OBSÈQUES DU SOUVERAIN PONTIFE JEAN-PAUL II
HOMÉLIE DU CARD. JOSEPH RATZINGER (extraits)
Place Saint-Pierre-vendredi 8
avril 2005
Remercions l’Esprit
Saint, onction du Christ, maître intérieur de la vie de Notre Seigneur, doux
hôte et ami.
Nous reproduisons, ci-dessous, l’homélie du 8 avril
2005, qui reprend six fois l'invitation du Christ à
le suivre
, expression, pilier de ce site, prélude de la page de
présentation.
«
Suis-moi
», dit le Seigneur ressuscité à Pierre; telle est
sa dernière parole à ce disciple, choisi pour paître ses brebis. «
Suis-moi
» – cette parole
lapidaire du Christ peut être considérée comme la clé pour comprendre le
message qui vient de la vie de notre regretté et bien-aimé Pape Jean-Paul II,
dont nous déposons aujourd’hui le corps dans la terre comme semence
d’immortalité - avec le cœur rempli de tristesse, mais aussi de joyeuse
espérance et de profonde gratitude.
Tels sont les sentiments qui nous animent, Frères
et Sœurs dans le Christ, présents sur la place Saint Pierre, dans les rues
adjacentes et en divers autres lieux de la ville de Rome, peuplée en ces
jours d’une immense foule silencieuse et priante. Je vous salue tous
cordialement. Au nom du Collège des Cardinaux, je désire aussi adresser mes
salutations respectueuses aux Chefs d’État, de Gouvernement et aux
délégations des différents pays. Je salue les Autorités et les Représentants
des Églises et des Communautés chrétiennes, ainsi que des diverses
religions. Je salue ensuite les Archevêques, les Évêques, les prêtres, les
religieux, les religieuses et les fidèles, venus de tous les continents; et
de façon particulière les jeunes, que Jean-Paul II aimait définir comme
l’avenir et l’espérance de l’Église. Mon salut rejoint également tous ceux
qui, dans chaque partie du monde, nous sont unis par la radio et la
télévision, dans cette participation unanime au rite solennel d’adieu à
notre Pape bien-aimé.
Suis-moi
– depuis qu’il était jeune étudiant Karol Wojtyła
s’enthousiasmait pour la littérature, pour le théâtre, pour la poésie.
Travaillant dans une usine chimique, entouré et menacé par la terreur nazie,
il a entendu la voix du Seigneur: Suis-moi! Dans
ce contexte très particulier il commença à lire des livres de philosophie et
de théologie, il entra ensuite au séminaire clandestin créé par le Cardinal
Sapieha et, après la guerre, il put compléter ses études à la faculté de
théologie de l’université Jagellon de Cracovie. Très souvent, dans ses
lettres aux prêtres et dans ses livres autobiographiques, il nous a parlé de
son sacerdoce, lui qui fut ordonné prêtre le 1 er novembre 1946.
Dans ces textes, il interprète son sacerdoce en particulier à partir de
trois paroles du Seigneur. Avant tout celle- ci:
«Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et
établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit
demeure» ( Jn 15, 16). La
deuxième parole est celle- ci: «Le vrai berger
donne sa vie pour ses brebis» ( Jn
10, 11). Et finalement: «Comme le Père
m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour» (
Jn 15, 9). Dans ces trois
paroles, nous voyons toute l’âme de notre Saint-Père. Il est réellement allé
partout, et inlassablement, pour porter du fruit, un fruit qui demeure.
«Levez-vous, allons! », c’est le titre de son
avant-dernier livre. «Levez-vous, allons!» – par
ces paroles, il nous a réveillés d’une foi fatiguée, du sommeil des
disciples d’hier et d’aujourd’hui. «Levez-vous, allons!
» nous dit-il encore aujourd’hui. Le Saint-Père a été ensuite prêtre
jusqu’au bout, parce qu’il a offert sa vie à Dieu pour ses brebis, et pour
la famille humaine tout entière, dans une donation de soi quotidienne au
service de l’Église et surtout dans les épreuves difficiles de ces derniers
mois. Ainsi, il s’est uni au Christ, le bon pasteur qui aime ses brebis. Et
enfin, «demeurez dans mon amour »: le Pape, qui a
cherché la rencontre avec tous, qui a eu une capacité de pardon et
d’ouverture du cœur pour tous, nous dit, encore aujourd’hui, avec ces
différentes paroles du Seigneur: en demeurant dans l’amour du Christ nous
apprenons, à l’école du Christ, l’art du véritable amour.
Suis- moi
!
En juillet 1958, commence pour le jeune prêtre
Karol Wojtyła une nouvelle étape sur le chemin avec le Seigneur et à la
suite du Seigneur. Karol s’était rendu comme
d’habitude avec un groupe de jeunes passionnés de canoë aux lacs Masuri pour
passer des vacances avec eux. Mais il portait sur lui une lettre qui
l’invitait à se présenter au Primat de Pologne, le Cardinal Wyszyński et il
pouvait deviner le but de la rencontre: sa
nomination comme évêque auxiliaire de Cracovie. Laisser l’enseignement
académique, laisser cette communion stimulante avec les jeunes, laisser le
grand combat intellectuel pour connaître et interpréter le mystère de la
créature humaine, pour rendre présent dans le monde d’aujourd’hui
l’interprétation chrétienne de notre être – tout cela devait lui apparaître
comme se perdre soi-même, perdre précisément ce qui était devenu l’identité
humaine de ce jeune prêtre. Suis-moi – Karol Wojtyła accepta, entendant la
voix du Christ dans l’appel de l’Église. Et il a compris ensuite jusqu’à
quel point était vraie la parole du Seigneur:
«Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la
sauvegardera» ( Lc 17, 33).
Notre Pape – nous le savons tous – n’a jamais voulu sauvegarder sa propre
vie, la garder pour lui; il a voulu se donner lui-même sans réserve,
jusqu’au dernier instant, pour le Christ et de ce fait pour nous aussi. Il a
fait ainsi l’expérience que tout ce qu’il avait remis entre les mains du
Seigneur lui était restitué de manière nouvelle. Son amour du verbe, de la
poésie, des lectures, fut une part essentielle de sa mission pastorale et a
donné une nouvelle fraîcheur, une nouvelle actualité, un nouvel attrait à
l’annonce de l’Évangile, même lorsque ce dernier est signe de contradiction.
Suis-moi
! En octobre 1978, le Cardinal Wojtyła entendit
de nouveau la voix du Seigneur. Se renouvelle alors le dialogue avec Pierre,
repris dans l’Évangile de cette célébration:
«Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? Sois le pasteur de mes brebis !» À la
question du Seigneur, Karol, m’aimes-tu ? l’Archevêque
de Cracovie répond du plus profond de son cœur: «Seigneur, tu sais
tout: tu sais bien que je t’aime». L’amour du Christ fut la force dominante
de notre bien-aimé Saint-Père; ceux qui l’ont vu prier, ceux qui l’ont
entendu prêcher, le savent bien. Ainsi, grâce à son profond enracinement
dans le Christ, il a pu porter une charge qui est au-delà des forces
purement humaines: être le pasteur du troupeau du
Christ, de son Église universelle. Ce n’est pas ici le moment de parler des
différents aspects d’un pontificat aussi riche. Je voudrais seulement relire
deux passages de la liturgie de ce jour, dans lesquels apparaissent des
éléments centraux qui l’annoncent. Dans la première lecture, saint Pierre
nous dit – et le Pape le dit aussi avec saint Pierre:
«En vérité, je le comprends: Dieu ne fait pas de différence entre les
hommes; mais, quelle que soit leur race, il accueille les hommes qui
l’adorent et qui font ce qui est juste. Il a envoyé la Parole aux fils
d’Israël, pour leur annoncer la paix par Jésus Christ : c’est lui, Jésus,
qui est le Seigneur de tous» ( Ac
10, 34-36). Et, dans la deuxième lecture, – saint Paul, et avec saint
Paul notre Pape défunt – nous exhorte à haute voix : «Mes frères bien-aimés
que je désire tant revoir, vous, ma joie et ma récompense; tenez bon dans le
Seigneur, mes bien-aimés» ( Ph
4, 1).
Suis-moi
! En même temps qu’il lui confiait de paître son
troupeau, le Christ annonça à Pierre son martyre. Par cette parole qui
conclut et qui résume le dialogue sur l’amour et sur la charge de pasteur
universel, le Seigneur rappelle un autre dialogue, qui s’est passé pendant
la dernière Cène. Jésus avait dit alors : «Là où je m’en vais, vous ne
pouvez pas y aller». Pierre lui dit : «Seigneur, où vas-tu ?». Jésus lui
répondit : « Là où je m’en vais, tu ne peux pas me suivre pour l’instant; tu
me suivras plus tard» ( Jn
13, 33.36). Jésus va de la Cène à la Croix, et à la Résurrection – il entre
dans le mystère pascal; Pierre ne peut pas encore le suivre. Maintenant
– après la Résurrection – ce moment est venu, ce «plus tard». En étant le
Pasteur du troupeau du Christ, Pierre entre dans le mystère pascal, il va
vers la Croix et la Résurrection. Le Seigneur le dit par ces mots, «Quand tu
étais jeune ... tu allais où tu voulais, mais quand tu seras vieux, tu
étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour
t’emmener là où tu ne voudrais pas aller» (
Jn 21, 18). Dans la première
période de son pontificat, le Saint-Père, encore jeune et plein de force,
allait, sous la conduite du Christ, jusqu’aux confins du monde. Mais ensuite
il est entré de plus en plus dans la communion aux souffrances du Christ, il
a compris toujours mieux la vérité de ces paroles:
«C’est un autre qui te mettra ta ceinture ...». Et vraiment, dans
cette communion avec le Seigneur souffrant, il a annoncé infatigablement et
avec une intensité renouvelée l’Évangile, le mystère de l’amour qui va
jusqu’au bout (cf. Jn 13, 1).
Il a interprété pour nous le mystère pascal comme
mystère de la Divine miséricorde. Il écrit dans son dernier livre la limite
imposée au mal «est en définitive la Divine miséricorde» (
Mémoire et identité , p. 71). Et
en réfléchissant sur l’attentat, il affirme : «En souffrant pour nous tous,
le Christ a conféré un sens nouveau à la souffrance, il l’a introduite dans
une nouvelle dimension, dans un nouvel ordre:
celui de l’amour [...]. C’est la souffrance qui brûle et consume le mal par
la flamme de l’amour et qui tire aussi du péché une floraison multiforme de
bien» ( ibid ., p. 201-202).
Animé par cette perspective, le Pape a souffert
et aimé en communion avec le Christ et c’est pourquoi le message de sa
souffrance et de son silence a été si éloquent et si fécond.
Divine miséricorde : le Saint-Père a trouvé le
reflet le plus pur de la miséricorde de Dieu dans la Mère de Dieu. Lui, qui
tout jeune avait perdu sa mère, en a d’autant plus aimé la Mère de Dieu. Il
a entendu les paroles du Seigneur crucifié comme si elles lui étaient
personnellement adressées: «Voici ta Mère». Et il
a fait comme le disciple bien-aimé : il l’a accueillie au plus profond de
son être (eis ta idia : Jn
19, 27) – Totus tuus. Et de cette Mère il a appris à se conformer au Christ.
Pour nous tous demeure inoubliable la manière
dont en ce dernier dimanche de Pâques de son existence, le Saint-Père,
marqué par la souffrance, s’est montré encore une fois à la fenêtre du
Palais apostolique et a donné une dernière fois la Bénédiction
Urbi et Orbi . Nous pouvons être
sûrs que notre Pape bien-aimé est maintenant à la fenêtre de la maison du
Père, qu’il nous voit et qu’il nous bénit. Oui, puisses-tu nous bénir, Très
Saint Père, nous confions ta chère âme à la Mère de Dieu, ta Mère, qui t’a
conduit chaque jour et te conduira maintenant à la gloire éternelle de son
Fils, Jésus Christ, notre Seigneur. Amen.
Voici quelques extraits
significatifs du message prononcé par le Pape Benoît XVI, mercredi 20
avril premier jour de son pontificat lors de la messe célébrée en la
chapelle Sixtine. |
Très chers frères,
cette intime reconnaissance pour un don de la
divine miséricorde l'emporte
malgré tout dans mon cœur.
… seulement préoccupé de proclamer au monde
entier la présence vivante du Christ ".
"Il est
significatif que mon pontificat s'ouvre tandis que l'Eglise vit l'Année
de l'Eucharistie. Comment ne pas voir dans cette coïncidence providentielle
un élément qui doit caractériser le ministère auquel je suis
appelé? Coeur de la vie chrétienne et source de
la mission évangélisatrice de l'Eglise, l'Eucharistie ne peut être que le
coeur du service pétrinien qui m'a été confié ".
" L'Eucharistie
rend permanente la présence du Christ ressuscité, qui continue de se donner
à nous et nous appelle à prendre part au banquet de son Corps et de son
Sang. De la pleine communion avec lui, découlent tous les autres éléments de
la vie de l'Eglise, avant tout, la communion entre tous les fidèles, puis
l'engagement à annoncer et à témoigner de l'Evangile, l'ardeur de la charité
envers tous, vers les pauvres et les petits tout spécialement ".
C'est pourquoi cette année la Solennité du
Corpus Domini devra être célébrée avec un relief tout particulier. Et
l'Eucharistie sera également au coeur de la Journée mondiale de la Jeunesse
en août à Cologne et du Synode des Evêques qui se réunira en octobre autour
du thème: L'Eucharistie, source et sommet de la
vie et de la mission de l'Eglise.
Je demande à tous
d'intensifier ces mois à venir l'amour et la dévotion envers Jésus
Eucharistie en exprimant de façon décidée et claire la foi en la présence
réelle du Seigneur en particulier à travers le caractère solennel et digne
des célébrations.
Je le demande de façon particulière aux
prêtres, auxquels je pense en ce moment avec une grande affection. Le
sacerdoce ministériel est né au Cénacle avec l'Eucharistie, comme l'a
rappelé tant de fois mon vénérable prédécesseur Jean-Paul II. La vie
sacerdotale doit avoir avant tout une forme eucharistique, a-t-il écrit dans
sa dernière Lettre du Jeudi Saint. L'impeccable célébration de la Messe
quotidienne, coeur de la vie et de la mission de tout prêtre, doit y
contribuer fortement.
Alimentés et soutenus par l'Eucharistie,
les catholiques ne peuvent que se sentir stimulés à la pleine unité que le
Christ a ardemment souhaité au Cénacle. De ce lien suprême avec le Divin
Maître, le Successeur de Pierre doit se charger tout particulièrement car
c'est à lui qu'a été confié le rôle de confirmer les frères dans la Foi.
Mane Nobiscum Domine
!
L'invocation dominante de
la Lettre apostolique de Jean-Paul II pour l'Année eucharistique est la
prière qui s'échappe naturellement de mon coeur tandis que j'entreprends le
ministère auquel le Christ m'a appelé. A la suite de Pierre, c'est à lui que
je renouvelle ma promesse de fidélité absolue.
C'est lui seul que j'entends servir, en me
consacrant totalement au service de son Eglise.
Les médias parlent, d’une
façon un peu rudimentaire, d’un pape de transition (transition de quoi !)
dans la continuité de l’œuvre de Jean-Paul II ! Certes ils n’ont pas tout à
fait tord dans le second point mais l’essentiel de
son programme, pour ceux qui veulent le comprendre, n’est-il pas dans
ces quelques idées ? …qu’il ne servira que le Christ et
son Eglise, dans une fidélité
absolue …
.la présence vivante du Christ ….
l'amour
et la dévotion envers Jésus
Eucharistie en exprimant de façon décidée et claire la foi en la présence
réelle du Seigneur.
Homélie
programme du pape Benoît XVI :
Premier message de
Sa Sainteté Benoît XVI, 20 avril 2005
FRANCE : L’ardeur missionnaire et la
contemplation du mystère eucharistique |
Le Cardinal SODANO
|
|
MESSAGE
A LA
FRANCE
Benoît XVI
|
Message du pape Benoît XVI
ROME, Vendredi 6 mai 2005
– Le pape Benoît XVI souhaite que « l’ardeur missionnaire » soit ravivée
chez les chrétiens de France , et pour cela il recommande aux fidèles «
d’enraciner leur vie et leur action dans la
contemplation du mystère eucharistique », à l’instar de Pauline
Jaricot.
Le pape Benoît XVI a
adressé le 5 mai, par le cardinal secrétaire d’Etat Angelo Sodano, (la
photo) un message au cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon et
primat des Gaules à l’occasion du rassemblement des délégués nationaux des
Œuvres pontificales missionnaires qui se tient à Lyon et de l’inauguration
de la maison rénovée de Pauline-Marie Jaricot.
Le message a été lu en la
primatiale Saint Jean-Baptiste à Lyon, hier, 5 mai, jeudi de l’Ascension.
« Le
Saint-Père s’associe volontiers par la prière à tous les participants. Il
adresse un salut cordial à Monsieur le Cardinal Crescenzio Sepe, Préfet de
la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples et aux Cardinaux qui
prennent part à cette rencontre, aux délégués nationaux des Œuvres
pontificales missionnaires, aux Autorités civiles et à tous les fidèles qui
s’associent aux différentes manifestations », dit le message.
Le pape dit
souhaiter « que le rassemblement des Œuvres pontificales missionnaires et
les célébrations en l’honneur de Pauline Jaricot ravivent l’ardeur
missionnaire parmi les chrétiens de France, afin qu’ils aient l’audace,
comme leur devancière lyonnaise, d’annoncer l’Evangile et le salut qui nous
vient de l’unique Sauveur, par un témoignage fort et par une prière
instante, invitant aussi des jeunes à se rendre disponibles pour la mission
dans l’Eglise et pour transmettre au monde la vérité et la lumière du Christ
»
En cette année de l’eucharistie, Benoît XVI souligne la spiritualité
eucharistique de la fondatrice : « Pauline Jaricot puisait dans l’Eucharistie
la force de la foi et une conviction profondément missionnaire «afin de
coopérer à l’expansion de l’Evangile». C’est pourquoi le Saint-Père invite
tous les fidèles à enraciner leur vie et leur action dans la
contemplation du mystère eucharistique, qui est la source et le « centre du
processus de croissance de l’Eglise » (encyclique Ecclesia de
Eucharistia, n. 21). Comme le rappelait encore le Pape Jean-Paul II, « il
existe un rapport très étroit entre célébrer l’Eucharistie et annoncer le
Christ. Entrer en communion avec lui dans le mémorial de la Pâque, cela
signifie en même temps devenir missionnaires de l’événement que ce rite rend
présent ; en un sens, cela signifie le rendre contemporain de toute époque,
jusqu’à ce que le Seigneur revienne » (Homélie de la Fête du Corps et du
Sang du Christ, 10 juin 2004) ».
« En confiant les Pasteurs
et les fidèles rassemblés à Lyon à l’intercession de Notre-Dame de Fourvière
et aux saints lyonnais que Pauline aimait prier, Sa Sainteté leur accorde à
tous une affectueuse Bénédiction apostolique », conclut le message.
Pauline Marie
Jaricot est la fondatrice de l’Œuvre de la Propagation de la Foi. Son
intuition permet aujourd’hui à plus de 1500 diocèses sur les cinq continents
de recevoir, par les Œuvres Pontificales Missionnaires (OPM), l’aide
indispensable à leur mission d’évangélisation.
Pour en savoir plus sur l’OPM et
sur Pauline Marie JARICOT nous vous conseillons :
Oeuvre
Pontificale Missionnaire - Coopération Missionnaire
http://mission.cef.fr
Programme de Benoît XVI pour approfondir l’Année
de l’Eucharistie |
Solennité
du
CORPUS DOMINI
Fête-Dieu
|
|
Célébrée Le jeudi après
l’octave de la Pentecôte ou le dimanche suivant pour des raisons
pastorales. |
ROME, Mercredi 20 avril 2005
- Benoît XVI veut entraîner l’Eglise à
approfondir encore davantage l’ Année de l’Eucharistie.
Dans sa première homélie, il a en effet déclaré : « De manière extrêmement
significative, mon pontificat commence alors que l’Eglise vit l’Année
spéciale consacrée à l’Eucharistie. Comment ne pas voir dans cette
coïncidence providentielle un élément qui doit caractériser le ministère
auquel je suis appelé ? L’Eucharistie, cœur de la vie chrétienne et source
de la mission évangélisatrice de l’Eglise, ne peut que constituer le centre
permanent et la source du service pétrinien qui m’a été confié ».
Première
célébration de référence : la fête du Saint-Sacrement. Il disait en effet
: « Cette année, par conséquent, l’on devra accorder une importance
particulière à la célébration de la solennité du
Corpus Domini ».
A Cologne aussi l’Eucharistie sera au cœur du
rassemblement des jeunes : « L’Eucharistie se trouvera ensuite, en août, au
centre de la Journée mondiale de la Jeunesse à Cologne et, en octobre, de l’Assemblée
ordinaire du Synode des évêques qui aura pour thème : « l’Eucharistie,
source et sommet de la vie et de la mission de l’Eglise ». »
A toutes les
paroisses le pape disait : « Je demande à tous d’intensifier dans les
mois à venir l’amour et la dévotion à Jésus
Eucharistie et d’exprimer de façon courageuse et claire la foi dans
la présence réelle du Seigneur, en particulier à travers le caractère
solennel et digne des célébrations ».
« Je le demande de façon
spéciale aux prêtres, auxquels je pense en ce moment avec une grande
affection, continuait le pape. Le sacerdoce ministériel est né dans le
Cénacle, en même temps que l’Eucharistie, comme l’a si souvent souligné mon
vénéré prédécesseur Jean-Paul II. « L’existence sacerdotale doit avoir à un
titre spécial une ‘forme eucharistique’ », a-t-il écrit dans sa dernière
lettre pour le Jeudi Saint (n. 1). La célébration pieuse et quotidienne de
la Messe, centre de la vie et de la mission de chaque prêtre, y contribue de
façon spéciale ».
« Nourris et soutenus par l’Eucharistie, les
catholiques ne peuvent pas ne pas se sentir encouragés à tendre vers cette
pleine unité que le Christ a ardemment souhaitée au Cénacle. Le successeur
de Pierre sait qu’il doit de manière particulière prendre en charge cette
aspiration suprême du Divin maître. C’est à lui en effet qu’a été confiée la
tâche de confirmer ses frères (cf. Lc 22, 32) », concluait Benoît XVI.
Quelques extraits des
dernières homélies prononcées par le Pape Jean-Paul II à l’occasion de
la fête du Corpus Domini (2000 à 2004) |
" Voilà le pain des anges, / le pain des
pèlerins, / le vrai pain des fils " ( Séquence ).
Aujourd'hui, l'Eglise
présente au monde le Corpus Domini - le Corps du Christ. Elle invite
à l'adorer: venite adoremus - Venez, adorons-le !
Les
regards des croyants se concentrent sur le Sacrement, dans lequel Jésus a
laissé toute sa personne : Corps, Sang, Ame et
Divinité. C'est pourquoi il a toujours été considéré le plus
Saint : le "très saint Sacrement", mémorial vivant du Sacrifice rédempteur.
Ce don "dépasse toute louange, il n'y a pas de chant qui en soit digne" (
ibid .).
Voilà un mystère sublime et ineffable. Un
mystère devant lequel on reste stupéfaits et silencieux, dans une attitude
de contemplation profonde et d'extase.
Dans le Pain et le Vin
consacrés, celui qui reste avec nous est le même Jésus que celui des
Evangiles, que les disciples ont rencontré et suivi, qu'ils ont vu crucifié
et ressuscité, dont Thomas a touché les plaies en se prosternant en
adoration et en s'exclamant : "Mon Seigneur et mon Dieu !" ( Jn 20,
28)
Dans le contexte
liturgique du Corpus Domini, le passage de l'évangéliste Luc nous aide à
mieux comprendre le don et le mystère de l'Eucharistie. Jésus prit les cinq
pains et les deux poissons, il leva les yeux au ciel, les bénit, les rompit
et les donna aux apôtres afin qu'ils les distribuent au peuple (cf. Lc
9, 16). Tous - observe saint Luc - mangèrent et furent rassasiés et
douze couffins de morceaux furent même recueillis (cf. ibid., 17).
Il s'agit d'un
prodige surprenant, qui constitue comme le début d'un long processus
historique : la multiplication sans arrêt dans l'Eglise du Pain de vie
nouvelle pour les hommes de toute race et de toute culture. Ce ministère
sacramentel est confié aux Apôtres et à leurs successeurs. Et eux, fidèles à
la consigne du divin Maître, ne cessent de rompre et de distribuer le Pain
eucharistique de génération en génération.
Le Peuple de Dieu le
reçoit avec une participation dévouée. De ce Pain de vie, médecine
d'immortalité, se sont nourris d'innombrables saints et martyrs, en y
puisant la force pour résister également aux dures et longues tribulations.
Ils ont cru aux paroles que Jésus prononça un jour à Capharnaüm: "Je
suis le pain vivant, descendu du ciel. Qui mange ce pain vivra à jamais" (
Jn 6, 51).
"Le Pain de la vie", "Le
pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde" ( Jn 6,
51).
Mystère de notre salut ! Le Christ - unique Seigneur hier, aujourd'hui et à
jamais - a voulu lier sa présence salvifique dans le monde et dans
l'histoire au sacrement de l'Eucharistie. Il a voulu devenir pain rompu,
afin que chaque homme puisse se nourrir de sa vie même, à travers la
participation au Sacrement de son Corps et de son Sang.
Comme les disciples, qui
écoutèrent stupéfaits son discours à Capharnaüm, nous aussi nous ressentons
que ce langage n'est pas facile à comprendre (cf. Jn 6, 60). Nous
pourrions parfois être tentés d'en donner une interprétation réductrice.
Mais cela nous éloignerait du Christ, comme cela a lieu pour les disciples
qui "dès lors [...] n'allaient plus avec lui" ( Jn 6, 66).
Nous voulons rester avec le Christ, et pour
cela nous Lui disons avec Pierre: "Seigneur, à qui irons-nous? Tu as
les paroles de la vie éternelle" ( Jn 6, 68). Avec la même
conviction que Pierre, nous nous agenouillons aujourd'hui devant le
Sacrement de l'autel et nous renouvelons notre profession de foi dans la
présence réelle du Christ.
Histoire abrégée de l'Institution de la Fête-Dieu
|
Institution de la fête-Dieu grâce à une religieuse dont le confesseur
devient pape
CITE DU
VATICAN, Jeudi 19 juin 2003 - L'institution de la fête-Dieu est pour
beaucoup due à une religieuse dont le confesseur devient pape: sainte
Julienne de Mont-Cornillon (1192-1258), en Belgique.
sainte Julienne de Mont-Cornillon
La fête
du Corpus Domini est maintenue au Vatican à sa place originelle, le jeudi
après l'octave de la Pentecôte, tandis que dans de nombreux diocèses, elle
est reportée au dimanche suivant pour des raisons pastorales.
Un miracle
eucharistique a marqué le XIIIe siècle, au Nord de Rome, à Bolsena en
1263, un événement décisif pour l'institution de cette fête en 1264 par le
pape Urbain IV, et qui est relaté par les fresques de la cathédrale
d'Orvieto.
Le miracle est survenu
dans la basilique Sainte Christine de Bolsena, au nord de Rome et au sud
d'Orvieto.
Un prêtre de Bohème,
Pierre de Prague, venait d'accomplir un long et difficile pèlerinage et il
priait sur la tombe de sainte Christine. Il passait par une crise
spirituelle profonde et demandait à la sainte d'intercéder pour que sa foi
se fortifie et chasse les doutes qui le tourmentaient, en particulier à
propos de la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie.
Le miracle advint au
cours de la messe, célébrée par le prêtre en présence de nombreux fidèles.
Au moment de la consécration, alors que le prêtre avait prononcé les paroles
liturgiques sur les espèces du pain et du vin, l'hostie qu'il tenait
au-dessus du calice prit une couleur rosée et des gouttes de sang tombèrent
sur le corporal et sur le pavement. Le prêtre bouleversé interrompit la
messe pour porter à la sacristie les saintes espèces.
Le pape Urbain IV fut
immédiatement informé de l'événement. Il vint constater lui-même ce qui
était survenu.
Une grande partie des
reliques sont conservées en la cathédrale d'Orvieto: l'hostie, le corporal
et les purificatoires de lin.
A Bolsena, on peut encore
voir l'autel du miracle dans la basilique Sainte Christine, ainsi que quatre
pierres tachées de sang.
Urbain IV institua la fête
du Corpus Domini par la bulle "Transiturus de hoc mundo" et confia alors à
St Thomas d'Aquin la rédaction de textes liturgiques pour cette
solennité qu'il fixait au jeudi après l'octave de la Pentecôte. La fête fut
ensuite confirmée par le pape Clément V en 1314.
Mais en amont, le pape
Urbain IV avait été, en Belgique, le confesseur de sainte Julienne de Mont
Cornillon: c'est à elle que revient le mérite d'avoir demandé au pape
l'institution de cette fête.
Orpheline, elle avait été
recueillie à l'âge de cinq ans, avec sa soeur Agnès, d'un an son aînée, par
les Augustines du Mont-Cornillon, près de Liège. Comme les religieuses
soignaient les lépreux, elles vécurent d'abord en retrait, à la ferme. Mais
à quatorze ans, Julienne fut admise parmi les soeurs.
Une vision dont elle fut
favorisée deux ans plus tard est à l'origine de ses efforts pour faire
instituer la Fête-Dieu en l'honneur du Saint-Sacrement.
Cependant, devenue
prieure, Julienne se heurtait à de cruelles incompréhensions : on la
traitait de fausse visionnaire. Ses visions, et son interprétation
rigoureuse de la règle augustinienne, la firent chasser deux fois du
monastère.
La première fois, l'évêque
la rappela. La seconde, en 1248, elle se réfugia dans le Namurois, auprès
d'un monastère cistercien, avant d'embrasser la vie d'ermite recluse, à
Fosses.
L'abbaye cistercienne de
Villers, entre Bruxelles et Namur, lui offrit une sépulture, aussi
l'iconographie la représente-t-elle parfois revêtue de l'habit des
Cisterciennes.
Cependant, relayés par Eve de Liège, ses
efforts ne furent pas vains, car la fête du Saint-Sacrement fut introduite
dans son diocèse. Et elle allait être étendue à toute l'Eglise par Urbain
IV, six ans après sa mort.
SAINT
THOMAS D’AQUIN , LE CHANTRE DE LA
DIVINE EUCHARISTIE |
Egregius Psaltes
Israel. II Reg., XXIII, I.
Il chanta les plus
belles hymnes d'Israël.
Extrait de sa vie ch. XVI, où il est question
du miracle de Bolsena
Après la
glorieuse assurance donnée par le Christ lui-même au Docteur angélique, il
demeure avéré qu'une grâce toute particulière le préparait à traiter le
mystère de l'amour, et à devenir le Chantre de la divine Eucharistie
.
L'an 1264, à
Orvieto, le pape Urbain IV immortalisait son pontificat par l'institution de
la fête du Saint-Sacrement.
Outre la nécessité de confondre des hérétiques
dont les blasphèmes attaquaient spécialement depuis deux siècles, la
présence eucharistique du Sauveur, trois causes influèrent sur la
détermination du Vicaire de Jésus-Christ.
La première fut
l'occurrence de plusieurs miracles relatifs à la sainte Eucharistie.
En 1239,
époque où les Maures désolaient le royaume de Valence, six officiers de
l'armée chrétienne voulurent, avant de livrer bataille, recevoir le Pain des
forts. Pendant qu'ils (156) entendaient dévotement la messe, les trompettes
sonnèrent l'alarme, et nos braves capitaines de sortir en toute hâte pour se
mettre à la tête de leurs troupes. Quelques heures après ils revinrent, en
possession de la victoire, et le prêtre, pour satisfaire leur piété, déploya
le corporal dans lequel il avait mis en réserve les saintes espèces. Grande
fut sa surprise de les trouver ensanglantées et tellement adhérentes au
corporal qu'il ne put les détacher. Le camp était à égale distance de
plusieurs églises. Comme on ne savait dans laquelle conserver le linge
miraculeux, après l'avoir précieusement enfermé, on le plaça sur une mule,
qu'on laissa aller suivant son instinct dirigé par la Providence. La mule
s'en vint droit à Daroca, et entrant dans la cour de l'hôpital, fléchit les
genoux et expira, comme incapable désormais de servir à un usage profane.
La Sainte-Chapelle, à Paris, fut le théâtre
d'un miracle non moins célèbre.
Un jour de l'année 1258, à
l'Elévation de la messe, on aperçut entre les mains du prêtre un petit
enfant d'une grâce divine et d'un éclat merveilleux. Pénétré d'une indicible
émotion, le célébrant n'osait baisser les mains, de crainte de voir
l'apparition s'évanouir. On lui soutint les bras, afin que le roi, dont le
palais était proche, pût,venir contempler le prodige. Saint Louis se
contenta de répondre : « Que ceux qui ne croient pas à la présence réelle de
Jésus-Christ dans l'Eucharistie aillent voir ce miracle Par la grâce de
Dieu, je n'ai pas besoin d'un tel témoignage pour affermir ma foi. »
Un
troisième miracle arrivé à Bolsena , ville de l'Etat pontifical, eut
plus de retentissement.
Un prêtre, célébrant la messe dans l'église de
sainte Christine, eut après la Consécration un doute sur la présence de
Jésus-Christ. Tout à coup l'hostie commence à verser du sang : elle en
répand en si grande abondance due le corporal, les nappes, la table même de
l'autel en sont inondés. Le prêtre épouvanté prend la fuite. Il raconte le
fait ; on accourt, on constate le prodige, on prévient le souverain Pontife,
qui était alors tout près, à Orvieto. Le Pape envoie des prélats de sa
maison; dans une procession solennelle, on apporte a la cathédrale d'Orvieto
le corporal ensanglanté, aujourd'hui encore objet de vénération.
L'institution de la fête du très saint Sacrement semblait déjà provoquée par
ces faits merveilleux; elle avait toutefois une raison plus profonde dans le
cœur d'Urbain IV. Encore simple archidiacre de Liège, Jacques Pantaléon;
c'était le nom d'Urbain IV avant qu'il devînt souverain pontife, avait connu
une Bénédictine hospitalière de Mont-Cornillon, nommée Julienne.
Toute sa
vie, cette sainte religieuse avait ressenti une dévotion singulière pour le
Sacrement de l'autel; dès l'âge de seize ans, chaque fois qu'elle se mettait
en oraison, il lui semblait voir la lune en son plein, avec une échancrure à
son disque. Après de longs efforts pour écarter ce qu'elle croyait une
illusion du tentateur, Julienne pria Dieu de lui donner le sens de cette
vision. Il lui fut révélé que cette lune mystérieuse représentait l'Eglise,
à laquelle il' manquait une fête pour honorer le Corps du Seigneur. En même
temps lui était intimé l'ordre de faire connaître air monde la volonté du
Très-Haut. Vingt ans s'écoulèrent sans que l'humble vierge pût s'y résoudre.
Elle s'ouvrit enfin à Jean de Lausanne, chanoine de Saint-Martin-du-Mont.
C'était un prêtre fort vertueux, qui accueillit favorablement la
communication, et en conféra sans délai avec l'archidiacre et plusieurs
doctes théologiens, parmi lesquels se trouvaient Hugues de Saint-Cher, alors
provincial des Frères Prêcheurs, et trois autres Dominicains, professeurs à
Liège. Leur avis à tous fut qu'il était juste et utile de rendre de nouveaux
hommages au très auguste mémorial de la Passion du Sauveur.
Comme toutes
les oeuvres divines, le projet rencontra des contradictions sans nombre,
jusqu'au sein du clergé. On traita la sainte de visionnaire, fausse dévote ;
on trouvait suffisant de faire mémoire de l'institution eucharistique chaque
année le Jeudi Saint, et chaque jour dans l'action même du divin sacrifice.
Mais l'évêque Robert de Torote en jugea tout autrement, et par décret
synodal prescrivit, pour le jeudi qui suit l'octave de la Pentecôte, la
célébration annuelle, dans son diocèse, d'une fête en l'honneur du
Saint-Sacrement, avec abstention d'œuvres serviles et jeûne préparatoire.
La mort le surprit avant que son décret fût mis à exécution; et seuls les
chanoines de Saint-Martin commencèrent, en 1247, à célébrer la fête du
Corps de Jésus-Christ . L'office en avait été composé, à la prière de la
bienheureuse Julienne, par un jeune religieux de son Ordre, nommé Jean,
d'une science assez commune, mais d'une grande vertu.
Cinq ans après,
Hugues de Saint-Cher, devenu cardinal et légat du Saint-Siège, pour
l'Allemagne et les Pays-Bas, fut appelé à Liège par les devoirs de sa
charge. On était aux jours consacrés à honorer le Corps du Seigneur. Il
voulut donner l'exemple, en célébrant avec solennité la messe du
Saint-Sacrement, et il y prêcha. Ensuite, il écrivit aux évêques et aux
fidèles de sa légation, pour ordonner la célébration de la nouvelle fête.
Julienne n'eut pas la joie de voir la pleine extension d'une oeuvre qui lui
était si chère ; elle mourut abreuvée d'amertume, chassée même de son
couvent. Mais elle laissait une confidente de sa pensée, dans la personne
d'une pauvre recluse, nommée Eve, connue, elle aussi, du pape Urbain. Les
recluses, assez nombreuses au moyen âge, étaient de pieuses femmes qui, par
un motif de pénitence ou de dévotion, s'enfermaient pour le reste de leurs
jours dans une étroite enceinte qu'on murait ensuite, à l'exception d'une
ouverture strictement suffisante pour livrer passage à la lumière et aux
aliments.
Apprenant l'exaltation de l'ancien archidiacre
au trône pontifical, Eve obtint, par les chanoines de Saint-Martin, que
l'évêque Henri de Gueldres, successeur de Robert de Torote, sollicitât du
pape l'établissement de la grande solennité dans tout le monde catholique.
La demande parvint au Vicaire de Jésus-Christ
presque en même temps qu'avait lieu le miracle de Bolsena, et qu'une
puissante intervention allait être, selon de graves auteurs, la cause
déterminante des résolutions du Pontife. Cette intervention n'était autre
que celle de saint Thomas lui-même.
Voici ce que porte un vieux
manuscrit : « Par ordre du pape Urbain IV, saint Thomas avait entrepris sur
les Evangiles un commentaire, intitulé plus tard la Chaîne d'or ; il en
offrit les prémices au Pontife, qui pour récompense, lui proposa un évêché.
Mais le Saint déclina cet honneur, et pria seulement le Pape d'instituer la
Fête du Corps de Jésus-Christ . Urbain IV y consentit volontiers, et
chargea le grand Docteur de composer cet office admirable qu'on lit par
toute l'Eglise. D'où l'on peut dire, en vérité, que la fête du Saint
Sacrement est la fête de saint Thomas et des Frères Prêcheurs »
Cette
dernière conclusion cessera de paraître suspecte de partialité, quand on
saura comment, en dehors même de l'influence du Docteur angélique, l'Ordre
dominicain a su rendre cette fête particulièrement sienne. Nous avons vu
plusieurs de ses docteurs approuver le pieux projet, et son premier cardinal
étendre, avant tout autre, au delà des bornes d'un simple diocèse, la
touchante solennité. En inscrivant à son cycle liturgique la fête du Corps
du Seigneur, l'Ordre de Saint Dominique lui a donné un rang égal à celui de
Pâques et de la Pentecôte. Renchérissant même sur la liturgie romaine, qui,
durant l'octave, exclut seulement les fêtes du rit semi-double ou d'un rit
inférieur, la liturgie dominicaine rejette toute autre fête que celles de
saint Jean-Baptiste et des bienheureux apôtres Pierre et Paul.
Ce fut
au mois d'août 1264 que le Saint-Père signa la bulle Transiturus .
Pour exciter la piété des fidèles, il ouvrit le trésor des indulgences, en
faveur de ceux qui assisteraient dévotement à la Messe et aux différentes
heures canoniales de la fête et de son octave ; il n'est point question de
la procession, qui ne s'établit, en effet, qu'au siècle suivant.
Le pape
envoya sa bulle à Eve nommément, et, le 8 septembre, écrivit de sa propre
main à la pieuse recluse une lettre dans laquelle on lisait ces mots : «
Nous vous adressons le cahier qui contient l'office de la fête, et Nous
vouions que vous en laissiez prendre copie à toutes les personnes qui en
manifesteront le désir. »
Les historiens constatent que l'Eglise de
Liège abandonna aussitôt les formules liturgiques dont elle se servait, et
rivalisa dès lors avec toutes les Eglises du monde pour ne chanter que le
nouvel office, composé par saint Thomas. « Il était juste, dit Antoine de
Waithe, moine de l'Ordre de Cîteaux, que ce fût le Docteur angélique qui
nous apprît les merveilles et nous expliquât la divine vertu du Pain des
anges. »
Denys le Chartreux et quelques auteurs après
lui avancent qu'Urbain IV avait chargé séparément saint Thomas et saint
Bonaventure de travailler sur le même sujet, et qu'à la lecture du manuscrit
de Thomas d'Aquin, le Docteur séraphique, tout inondé de larmes, déchira une
à une les pages de son cahier.
Ce récit, dont la première trace n'apparaît
qu'un siècle et demi après l'événement, n'est peut-être qu'une légende,
dont, à coup sûr, la gloire de saint Thomas n'a pas besoin. Du moins cet
hommage que Bonaventure aurait rendu par ses larmes au chef-d'oeuvre de son
ami, répond parfaitement au caractère d'un saint dont l'âme toute suave se
liquéfiait au feu du divin amour.
L'admiration qui accueillit
le monument élevé par l'angélique Docteur à l'adorable Eucharistie n'a pas
un instant cessé de grandir : un simple coup d'œil sur la contexture, de ses
parties y révèle l'empreinte du génie, inspiré par la piété la plus tendre,
initié aux secrets de la plus noble poésie.
Les Antiennes sont
une appropriation d'un verset des psaumes à l'auguste Sacrement, sauf la
dernière de toutes, l' O Sacrum Convivium , « cri prolongé de
reconnaissance pour le banquet sacré de l'union divine, mémorial vivant des
souffrances du Sauveur, où l'homme est rempli (164) de grâce en son âme, et
reçoit dans son corps même le gage de la gloire future » .
Les Répons
offrent un parallélisme achevé entre l'Ancien et le Nouveau Testament,
entre l'oracle des prophètes et la parole du Christ, promettant ou donnant
le pain qui est son Corps, et le vin qui est son Sang. En regard de l'agneau
figuratif des Hébreux, le Docteur angélique met le Christ immolé, notre
véritable Pâque ; à la manne du désert il oppose l'aliment céleste
qui donne la vie au monde ; au pain qui réconforte le prophète Elie dans
sa marche vers Horeb, le Pain des anges, devenu nourriture de l'homme
voyageur .
Les Hymnes , « incomparables et presque
divines », au jugement d'un pape , sont à peu près les seules auxquelles
Urbain VIII, dans sa réforme liturgique, défendit de toucher, à cause de
leur perfection et dû respect dû à leur auteur. Le Pange lingua
résume le mystère de la foi dans une doctrine profonde et concise. C'est
l'hymne que l'Eglise choisit de préférence pour chanter le divin Sacrement.
Dans le Sacris Solemniis se déroule, avec des accents vraiment
lyriques, le récit de la dernière Cène, et l'énoncé des grands biens
conférés à la terre en cette nuit précieuse. L'hymne des Laudes est célèbre
par l'admirable strophe ,quatrième, qui résume si complètement dans sa
brièveté gracieuse le mystère du Christ-Jésus, compagnon, nourriture,
rançon et récompense de l'homme . Le poète du bréviaire viaire parisien,
Santeul, en témoignait tant d'admiration, qu'il aurait, disait-il, donné
volontiers pour elle toutes ses compositions liturgiques.
Que dire enfin
de la prose ou séquence Lauda Sion
Le premier de nos
liturgistes modernes, Dom Guéranger, en fait l'éloge suivant : « C'est là
que la haute puissance de la scolastique, non décharnée et tronquée, mais
complète, comme au moyen âge, a su plier sans effort au rythme et aux
allures de la langue latine, l'exposé fidèle, précis, d'un dogme aussi
abstrait pour le théologien que doux et nourrissant au cœur du fidèle.
Quelle majesté dans l'ouverture de ce poème sublime ! Quelle précision
délicate dans l'exposé de la foi de l'Eglise ! Et avec quelle grâce, quel
naturel sont rappelées, dans la conclusion, les figures de l'ancienne loi
qui annonçaient le Pain des anges : l'agneau pascal et la manne! Enfin,
quelle ineffable conclusion dans cette prière majestueuse et tendre au divin
Pasteur, qui nourrit ses brebis de sa propre chair, et dont nous sommes ici
les commensaux, en attendant le jour éternel où nous deviendrons ses
cohéritiers ! Ainsi se vérifie ce que nous avons dit ailleurs, que tout
sentiment d'ordre se résout nécessairement en harmonie. Saint Thomas, le
plus parfait des scolastiques du XIIIe siècle, s'en est trouvé par là même
le poète le plus sublime. »
Quant au chant lui-même, il mérite
pareillement attention. Certains y voient une réminiscence de pas redoublé
du style antique, en usage pour les triomphateurs de Rome païenne, et
heureusement appliqué au triomphe de Jésus-Hostie. Sans discuter la valeur
de cette assertion, on doit reconnaître que ce chant possède une ampleur,
une majesté qui remue jusqu'au plus intime de l'âme, chaque fois qu'il
retentit sous les voûtes sacrées.
Tel est l'office dont
l'Ange de l'école a enrichi la sainte liturgie. Avant de le présenter au
pape, il le déposa au pied du Tabernacle, et le Christ, renouvelant le
miracle fait à Paris au sujet de l'opuscule sur les Accidents
eucharistiques , rendit une seconde fois témoignage à son Docteur. On
conserve dans l'église des Dominicains d'Orvieto, le crucifix qui prit la
parole en cette circonstance mémorable. Il est connu sous le nom de
Crucifix de saint Thomas .
Une remarque trouve ici sa place.
Ces
hymnes, ces antiennes, ces répons ne prêtent pas seulement leur concours à
la solennité des offices dans le temple chrétien ; ils fournissent encore
aux fidèles, pour l'adoration silencieuse de la sainte Eucharistie, « le
meilleur thème de contemplation qui puisse éclairer leurs intelligences et
embraser leurs coeurs ».
Aussi adresserons-nous aux lecteurs pieux
l'invitation que fait le continuateur de l'Année liturgique, par rapport à
la visite au Saint Sacrement : « Durant les heures fortunées qu'un
industrieux amour saura dérober aux occupations ordinaires, qu'ils
choisissent donc de préférence l'expression de leurs sentiments dans les
formules consacrées par l'Eglise elle-même - sous l'inspiration de saint
Thomas - à chanter l'Epoux en son divin banquet : non seulement ils y
trouveront la poésie, la doctrine et la grâce, habituelle parure de l'Epouse
en présence du Bien-Aimé ; mais ils auront fait vite aussi l'heureuse
expérience que, comme le mets céleste lui-même, ces formules sanctifiées se
prêtent à toutes les âmes, et deviennent en chaque bouche l'expression la
plus opportune et la plus vive des besoins et désirs de tous. »
Sublime
destinée faite par la Providence à l'œuvre de Thomas d'Aquin ! Ce n'est pas
assez que chaque année, au retour de la fête du Corps de Jésus-Christ,
populairement la Fête-Dieu, ses hymnes incomparables retentissent dans nos
cathédrales, comme dans nos églises de hameaux. Ce n'est pas assez que leur
chant triomphal, associé à une pluie de rosés et à des nuages d'encens,
marque, à travers les rues de la grande cité, et sur les chemins ombragés de
l'humble village, le cortège pacifique du Roi des rois ; chaque semaine.,
pour mieux dire, chaque jour, quand l'Hostie sainte sort du tabernacle pour
recevoir les adorations de la foule et pour la bénir, elle est saluée par
deux des plus magnifiques strophes du Docteur angélique.
Ainsi en
sera-t-il toujours.
Aussi longtemps que durera le, monde, jusqu'à
l'heure solennelle où le dernier prêtre, quittant la terre, emportera dans
sa poitrine la dernière hostie, saint Thomas d'Aquin, nouveau David,
illustre chantre d'Israël , restera, au sein de l'Eglise catholique, le
Chantre immortel de la divine Eucharistie !
Messe
d’action de grâce pour le pape Benoît XVI |
« Vous êtes le doux Christ
en terre » : Homélie du card. Danneels
Messe d’action de grâce pour le pape Benoît XVI
|
«
Vous êtes le doux Christ en terre »
: le cardinal Godfried Danneels,
archevêque de Malines-Bruxelles, a cité cette expression de sainte
Catherine de Sienne, docteur de l’Eglise et co-patronne de l’Europe,
lors de son homélie pour la messe d’action de grâce pour l’élection du
pape Benoît XVI, à Bruxelles, le 30 avril dernier. Il y évoque le
conclave auquel il a lui-même participé. Homélie de la messe d’action de
grâce pour SS le pape Benoît XVI - Bruxelles, cathédrale Saints
Michel et Gudule – 30 avril 2005 |
Frères et Sœurs,
Rendons grâce.
Si nous
sommes réunis ce soir en cette cathédrale en fête, c’est d’abord et avant
tout pour rendre grâce. Rendons grâce à Dieu et au Christ, qui comme Il
l’avait promis, ne nous laisse jamais orphelins. Oui, le Christ reste avec
son Eglise et renouvelle une nouvelle fois en elle, la grâce précieuse de
Pierre. Avec saint Paul je vous dis :« Réjouissez-vous dans le Seigneur… je
le répète encore, réjouissez-vous (Ph 4,4). Soyez dans l’action de grâce..
Mais rendons grâce aussi à celui qui, ‘pauvre serviteur dans la vigne du
Seigneur’ comme il s’est appelé lui même le soir de son élection, a pris sur
ses épaules la lourde charge d’être le pasteur universel de nous tous. En
plus de ses grands dons et talents humains, intellectuels, moraux et
spirituels, c’est tout son cœur qu’il donne au Christ, le grand Pasteur de
nos âmes. Et le Christ nous donne Benoît XVI pour nous guider en cette
époque mouvementée, que traverse l’Eglise de nos jours.
Nous remercions
Benoît XVI d’avoir accepté de monter dans cette barque en haute mer et d’y
tenir le gouvernail, mettant ses pauvres mains fragiles dans les mains
puissantes du seul pilote du navire, le
Christ Jésus.
Au nom de l’Eglise en Belgique, de tous mes confrères dans l’épiscopat et en
mon propre nom : merci Saint-Père. Soyez Pierre parmi nous.
Le visible et
ce qui ne se voit pas.
Ces dernières semaines les media nous ont
saturés d’images, d’analyses et de commentaires. En entrant dans l’histoire
des hommes par son Incarnation, Jésus a dû savoir, que se faire homme avec
les hommes, était à ce prix : se faire spectacle devant le monde comme le
dit saint Paul : «nous sommes donnés en spectacle au monde, aux anges et aux
hommes… » (1 Co 4,9). Reste-t-il encore une seule chose qui n’ait pas été
montrée ou dite ?
Si tout de même. Tout ce qui nous était
présenté, appartenait au monde des sens, à l’avant plan, au domaine du voir
et de l’entendre. Mais il y a plus et autre chose : il y a le monde
invisible, qui demande le regard de la foi pour être vu et l’écoute dans la
foi pour comprendre. Je vous invite donc frères et sœurs en cette heure même
à devenir comme Moïse dont l’épître aux Hébreux nous dit « qu’il marchait
comme s’il voyait l’invisible » (Cfr He 11 ?27). Alors, regardons par
cet « œil que Dieu Lui-même a planté dans notre cœur » (cfr Si 17,8)
pour voir dans la foi, atteindre l’invisible.
Il y a à peine quinze
jours, il y avait là un homme, debout devant l’autel de la Chapelle Sixtine,
avec derrière lui l’immense fresque du jugement de Michel- Ange, à qui l’on
posait cette simple question: ‘Acceptes-tu ?’ Tous l’ont vu, tous ont
entendu sa réponse : c’était là le côté visible : une simple question
d’ordre procédural ? Et une réponse d’ordre juridique ?
Mais voici ce qui
était invisible, caché derrière des apparences : nous avons vu debout devant
l’autel, Pierre, Pierre, face à face avec Jésus ressuscité. Et que
demande Jésus ? ‘Acceptes-tu le pouvoir des clés dans mon Eglise ? ‘Non…
Voici ce qu’il demande avant toute question de pouvoir ou d’investiture : «
Pierre, m’aimes-tu ? M’aimes-tu plus que les autres ? » (cfr Jn 21, 15 ss.)
Jusqu’à trois fois. C’est l’amour de Pierre que Jésus veut, bien au-delà de
toutes ses qualités humaines de chef. « Pierre, m’aimes-tu » ? Et la réponse
elle aussi est une réponse d’amour. « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime…
» Ce qui se passait à la Chapelle Sixtine le 19 avril, en ce moment où l’Eglise
et le monde, les anges et les hommes, retenaient leur souffle, c’était un
dialogue d’amour qui dépasse infiniment tout ce qui était visible ou audible
et précède toute passation de pouvoir. Ce fut un grand moment, ce
dialogue invisible et inaudible entre le Bon Berger et son pasteur sur la
terre. C’est après que Jésus dit : « Pais mes agneaux, paix mes brebis
», la transmission du pouvoir.
Et Jésus ajoute «
Toi, suis-moi ». Pierre est le second de cordée aux jours de
plein brouillard, Jésus guide et le devance. C’est Lui le premier de cordée
, il ne demande à Pierre que de mettre ses bras autour de la taille de Jésus
et de marcher, aveuglément dans une totale confiance, mettant ses pas
dans les siens, ne regardant ni à gauche, ni à droite. «
Toi, suis-moi, ». Pierre suit son Maître
où qu’il le mène, se confiant totalement à Jésus, qui le mènera où il ne
croyait pas devoir aller : « … quand tu étais jeune, tu nouais ta ceinture
et tu allais où tu voulais : lorsque tu seras devenu vieux, tu étendras les
mains et c’est un autre qui te nouera la ceinture et qui te conduira où tu
ne voudrais pas « (Jn 21,18). Aux dires mêmes de notre nouveau pape, cette
prophétie de Jésus s’est vérifiée pour lui à la lettre quand il disait :
Pendant le conclave j’ai demandé que le sort ne tombe pas sur moi.
Le
berger et le troupeau.
Revenons au visible. Il serait
intellectuellement malhonnête et ce serait un manque flagrant de foi humaine
et divine, de vouloir à tout prix extrapoler à partir de ce que quelqu’un a
été, ce qu’il sera ou même plus, ce qu’il devra être. C’est ne pas croire ni
à l’Esprit-Saint ni au vent de la Pentecôte. Si dans l’Eglise quelqu’un
passe d’une responsabilité particulière à celle de Pasteur universel, ce
n’est pas seulement un grand défi, c’est surtout une grâce. Elle s’appelle
la grâce d’état. Si la vigne pousse dans la bonne terre, sous la chaleur du
soleil, si elle se trouve dans son biotope et est soignée par le vigneron
avec amour, pourvu que le cep soit bon, elle donnera de l’excellent vin : un
grand cru. Car une vigne peut se surpasser elle-même. De même, si le nouveau
pasteur de l’Eglise planté dans la bonne terre de la tradition, poussant
sous le beau soleil de la grâce de Dieu, si il jouit du bon biotope qu’est
l’amour de nous tous, la sève de la grâce tirera des dons naturels du
nouveau pasteur, de son intelligence, de son cœur, de son âme et de son
corps, des fruits qu’on n’avait peut-être même pas soupçonnés. C’est là la
force de la grâce d’état.
S’il est vrai que l’Eglise est une grande
famille, il se passera en elle ce qui se passe dans toute famille. Comme
dans toute famille, les parents forment l’enfant ; il est vrai aussi que en
retour et pour leur part, les enfants modèlent leurs parents. Comme dans l’Eglise
: s’il est vrai que le pasteur modèle le troupeau – il est la forma gregis –
dit saint Pierre (cfr 1 Pe 5,3), il n’est pas moins vrai aussi, qu’en retour
et pour sa part, le troupeau par sa charité et son affection et sa loyauté,
modèle son pasteur. Ce que sera notre nouveau pape pour nous dépend aussi de
ce que nous serons pour lui. C’est à nous surtout pas notre charité filiale
de lui procurer le bon biotope où il pourra vivre et fructifier.
Le
pallium et l’anneau du pêcheur
Nous l’avons tous vu : le pape le jour de son
intronisation a été revêtu du pallium et il a reçu l’anneau du pêcheur. Nous
l’avons tous vu. Encore faut-il comprendre ce qui se cache sous ces gestes
et reste invisible.
Le pallium est l’image du joug du Christ que
le nouveau pape prend sur les épaules. Fait de la laine des agneaux, il
symbolise la charge de toutes les brebis du troupeau. Mais peut-être
n’avez-vous pas remarqué, que les cinq croix sur le pallium papal, n’étaient
pas de couleur noire – comme les miennes ici en cette cathédrale –. Elles
étaient rouges. Autant dire que le pasteur de l’Eglise, comme le Christ,
prend sur ses épaules - aussi et avant tout - les brebis qui ont été
blessées par les attaques du loup ou par les épines ou qui se sont cassé les
pattes ne pouvant plus suivre le rythme de la marche. Le sang des agneaux
blessés marque le berger. Le regardant, nous tous nous pouvons dire avec le
prophète Isaïe : « Qui donc est celui qui vient d’Edom, de Bosra, avec du
cramoisi sur ses habits ? …Pourquoi y a-t-il du rouge à ton vêtement,
pourquoi tes habits sont-ils comme ceux d’un fouleur au pressoir ? » ! Et
voici ce que répond l’homme taché de sang : « la cuvée, je l’ai foulée seul
parmi les peuples…leur jus a giclé sur mes habits et j’ai taché tous mes
vêtements « (Is 63, 1ss.).Il faudra y penser, chaque fois que le pape
apparaît en public dans la splendeur de la
liturgie : il porte sur les épaules les agneaux blessés et il est
marqué par leur sang.
Puis on lui a remis l’anneau du pêcheur. Comme
Pierre et les Onze, le pape est pêcheur d’hommes. Mais il ne jette pas le
filet se fiant à son art de la pêche – il n’avait rien pris ! – mais
uniquement sur l’ordre de Jésus, en une totale confiance. Et la pêche fut
abondante. Ce n’était pas dû à l’habilité du pêcheur, mais à Jésus et à Lui
seul. Les pères de l’Eglise nous ont laissé un commentaire très particulier
de cette page d’évangile. Pour le poisson disent les Pères, être sorti de
l’eau, c’est la mort. Pour l’homme, c’est le contraire. Tirer l’homme de
l’eau, c’est le sauver. Pierre manie le filet de la pêche des hommes pour
nous tirer des eaux de la souffrance et de la mort. Pierre le pêcheur ne
ressemble donc en rien aux autres pêcheurs : il ne les tire pas le poisson
de l’eau pour le faire mourir et s’en accaparer et le vendre à son propre
profit. Le pêcheur – Pierre – n’a d’autre souci que de sauver et de donner
la vie aux poissons. Il ne les garde même pas pour lui-même : il les passe
au Christ, pour que Celui-ci les sauve de la mort et leur donne la vie
éternelle.
Priez et aidez-moi
Les foules ont applaudi
Benoît XVI lors de son intronisation. Abondamment et longuement. Il ne
mendiait pas ces applaudissements. Il ne les provoquait pas, il ne les
suscitait pas, ne les prolongeait pas. Il était même réservé. C’est ainsi
que j’ai connu le cardinal Ratzinger depuis toujours. Il n’a jamais demandé
d’être applaudi.
Mais il demandait autre chose cette fois-ci et
avec insistance. Deux chose même.
Voici sa première demande :
« Priez pour moi » C’est ce que nous faisons déjà ici ce soir. Nous
le ferons chaque jour désormais dans la prière eucharistique de la messe. Je
vous demande, chers frères et sœurs, de prier pour le pape tous les jours.
C’est par notre prière intense et persévérante, que nous aiderons Benoît XVI
d’être de jour en jour plus et mieux, notre saint Père, le Pierre pour l’Eglise
de notre temps. Il nous confirmera dans la foi. Confirmons-le à notre tour
par nos prières.
Il y a une deuxième chose qu’il a demandé
explicitement, spécialement aux cardinaux : ‘ Aidez-moi’. C’est ce
que nous ferons : vous et nous, vos évêques. En ce moment solennel, je dis
en votre nom à vous tous, au nom des évêques de Belgique et en mon nom
propre : « Très saint Père, nous prierons pour vous et nous vous aiderons
par notre fraternelle et entière collaboration et par la chaleur de notre
affection filiale . Car selon la belle parole de sainte Catherine de
Sienne, que nous venons de fêter hier ; « Vous
êtes il dolce Cristo in terra ».
+ Godfried Cardinal DANNEELS,
Archevêque de Malines-Bruxelles
Les
armoiries de Benoît XVI |
Armoiries pontificales
de Benoît XVI |
Comme le cardinal Josef
Ratzinger le raconte, en conclusion de son ouvrage Ma Vie, Souvenirs
1927-1977" (1), parmi les symboles de ses armoiries épiscopales figure
l’ours. L’évêque saint Corbinien obligea l’ours à porter jusqu’à Rome le
fardeau de sa mule, que ce dernier avait tué.
Le cardinal théologien
explique alors, dans son attachement à saint Augustin, comment ce
dernier se considérait comme un "iumentum", une bête de somme, ployant
sous la charge épiscopale. Comme le célèbre Père de l’Eglise, et comme
l’ours de saint Corbinien, le cardinal allemand se considère comme le
mulet chargé du joug de Dieu, près de son Maître, et ceci pour toujours.
Il terminait en ignorant non seulement quand il obtiendrait son congé de
la Ville éternelle, mais que, jusqu’à la fin de sa mission, il resterait
la bête de somme du Seigneur.
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Le Saint-Esprit et le
collège des cardinaux, en le conduisant sur la chaire de saint Pierre, le
confirment dans cette tâche de portefaix. L’humble génie du cardinal
Ratzinger, sa persévérance à porter des poids que ses plus acharnés
critiques auraient bien du mal à soulever même à plusieurs,
continueront à habiter le pape Benoît XVI. Les attaques mesquines et
injurieuses dont il est sans cesse l’objet, au sein même d’une partie du
clergé, des "intellectuels" et de la presse catholique, n’ébranleront
point ce roc institué par le Christ.
A ce propos, l’archevêque
de Paris, faisant allusion aux propos injurieux tenus par les participants
d’une émission de télévision française au lendemain de l’élection du pape
Benoît XVI a déclaré : « La rumeur, l’insulte ou l’injure, ne peuvent
tenir lieu d’information dans une société démocratique », ROME, Lundi
2 mai 2005
Revenons
aux symboles, Benoît XVI a choisi de porter un très long et large pallium,
identique à ceux que l’on voit sur les antiques mosaïques. Référence au
premier millénaire chrétien, où les Eglises étaient unies. Le
pallium du Bon Pasteur et du Successeur de Pierre.
Pour ses
armoiries, il a repris celles qu’il avait lorsqu’il était archevêque de
Munich.
On y voit la tête de Maure couronnée qui
est, personne ne sait pourquoi, l’emblème des évêques de Munich-Freising
présent dès 1316 dans les armes de l’évêque Conrad II et de tous ses
successeurs. Benoît XVI en fait le symbole de l’universalité de l’Eglise,
l’ours de saint Corbinien, comme nous le racontons plus haut et la
coquille Saint-Jacques, symbolisant notre pèlerinage sur terre. Benoît
XVI y ajoute, en référence à un texte de saint Augustin, le caractère
insondable du mystère de Dieu: si l’on ne peut pas vider la mer avec une
coquille, encore moins la raison peut-elle appréhender ce mystère.
Conformément à l’importance qu’il donne au pallium, symbole de la brebis
perdue que le Bon Pasteur va chercher, il l’a ajouté à ses armoiries, qui
sont d’autre part chapées" : il y a ajouté la chape monastique, en
référence à saint Benoît, père des moines d’Occident et patron de
l’Europe, dont il a repris le nom.
Enfin, il a remplacé la
tiare conique à trois couronnes par la mitre triangulaire, la tiare
n’avait plus été portée par un pape depuis le couronnement de Paul VI,
mais demeurait sur le blason. Contrairement à ce que l’on pourrait penser,
il n’y a aucune forme d’abdication dans ce choix, mais, là encore, comme
pour le pallium, une référence au premier millénaire chrétien.
Le
terme de tiare, d’origine persane, n’apparaît qu’au XIe siècle. Elle
n’avait alors qu’une couronne. C’est un pape d’Avignon qui ajouta une
deuxième couronne, et un autre pape d’Avignon ajouta la troisième. La
première symbolisait la primauté spirituelle du pape, la deuxième
symbolisa son pouvoir d’investir le saint empereur romain germanique, et
la troisième sa souveraineté sur les Etats pontificaux. On constate que
c’est un pape allemand qui supprime ce symbolisme anachronique de son
droit à investir le chef de l’empire germanique !
En dehors de cet
aspect historique, les trois couronnes symbolisent également, et c’est le
plus important, les trois pouvoirs du pape dans l’Eglise : magistère,
ordre, juridiction, et le fait qu’il représente le Christ Roi, Prêtre et
Prophète.
Ce symbolisme demeure intact dans les
armoiries de Benoît XVI, car la mitre est couronnée de trois bandes d’or
et d’argent. En outre, ces armoiries conservent naturellement les deux
clefs, l’une d’or et l’autre d’argent, symbolisant le pouvoir spirituel et
temporel du pape.
Dans l’héraldique civile ou ecclésiastique,
il est habituel de voir, en dessous de l’écu un ruban portant la devise.
Dans ses armoiries épiscopales, le cardinal Ratzinger avait inscrit : «
Cooperatores Veritatis ». J’ai choisi pour devise épiscopale, écrit le
Cardinal, la parole extraite de la troisième lettre de saint Jean : «
Coopérateurs de la vérité ». 3 Jn 8
Cette expression de saint
Jean reste sa devise, mais n’apparaît pas dans ses armoiries, pas plus que
la devise de Jean-Paul II n’apparaissait dans les siennes : une façon,
selon l’interprétation de Mgr. Andrea di Montezemolo, de signifier
«ouverture sans exclusion à tous les idéaux dérivant de la foi, de
l’espérance et de la charité ».
«
Je suis devenu ton mulet chargé de ton joug, et
c’est ainsi que je suis tout près de Toi pour toujours ».
Benoît XVI
(1)
Fayard, 1998 p.142-144 |