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Juste vision de l’homme et loi naturelle. Les deux priorités que
Léon confie aux évêques et aux politiciens
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Le 03 juillet 2025 -
E.S.M.
- Le pape Léon aux évêques de la
Conférence épiscopale italienne
: il faut remonter à Benoît XVI et à ses prédécesseurs
pour retrouver une telle « référence incontournable » à
la « loi naturelle », en guise de « la boussole pour
légiférer et agir, notamment face aux délicates
questions éthiques qui, aujourd’hui plus que par le
passé, touchent le domaine de la vie personnelle et de
la vie privée ».
S. M.
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La création de l’homme
représentée dans les mosaïques de la basilique de Monreale, datant du XIIe
siècle. -
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Juste vision de l’homme et loi naturelle. Les deux priorités que
Léon confie aux évêques et aux politiciens
Le 03 juillet 2025 -
E.S.M.
À presque deux mois de distance de son élection, il est désormais clair que
le premier objectif que le pape Léon confie à l’Église est celui de
« revenir aux fondements de notre foi », au « kérygme » des origines, à
l’annonce de Jésus Christ aux hommes, « renouvelant et partageant » la
mission des apôtres : « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous
l’annonçons à vous aussi » (1 Jn 1,3).
« Voilà le premier grand engagement
qui motive tous les autres », a déclaré Léon aux évêques de la Conférence
épiscopale italienne, qu’il a reçus en
audience le 17 juin.
Mais il s’accompagne d’une seconde priorité incontournable, qu’il a
formulée comme suit :
« Il y a aussi les défis qui interrogent le respect pour la dignité de la
personne humaine. L’intelligence artificielle, la biotechnologie, l’économie
des données et les médias sociaux sont en train de transformer profondément
notre perception et notre expérience de la vie. Dans ce scénario, la dignité
de l’être humain risque d’être aplatie ou oubliée, remplacée par des
fonctions, des automatismes et des simulations. Mais la personne n’est pas
un système d’algorithmes : elle est une créature, une relation, un mystère.
Je voudrais donc formuler un vœu : que le chemin des Églises en Italie
inclut, en symbiose cohérente avec la centralité de Jésus, la vision
anthropologique comme un instrument essentiel de discernement pastoral. Sans
une réflexion vivante sur l’humain – dans sa corporéité, dans sa
vulnérabilité, dans sa soif de l’infini et sa capacité de lien – l’éthique
se réduit à un code et la foi risque de se désincarner ».
Il faut remonter au magistère de Benoît XVI et de Jean-Paul II – à la
Conférence épiscopale italienne de ces années-là, sous la direction du
cardinal Camillo Ruini – pour retrouver une telle centralité de la « vision
anthropologique ».
Mais ce n’est pas tout. Quelques jours plus tard, le 21 juin, alors qu’il
il recevait en
audience un large panel d’hommes politiques du monde entier, à
l’occasion du jubilé des gouvernants, le pape Léon leur a demandé de ne pas
« exclure a priori, dans les processus décisionnels, la référence au
transcendant » et, au contraire, « d'y rechercher ce qui unit chacun »,
c’est-à-dire cette « loi naturelle, non pas écrite de la main de l’homme,
mais reconnue comme valide universellement et en tout temps, qui trouve dans
la nature même sa forme la plus plausible et convaincante ».
Le Pape a ensuite ajouté, au sujet de cette « loi naturelle », que «
dans
l’Antiquité, Cicéron en était déjà un éminent interprète », lui qui écrivait
dans « De re publica » (III, 2) :
« Il est une loi véritable, la droite raison conforme à la nature,
immuable, éternelle, qui appelle l’homme au bien par ses commandements, et
le détourne du mal par ses menaces […]. On ne peut ni l’infirmer par
d’autres lois, ni déroger à quelqu’un de ses préceptes, ni l’abroger tout
entière; ni le sénat ni le peuple ne peuvent nous dégager de son empire;
elle n’a pas besoin d’interprète qui l’explique; il n’y en aura pas une à
Rome, une autre à Athènes, une aujourd’hui, une autre dans un siècle; mais
une seule et même loi éternelle et inaltérable régit à la fois tous les
peuples, dans tous les temps ».
Là encore, il faut remonter à Benoît XVI et à ses prédécesseurs pour
retrouver une telle « référence incontournable » à la « loi naturelle », en
guise de « la boussole pour légiférer et agir, notamment face aux délicates
questions éthiques qui, aujourd’hui plus que par le passé, touchent le
domaine de la vie personnelle et de la vie privée ».
La Déclaration universelle des droits de l’homme approuvée par les
Nations Unies en 1948, a ajouté Léon, a été elle aussi un reflet de ce
« patrimoine culturel de l’humanité », en défense de « la personne humaine,
dans son intégrité inviolable » et « à la base de la recherche de vérité ».
*
Avec le pape Léon, « Vision anthropologique » et « loi naturelle »
redeviennent donc, de toute évidence, des éléments-clés de la mission de
l’Église dans le monde.
Ce que l’on sait moins en revanche, c’est que ces deux éléments
essentiels ont fait l’objet de deux importants documents d’étude rédigés par
le Saint-Siège : le premier publié en 2009 par la Commission Théologique
Internationale sous le titre : « À
la recherche d’une éthique universelle. Nouveau regard sur la loi naturelle »
et le second publié en 2019 par la Commission Biblique Pontificale sous le
titre : « Che
cosa è l’uomo? Un itinerario di antropologia biblica ».
Le premier de ces deux documents a été conçu et rédigé dans les premières
années du pontificat de Joseph Ratzinger et correspond totalement à sa
vision théologique, philosophique et historique, avec une reconstruction
attentive de la naissance, du développement et des controverses qui ont
accompagné le cheminement de la « loi naturelle » dans l’avènement de
l’humanité et dans les différents contextes religieux et culturels, des
origines jusqu’à aujourd’hui.
Le second a été quant à lui produit durant le pontificat du pape François
par une commission de biblistes de talent sous la coordination du jésuite
Pietro Bovati, mais curieusement elle a, dans les faits, été ignorée par
Jorge Mario Bergoglio et n’a jamais été proposée au grand public.
Aujourd’hui encore, elle n’est disponible dans les archives en ligne du
Vatican qu’en italien, en espagnol, en polonais et en coréen, bien qu’il
s’agisse d’une lecture captivante qui, pour définir ce qu’est l’homme selon
les Saintes Écritures, prend pour fondement le merveilleux récit de la
création en Genèse 2–3 et en retrace les reprises et les développements
thématiques d’abord dans les premiers livres de la Torah, puis dans les
prophètes et les écrits de sagesse, avec une attention particulière aux
Psaumes, pour parvenir enfin à leur accomplissement dans les Évangiles et
dans les écrits des apôtres.
Léon XIV n’a jusqu’à présent cité ni l’un ni l’autre document, mais il
les connaît certainement et les apprécie tous les deux, étant donné le
caractère central qu’il accorde aux thèmes en question.
On peut lire celui sur la loi naturelle sur le site web du Saint-Siège
dans les langues principales. Et en ce qui concerne celui sur
l’anthropologie biblique – qui est d’une taille respectable, équivalente à
un livre de plus de 350 pages – nous en reproduisant ci-dessous trois
passages courts mais éclairants.
Il s’agit de trois exemples d’exégèse biblique innovative sur la création
de l’homme et de la femme et sur le péché originel, mis en exergue par le
bibliste Pietro Bovati dans un article introductif à ce document publié dans
« La Civiltà Cattolica » le 1er février 2020.
Sur l’illustration ci-dessus, la création de l’homme représentée dans les
mosaïques de la basilique de Monreale, datant du XIIe siècle.
*
Ce que sont l’homme et la femme, dans le récit de la création de Pietro Bovati, sj
Mentionnons à présent quelques contributions innovantes du document de la
Commission biblique pontificale. Par exemple, on y trouve une interprétation
traditionnelle de Genèse 2, 21–23 qui affirme que la femme a été créée après
l’homme (mâle), à partir de l’une de ses « côtes ». Dans le document, on
examine attentivement la terminologie employée par le narrateur biblique
(par exemple en critiquant la traduction du terme hébreux « tsela » par «
côte ») et on suggère une autre lecture de l’événement :
« Jusqu’au verset 20, le narrateur parle d’ ‘adam’ sans aucune autre
précision sexuelle ; la généricité de la présentation nous impose de
renoncer à imaginer la configuration précise d’un tel être, et encore moins
à recourir à la forme monstrueuse de l’androgyne. Nous sommes en effet
invités à nous soumettre avec ‘adam’ à une expérience de non-connaissance,
de manière à découvrir, à travers la révélation, le merveilleux prodige
opéré par Dieu (cf. Genèse 15, 12 ; Job 33, 15). Personne en effet ne
connaît le mystère de sa propre origine. Cette phase de non-vision est
symboliquement représentée par l’acte du Créateur qui ‘fait tomber un
sommeil mystérieux sur ‘adam’ qui s’endormit’ (v 21) : le sommeil n’a pas la
fonction d’anesthésie totale afin de permettre une opération indolore mais
il évoque plutôt la manifestation d’un événement inimaginable, celui par
lequel à partir d’un seul être (‘adam’), Dieu en forme deux, homme (‘ish’) et
femme (‘isha’). Et cela non seulement pour indiquer leur ressemblance
radicale mais pour laisser entrevoir que leur différence nous invite à
découvrir le bien spirituel de leur reconnaissance (réciproque), principe de
communion d’amour et appel à devenir ‘une seule chair’ (v. 24). Ce n’est
donc pas la solitude du mâle qui est secourue mais bien celle de l’être
humain, à travers la création de l’homme et de la femme » (n°153).
Un autre exemple. L’aspect problématique inhérent à l’ « interdit » [de
manger d’un arbre du jardin] est soigneusement analysé dans le commentaire
exégétique de Genèse 2, 16–17, afin de pas corroborer l’idée que Dieu
s’opposerait, de manière arbitraire, au désir humain. En réalité, le
Créateur manifeste sa libéralité en mettant à disposition de la créature «
tous les arbres du jardin » (Genèse 1, 11–12 ; 2, 8–9). Et pourtant :
« Il y a une limite à la totalité de son don : Dieu demande à l’homme de
s’abstenir de manger le fruit d’un seul arbre, situé à côté de l’arbre de la
vie (Genèse 2, 9) mais bien distinct de ce dernier. L’interdiction est
toujours une limite posée à la volonté de tout posséder, à cette envie
(autrefois appelée ‘concupiscence’) que l’homme ressent comme une pulsion
innée de plénitude. Céder à cette envie revient à faire disparaître
idéalement la réalité du donateur ; elle élimine donc Dieu, mais, dans le
même temps, elle détermine également la fin de l’homme, qui vit parce qu’il
est don de Dieu. Ce n’est qu’en respectant le commandement, qui constitue
une sorte de barrière au débordement égoïste de la volonté propre, que
l’homme reconnaît le Créateur, dont la réalité est invisible mais dont
l’arbre interdit en particulier est signe de la présence. Interdit non pas
par jalousie mais par amour, pour sauver l’homme de la folie de la
toute-puissance » (n°274).
Un autre exemple encore. On interprète souvent le fait que le serpent se
soit adressé à la femme plutôt qu’à l’homme (comme le rapporte en Genèse 3)
comme une astuce du tentateur qui aurait choisi de s’attaquer à la personne
la plus vulnérable, la plus facile à berner. On peut toutefois rappeler que
la figure féminine est dans la Bible l’image privilégiée de la sagesse
(humaine) :
« Si on adopte cette perspective, la confrontation de Genèse 3 ne se
déroule pas entre un être très intelligent et une sotte mais au contraire
entre deux manifestations de la sagesse, et la ‘tentation’ porte
principalement sur cette haute qualité de l’être humain qui, dans son désir
de ‘connaître’, risque de pêcher par orgueil en prétendant être Dieu au lieu
de se reconnaître comme un fils qui reçoit tout de son Créateur et Père »
(n°298).
Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire
L’Espresso.
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Sources
: diakonos.be-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 03.07.2025
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