Lumière du monde de Benoît XVI.
Une première pour un pape |
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Rome, le 25 novembre 2010 -
(E.S.M.)
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Un livre tellement "à risque" est sans précédent pour un successeur de
Pierre. "Chacun est libre de me contredire", c'est sa formule. À propos de
la question controversée du préservatif, le professeur Rhonheimer explique
pourquoi Benoît XVI a raison.
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Lumière du monde de Benoît XVI.
Une première pour un pape
par Sandro Magister
Le 25 novembre 2010 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Vers la fin de son livre-entretien "Lumière du
monde", commercialisé depuis quelques jours en différentes langues, Benoît
XVI fait allusion à son autre livre sur Jésus, son "dernier ouvrage majeur".
Il rappelle qu’il avait voulu "de manière tout à fait consciente" que cet
autre livre soit non pas un acte de magistère, mais l'offrande d’une
interprétation personnelle.
Et d’ajouter : "Cela représente évidemment un risque énorme".
Dans l’après-midi du lundi 22 novembre, lors d’un tête-à-tête avec le pape,
le directeur de la salle de presse du Vatican, le père Federico Lombardi, a
demandé à celui-ci s’il se rendait compte qu’il allait prendre un risque
encore plus grand avec le livre-entretien qui était sur le point de
paraître.
"À cette question que je lui posais, le pape a souri", a raconté le père
Lombardi.
Et c’est la vérité. "Lumière du monde" est un livre d’une audace sans
précédent pour un pape. Transcription intégrale de six heures d’interview
spontanée et sans censure, il aborde un nombre incroyable de sujets, y
compris les plus délicats.
Les réponses sont rapides et vont à l’essentiel. Le langage est familier
mais précis et simple, les termes techniques en sont totalement absents. Ici
ou là brillent des éclairs d’ironie.
Certes, le lancement du livre n’a pas été exempt de défauts. Le père
Lombardi lui-même a reconnu que la publication en avant-première de quelques
passages par "L'Osservatore Romano", dans l’après-midi du samedi 20
novembre, en plein consistoire, "n’a pas été bien gérée". Dans le cas du
passage relatif au préservatif, qui a été repris à grand fracas par les
médias du monde entier, il a fallu prendre des mesures d’urgence, dimanche
21, sous la forme d’une note donnant des précisions, approuvée mot à mot par
le pape.
Le livre a donc immédiatement couru un "risque". Le pape s’est vu tout de
suite lancé dans la mêlée, à propos d’un sujet auquel il n’avait consacré
que deux pages sur 250, celui-là même qui, au printemps 2009, lui avait
attiré un ouragan de critiques au début de son voyage en Afrique.
Mais si l’on examine ce qui s’est passé ces jours-ci, le test a eu des
effets étonnamment bénéfiques tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de
l’Église.
À l’extérieur, les voix qui sont habituellement hostiles à ce pontificat ont
reconnu cette fois-ci à Benoît XVI le mérite d’une "ouverture". Et surtout
elles ont été amenées à lire ses argumentations. On est impressionné en
voyant comment la situation médiatique de ce pape s’est redressée en aussi
peu de temps, lui dont on réclamait la démission il y a encore peu de mois.
À l’intérieur de l’Église, la discussion sur un sujet resté jusqu’à
maintenant sous le boisseau est enfin venue à la lumière du jour. Le pape
n’a pris aucun "tournant révolutionnaire" sur la question du préservatif.
Mais le communiqué du dimanche 21 novembre a montré qu’il y avait en tout
cas une nouveauté, puisqu’il y est écrit : "De nombreux spécialistes de la
théologie morale et des personnalités ecclésiastiques faisant autorité ont
soutenu et soutiennent des points de vue analogues ; cependant il est vrai
que nous ne les avions pas encore entendus avec autant de clarté dans la
bouche d’un pape, même si c’est sous une forme familière et non
magistérielle".
Il n’y a pas que cela. C’est une vraie discussion qui est maintenant portée
à la lumière par le pape, avec des opinions parfois vivement opposées.
"Chacun est libre de me contredire", avait écrit Benoît XVI dans la
Préface
de son "Jésus de Nazareth". C’est ce qui se passe aujourd’hui à propos du
préservatif, certains groupes et dirigeants "pro life" se montrant très
critiques à l’égard des points de vue exprimés par le pape dans le
livre-entretien.
Bien évidemment, "Lumière du monde" ne se réduit pas à cela. C’est tout le
panorama de ce pontificat qui apparaît d’un coup, en une magnifique
synthèse. Même prise individuellement, chacune des questions que le pape
traite l’une après l’autre porte l'empreinte de l’ensemble.
Les deux textes reproduits ci-dessous le confirment.
Le premier est le commentaire de "Lumière du monde" qui est paru en Italie
dans "L'Espresso", hebdomadaire de pointe de la culture laïque.
Le second est un article du père Martin Rhonheimer, un Suisse, professeur
d’éthique et de philosophie politique à l’Université Pontificale de la
Sainte Croix, l'université romaine de l'Opus Dei.
Cet article a été publié en 2004 dans "The Tablet", revue catholique "liberal"
de Londres, et il expose avec la maestria d’un spécialiste de la théologie
morale les arguments qui sont à la base de "l’ouverture" de Benoît XVI en ce
qui concerne l’utilisation du préservatif dans des cas déterminés et avec
une finalité déterminée.
On est frappé de voir à quel point il y a une correspondance, y compris dans
les mots, entre l'article de Rhonheimer paru il y a six ans et ce que Benoît
XVI affirme aujourd’hui. À commencer par cet "acte de responsabilité"
reconnu comme un mérite au "prostitué" qui utilise le préservatif afin de ne
pas mettre en danger la vie de son partenaire, que le pape cite comme
exemple.
À propos de cet exemple, le père Lombardi a indiqué que, pour le pape, il
n’est pas important qu’il s’agisse d’un sujet de sexe masculin ou féminin :
"Ce qui compte, c’est la responsabilité dans le fait de tenir compte de la
mise en danger de la vie de la personne avec qui on a le rapport. Que ce
soit un homme, une femme, ou un transsexuel qui le fasse, c’est pareil".
LE BON PASTEUR ET LA BREBIS PERDUE
par Sandro Magister
En six heures d’entretiens avec le journaliste bavarois Peter Seewald dans
le calme estival de Castel Gandolfo - réparties sur six jours comme ceux de
la création et transcrites telles quelles dans un livre qui vient d’être
imprimé - Benoît XVI a transmis au monde l’image la plus véridique de
lui-même. Celle d’un homme charmé par les merveilles de la création, joyeux,
incapable de supporter l’idée d’une vie qui serait vécue toujours et
seulement "contre", convaincu avec bonheur qu’en ce qui concerne l’Église
"beaucoup de gens qui semblent être dedans sont dehors ; et beaucoup de gens
qui semblent être dehors, sont dedans".
"Nous sommes des pécheurs", dit le pape Benoît lorsque l'intervieweur le met
dos au mur à propos de l'encyclique "Humanae
Vitae", celle qui condamne tous
les actes contraceptifs non naturels. Paul VI l’a écrite et publiée en 1968
et, depuis cette année fatidique, elle est devenue l'emblème de
l'incompatibilité entre l’Église et la culture moderne. Joseph Ratzinger ne
désavoue pas une virgule d’"Humanae
Vitae". Elle est la "vérité" et elle le
reste. "Fascinante", dit-il, pour les minorités qui en sont intimement
convaincues. Mais le pape tourne tout de suite sa pensée vers les immenses
foules d’hommes et de femmes qui ne vivent pas cette "morale élevée". Pour
dire que "tous, nous devrions chercher à faire tout le bien possible, nous
soutenir et nous supporter mutuellement".
Voilà le pape que fait apparaître le livre-entretien "Lumière du monde".
C’est le même qui s’était révélé tel lors de la première messe qu’il avait
célébrée après son élection comme successeur de Pierre. Un pasteur qui va à
la recherche de la brebis perdue, qui la prend sur ses épaules comme la
laine d'agneau du pallium qu’il porte, et qui éprouve beaucoup plus de joie
pour la brebis retrouvée que pour les quatre-vingt-dix-neuf qui sont dans la
bergerie.
Seulement, à ce moment-là, peu de gens l’avaient compris. Longtemps le
Ratzinger des images est resté le professeur glacial, l'inquisiteur de fer,
le juge impitoyable. Il a fallu cinq ans, après la tempête parfaite des
prêtres pédophiles, pour déchirer définitivement cette fausse image.
A la différence de beaucoup d’hommes d’Église, Benoît XVI ne se plaint pas
de complots, il ne retourne pas les accusations contre les accusateurs. Au
contraire, il dit dans son livre que "tant qu’il s’agit de mettre la vérité
en lumière, nous devons leur en être reconnaissants". Et d’expliquer : "La
vérité, unie à l'amour bien compris, est la valeur numéro un. Et puis les
médias n’auraient pas pu faire ces comptes-rendus s’il n’y avait pas eu du
mal dans l’Église. Ce n’est que parce que le mal était dans l’Église que les
autres ont pu le retourner contre elle".
Ces propos, tenus par l’homme qui a été le premier, dans les instances
dirigeantes de l’Église catholique, à diagnostiquer et à combattre cette
"saleté" puis, en tant que pape, à porter le plus grand poids de fautes et
d’omissions qui n’étaient pas les siennes, sont impressionnants. Mais c’est
de cette manière-là que, dans le livre, Benoît XVI traite d’autres questions
brûlantes. Il va directement au cœur des points les plus controversés. Le
sacerdoce féminin ? Pie XII et les juifs ? La burqa ? Le préservatif ?
L'intervieweur le harcèle et le pape ne se dérobe pas. À propos de la burqa,
il dit qu’il ne voit pas de raison pour une interdiction généralisée. Si
elle est imposée aux femmes par la violence, "il est clair que l’on ne peut
pas être d’accord avec cela". Mais si celles-ci la portent volontairement,
"je ne vois pas pourquoi on devrait les en empêcher".
On pourra objecter au pape qu’un voile qui couvre complètement le visage
pose des problèmes de sécurité dans le domaine civil. L’objection est
légitime, parce qu’il a aussi accordé l’interview pour ouvrir des
discussions, pas pour les clore. Dans la préface qu’il avait écrite pour un
autre de ses livres, celui sur Jésus qui a été publié en 2007, Ratzinger
écrivait : "chacun est libre de me contredire". Et il avait tenu à préciser
qu’il ne s’agissait pas d’un "acte magistériel" mais "uniquement d’une
expression de ma recherche personnelle".
Là où le magistère de l’Église semble trembler, dans l'interview, c’est
lorsque le pape parle du préservatif, en justifiant son utilisation dans des
cas particuliers. Il n’y a aucun "tournant révolutionnaire", a promptement
commenté le père Federico Lombardi, porte-parole officiel du Saint-Siège. En
effet, depuis longtemps déjà, beaucoup de cardinaux, d’évêques et de
théologiens, mais surtout d’innombrables prêtres de paroisses et
missionnaires admettent paisiblement l'utilisation du préservatif pour
beaucoup de personnes concrètes qu’ils rencontrent dans le cadre de leur
"charge d'âmes". Mais qu’eux le fassent est une chose et qu’un pape le dise
à haute voix en est une autre. Benoît XVI est le premier pontife de
l’histoire à franchir ce Rubicon, avec une tranquillité désarmante : lui
qui, il n’y a que deux printemps, avait déchaîné dans le monde un chœur
retentissant de protestations pour avoir dit, alors qu’il volait vers
l'Afrique, que "l’on ne peut pas vaincre le fléau du sida en distribuant des
préservatifs : mais au contraire, le risque est d’aggraver le problème".
C’était en mars 2009. Benoît XVI fut accusé de condamner à mort des dizaines
de milliers d’Africains au nom d’une condamnation aveugle du préservatif.
Alors qu’en réalité le pape voulait attirer l'attention sur le danger –
prouvé par les faits en Afrique – qu’une plus large utilisation du
préservatif s’accompagne non pas d’une diminution mais d’une augmentation
des rapports sexuels occasionnels avec des partenaires multiples et d’une
augmentation des taux d’infection.
Dans l'interview, Ratzinger reprend le fil de son raisonnement, largement
incompris à l'époque. Il souligne que, même en dehors de l’Église, il y a un
consensus croissant parmi les plus grands experts mondiaux de la lutte
contre le sida pour estimer qu’une campagne centrée sur la continence
sexuelle et sur la fidélité conjugale est plus efficace que la distribution
en masse de préservatifs.
"Se polariser sur le préservatif – poursuit le pape – cela veut dire
banaliser la sexualité et cette banalisation est justement la dangereuse
raison pour laquelle tant de gens ne voient plus dans la sexualité
l'expression de leur amour, mais seulement une sorte de drogue qu’ils
s’administrent eux-mêmes".
À ce point du raisonnement, on s’attend à ce que Benoît XVI réitère la
condamnation absolue du préservatif. Et bien pas du tout. Prenant le lecteur
par surprise, il dit que dans différents cas son utilisation peut être
justifiée, pour des raisons autres que contraceptives. Et il donne l'exemple
d’"un prostitué" qui utilise le préservatif pour éviter la contamination :
l'exemple, donc, d’un acte qui reste en tout cas un péché, mais dans lequel
le pécheur a un sursaut de responsabilité, que le pape voit comme "un
premier pas vers une façon différente, plus humaine, de vivre la sexualité".
Si cette compréhension affectueuse s’applique à un pécheur, elle doit à plus
forte raison s’appliquer au cas classique que rencontrent en Afrique et
ailleurs les prêtres et les missionnaires : celui de deux époux dont l’un
est malade du sida et utilise le préservatif pour ne pas mettre la vie de
l’autre en danger. On peut citer, parmi les cardinaux qui ont jusqu’à
présent avancé, de manière plus ou moins voilée, la licéité de ce
comportement et d’autres comportements analogues, les Italiens Carlo Maria
Martini et Dionigi Tettamanzi, le Mexicain Javier Lozano Barragán, le Suisse
Georges Cottier. Mais lorsqu’en 2006 "La Civiltà Cattolica", la revue des
jésuites de Rome qui est imprimée après contrôle préalable de la
secrétairerie d’état du Vatican, a confié le sujet à un grand expert en ce
domaine, le père Michael F. Czerny, directeur de l'African Jesuit AIDS
Network, organisation qui a son siège à Nairobi, l'article a été publié
après élimination des passages admettant l'utilisation du préservatif pour
freiner la contagion.
Il a fallu le pape Benoît pour dire ce que personne, au sommet de l’Église,
n’avait osé dire jusqu’à présent. Et cela suffit à faire de lui un humble et
doux révolutionnaire.
(Extrait de "L'Espresso" n° 48 de 2010).
LA VÉRITÉ SUR LE PRÉSERVATIF
par Martin Rhonheimer
La plupart des gens sont convaincus qu’une personne porteuse du virus HIV et
qui a des rapports sexuels doit utiliser un préservatif pour protéger son
partenaire de l’infection. Indépendamment des opinions que l’on peut avoir
sur les rapports sexuels avec des partenaires multiples comme mode de vie,
sur l’homosexualité ou sur la prostitution, cette personne agit au moins
avec un certain sens de ses responsabilités en cherchant à éviter de
transmettre son infection aux autres.
On pense généralement que l’Église catholique n’appuie pas cette opinion.
[...] On croit que l’Église enseigne que les homosexuels sexuellement actifs
et les prostituées devraient éviter d’utiliser le préservatif, parce que
celui-ci serait “intrinsèquement mauvais”. Beaucoup de catholiques sont
également convaincus [...] que l’utilisation du préservatif, même quand
c’est uniquement dans le but d’éviter l’infection du partenaire, ne respecte
pas le caractère de fertilité que doivent avoir les actes conjugaux et ne
permet pas le don personnel de soi réciproque et complet, violant ainsi le
sixième commandement.
Mais tout cela n’est pas un enseignement de l’Église catholique. Il n’y a
aucun magistère officiel à propos du préservatif, de la pilule
anti-ovulation ou du diaphragme. Le préservatif ne peut pas être
intrinsèquement mauvais, seules les actions humaines peuvent l’être. Le
préservatif n’est pas une action humaine, c’est un objet.
Ce que le magistère de l’Église catholique désigne clairement comme
“intrinsèquement mauvais”, c’est un type spécifique d’action humaine, défini
par Paul VI dans son encyclique "Humanæ vitæ" (et ultérieurement par le n°
2370 du Catéchisme de l’Église catholique) comme une “action qui, soit en
prévision de l’acte conjugal, soit dans son accomplissement, soit dans le
développement de ses conséquences naturelles, se propose, comme but ou comme
moyen, d’empêcher la procréation”.
La contraception est un type spécifique d’action humaine qui, en tant que
telle, comprend deux éléments : la volonté de prendre part à des actes
sexuels et l’intention d’empêcher la procréation. Une action contraceptive
inclut donc un choix contraceptif. Comme je l’ai dit dans un article paru
dans le "Linacre Quarterly" en 1989, “un choix contraceptif est le choix
d’une action visant à empêcher les conséquences procréatives prévues de
rapports sexuels librement consentis et c’est un choix fait précisément pour
cette raison”.
Voilà pourquoi la contraception, comprise comme une action humaine qualifiée
d’“intrinsèquement mauvaise” ou de désordonnée, n’est pas déterminée par ce
qui se produit sur le plan physique. Que ce soit en prenant la pilule ou
bien en interrompant le rapport à la manière d’Onan que l’on empêche la
fertilité du rapport sexuel, cela ne fait pas de différence. De plus la
définition qui vient d’être donnée ne fait pas de distinction entre “faire”
et “s’abstenir de faire”, dans la mesure où le coït interrompu est une forme
d’abstention, au moins partielle.
Ne sera donc pas définie comme un acte contraceptif, par exemple,
l’utilisation de contraceptifs dans le but d’empêcher les conséquences
procréatives d’un viol prévu. Dans une circonstance de ce genre, la personne
violée ne choisit pas de participer au rapport sexuel ni d’empêcher une
possible conséquence de son comportement sexuel, elle ne fait que se
défendre contre une agression dont son corps fait l’objet et contre les
conséquences indésirables de celle-ci. De même une athlète qui participe aux
Jeux Olympiques et qui prend la pilule anti-ovulation pour empêcher son
cycle menstruel ne fait pas un acte “contraceptif”, si elle n’a pas en même
temps l’intention d’avoir des rapports sexuels.
L’enseignement de l’Église ne concerne pas le préservatif ni les outils
physiques ou chimiques similaires, mais l’amour conjugal et le sens
essentiellement conjugal de la sexualité humaine. Le magistère ecclésial
affirme que, si deux époux ont une raison sérieuse pour ne pas avoir
d’enfants, ils doivent modifier leur comportement sexuel en s’abstenant de
l’acte sexuel, au moins périodiquement. Pour éviter de détruire soit le sens
unitif soit le sens procréatif de l’acte sexuel et donc la plénitude du don
réciproque de soi, les époux ne doivent pas empêcher la fertilité des
rapports sexuels, au cas où ils en auraient.
Mais que peut-on dire des personnes qui ont des partenaires multiples, des
homosexuels sexuellement actifs et des prostituées ? Ce que l’Église
catholique enseigne à leur sujet, c’est simplement que ces personnes ne
devraient pas avoir des partenaires multiples, mais être fidèles à un seul
partenaire sexuel ; que la prostitution est un comportement qui porte
gravement atteinte à la dignité de l’homme, surtout à celle de la femme, et
qu’elle ne devrait donc pas être pratiquée ; et que les homosexuels, comme
tous les autres êtres humains, sont enfants de Dieu et qu’il sont aimés par
lui comme tous les autres, mais qu’ils devraient vivre dans la continence
comme toute autre personne non mariée.
Mais si ces personnes ignorent cet enseignement et sont menacées par le
virus HIV, devraient-elles utiliser le préservatif pour empêcher l’infection
? La norme morale qui condamne la contraception comme acte intrinsèquement
mauvais n’inclut pas ces cas-là. Et il ne peut y avoir d’enseignement de
l’Église à ce sujet ; créer des normes morales pour des comportements
intrinsèquement immoraux n’aurait simplement pas de sens. L’Église
devrait-elle enseigner qu’un violeur ne doit jamais utiliser un préservatif,
parce que sinon, en plus de commettre le péché de viol, il manquerait au
respect du don personnel de soi réciproque et complet, et transgresserait
ainsi le sixième commandement ? Sûrement pas.
Que dirai-je, en tant que prêtre catholique, aux personnes à partenaires
multiples, ou aux homosexuels, atteints du sida qui utilisent le préservatif
? J’essaierai de les aider à mener une vie sexuelle morale et réglée. Mais
je ne leur dirai pas de ne pas utiliser le préservatif. Simplement, je ne
leur en parlerai pas et je présumerai que, s’ils décident d’avoir des
rapports sexuels, ils garderont au moins un certain sens de leurs
responsabilités. En me comportant ainsi, je respecte pleinement
l’enseignement de l’Église catholique en matière de contraception.
Ceci n’est pas un appel pour demander des “exceptions” à la règle qui
interdit la contraception. La règle en matière de contraception est valable
sans exception : le choix de la contraception est intrinsèquement mauvais.
Mais, bien évidemment, la règle n’est valable que pour les actes
contraceptifs tels qu’ils sont définis dans "Humanæ vitæ", c’est-à-dire ceux
qui comportent un choix contraceptif. Les actions dans lesquelles est
utilisé un dispositif qui, d’un point de vue purement physique, est
“contraceptif”, ne sont pas toutes, d’un point de vue moral, des actes
contraceptifs qui tombent sous le coup de la règle enseignée par "Humanæ
vitæ".
De même, un homme marié qui est porteur du virus HIV et utilise le
préservatif pour protéger sa femme de l’infection n’agit pas pour empêcher
la procréation, mais pour prévenir l’infection. Si une conception est
empêchée, ce sera un effet collatéral (non intentionnel), qui ne donnera
donc pas à cette action la signification morale d’un acte contraceptif. Il
peut y avoir d’autres raisons de mettre en garde contre l’utilisation du
préservatif dans un cas de ce genre, ou de recommander la continence totale,
mais elles dépendront non pas de l’enseignement de l’Église en matière de
contraception, mais de raisons pastorales ou simplement prudentielles (par
exemple, le risque que le préservatif ne fonctionne pas). Évidemment, ce
dernier raisonnement ne s’applique pas aux personnes qui ont de multiples
partenaires, parce que, même si les préservatifs ne fonctionnent pas
toujours, leur utilisation contribuera en tout cas à réduire les
conséquences négatives de comportements moralement mauvais.
Arrêter l’épidémie mondiale de sida est une question qui concerne non pas la
moralité de l’utilisation du préservatif, mais plutôt la manière de prévenir
efficacement une situation dans laquelle les personnes provoquent des
conséquences désastreuses par leur comportement sexuel immoral. Le pape
Jean-Paul II a insisté à maintes reprises sur le fait que promouvoir
l’utilisation du préservatif n’est pas une solution à ce problème, dans la
mesure où il considérait qu’elle ne résout pas le problème moral des
rapports avec des partenaires multiples. À la question de savoir si, d’une
manière générale, les campagnes de promotion de l’utilisation du préservatif
incitent à des comportements à risque et aggravent l’épidémie mondiale de
sida, on peut répondre à partir de données statistiques qui ne sont pas
toujours facilement accessibles. Que ces campagnes fassent diminuer, à court
terme, les taux de transmission au sein de groupes fortement infectés comme
les prostituées et les homosexuels, c’est indéniable. Leur capacité à faire
baisser les taux d’infection au sein des populations à partenaires multiples
“sexuellement libérées” ou, au contraire, à favoriser des comportements à
risque, dépend de nombreux facteurs.
Dans les pays africains les campagnes anti-sida fondées sur l’utilisation du
préservatif sont généralement inefficaces [...]. C’est la raison pour
laquelle – et cela constitue une preuve notable en faveur de l’argument du
pape – l’un des rares programmes efficaces en Afrique est celui de
l’Ouganda. Bien qu’il n’exclue pas le préservatif, ce programme encourage à
un changement positif dans le comportement sexuel (fidélité et abstinence)
qui le différencie des campagnes en faveur du préservatif, celles-ci
contribuant à cacher ou même à détruire le sens de l’amour humain.
Les campagnes qui promeuvent l’abstinence et la fidélité sont en définitive
le seul moyen efficace à long terme de lutte contre le sida. L’Église n’a
donc aucune raison de considérer les campagnes de promotion du préservatif
comme utiles pour l’avenir de la société humaine. Mais l’Église ne peut pas
non plus enseigner que ceux qui adoptent des modes de vie immoraux devraient
s’abstenir d’utiliser le préservatif.
(Extrait de "The Tablet", 10 juillet 2004).
*
L'article de Rhonheimer sur le site de "The
Tablet" : > The truth
about condoms
Le livre du pape : Benoît XVI, "Lumière du monde. Le pape, l'Église et les
signes des temps. Un entretien avec Peter Seewald", Bayard, 2010.
Les passages de "Lumière du monde" publiés en avant-première samedi 20
novembre par "L'Osservatore Romano" :
Benoît XVI - la lumière du monde - Le Pape, l'Eglise et les signes des temps
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 25.11.2010 -
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