans leur honneur posthume. Et si la paix est la
tranquillité de l'ordre, l'unité ecclésiale sera ainsi rendue plus visible
et plus sereine.
Ainsi que le remarque le pape, l'autorité et la responsabilité des évêques
n'est aucunement diminuée : « le gouvernement de la liturgie dépend
uniquement de l'autorité de l'Église: il appartient au Siège apostolique et,
dans les règles du droit, à l'évêque » (SC 22, §1). Il leur reviendra de
promouvoir une mise en œuvre pratique du Motu proprio homogène à l'intention
de la décision du pape : un élargissement pour accroître non pas la
dispersion ou la division mais pour renforcer la communion, un élargissement
pour réunir.
Père Luc-Thomas Somme, op *
* Dominicain de la province de Toulouse, professeur à l'Université de
Fribourg (Suisse). (1)
LG désigne la constitution dogmatique
Lumen
Gentium
du concile Vatican II sur l'Église et SC la constitution sur la Sainte
Liturgie
Sacrosanctum Concilium.
Table :
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Motu Proprio
Sources:
Sites de Luc-Thomas Somme
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 13.09.2007 - BENOÎT XVI -
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