PAUL, ÉVÊQUE,
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU,
AVEC LES PÈRES DU SAINT CONCILE,
POUR QUE LE SOUVENIR S'EN MAINTIENNE À JAMAIS
CONSTITUTION PASTORALE
SUR L'ÉGLISE DANS LE MONDE DE CE TEMPS
GAUDIUM ET SPES
AVANT-PROPOS
1. Étroite solidarité de
l’Église avec l’ensemble de la famille humaine
Les joies et les espoirs, les
tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et
de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les
tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de
vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en
effet, s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par
l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un
message de salut qu’il faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se
reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son
histoire.
2. À qui s’adresse le Concile
1. C’est pourquoi, après s’être
efforcé de pénétrer plus avant dans le mystère de l’Église, le deuxième
Concile du Vatican n’hésite pas à s’adresser maintenant, non plus aux seuls
fils de l’Église et à tous ceux qui se réclament du Christ, mais à tous les
hommes. À tous il veut exposer comment il envisage la présence et l’action
de l’Église dans le monde d’aujourd’hui.
2. Le monde qu’il a ainsi en vue est
celui des hommes, la famille humaine tout entière avec l’univers au sein
duquel elle vit. C’est le théâtre où se joue l’histoire du genre humain, le
monde marqué par l’effort de l’homme, ses défaites et ses victoires. Pour la
foi des chrétiens, ce monde a été fondé et demeure conservé par l’amour du
Créateur ; il est tombé certes, sous l’esclavage du péché, mais le Christ,
par la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et l’a libéré
pour qu’il soit transformé selon le dessein de Dieu et qu’il parvienne ainsi
à son accomplissement.
3. Le service de l’homme
1. De nos jours, saisi d’admiration
devant ses propres découvertes et son propre pouvoir, le genre humain
s’interroge cependant, souvent avec angoisse, sur l’évolution présente du
monde, sur la place et le rôle de l’homme dans l’univers, sur le sens de ses
efforts individuels et collectifs, enfin sur la destinée ultime des choses
et de l’humanité. Aussi le Concile, témoin et guide de la foi de tout le
Peuple de Dieu rassemblé par le Christ, ne saurait donner une preuve plus
parlante de solidarité, de respect et d’amour à l’ensemble de la famille
humaine, à laquelle ce peuple appartient, qu’en dialoguant avec elle sur ces
différents problèmes, en les éclairant à la lumière de l’Évangile, et en
mettant à la disposition du genre humain la puissance salvatrice que
l’Église, conduite par l’Esprit Saint, reçoit de son Fondateur. C’est en
effet l’homme qu’il s’agit de sauver, la société humaine qu’il faut
renouveler. C’est donc l’homme, l’homme considéré dans son unité et sa
totalité, l’homme, corps et âme, cœur et conscience, pensée et volonté, qui
constituera l’axe de tout notre exposé.
2. Voilà pourquoi, en proclamant la
très noble vocation de l’homme et en affirmant qu’un germe divin est déposé
en lui, ce saint Synode offre au genre humain la collaboration sincère de
l’Église pour l’instauration d’une fraternité universelle qui réponde à
cette vocation. Aucune ambition terrestre ne pousse l’Église ; elle ne vise
qu’un seul but : continuer, sous l’impulsion de l’Esprit consolateur,
l’œuvre même du Christ, venu dans le monde pour rendre témoignage à la
vérité, pour sauver, non pour condamner, pour servir, non pour être servi [2].
EXPOSÉ PRÉLIMINAIRE :
La condition humaine dans le monde d’aujourd’hui
4. Espoirs et angoisses
1. Pour mener à bien cette tâche,
l’Église a le devoir, à tout moment, de scruter les signes des temps et de
les interpréter à la lumière de l’Évangile, de telle sorte qu’elle puisse
répondre, d’une manière adaptée à chaque génération, aux questions
éternelles des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs
relations réciproques. Il importe donc de connaître et de comprendre ce
monde dans lequel nous vivons, ses attentes, ses aspirations, son caractère
souvent dramatique. Voici, tels qu’on peut les esquisser, quelques-uns des
traits fondamentaux du monde actuel.
2. Le genre humain vit aujourd’hui un
âge nouveau de son histoire, caractérisé par des changements profonds et
rapides qui s’étendent peu à peu à l’ensemble du globe. Provoqués par
l’homme, par son intelligence et son activité créatrice, ils rejaillissent
sur l’homme lui-même, sur ses jugements, sur ses désirs, individuels et
collectifs, sur ses manières de penser et d’agir, tant à l’égard des choses
qu’à l’égard de ses semblables. À tel point que l’on peut déjà parler d’une
véritable métamorphose sociale et culturelle dont les effets se répercutent
jusque sur la vie religieuse.
3. Comme en toute crise de croissance,
cette transformation ne va pas sans de sérieuses difficultés. Ainsi, tandis
que l’homme étend si largement son pouvoir, il ne parvient pas toujours à
s’en rendre maître. S’efforçant de pénétrer plus avant les ressorts les plus
secrets de son être, il apparaît souvent plus incertain de lui-même. Il
découvre peu à peu, et avec plus de clarté, les lois de la vie sociale, mais
il hésite sur les orientations qu’il faut lui imprimer.
4. Jamais le genre humain n’a regorgé
de tant de richesses, de tant de possibilités, d’une telle puissance
économique, et pourtant une part considérable des habitants du globe sont
encore tourmentés par la faim et la misère, et des multitudes d’êtres
humains ne savent ni lire ni écrire. Jamais les hommes n’ont eu comme
aujourd’hui un sens aussi vif de la liberté, mais, au même moment,
surgissent de nouvelles formes d’asservissement social et psychique. Alors
que le monde prend une conscience si forte de son unité, de la dépendance
réciproque de tous dans une nécessaire solidarité, le voici violemment
écartelé par l’opposition de forces qui se combattent : d’âpres dissensions
politiques, sociales, économiques, raciales et idéologiques persistent
encore, et le danger demeure d’une guerre capable de tout anéantir.
L’échange des idées s’accroît ; mais les mots mêmes qui servent à exprimer
des concepts de grande importance revêtent des acceptions fort différentes
suivant la diversité des idéologies. Enfin, on recherche avec soin une
organisation temporelle plus parfaite, sans que ce progrès s’accompagne d’un
égal essor spirituel.
5. Marqués par une situation si
complexe, un très grand nombre de nos contemporains ont beaucoup de mal à
discerner les valeurs permanentes ; en même temps, ils ne savent comment les
harmoniser avec les découvertes récentes. Une inquiétude les saisit et ils
s’interrogent avec un mélange d’espoir et d’angoisse sur l’évolution
actuelle du monde. Celle-ci jette à l’homme un défi ; mieux, elle l’oblige à
répondre.
5. Une mutation profonde
1. L’ébranlement actuel des esprits et
la transformation des conditions de vies sont liés à une mutation d’ensemble
qui tend à la prédominance, dans la formation de l’esprit, des sciences
mathématiques, naturelles ou humaines et, dans l’action, de la technique,
fille des sciences. Cet esprit scientifique a façonné d’une manière
différente du passé l’état culturel et les modes de penser. Les progrès de
la technique vont jusqu’à transformer la face de la terre et, déjà, se
lancent à la conquête de l’espace.
2. Sur le temps aussi, l’intelligence
humaine étend en quelque sorte son empire : pour le passé, par la
connaissance historique ; pour l’avenir, par la prospective et la
planification. Les progrès des sciences biologiques, psychologiques et
sociales ne permettent pas seulement à l’homme de se mieux connaître, mais
lui fournissent aussi le moyen d’exercer une influence directe sur la vie
des sociétés par l’emploi de techniques appropriées. En même temps, le genre
humain se préoccupe, et de plus en plus, de prévoir désormais son propre
développement démographique et de le contrôler.
3. Le mouvement même de l’histoire
devient si rapide que chacun a peine à le suivre. Le destin de la communauté
humaine devient un, et il ne se diversifie plus comme en autant d’histoires
séparées entre elles. Bref, le genre humain passe d’une notion plutôt
statique de l’ordre des choses à une conception plus dynamique et évolutive
: de là naît, immense, une problématique nouvelle, qui provoque à de
nouvelles analyses et à de nouvelles synthèses.
6. Changements dans l’ordre
social
1. Du même coup, il se produit des
changements, de jour en jour plus importants, dans les communautés locales
traditionnelles (familles patriarcales, clans, tribus, villages), dans les
différents groupes et les rapports sociaux.
2. Une société de type industriel
s’étend peu à peu, amenant certains pays à une économie d’opulence et
transformant radicalement les conceptions et les conditions séculaires de la
vie en société. De la même façon, la civilisation urbaine et l’attirance
qu’elle provoque s’intensifient, soit par la multiplication des villes et de
leurs habitants, soit par l’expansion du mode de vie urbain au monde rural.
3. Des moyens de communication sociale
nouveaux, et sans cesse plus perfectionnés, favorisent la connaissance des
événements et la diffusion extrêmement rapide et universelle des idées et
des sentiments, suscitant ainsi de nombreuses réactions en chaîne.
4. On ne doit pas négliger non plus le
fait que tant d’hommes poussés par diverses raisons à émigrer sont amenés à
changer de mode de vie.
5. En somme, les relations de l’homme
avec ses semblables se multiplient sans cesse, tandis que la « socialisation
» elle-même entraîne à son tour de nouveaux liens, sans favoriser toujours
pour autant, comme il le faudrait, le plein développement de la personne et
des relations vraiment personnelles, c’est-à-dire la « personnalisation ».
6. En vérité, cette évolution se
manifeste surtout dans les nations qui bénéficient déjà des avantages du
progrès économique et technique ; mais elle est aussi à l’œuvre chez les
peuples en voie de développement qui souhaitent procurer à leurs pays les
bienfaits de l’industrialisation et de l’urbanisation. Ces peuples, surtout
s’ils sont attachés à des traditions plus anciennes, ressentent en même
temps le besoin d’exercer leur liberté d’une façon plus adulte et plus
personnelle.
7. Changements psychologiques,
moraux, religieux
1. La transformation des mentalités et
des structures conduit souvent à une remise en question des valeurs reçues,
tout particulièrement chez les jeunes : fréquemment, ils ne supportent pas
leur état ; bien plus, l’inquiétude en fait des révoltés, tandis que,
conscients de leur importance dans la vie sociale, ils désirent y prendre au
plus tôt leurs responsabilités. C’est pourquoi il n’est pas rare que parents
et éducateurs éprouvent des difficultés croissantes dans l’accomplissement
de leur tâche.
2. Les cadres de vie, les lois, les
façons de penser et de sentir hérités du passé ne paraissent pas toujours
adaptés à l’état actuel des choses : d’où le désarroi du comportement et
même des règles de conduite.
3. Les conditions nouvelles affectent
enfin la vie religieuse elle-même. D’une part, l’essor de l’esprit critique
la purifie d’une conception magique du monde et des survivances
superstitieuses, et exige une adhésion de plus en plus personnelle et active
à la foi, nombreux sont ainsi ceux qui parviennent à un sens plus vivant de
Dieu. D’autre part, des multitudes sans cesse plus denses s’éloignent en
pratique de la religion. Refuser Dieu ou la religion, ne pas s’en soucier,
n’est plus, comme en d’autres temps, un fait exceptionnel, lot de quelques
individus : aujourd’hui en effet on présente volontiers un tel comportement
comme une exigence du progrès scientifique ou de quelque nouvel humanisme.
En de nombreuses régions, cette négation ou cette indifférence ne
s’expriment pas seulement au niveau philosophique ; elles affectent aussi,
et très largement, la littérature, l’art, l’interprétation des sciences
humaines et de l’histoire, la législation elle-même : d’où le désarroi d’un
grand nombre.
8. Les déséquilibres du monde
moderne
1. Une évolution aussi rapide,
accomplie souvent sans ordre et, plus encore, la prise de conscience de plus
en plus aiguë des écartèlements dont souffre le monde, engendrent ou
accroissent contradictions et déséquilibres.
2. Au niveau de la personne elle-même,
un déséquilibre se fait assez souvent jour entre l’intelligence pratique
moderne et une pensée spéculative qui ne parvient pas à dominer la somme de
ses connaissances ni à les ordonner en des synthèses satisfaisantes.
Déséquilibre également entre la préoccupation de l’efficacité concrète et
les exigences de la conscience morale, et, non moins fréquemment, entre les
conditions collectives de l’existence et les requêtes d’une pensée
personnelle, et aussi, de la contemplation. Déséquilibre enfin entre la
spécialisation de l’activité humaine et une vue générale des choses.
3. Tensions au sein de la famille,
dues soit à la pesanteur des conditions démographiques, économiques et
sociales, soit aux conflits des générations successives, soit aux nouveaux
rapports sociaux qui s’établissent entre hommes et femmes.
4. D’importants déséquilibres naissent
aussi entre les races, entre les diverses catégories sociales, entre pays
riches, moins riches et pauvres ; enfin entre les institutions
internationales nées de l’aspiration des peuples à la paix et les
propagandes idéologiques ou les égoïsmes collectifs qui se manifestent au
sein des nations et des autres groupes.
5. Défiances et inimitiés mutuelles,
conflits et calamités s’ensuivent, dont l’homme lui-même est à la fois cause
et victime.
9. Les aspirations de plus en
plus universelles du genre humain
1. Pendant ce temps, la conviction
grandit que le genre humain peut et doit non seulement renforcer sans cesse
sa maîtrise sur la création, mais qu’il peut et doit en outre instituer un
ordre politique, social et économique qui soit toujours plus au service de
l’homme, et qui permette à chacun, à chaque groupe, d’affirmer sa dignité
propre et de la développer.
2. D’où les âpres revendications d’un
grand nombre qui, prenant nettement conscience des injustices et de
l’inégalité de la distribution des biens, s’estiment lésés. Les nations en
voie de développement, comme celles qui furent récemment promues à
l’indépendance, veulent participer aux bienfaits de la civilisation moderne
tant au plan économique qu’au plan politique, et jouer librement leur rôle
sur la scène du monde. Et pourtant, entre ces nations et les autres nations
plus riches, dont le développement est plus rapide, l’écart ne fait que
croître, et, en même temps, très souvent, la dépendance, y compris la
dépendance économique. Les peuples de la faim interpellent les peuples de
l’opulence. Les femmes, là où elles ne l’ont pas encore obtenue, réclament
la parité de droit et de fait avec les hommes. Les travailleurs, ouvriers et
paysans, veulent non seulement gagner leur vie, mais développer leur
personnalité par leur travail, mieux, participer à l’organisation de la vie
économique, sociale, politique et culturelle. Pour la première fois dans
l’histoire, l’humanité entière n’hésite plus à penser que les bienfaits de
la civilisation peuvent et doivent réellement s’étendre à tous les peuples.
3. Mais sous toutes ces revendications
se cache une aspiration plus profonde et plus universelle : les personnes et
les groupes ont soif d’une vie pleine et libre, d’une vie digne de l’homme,
qui mette à leur propre service toutes les immenses possibilités que leur
offre le monde actuel. Quant aux nations, elles ne cessent d’accomplir de
courageux efforts pour parvenir à une certaine forme de communauté
universelle.
4. Ainsi le monde moderne apparaît à
la fois comme puissant et faible, capable du meilleur et du pire, et le
chemin s’ouvre devant lui de la liberté ou de la servitude, du progrès ou de
la régression, de la fraternité ou de la haine. D’autre part, l’homme prend
conscience que de lui dépend la bonne orientation des forces qu’il a mises
en mouvement et qui peuvent l’écraser ou le servir. C’est pourquoi il
s’interroge lui-même.
10. Les interrogations profondes
du genre humain
1. En vérité, les déséquilibres qui
travaillent le monde moderne sont liés à un déséquilibre plus fondamental
qui prend racine dans le cœur même de l’homme. C’est en l’homme lui-même, en
effet, que de nombreux éléments se combattent. D’une part, comme créa ture,
il fait l’expérience de ses multiples limites ; d’autre part, il se sent
illimité dans ses désirs et appelé à une vie supérieure. Sollicité de tant
de façons, il est sans cesse contraint de choisir et de renoncer. Pire :
faible et pécheur, il accomplit souvent ce qu’il ne veut pas et n’accomplit
point ce qu’il voudrait [3].
En somme, c’est en lui-même qu’il souffre division, et c’est de là que
naissent au sein de la société tant et de si grandes discordes. Beaucoup, il
est vrai, dont la vie est imprégnée de matérialisme pratique, sont détournés
par là d’une claire perception de cette situation dramatique ; ou bien,
accablés par la misère, ils se trouvent empêchés d’y prêter attention.
D’autres, en grand nombre, pensent trouver leur tranquillité dans les
diverses explications du monde qui leur sont proposées. Certains attendent
du seul effort de l’homme la libération véritable et plénière du genre
humain et ils se persuadent que le règne à venir de l’homme sur la terre
comblera tous les vœux de son cœur. Il en est d’autres qui, désespérant du
sens de la vie, exaltent les audacieux qui, jugeant l’existence humaine
dénuée par elle-même de toute signification, tentent de lui donner, par leur
seule inspiration, toute sa signification. Néanmoins, le nombre croît de
ceux qui, face à l’évolution présente du monde, se posent les questions les
plus fondamentales ou les perçoivent avec une acuité nouvelle. Qu’est-ce que
l’homme ? Que signifient la souffrance, le mal, la mort, qui subsistent
malgré tant de progrès ? À quoi bon ces victoires payées d’un si grand prix
? Que peut apporter l’homme à la société ? Que peut-il en attendre ?
Qu’adviendra-t-il après cette vie ?
2. L’Église, quant à elle, croit que
le Christ, mort et ressuscité pour tous [4],
offre à l’homme, par son Esprit, lumière et forces pour lui permettre de
répondre à sa très haute vocation. Elle croit qu’il n’est pas sous le ciel
d’autre nom donné aux hommes par lequel ils doivent être sauvés [5].
Elle croit aussi que la clé, le centre et la fin de toute histoire humaine
se trouve en son Seigneur et Maître. Elle affirme en outre que, sous tous
les changements, bien des choses demeurent qui ont leur fondement ultime
dans le Christ, le même hier, aujourd’hui et à jamais [6].
C’est pourquoi, sous la lumière du Christ, image du Dieu invisible,
premier-né de toute créature [7],
le Concile se propose de s’adresser à tous, pour éclairer le mystère de
l’homme et pour aider le genre humain à découvrir la solution des problèmes
majeurs de notre temps.
Première partie :
L’Église et la vocation humaine
11. Répondre aux appels de
l’Esprit
1. Mû par la foi, se sachant conduit
par l’Esprit du Seigneur qui remplit l’univers, le Peuple de Dieu s’efforce
de discerner dans les événements, les exigences et les requêtes de notre
temps, auxquels il participe avec les autres hommes, quels sont les signes
véritables de la présence ou du dessein de Dieu. La foi, en effet, éclaire
toutes choses d’une lumière nouvelle et nous fait connaître la volonté
divine sur la vocation intégrale de l’homme, orientant ainsi l’esprit vers
des solutions pleinement humaines.
2. Le Concile se propose avant tout de
juger à cette lumière les valeurs les plus prisées par nos contemporains et
de les relier à leur source divine. Car ces valeurs, dans la mesure où elles
procèdent du génie humain, qui est un don de Dieu, sont fort bonnes ; mais
il n’est pas rare que la corruption du cœur humain les détourne de l’ordre
requis : c’est pourquoi elles ont besoin d’être purifiées.
3. Que pense l’Église de l’homme ?
Quelles orientations semblent devoir être proposées pour l’édification de la
société contemporaine ? Quelle signification dernière donner à l’activité de
l’homme dans l’univers ? Ces questions réclament une réponse. La réciprocité
des services que sont appelés à se rendre le Peuple de Dieu et le genre
humain, dans lequel ce peuple est inséré, apparaîtra alors avec plus de
netteté : ainsi se manifestera le caractère religieux et, par le fait même,
souverainement humain de la mission de l’Église.
CHAPITRE PREMIER :
La dignité de la personne humaine
12. L’homme à l’image de Dieu
1. Croyants et incroyants sont
généralement d’accord sur ce point : tout sur terre doit être ordonné à
l’homme comme à son centre et à son sommet.
2. Mais qu’est-ce que l’homme ? Sur
lui-même, il a proposé et propose encore des opinions multiples, diverses et
même opposées, suivant lesquelles, souvent, ou bien il s’exalte lui-même
comme une norme absolue, ou bien il se rabaisse jusqu’au désespoir : d’où
ses doutes et ses angoisses. Ces difficultés, l’Église les ressent à fond.
Instruite par la Révélation divine, elle peut y apporter une réponse, où se
trouve dessinée la condition véritable de l’homme, où sont mises au clair
ses faiblesses, mais où peuvent en même temps être justement reconnues sa
dignité et sa vocation.
3. La Bible, en effet, enseigne que
l’homme a été créé « à l’image de Dieu », capable de connaître et d’aimer
son Créateur, qu’il a été constitué seigneur de toutes les créatures
terrestres [8]
pour les dominer et pour s’en servir, en glorifiant Dieu [9].
« Qu’est-ce donc l’homme, pour que tu te souviennes de lui ? ou le fils de
l’homme pour que tu te soucies de lui ? À peine le fis-tu moindre qu’un
dieu, le couronnant de gloire et de splendeur : tu l’établis sur l’œuvre de
tes mains, tout fut mis par toi sous ses pieds » (Ps 8, 5-7).
4. Mais Dieu n’a pas créé l’homme
solitaire : dès l’origine, « il les créa homme et femme » (Gn 1, 27).
Cette société de l’homme et de la femme est l’expression première de la
communion des personnes. Car l’homme, de par sa nature profonde, est un être
social, et, sans relations avec autrui, il ne peut vivre ni épanouir ses
qualités.
5. C’est pourquoi Dieu, lisons-nous
encore dans le Bible, « regarda tout ce qu’il avait fait et le jugea très
bon » (Gn 1, 31).
13. Le péché
1. Établi par Dieu dans un état de
justice, l’homme, séduit par le Malin, dès le début de l’histoire, a abusé
de sa liberté, en se dressant contre Dieu et en désirant parvenir à sa fin
hors de Dieu. Ayant connu Dieu, « ils ne lui ont pas rendu gloire comme à un
Dieu (...) mais leur cœur inintelligent s’est enténébré », et ils ont servi
la créature de préférence au Créateur [10].
Ce que la Révélation divine nous découvre ainsi, notre propre expérience le
confirme. Car l’homme, s’il regarde au-dedans de son cœur, se découvre
enclin aussi au mal, submergé de multiples maux qui ne peuvent provenir de
son Créateur, qui est bon. Refusant souvent de reconnaître Dieu comme son
principe, l’homme a, par le fait même, brisé l’ordre qui l’orientait à sa
fin dernière, et, en même temps, il a rompu toute harmonie, soit par rapport
à lui-même, soit par rapport aux autres hommes et à toute la création.
2. C’est donc en lui-même que l’homme
est divisé. Voici que toute la vie des hommes, individuelle et collective,
se manifeste comme une lutte, combien dramatique, entre le bien et le mal,
entre la lumière et les ténèbres. Bien plus, voici que l’homme se découvre
incapable par lui-même de vaincre effectivement les assauts du mal ; et
ainsi chacun se sent comme chargé de chaînes. Mais le Seigneur en personne
est venu pour restaurer l’homme dans sa liberté et sa force, le rénovant
intérieurement et jetant dehors le prince de ce monde (cf. Jn 12,
31), qui le retenait dans l’esclavage du péché [11].
Quant au péché, il amoindrit l’homme lui-même en l’empêchant d’atteindre sa
plénitude.
Dans la lumière de cette Révélation,
la sublimité de la vocation humaine, comme la profonde misère de l’homme,
dont tous font l’expérience, trouvent leur signification ultime.
14. Constitution de l’homme
1. Corps et âme, mais vraiment un,
l’homme est, dans sa condition corporelle même, un résumé de l’univers des
choses qui trouvent ainsi, en lui, leur sommet, et peuvent librement louer
leur Créateur [12].
Il est donc interdit à l’homme de dédaigner la vie corporelle. Mais, au
contraire, il doit estimer et respecter son corps qui a été créé par Dieu et
qui doit ressusciter au dernier jour. Toutefois, blessé par le péché, il
ressent en lui les révoltes du corps. C’est donc la dignité même de l’homme
qui exige de lui qu’il glorifie Dieu dans son corps [13],
sans le laisser asservir aux mauvais penchants de son cœur.
2. En vérité, l’homme ne se trompe pas
lorsqu’il se reconnaît supérieur aux éléments matériels et qu’il se
considère comme irréductible, soit à une simple parcelle de la nature, soit
à un élément anonyme de la cité humaine. Par son intériorité, il dépasse en
effet l’univers des choses : c’est à ces profondeurs qu’il revient lorsqu’il
fait retour en lui-même où l’attend ce Dieu qui scrute les cœurs [14]
et où il décide personnellement de son propre sort sous le regard de Dieu.
Ainsi, lorsqu’il reconnaît en lui une âme spirituelle et immortelle, il
n’est pas le jouet d’une création imaginaire qui s’expliquerait seulement
par les conditions physiques et sociales ; bien au contraire, il atteint le
tréfonds même de la réalité.
15. Dignité de l’intelligence,
vérité et sagesse
1. Participant à la lumière de
l’intelligence divine, l’homme a raison de penser que, par sa propre
intelligence, il dépasse l’univers des choses. Sans doute son génie au long
des siècles, par une application laborieuse, a fait progresser les sciences
empiriques, les techniques et les arts libéraux. De nos jours il a obtenu
des victoires hors pair, notamment dans la découverte et la conquête du
monde matériel. Toujours cependant il a cherché et trouvé une vérité plus
profonde. Car l’intelligence ne se borne pas aux seuls phénomènes ; elle est
capable d’atteindre, avec une authentique certitude, la réalité
intelligible, en dépit de la part d’obscurité et de faiblesse que laisse en
elle le péché.
2. Enfin, la nature intelligente de la
personne trouve et doit trouver sa perfection dans la sagesse. Celle-ci
attire avec force et douceur l’esprit de l’homme vers la recherche et
l’amour du vrai et du bien ; l’homme qui s’en nourrit est conduit du monde
visible à l’invisible.
3. Plus que toute autre, notre époque
a besoin d’une telle sagesse, pour humaniser ses propres découvertes,
quelles qu’elles soient. L’avenir du monde serait en péril si elle ne savait
pas se donner des sages. Pourquoi ne pas ajouter cette remarque : de
nombreux pays, pauvres en biens matériels, mais riches en sagesse, pourront
puissamment aider les autres sur ce point.
4. Par le don de l’Esprit, l’homme
parvient, dans la foi, à contempler et à goûter le mystère de la volonté
divine [15].
16. Dignité de la conscience
morale
1. Au fond de sa conscience, l’homme
découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à
laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer
et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans
l’intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela ». Car c’est une loi
inscrite par Dieu au cœur de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est
elle qui le jugera [16].
La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il
est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre [17].
C’est d’une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui
s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain [18].
Par fidélité à la conscience, les chrétiens, unis aux autres hommes, doivent
chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes moraux
que soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale. Plus la
conscience droite l’emporte, plus les personnes et les groupes s’éloignent
d’une décision aveugle et tendent à se conformer aux normes objectives de la
moralité. Toutefois, il arrive souvent que la conscience s’égare, par suite
d’une ignorance invincible, sans perdre pour autant sa dignité. Ce que l’on
ne peut dire lorsque l’homme se soucie peu de rechercher le vrai et le bien
et lorsque l’habitude du péché rend peu à peu sa conscience presque aveugle.
17. Grandeur de la liberté Mais
c’est toujours librement que l’homme se tourne vers le bien. Cette liberté,
nos contemporains l’estiment grandement et ils la poursuivent avec ardeur.
Et ils ont raison. Souvent cependant ils la chérissent d’une manière qui
n’est pas droite, comme la licence de faire n’importe quoi, pourvu que cela
plaise, même le mal. Mais la vraie liberté est en l’homme un signe
privilégié de l’image divine. Car Dieu a voulu le laisser à son propre
conseil [19]
pour qu’il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant
librement à lui, s’achever ainsi dans une bienheureuse plénitude. La dignité
de l’homme exige donc de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre,
mû et déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul effet de
poussées instinctives ou d’une contrainte extérieure. L’homme parvient à
cette dignité lorsque, se délivrant de toute servitude des passions, par le
choix libre du bien, il marche vers sa destinée et prend soin de s’en
procurer réellement les moyens par son ingéniosité. Ce n’est toutefois que
par le secours de la grâce divine que la liberté humaine, blessée par le
péché, peut s’ordonner à Dieu d’une manière effective et intégrale. Et
chacun devra rendre compte de sa propre vie devant le tribunal de Dieu,
selon le bien ou le mal accompli [20].
18. Le mystère de la mort
1. C’est en face de la mort que
l’énigme de la condition humaine atteint son sommet. L’homme n’est pas
seulement tourmenté par la souffrance et la déchéance progressive de son
corps, mais plus encore, par la peur d’une destruction définitive. Et c’est
par une inspiration juste de son cœur qu’il rejette et refuse cette ruine
totale et ce définitif échec de sa personne. Le germe d’éternité qu’il porte
en lui, irréductible à la seule matière, s’insurge contre la mort. Toutes
les tentatives de la technique, si utiles qu’elles soient, sont impuissantes
à calmer son anxiété : car le prolongement de la vie que la biologie procure
ne peut satisfaire ce désir d’une vie ultérieure, invinciblement ancré dans
son cœur.
2. Mais si toute imagination ici
défaille, l’Église, instruite par la Révélation divine, affirme que Dieu a
créé l’homme en vue d’une fin bienheureuse, au-delà des misères du temps
présent. De plus, la foi chrétienne enseigne que cette mort corporelle, à
laquelle l’homme aurait été soustrait s’il n’avait pas péché [21],
sera un jour vaincue, lorsque le salut, perdu par la faute de l’homme, lui
sera rendu par son tout-puissant et miséricordieux Sauveur. Car Dieu a
appelé et appelle l’homme à adhérer à lui de tout son être, dans la
communion éternelle d’une vie divine inaltérable. Cette victoire, le Christ
l’a acquise en ressuscitant [22],
libérant l’homme de la mort par sa propre mort. À partir des titres sérieux
qu’elle offre à l’examen de tout homme, la foi est ainsi en mesure de
répondre à son interrogation angoissée sur son propre avenir. Elle nous
offre en même temps la possibilité d’une communion dans le Christ avec nos
frères bien-aimés qui sont déjà morts, en nous donnant l’espérance qu’ils
ont trouvé près de Dieu la véritable vie.
19. Formes et racines de
l’athéisme
1. L’aspect le plus sublime de la
dignité humaine se trouve dans cette vocation de l’homme à communier avec
Dieu. Cette invitation que Dieu adresse à l’homme de dialoguer avec Lui
commence avec l’existence humaine. Car, si l’homme existe, c’est que Dieu
l’a créé par amour et, par amour, ne cesse de lui donner l’être ; et l’homme
ne vit pleinement selon la vérité que s’il reconnaît librement cet amour et
s’abandonne à son Créateur. Mais beaucoup de nos contemporains ne perçoivent
pas du tout ou même rejettent explicitement le rapport intime et vital qui
unit l’homme à Dieu : à tel point que l’athéisme compte parmi les faits les
plus graves de ce temps et doit être soumis à un examen très attentif.
2. On désigne sous le nom d’athéisme
des phénomènes entre eux très divers. En effet, tandis que certains athées
nient Dieu expressément, d’autres pensent que l’homme ne peut absolument
rien affirmer de lui. D’autres encore traitent le problème de Dieu de telle
façon que ce problème semble dénué de sens. Beaucoup outrepassant indûment
les limites des sciences positives, ou bien prétendent que la seule raison
scientifique explique tout, ou bien, à l’inverse, ne reconnaissent comme
définitive absolument aucune vérité. Certains font un tel cas de l’homme que
la foi en Dieu s’en trouve comme énervée, plus préoccupés qu’ils sont,
semble-t-il, d’affirmer l’homme que de nier Dieu. D’autres se représentent
Dieu sous un jour tel que, en le repoussant, ils refusent un Dieu qui n’est
en aucune façon celui de l’Évangile. D’autres n’abordent même pas le
problème de Dieu : ils paraissent étrangers à toute inquiétude religieuse et
ne voient pas pourquoi ils se soucieraient encore de religion. L’athéisme,
en outre, naît souvent, soit d’une protestation révoltée contre le mal dans
le monde, soit du fait que l’on attribue à tort à certains idéaux humains un
tel caractère d’absolu qu’on en vient à les prendre pour Dieu. La
civilisation moderne elle-même, non certes par son essence même, mais parce
qu’elle se trouve trop engagée dans les réalités terrestres, peut rendre
souvent plus difficile l’approche de Dieu.
3. Certes, ceux qui délibérément
s’efforcent d’éliminer Dieu de leur cœur et d’écarter les problèmes
religieux, en ne suivant pas le « dictamen » de leur conscience, ne sont pas
exempts de faute. Mais les croyants eux-mêmes portent souvent à cet égard
une certaine responsabilité. Car l’athéisme, considéré dans son ensemble, ne
trouve pas son origine en lui-même ; il la trouve en diverses causes, parmi
lesquelles il faut compter une réaction critique en face des religions et
spécialement, en certaines régions, en face de la religion chrétienne. C’est
pourquoi, dans cette genèse de l’athéisme, les croyants peuvent avoir une
part qui n’est pas mince, dans la mesure où, par la négligence dans
l’éducation de leur foi, par des présentations trompeuses de la doctrine et
aussi par des défaillances de leur vie religieuse, morale et sociale, on
peut dire d’eux qu’ils voilent l’authentique visage de Dieu et de la
religion plus qu’ils ne le révèlent.
20. L’athéisme systématique
1. Souvent l’athéisme moderne présente
aussi une forme systématique, qui, abstraction faite des autres causes,
pousse le désir d’autonomie humaine à un point tel qu’il fait obstacle à
toute dépendance à l’égard de Dieu. Ceux qui professent un athéisme de cette
sorte soutiennent que la liberté consiste en ceci que l’homme est pour
lui-même sa propre fin, le seul artisan et le démiurge de sa propre
histoire. Ils prétendent que cette vue des choses est incompatible avec la
reconnaissance d’un Seigneur, auteur et fin de toutes choses ou, au moins,
qu’elle rend cette affirmation tout à fait superflue. Cette doctrine peut se
trouver renforcée par le sentiment de puissance que le progrès technique
actuel confère à l’homme.
2. Parmi les formes de l’athéisme
contemporain, on ne doit pas passer sous silence celle qui attend la
libération de l’homme surtout de sa libération économique et sociale. À
cette libération s’opposerait, par sa nature même, la religion, dans la
mesure, où, érigeant l’espérance de l’homme sur le mirage d’une vie future,
elle le détournerait d’édifier la cité terrestre. C’est pourquoi les tenants
d’une telle doctrine, là où ils deviennent les maîtres du pouvoir, attaquent
la religion avec violence, utilisant pour la diffusion de l’athéisme,
surtout en ce qui regarde l’éducation de la jeunesse, tous les moyens de
pression dont le pouvoir public dispose.
21. L’attitude de l’Église en
face de l’athéisme
1. L’Église, fidèle à la fois à Dieu
et à l’homme, ne peut cesser de réprouver avec douleur et avec la plus
grande fermeté, comme elle l’a fait dans le passé [23],
ces doctrines et ces manières de faire funestes qui contredisent la raison
et l’expérience commune et font déchoir l’homme de sa noblesse native.
2. Elle s’efforce cependant de saisir
dans l’esprit des athées les causes cachées de la négation de Dieu et, bien
consciente de la gravité des problèmes que l’athéisme soulève, poussée par
son amour pour tous les hommes, elle estime qu’il lui faut soumettre ces
motifs à un examen sérieux et approfondi.
3. L’Église tient que la
reconnaissance de Dieu ne s’oppose en aucune façon à la dignité de l’homme,
puisque cette dignité trouve en Dieu lui-même ce qui la fonde et ce qui
l’achève. Car l’homme a été établi en société, intelligent et libre, par
Dieu son Créateur. Mais surtout, comme fils, il est appelé à l’intimité même
de Dieu et au partage de son propre bonheur. L’Église enseigne, en outre,
que l’espérance eschatologique ne diminue pas l’importance des tâches
terrestres, mais en soutient bien plutôt l’accomplissement par de nouveaux
motifs. À l’opposé, lorsque manquent le support divin et l’espérance de la
vie éternelle, la dignité de l’homme subit une très grave blessure, comme on
le voit souvent aujourd’hui, et l’énigme de la vie et de la mort, de la
faute et de la souffrance reste sans solution : ainsi, trop souvent, les
hommes s’abîment dans le désespoir.
4. Pendant ce temps, tout homme
demeure à ses propres yeux une question insoluble qu’il perçoit confusément.
À certaines heures, en effet, principalement à l’occasion des grands
événements de la vie, personne ne peut totalement éviter ce genre
d’interrogation. Dieu seul peut pleinement y répondre et d’une manière
irrécusable, lui qui nous invite à une réflexion plus profonde et à une
recherche plus humble.
5. Quant au remède à l’athéisme, on
doit l’attendre d’une part d’une présentation adéquate de la doctrine,
d’autre part de la pureté de vie de l’Église et de ses membres. C’est à
l’Église qu’il revient en effet de rendre présents et comme visibles Dieu le
Père et son Fils incarné, en se renouvelant et en se purifiant sans cesse [24],
sous la conduite de l’Esprit Saint. Il y faut surtout le témoignage d’une
foi vivante et adulte, c’est-à-dire d’une foi formée à reconnaître
lucidement les difficultés et capable de les surmonter. D’une telle foi, de
très nombreux martyrs ont rendu et continuent de rendre un éclatant
témoignage. Sa fécondité doit se manifester en pénétrant toute la vie des
croyants, y compris leur vie profane, et en les entraînant à la justice et à
l’amour, surtout au bénéfice des déshérités. Enfin ce qui contribue le plus
à révéler la présence de Dieu, c’est l’amour fraternel des fidèles qui
travaillent d’un cœur unanime pour la foi de l’Évangile [25]
et qui se présentent comme un signe d’unité.
6. L’Église, tout en rejetant
absolument l’athéisme, proclame toutefois, sans arrière-pensée, que tous les
hommes, croyants et incroyants, doivent s’appliquer à la juste construction
de ce monde, dans lequel ils vivent ensemble : ce qui, assurément, n’est
possible que par un dialogue loyal et prudent. L’Église déplore donc les
différences de traitement que certaines autorités civiles établissent
injustement entre croyants et incroyants, au mépris des droits fondamentaux
de la personne. Pour les croyants, elle réclame la liberté effective et la
possibilité d’élever aussi dans ce monde le temple de Dieu. Quant aux
athées, elle les invite avec humanité à examiner en toute objectivité
l’Évangile du Christ.
7. Car l’Église sait parfaitement que
son message est en accord avec le fond secret du cœur humain quand elle
défend la dignité de la vocation de l’homme, et rend ainsi l’espoir à ceux
qui n’osent plus croire à la grandeur de leur destin. Ce message, loin de
diminuer l’homme, sert à son progrès en répandant lumière, vie et liberté
et, en dehors de lui, rien ne peut combler le cœur humain : « Tu nous as
faits pour toi, Seigneur, et notre cœur ne connaît aucun répit jusqu’à ce
qu’il trouve son repos en toi [26].
»
22. Le Christ, homme nouveau
1. En réalité, le mystère de l’homme
ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné. Adam, en effet,
le premier homme, était la figure de celui qui devait venir [27],
le Christ Seigneur. Nouvel Adam, le Christ, dans la révélation même du
mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même et
lui découvre la sublimité de sa vocation. Il n’est donc pas surprenant que
les vérités ci-dessus trouvent en lui leur source et atteignent en lui leur
point culminant.
2. « Image du Dieu invisible » (Col
1, 15) [28],
il est l’Homme parfait qui a restauré dans la descendance d’Adam la
ressemblance divine, altérée dès le premier péché. Parce qu’en lui la nature
humaine a été assumée, non absorbée [29],
par le fait même, cette nature a été élevée en nous aussi à une dignité sans
égale. Car, par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni
lui-même à tout homme. Il a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé
avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme [30],
il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment
devenu l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché [31].
3. Agneau innocent, par son sang
librement répandu, il nous a mérité la vie ; et, en lui, Dieu nous a
réconciliés avec lui-même et entre nous [32],
nous arrachant à l’esclavage du diable et du péché. En sorte que chacun de
nous peut dire avec l’Apôtre : le Fils de Dieu « m’a aimé et il s’est livré
lui-même pour moi » (Ga 2, 20). En souffrant pour nous, il ne nous a
pas simplement donné l’exemple, afin que nous marchions sur ses pas [33],
mais il a ouvert une route nouvelle : si nous la suivons, la vie et la mort
deviennent saintes et acquièrent un sens nouveau.
4. Devenu conforme à l’image du Fils,
premier-né d’une multitude de frères [34],
le chrétien reçoit « les prémices de l’Esprit » (Rm 8, 23), qui le
rendent capable d’accomplir la loi nouvelle de l’amour [35].
Par cet Esprit, « gage de l’héritage » (Ep 1, 14), c’est tout l’homme
qui est intérieurement renouvelé, dans l’attente de « la rédemption du corps
» (Rm 8, 23) : « Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre
les morts demeure en vous, celui qui a ressuscité Jésus Christ d’entre les
morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en
vous (Rm 8, 11) [36].
Certes, pour un chrétien, c’est une nécessité et un devoir de combattre le
mal au prix de nombreuses tribulations et de subir la mort. Mais, associé au
mystère pascal, devenant conforme au Christ dans la mort, fortifié par
l’espérance, il va au-devant de la résurrection [37].
5. Et cela ne vaut pas seulement pour
ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté,
dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce [38].
En effet, puisque le Christ est mort pour tous [39]
et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir
divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que
Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal.
6. Telle est la qualité et la grandeur
du mystère de l’homme, ce mystère que la Révélation chrétienne fait briller
aux yeux des croyants. C’est donc par le Christ et dans le Christ que
s’éclaire l’énigme de la douleur et de la mort qui, hors de son Évangile,
nous écrase. Le Christ est ressuscité ; par sa mort, il a vaincu la mort, et
il nous a abondamment donné la vie [40]
pour que, devenus fils dans le Fils, nous clamions dans l’Esprit : Abba,
Père [41]!
CHAPITRE II :
La communauté humaine
23. But poursuivi par le Concile
1. Parmi les principaux aspects du
monde d’aujourd’hui, il faut compter la multiplication des relations entre
les hommes que les progrès techniques actuels contribuent largement à
développer. Toutefois le dialogue fraternel des hommes ne trouve pas son
achèvement à ce niveau, mais plus profondément dans la communauté des
personnes et celle-ci exige le respect réciproque de leur pleine dignité
spirituelle. La Révélation chrétienne favorise puissamment l’essor de cette
communion des personnes entre elles ; en même temps elle nous conduit à une
intelligence plus pénétrante des lois de la vie sociale, que le Créateur a
inscrites dans la nature spirituelle et morale de l’homme.
2. Mais comme de récents documents du
Magistère ont abondamment expliqué la doctrine chrétienne sur la société
humaine [42],
le Concile s’en tient au rappel de quelques vérités majeures dont il expose
les fondements à la lumière de la Révélation. Il insiste ensuite sur
quelques conséquences qui revêtent une importance particulière en notre
temps.
24. Caractère communautaire de
la vocation humaine dans le plan de Dieu
1. Dieu, qui veille paternellement sur
tous, a voulu que tous les hommes constituent une seule famille et se
traitent mutuellement comme des frères. Tous, en effet, ont été créés à
l’image de Dieu, « qui a fait habiter sur toute la face de la terre tout le
genre humain issu d’un principe unique » (Ac 17, 26), et tous sont
appelés à une seule et même fin, qui est Dieu lui-même.
2. À cause de cela, l’amour de Dieu et
du prochain est le premier et le plus grand commandement. L’Écriture, pour
sa part, enseigne que l’amour de Dieu est inséparable de l’amour du prochain
: « ... tout autre commandement se résume en cette parole : tu aimeras le
prochain comme toi-même... La charité est donc la loi dans sa plénitude » (Rm
13, 9-10 ; cf. 1 Jn 4, 20). Il est bien évident que cela est d’une
extrême importance pour des hommes de plus en plus dépendants les uns des
autres et dans un monde sans cesse plus unifié.
3. Allons plus loin : quand le
Seigneur Jésus prie le Père pour que « tous soient un..., comme nous nous
sommes un » (Jn 17, 21-22), il ouvre des perspectives inaccessibles à la
raison et il nous suggère qu’il y a une certaine ressemblance entre l’union
des personnes divines et celle des fils de Dieu dans la vérité et dans
l’amour. Cette ressemblance montre bien que l’homme, seule créature sur
terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne peut pleinement se trouver que
par le don désintéressé de lui-même [43].
25. Interdépendance de la
personne et de la société
1. Le caractère social de l’homme fait
apparaître qu’il y a interdépendance entre l’essor de la personne et le
développement de la société elle-même. En effet, la personne humaine qui, de
par sa nature même, a absolument besoin d’une vie sociale [44],
est et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions.
La vie sociale n’est donc pas pour l’homme quelque chose de surajouté ;
aussi c’est par l’échange avec autrui, par la réciprocité des services, par
le dialogue avec ses frères que l’homme grandit selon toutes ses capacités
et peut répondre à sa vocation.
2. Parmi les liens sociaux nécessaires
à l’essor de l’homme, certains, comme la famille et la communauté politique,
correspondent plus immédiatement à sa nature intime ; d’autres relèvent
plutôt de sa libre volonté. De nos jours, sous l’influence de divers
facteurs, les relations mutuelles et les interdépendances ne cessent de se
multiplier : d’où des associations et des institutions variées, de droit
public ou privé. Même si ce fait, qu’on nomme socialisation, n’est pas sans
danger, il comporte cependant de nombreux avantages qui permettent
d’affermir et d’accroître les qualités de la personne, et de garantir ses
droits [45].
3. Mais si les personnes humaines
reçoivent beaucoup de la vie sociale pour l’accomplissement de leur
vocation, même religieuse, on ne peut cependant pas nier que les hommes, du
fait des contextes sociaux dans lesquels ils vivent et baignent dès leur
enfance, se trouvent souvent détournés du bien et portés au mal. Certes, les
désordres, si souvent rencontrés dans l’ordre social, proviennent en partie
des tensions existant au sein des structures économiques, politiques et
sociales. Mais, plus radicalement, ils proviennent de l’orgueil et de
l’égoïsme des hommes, qui pervertissent aussi le climat social. Là où
l’ordre des choses a été vicié par les suites du péché, l’homme, déjà enclin
au mal par naissance, éprouve de nouvelles incitations qui le poussent à
pécher : sans efforts acharnés, sans l’aide de la grâce, il ne saurait les
vaincre.
26. Promouvoir le bien commun
1. Parce que les liens humains
s’intensifient et s’étendent peu à peu à l’univers entier, le bien commun,
c’est-à-dire cet ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux
groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une
façon plus totale et plus aisée, prend aujourd’hui une extension de plus en
plus universelle, et par suite recouvre des droits et des devoirs qui
concernent tout le genre humain. Tout groupe doit tenir compte des besoins
et des légitimes aspirations des autres groupes, et plus encore du bien
commun de l’ensemble de la famille humaine [46].
2. Mais en même temps grandit la
conscience de l’éminente dignité de la personne humaine, supérieure à toutes
choses et dont les droits et les devoirs sont universels et inviolables. Il
faut donc rendre accessible à l’homme tout ce dont il a besoin pour mener
une vie vraiment humaine, par exemple : nourriture, vêtement, habitat, droit
de choisir librement son état de vie et de fonder une famille, droit à
l’éducation, au travail, à la réputation, au respect, à une information
convenable, droit d’agir selon la droite règle de sa conscience, droit à la
sauvegarde de la vie privée et à une juste liberté, y compris en matière
religieuse.
3. Aussi l’ordre social et son progrès
doivent-ils toujours tourner au bien des personnes, puisque l’ordre des
choses doit être subordonné à l’ordre des personnes et non l’inverse. Le
Seigneur lui-même le suggère lorsqu’il a dit : « Le sabbat a été fait pour
l’homme et non l’homme pour le sabbat [47].
» Cet ordre doit sans cesse se développer, avoir pour base la vérité,
s’édifier sur la justice, et être vivifié par l’amour ; il doit trouver dans
la liberté un équilibre toujours plus humain [48].
Pour y parvenir, il faut travailler au renouvellement des mentalités et
entreprendre de vastes transformations sociales.
4. L’Esprit de Dieu qui, par une
providence admirable, conduit le cours des temps et rénove la face de la
terre, est présent à cette évolution. Quant au ferment évangélique, c’est
lui qui a suscité et suscite dans le cœur humain une exigence incoercible de
dignité.
27. Respect de la personne
humaine
1. Pour en venir à des conséquences
pratiques et qui présentent un caractère d’urgence particulière, le Concile
insiste sur le respect de l’homme : que chacun considère son prochain, sans
aucune exception, comme « un autre lui-même», tienne compte avant tout de
son existence et des moyens qui lui sont nécessaires pour vivre dignement [49],
et se garde d’imiter ce riche qui ne prit nul souci du pauvre Lazare [50].
2. De nos jours surtout, nous avons
l’impérieux devoir de nous faire le prochain de n’importe quel homme et,
s’il se présente à nous, de le servir activement : qu’il s’agisse de ce
vieillard abandonné de tous, ou de ce travailleur étranger, méprisé sans
raison, ou de cet exilé, ou de cet enfant né d’une union illégitime qui
supporte injustement le poids d’une faute qu’il n’a pas commise, ou de cet
affamé qui interpelle notre conscience en nous rappelant la parole du
Seigneur : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de
mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).
3. De plus, tout ce qui s’oppose à la
vie elle-même, comme toute espèce d’homicide, le génocide, l’avortement,
l’euthanasie et même le suicide délibéré ; tout ce qui constitue une
violation de l’intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la
torture physique ou morale, les contraintes psychologiques ; tout ce qui est
offense à la dignité de l’homme, comme les conditions de vie sous-humaines,
les emprisonnements arbitraires, les déportations, l’esclavage, la
prostitution, le commerce des femmes et des jeunes ; ou encore les
conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de
purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et
responsable : toutes ces pratiques et d’autres analogues sont, en vérité,
infâmes. Tandis qu’elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux
qui s’y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent
gravement à l’honneur du Créateur.
28. Respect et amour des
adversaires
1. Le respect et l’amour doivent aussi
s’étendre à ceux qui pensent ou agissent autrement que nous en matière
sociale, politique ou religieuse. D’ailleurs, plus nous nous efforçons de
pénétrer de l’intérieur, avec bienveillance et amour, leurs manières de
voir, plus le dialogue avec eux deviendra aisé.
2. Certes, cet amour et cette
bienveillance ne doivent en aucune façon nous rendre indifférents à l’égard
de la vérité et du bien. Mieux, c’est l’amour même qui pousse les disciples
du Christ à annoncer à tous les hommes la vérité qui sauve. Mais on doit
distinguer entre l’erreur, toujours à rejeter, et celui qui se trompe, qui
garde toujours sa dignité de personne, même s’il se fourvoie dans des
notions fausses ou insuffisantes en matière religieuse [51].
Dieu seul juge et scrute les cœurs ; il nous interdit donc de juger de la
culpabilité interne de quiconque [52].
3. L’enseignement du Christ va jusqu’à
requérir le pardon des offenses [53]
et étend le commandement de l’amour, qui est celui de la loi nouvelle, à
tous nos ennemis : « Vous avez appris qu’il a été dit : tu aimeras ton
prochain, tu haïras ton ennemi. Mais moi je vous dis : aimez vos ennemis,
faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui vous
persécutent et vous calomnient » (Mt 5, 43-44).
29. Égalité essentielle de tous
les hommes entre eux et justice sociale
1. Tous les hommes, doués d’une âme
raisonnable et créés à l’image de Dieu, ont même nature et même origine ;
tous, rachetés par le Christ, jouissent d’une même vocation et d’une même
destinée divine : on doit donc, et toujours davantage, reconnaître leur
égalité fondamentale.
2. Assurément, tous les hommes ne sont
pas égaux quant à leur capacité physique qui est variée, ni quant à leurs
forces intellectuelles et morales qui sont diverses. Mais toute forme de
discrimination touchant les droits fondamentaux de la personne, qu’elle soit
sociale ou culturelle, qu’elle soit fondée sur le sexe, la race, la couleur
de la peau, la condition sociale, la langue ou la religion, doit être
dépassée et éliminée, comme contraire au dessein de Dieu. En vérité, il est
affligeant de constater que ces droits fondamentaux de la personne ne sont
pas encore partout garantis. Il en est ainsi lorsque la femme est frustrée
de la faculté de choisir librement son époux ou d’élire son état de vie, ou
d’accéder à une éducation et une culture semblables à celles que l’on
reconnaît à l’homme.
3. Au surplus, en dépit de légitimes
différences entre les hommes, l’égale dignité des personnes exige que l’on
parvienne à des conditions de vie justes et plus humaines. En effet, les
inégalités économiques et sociales excessives entre les membres ou entre les
peuples d’une seule famille humaine font scandale et font obstacle à la
justice sociale, à l’équité, à la dignité de la personne humaine ainsi qu’à
la paix sociale et internationale.
4. Que les institutions privées ou
publiques s’efforcent de se mettre au service de la dignité et de la
destinée humaines. Qu’en même temps elles luttent activement contre toute
forme d’esclavage, social ou politique ; et qu’elles garantissent les droits
fondamentaux des hommes sous tout régime politique. Et même s’il faut un
temps passablement long pour parvenir au but souhaité, toutes ces
institutions humaines doivent peu à peu répondre aux réalités spirituelles
qui, de toutes, sont les plus hautes.
30. Nécessité de dépasser une
éthique individualiste
1. L’ampleur et la rapidité des
transformations réclament d’une manière pressante que personne, par
inattention à l’évolution des choses ou par inertie, ne se contente d’une
éthique individualiste. Lorsque chacun, contribuant au bien commun selon ses
capacités propres et en tenant compte des besoins d’autrui, se préoccupe
aussi, et effectivement, de l’essor des institutions publiques ou privées
qui servent à améliorer les conditions de vie humaines, c’est alors et de
plus en plus qu’il accomplit son devoir de justice et de charité. Or il y a
des gens qui, tout en professant des idées larges et généreuses, continuent
à vivre en pratique comme s’ils n’avaient cure des solidarités sociales.
Bien plus, dans certains pays, beaucoup font peu de cas des lois et des
prescriptions sociales. Un grand nombre ne craignent pas de se soustraire,
par divers subterfuges et fraudes, aux justes impôts et aux autres aspects
de la dette sociale. D’autres négligent certaines règles de la vie en
société, comme celles qui ont trait à la sauvegarde de la santé ou à la
conduite des véhicules, sans même se rendre compte que, par une telle
insouciance, ils mettent en danger leur propre vie et celle d’autrui.
2. Que tous prennent très à cœur de
compter les solidarités sociales parmi les principaux devoirs de l’homme
d’aujourd’hui, et de les respecter. En effet, plus le monde s’unifie et plus
il est manifeste que les obligations de l’homme dépassent les groupes
particuliers pour s’étendre peu à peu à l’univers entier. Ce qui ne peut se
faire que si les individus et les groupes cultivent en eux les valeurs
morales et sociales et les répandent autour d’eux. Alors, avec le nécessaire
secours de la grâce divine, surgiront des hommes vraiment nouveaux, artisans
de l’humanité nouvelle.
31. Responsabilité et
participation
1. Pour que chacun soit mieux armé
pour faire face à ses responsabilités, tant envers lui-même qu’envers les
différents groupes dont il fait partie, on aura soin d’assurer un plus large
développement culturel, en utilisant les moyens considérables dont le genre
humain dispose aujourd’hui. Avant tout, l’éducation des jeunes, quelle que
soit leur origine sociale, doit être ordonnée de telle façon qu’elle puisse
susciter des hommes et des femmes qui ne soient pas seulement cultivés, mais
qui aient aussi une forte personnalité, car notre temps en a le plus grand
besoin.
2. Mais l’homme parvient très
difficilement à un tel sens de la responsabilité si les conditions de vie ne
lui permettent pas de prendre conscience de sa dignité et de répondre à sa
vocation en se dépensant au service de Dieu et de ses semblables. Car
souvent la liberté humaine s’étiole lorsque l’homme est dans un état
d’extrême indigence, comme elle se dégrade lorsque, se laissant aller à une
vie de trop grande facilité, il s’enferme en lui-même comme dans une tour
d’ivoire. Elle se fortifie en revanche lorsque l ’homme accepte les
inévitables contraintes de la vie sociale, assume les exigences multiples de
la solidarité humaine et s’engage au service de la communauté des hommes.
3. Aussi faut-il stimuler chez tous la
volonté de prendre part aux entreprises communes. Et il faut louer la façon
d’agir des nations où, dans une authentique liberté, le plus grand nombre
possible de citoyens participe aux affaires publiques. Il faut toutefois
tenir compte des conditions concrètes de chaque peuple et de la nécessaire
fermeté des pouvoirs publics. Mais pour que tous les citoyens soient poussés
à participer à la vie des différents groupes qui constituent le corps
social, il faut qu’ils trouvent en ceux-ci des valeurs qui les attirent et
qui les disposent à se mettre au service de leurs semblables. On peut
légitimement penser que l’avenir est entre les mains de ceux qui auront su
donner aux générations de demain des raisons de vivre et d’espérer.
32. Le Verbe incarné et la
solidarité humaine
1. De même que Dieu a créé les hommes
non pour vivre en solitaires, mais pour qu’ils s’unissent en société, de
même il lui a plus aussi « de sanctifier et de sauver les hommes non pas
isolément, hors de tout lien mutuel ; il a voulu au contraire en faire un
peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté [54]
». Aussi, dès le début de l’histoire du salut, a-t-il choisi des hommes non
seulement à titre individuel, mais en tant que membres d’une communauté. Et
ces élus, Dieu leur a manifesté son dessein et les a appelés « son peuple »
(Ex. 3, 7-12). C’est avec ce peuple qu’il a, en outre, conclu
l’Alliance du Sinaï [55].
2. Ce caractère communautaire se
parfait et s’achève dans l’œuvre de Jésus Christ. Car le Verbe incarné en
personne a voulu entrer dans le jeu de cette solidarité. Il a prit part aux
noces de Cana, il s’est invité chez Zachée, il a mangé avec les publicains
et les pécheurs. C’est en évoquant les réalités les plus ordinaires de la
vie sociale, en se servant des mots et des images de l’existence la plus
quotidienne, qu’il a révélé aux hommes l’amour du Père et la magnificence de
leur vocation. Il a sanctifié les liens humains, notamment soumis aux lois
de sa patrie. Il a voulu mener la vie même d’un artisan de son temps et de
sa région.
3. Dans sa prédication, il a
clairement affirmé que des fils de Dieu ont l’obligation de se comporter
entre eux comme des frères. Dans sa prière, il a demandé que tous ses
disciples soient « un». Bien plus, lui-même s’est offert pour tous jusqu’à
la mort, lui, le rédempteur de tous. « Il n’y a pas de plus grand amour que
de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13). Quant à ses Apôtres, il
leur a ordonné d’annoncer à toutes les nations le message évangélique, pour
faire du genre humain la famille de Dieu, dans laquelle la plénitude de la
loi serait l’amour.
4. Premier-né parmi beaucoup de
frères, après sa mort et sa résurrection, par le don de son Esprit il a
institué, entre tous ceux qui l’accueillent par la foi et la charité, une
nouvelle communion fraternelle : elle se réalise en son propre Corps, qui
est l’Église. En ce Corps, tous, membres les uns des autres, doivent
s’entraider mutuellement, selon la diversité des dons reçus.
5. Cette solidarité devra sans cesse
croître, jusqu’au jour où elle trouvera son couronnement : ce jour-là, les
hommes, sauvés par la grâce, famille bien-aimée de Dieu et du Christ leur
frère, rendront à Dieu une gloire parfaite.
CHAPITRE III :
L’activité humaine dans l’univers
33. Position du problème
1. Par son travail et son génie,
l’homme s’est toujours efforcé de donner un plus large développement à sa
vie. Mais aujourd’hui, aidé par la science et la technique, il a étendu sa
maîtrise sur presque toute la nature, et il ne cesse de l’étendre ; et,
grâce notamment à la multiplication des moyens d’échange de toutes sortes
entre les nations, la famille humaine se reconnaît et se constitue peu à peu
comme une communauté une au sein de l’univers. Il en résulte que l’homme se
procure désormais par sa propre industrie de nombreux biens qu’il attendait
autrefois avant tout de forces supérieures.
2. Devant cette immense entreprise,
qui gagne déjà tout le genre humain, de nombreuses interrogations s’élèvent
parmi les hommes : quels sont le sens et la valeur de cette laborieuse
activité ? Quel usage faire de toutes ces richesses ? Quelle est la fin de
ces efforts, individuels et collectifs ? L’Église, gardienne du dépôt de la
parole divine, où elle puise les principes de l’ordre religieux et moral,
n’a pas toujours, pour autant, une réponse immédiate à chacune de ces
questions ; elle désire toutefois joindre la lumière de la Révélation à
l’expérience de tous, pour éclairer le chemin où l’humanité vient de
s’engager.
34. Valeur de l’activité humaine
1. Pour les croyants, une chose est
certaine : considérée en elle-même, l’activité humaine, individuelle et
collective, ce gigantesque effort par lequel les hommes, tout au long des
siècles, s’acharnent à améliorer leurs conditions de vie, correspond au
dessein de Dieu. L’homme, créé à l’image de Dieu, a en effet reçu la mission
de soumettre la terre et tout ce qu’elle contient, de gouverner le cosmos en
sainteté et justice [56]
et, en reconnaissant Dieu comme Créateur de toutes choses, de lui référer
son être ainsi que l’univers : en sorte que, tout étant soumis à l’homme, le
nom même de Dieu soit glorifié par toute la terre [57].
2. Cet enseignement vaut aussi pour
les activités les plus quotidiennes. Car ces hommes et ces femmes qui, tout
en gagnant leur vie et celle de leur famille, mènent leurs activités de
manière à bien servir la société, sont fondés à voir dans leur travail un
prolongement de l’œuvre du Créateur, un service de leurs frères, un apport
personnel à la réalisation du plan providentiel dans l’histoire [58].
3. Loin d’opposer les conquêtes du
génie et du courage de l’homme à la puissance de Dieu et de considérer la
créature raisonnable comme une sorte de rivale du Créateur, les chrétiens
sont au contraire bien persuadés que les victoires du genre humain sont un
signe de la grandeur divine et une conséquence de son dessein ineffable.
Mais plus grandit le pouvoir de l’homme plus s’élargit le champ de ses
responsabilités, personnelles et communautaires. On voit par là que le
message chrétien ne détourne pas les hommes de la construction du monde et
ne les incite pas à se désintéresser du sort de leurs semblables : il leur
en fait au contraire un devoir plus pressant [59].
35. Normes de l’activité humaine
1. De même qu’elle procède de l’homme,
l’activité humaine lui est ordonnée. De fait, par son action, l’homme ne
transforme pas seulement les choses et la société, il se parfait lui-même.
Il apprend bien des choses, il développe ses facultés, il sort de lui-même
et se dépasse. Cet essor, bien conduit, est d’un tout autre prix que
l’accumulation possible de richesses extérieures. L’homme vaut plus par ce
qu’il est que par ce qu’il a [60].
De même, tout ce que font les hommes pour faire régner plus de justice, une
fraternité plus étendue, un ordre plus humain dans les rapports sociaux,
dépasse en valeur les progrès techniques. Car ceux-ci peuvent bien fournir
la base matérielle de la promotion humaine, mais ils sont tout à fait
impuissants, par eux seuls, à la réaliser.
2. Voici donc la règle de l’activité
humaine : qu’elle soit conforme au bien authentique de l’humanité, selon le
dessein et la volonté de Dieu, et qu’elle permette à l’homme, considéré
comme individu ou comme membre de la société, de s’épanouir selon la
plénitude de sa vocation.
36. Juste autonomie des réalités
terrestres
1. Pourtant, un grand nombre de nos
contemporains semblent redouter un lien étroit entre l’activité concrète et
la religion : ils y voient un danger pour l’autonomie des hommes, des
sociétés et des sciences.
2. Si, par autonomie des réalités
terrestres, on veut dire que les choses créées et les sociétés elles-mêmes
ont leurs lois et leurs valeurs propres, que l’homme doit peu à peu
apprendre à connaître, à utiliser et à organiser, une telle exigence
d’autonomie est pleinement légitime : non seulement elle est revendiquée par
les hommes de notre temps, mais elle correspond à la volonté du Créateur.
C’est en vertu de la création même que toutes choses sont établies selon
leur ordonnance et leurs lois et leurs valeurs propres, que l’homme doit peu
à peu apprendre à connaître, à utiliser et à organiser. Une telle exigence
d’autonomie est pleinement légitime : non seulement elle est revendiquée par
les hommes de notre temps, mais elle correspond à la volonté du Créateur.
C’est en vertu de la création même que toutes choses sont établies selon
leur consistance, leur vérité et leur excellence propres, avec leur
ordonnance et leurs lois spécifiques. L’homme doit respecter tout cela et
reconnaître les méthodes particulières à chacune des sciences et techniques.
C’est pourquoi la recherche méthodique, dans tous les domaines du savoir, si
elle est menée d’une manière vraiment scientifique et si elle suit les
normes de la morale, ne sera jamais réellement opposée à la foi : les
réalités profanes et celles de la foi trouvent leur origine dans le même
Dieu [61].
Bien plus, celui qui s’efforce, avec persévérance et humilité, de pénétrer
les secrets des choses, celui-là, même s’il n’en a pas conscience, est comme
conduit par la main de Dieu, qui soutient tous les êtres et les fait ce
qu’ils sont. À ce propos, qu’on nous permette de déplorer certaines
attitudes qui ont existé parmi les chrétiens eux-mêmes, insuffisamment
avertis de la légitime autonomie de la science. Sources de tensions et de
conflits, elles ont conduit beaucoup d’esprits jusqu’à penser que science et
foi s’opposaient [62].
3. Mais si, par « autonomie du
temporel», on veut dire que les choses créées ne dépendent pas de Dieu et
que l’homme peut en disposer sans référence au Créateur, la fausseté de tels
propos ne peut échapper à quiconque reconnaît Dieu. En effet, la créature
sans Créateur s’évanouit. Du reste, tous les croyants, à quelque religion
qu’ils appartiennent, ont toujours entendu la voix de Dieu et sa
manifestation, dans le langage des créatures. Et même, l’oubli de Dieu rend
opaque la créature elle-même.
37. L’activité humaine
détériorée par le péché
1. En accord avec l’expérience des
siècles, l’Écriture enseigne à la famille humaine que le progrès, grand bien
pour l’homme, entraîne aussi avec lui une sérieuse tentation. En effet,
lorsque la hiérarchie des valeurs est troublée et que le mal et le bien
s’entremêlent, les individus et groupes ne regardent plus que leurs intérêts
propres et non ceux des autres. Aussi le monde ne se présente pas encore
comme le lieu d’une réelle fraternité, tandis que le pouvoir accru de
l’homme menace de détruire le genre humain lui-même.
2. Un dur combat contre les puissances
des ténèbres passe à travers toute l’histoire des hommes ; commencé dès les
origines, il durera, le Seigneur nous l’a dit [63]
jusqu’au dernier jour. Engagé dans cette bataille, l’homme doit sans cesse
combattre pour s’attacher au bien ; et ce n’est qu’au prix de grands
efforts, avec la grâce de Dieu, qu’il parvient à réaliser son unité
intérieure.
3. C’est pourquoi l’Église du Christ
reconnaît, certes, que le progrès humain peut servir au bonheur véritable
des hommes, et elle fait ainsi confiance au dessein du Créateur ; mais elle
ne peut pas cependant ne pas faire écho à la parole de l’Apôtre : « Ne vous
modelez pas sur le monde présent » (Rm 12, 2), c’est-à-dire sur cet
esprit de vanité et de malice qui change l’activité humaine, ordonnée au
service de Dieu et de l’homme, en instrument de péché.
4. À qui demande comment une telle
misère peut être surmontée, les chrétiens confessent que toutes les
activités humaines, quotidiennement déviées par l’orgueil de l’homme et
l’amour désordonné de soi, ont besoin d’être purifiées et amenées à leur
perfection par la croix et la résurrection du Christ. Racheté par le Christ
et devenu une nouvelle créature dans l’Esprit Saint, l’homme peut et doit,
en effet, aimer ces choses que Dieu lui-même a créées. Car c’est de Dieu
qu’il les reçoit : il les voit comme jaillissant de sa main et les respecte.
Pour elles, il remercie son divin bienfaiteur, il en use et il en jouit dans
un esprit de pauvreté et de liberté ; il est alors introduit dans la
possession véritable du monde, comme quelqu’un qui n’a rien et qui possède
tout [64].
« Car tout est à vous, mais vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu » (1
Co 3, 22-23).
38. L’activité humaine et son
achèvement dans le mystère pascal
1. Le Verbe de Dieu, par qui tout a
été fait, s’est lui-même fait chair et est venu habiter la terre des hommes
[65].
Homme parfait, il est entré dans l’histoire du monde, l’assumant et la
récapitulant en lui [66].
C’est lui qui nous révèle que « Dieu est charité » (cf. 1 Jn 4, 8) et
qui nous enseigne en même temps que la loi fondamentale de la perfection
humaine, et donc de la transformation du monde, est le commandement nouveau
de l’amour. À ceux qui croient à la divine charité, il apporte ainsi la
certitude que la voie de l’amour est ouverte à tous les hommes et que
l’effort qui tend à instaurer une fraternité universelle n’est pas vain. Il
nous avertit aussi que cette charité ne doit pas seulement s’exercer dans
des actions d’éclat, mais, et avant tout, dans le quotidien de la vie. En
acceptant de mourir pour nous tous, pécheurs [67],
il nous apprend, par son exemple, que nous devons aussi porter cette croix
que la chair et le monde font peser sur les épaules de ceux qui poursuivent
la justice et la paix. Constitué Seigneur par sa résurrection, le Christ à
qui tout pouvoir a été donné, au ciel et sur la terre [68]
agit désormais dans le cœur des hommes par la puissance de son Esprit ; il
anime aussi, purifie et fortifie ces aspirations généreuses qui poussent la
famille humaine à améliorer ses conditions de vie et à soumettre à cette fin
la terre entière. Assurément les dons de l’Esprit sont divers : tandis qu’il
appelle certains à témoigner ouvertement du désir de la demeure céleste et à
garder vivant ce témoignage dans la famille humaine, il appelle les autres à
se vouer au service terrestre des hommes, préparant par ce ministère la
matière du Royaume des cieux. Mais de tous il fait des hommes libres pour
que, renonçant à l’amour-propre et rassemblant toutes les énergies
terrestres pour la vie humaine, ils s’élancent vers l’avenir, vers ce temps
où l’humanité elle-même deviendra une offrande agréable à Dieu [69].
2. Le Seigneur a laissé aux siens les
arrhes de cette espérance et un aliment pour la route : le sacrement de la
foi, dans lequel des éléments de la nature, cultivés par l’homme, sont
changés en son Corps et en son Sang glorieux. C’est le repas de la communion
fraternelle, une anticipation du banquet céleste.
39. Terre nouvelle et cieux
nouveaux
1. Nous ignorons le temps de
l’achèvement de la terre et de l’humanité [70],
nous ne connaissons pas le mode de transformation du cosmos. Elle passe,
certes, la figure de ce monde déformée par le péché [71];
mais, nous l’avons appris, Dieu nous prépare une nouvelle terre où régnera
la justice [72]
et dont la béatitude comblera et dépassera tous les désirs de paix qui
montent au cœur de l’homme [73].
Alors, la mort vaincue, les fils de Dieu ressusciteront dans le Christ, et
ce qui fut semé dans la faiblesse et la corruption revêtira
l’incorruptibilité [74].
La charité et ses œuvres demeureront [75]
et toute cette création que Dieu a faite pour l’homme sera délivrée de
l’esclavage de la vanité [76].
2. Certes, nous savons bien qu’il ne
sert à rien à l’homme de gagner l’univers s’il vient à se perdre lui-même [77],
mais l’attente de la nouvelle terre, loin d’affaiblir en nous le souci de
cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller : le corps de la nouvelle
famille humaine y grandit, qui offre déjà quelque ébauche du siècle à venir.
C’est pourquoi, s’il faut soigneusement distinguer le progrès terrestre de
la croissance du règne du Christ, ce progrès a cependant beaucoup
d’importance pour le Royaume de Dieu, dans la mesure où il peut contribuer à
une meilleure organisation de la société humaine [78].
3. Car ces valeurs de dignité, de
communion fraternelle et de liberté, tous ces fruits de notre nature et de
notre industrie, que nous aurons propagés sur terre selon le commandement du
Seigneur et dans son Esprit, nous les retrouverons plus tard, mais purifiés
de toute souillure, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettra à
son Père « un Royaume éternel et universel : Royaume de vérité et de vie,
Royaume de sainteté et de grâce, Royaume de justice, d’amour et de paix [79]
». Mystérieusement, le Royaume est déjà présent sur cette terre ; il
atteindra sa perfection quand le Seigneur reviendra.
CHAPITRE IV :
Le rôle de l’Église dans le monde de ce temps
40. Rapports mutuels de l’Église
et du monde
1. Tout ce que nous avons dit sur la
dignité de la personne humaine, sur la communauté des hommes, sur le sens
profond de l’activité humaine, constitue le fondement du rapport qui existe
entre l’Église et le monde, et la base de leur dialogue mutuel [80].
C’est pourquoi, en supposant acquis tout l’enseignement déjà fixé par le
Concile sur le mystère de l’Église, ce chapitre va maintenant traiter de
cette même Église en tant qu’elle est dans ce monde et qu’elle vit et agit
avec lui.
2. Née de l’amour du Père éternel [81],
fondée dans le temps par le Christ rédempteur, rassemblée dans l’Esprit
Saint [82],
l’Église poursuit une fin salvifique et eschatologique qui ne peut être
pleinement atteinte que dans le siècle à venir. Mais, dès maintenant
présente sur cette terre, elle se compose d’hommes, de membres de la cité
terrestre, qui ont vocation de former, au sein même de l’histoire humaine,
la famille des enfants de Dieu, qui doit croître sans cesse jusqu’à la venue
du Seigneur. Unie en vue des biens célestes, riche de ces biens, cette
famille « a été constituée et organisée en ce monde comme une société [83]
» par le Christ, et elle a été dotée « de moyens capables d’assurer son
union visible et sociale [84]
». À la fois « assemblée visible et communauté spirituelle [85]
», l’Église fait ainsi route avec toute l’humanité et partage le sort
terrestre du monde ; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, l’âme de
la société humaine [86]
appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu.
3. À vrai dire, cette compénétration
de la cité terrestre et de la cité céleste ne peut être perçue que par la
foi ; bien plus, elle demeure le mystère de l’histoire humaine qui, jusqu’à
la pleine révélation de la gloire des fils de Dieu, sera troublée par le
péché. Mais l’Église, en poursuivant la fin salvifique qui lui est propre,
ne communique pas seulement à l’homme la vie divine ; elle répand aussi, et
d’une certaine façon sur le monde entier, la lumière que cette vie divine
irradie, notamment en guérissant et en élevant la dignité de la personne
humaine, en affermissant la cohésion de la société et en procurant à
l’activité quotidienne des hommes un sens plus profond, la pénétrant d’une
signification plus haute. Ainsi, par chacun de ses membres comme par toute
la communauté qu’elle forme, l’Église croit pouvoir largement contribuer à
humaniser toujours plus la famille des hommes et son histoire.
4. En outre, l’Église catholique fait
grand cas de la contribution que les autres Églises chrétiennes ou
communautés ecclésiales ont apportée et continuent d’apporter à la
réalisation de ce même but ; et elle s’en réjouit. En même temps, elle est
fermement convaincue que, pour préparer les voies à l’Évangile, le monde
peut lui apporter une aide précieuse et diverse par les qualités et
l’activité des individus ou des sociétés qui le composent. Voici quelques
principes généraux concernant le bon développement des échanges entre
l’Église et le monde et de leur aide mutuelle dans les domaines qui leur
sont en quelque sorte communs.
41. Aide que l’Église veut
offrir à tout homme
1. L’homme moderne est en marche vers
un développement plus complet de sa personnalité, vers une découverte et une
affirmation toujours croissantes de ses droits. L’Église, pour sa part, qui
a reçu la mission de manifester le mystère de Dieu, de ce Dieu qui est la
fin ultime de l’homme, révèle en même temps à l’homme le sens de sa propre
existence, c’est-à-dire sa vérité essentielle. L’Église sait parfaitement
que Dieu seul, dont elle est la servante, répond aux plus profonds désirs du
cœur humain que jamais ne rassasient pleinement les nourritures terrestres.
Elle sait aussi que l’homme, sans cesse sollicité par l’Esprit de Dieu, ne
sera jamais tout à fait indifférent au problème religieux, comme le prouvent
non seulement l’expérience des siècles passés, mais de multiples témoignages
de notre temps. L’homme voudra toujours connaître, ne serait-ce que
confusément, la signification de sa vie, de ses activités et de sa mort. Ces
problèmes, la présence même de l’Église les lui rappelle. Or Dieu seul, qui
a créé l’homme à son image et l’a racheté du péché, peut répondre à ces
questions en plénitude. Il le fait par la révélation dans son Fils, qui
s’est fait homme. Quiconque suit le Christ, homme parfait, devient lui-même
plus homme.
2. Appuyée sur cette foi, l’Église
peut soustraire la dignité de la nature humaine à toutes les fluctuations
des opinions qui, par exemple, rabaissent exagérément le corps humain, ou au
contraire l’exaltent sans mesure. Aucune loi humaine ne peut assurer la
dignité personnelle et la liberté de l’homme comme le fait l’Évangile du
Christ, confié à l’Église. Cet Évangile annonce et proclame la liberté des
enfants de Dieu, rejette tout esclavage qui enfin de compte provient du
péché [87],
respecte scrupuleusement la dignité de la conscience et son libre choix,
enseigne sans relâche à faire fructifier tous les talents humains au service
de Dieu et pour le bien des hommes, enfin confie chacun à l’amour de tous [88].
Tout cela correspond à la loi fondamentale de l’économie chrétienne. Car, si
le même Dieu est à la fois Créateur et Sauveur, Seigneur et de l’histoire
humaine et de l’histoire du salut, cet ordre divin lui-même, loin de
supprimer la juste autonomie de la créature, et en particulier de l’homme,
la rétablit et la confirme au contraire dans sa dignité.
3. C’est pourquoi l’Église, en vertu
de l’Évangile qui lui a été confié, proclame les droits des hommes,
reconnaît et tient en grande estime le dynamisme de notre temps qui,
partout, donne un nouvel élan à ces droits. Ce mouvement toutefois doit être
imprégné de l’esprit de l’Évangile et garanti contre toute idée de fausse
autonomie. Nous sommes, en effet, exposés à la tentation d’estimer que nos
droits personnels ne sont pleinement maintenus que lorsque nous sommes
dégagés de toute norme de la loi divine. Mais, en suivant cette voie, la
dignité humaine, loin d’être sauvée, s’évanouit.
42. Aide que l’Église cherche à
apporter à la société humaine
1. L’union de la famille humaine
trouve une grande vigueur et son achèvement dans l’unité de la famille des
fils de Dieu, fondée dans le Christ [89].
2. Certes, la mission propre que le
Christ a confiée à son Église n’est ni d’ordre politique, ni d’ordre
économique ou social : le but qu’il lui a assigné est d’ordre religieux [90].
Mais, précisément, de cette mission religieuse découlent une fonction, des
lumières et des forces qui peuvent servir à constituer et à affermir la
communauté des hommes selon la loi divine. De même, lorsqu’il le faut et
compte tenu des circonstances de temps et de lieu, l’Église peut elle-même,
et elle le doit, susciter des œuvres destinées au service de tous, notamment
des indigents, comme les œuvres charitables et autres du même genre.
3. L’Église reconnaît aussi tout ce
qui est bon dans le dynamisme social d’aujourd’hui, en particulier le
mouvement vers l’unité, les progrès d’une saine socialisation et de la
solidarité au plan civique et économique. En effet, promouvoir l’unité
s’harmonise avec la mission profonde de l’Église, puisqu’elle est « dans le
Christ, comme le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de
l’union intime avec Dieu, et de l’unité de tout le genre humain [91]».
Sa propre réalité manifeste ainsi au monde qu’une véritable union sociale
visible découle de l’union des esprits et des cœurs, à savoir de cette foi
et de cette charité, sur lesquelles, dans l’Esprit Saint, son unité est
indissolublement fondée. Car l’énergie que l’Église est capable d’insuffler
à la société moderne se trouve dans cette foi et dans cette charité
effectivement vécues et ne s’appuie pas sur une souveraineté extérieure qui
s’exercerait par des moyens purement humains.
4. Comme de plus, de par sa mission et
sa nature, l’Église n’est liée à aucune forme particulière de culture, ni à
aucun système politique, économique ou social, par cette universalité même,
l’Église peut être un lien très étroit entre les différentes communautés
humaines et entre les différentes nations, pourvu qu’elles lui fassent
confiance et lui reconnaissent en fait une authentique liberté pour
l’accomplissement de sa mission. C’est pourquoi l’Église avertit ses fils,
et même tous les hommes, qu’il leur faut dépasser, dans cet esprit de la
famille des enfants de Dieu, toutes les dissensions entre nations et entre
races et consolider de l’intérieur les légitimes associations humaines.
5. Tout ce qu’il y a de vrai, de bon,
de juste, dans les institutions très variées que s’est données et que
continue à se donner le genre humain, le Concile le considère donc avec un
grand respect. Il déclare aussi que l’Église veut aider et promouvoir toutes
ces institutions, pour autant qu’il dépend d’elle, et que cette tâche est
compatible avec sa mission. Ce qu’elle désire par-dessus tout, c’est de
pouvoir se développer librement, à l’avantage de tous, sous tout régime qui
reconnaît les droits fondamentaux de la personne, de la famille, et les
impératifs du bien commun.
43. Aide que l’Église, par les
chrétiens, cherche à apporter à l’activité humaine
1. Le Concile exhorte les chrétiens,
citoyens de l’une et de l’autre cité, à remplir avec zèle et fidélité leurs
tâches terrestres, en se laissant conduire par l’esprit de l’Évangile. Ils
s’éloignent de la vérité ceux qui, sachant que nous n’avons point ici-bas de
cité permanente, mais que nous marchons vers la cité future [92]
croient pouvoir, pour cela, négliger leurs tâches humaines, sans
s’apercevoir que la foi même, compte tenu de la vocation de chacun, leur en
fait un devoir plus pressant [93].
Mais ils ne se trompent pas moins ceux qui, à l’inverse, croient pouvoir se
livrer entièrement à des activités terrestres en agissant comme si elles
étaient tout à fait étrangères à leur vie religieuse – celle-ci se limitant
alors pour eux à l’exercice du culte et à quelques obligations morales
déterminées. Ce divorce entre la foi dont ils se réclament et le
comportement quotidien d’un grand nombre est à compter parmi les plus graves
erreurs de notre temps. Ce scandale, déjà dans l’Ancien Testament les
prophètes le dénonçaient avec véhémence [94]
et, dans le Nouveau Testament avec plus de force, Jésus Christ lui-même le
menaçait de graves châtiments [95].
Que l’on ne crée donc pas d’opposition artificielle entre les activités
professionnelles et sociales d’une part, la vie religieuse d’autre part. En
manquant à ses obligations terrestres, le chrétien manque à ses obligations
envers le prochain, bien plus, envers Dieu lui-même, et il met en danger son
salut éternel. À l’exemple du Christ qui mena la vie d’un artisan, que les
chrétiens se réjouissent plutôt de pouvoir mener toutes leurs activités
terrestres en unissant dans une synthèse vitale tous les efforts humains,
familiaux, professionnels, scientifiques, techniques, avec les valeurs
religieuses, sous la souveraine ordonnance desquelles tout se trouve
coordonné à la gloire de Dieu.
2. Aux laïcs reviennent en propre,
quoique non exclusivement, les professions et les activités séculières.
Lorsqu’ils agissent, soit individuellement, soit collectivement, comme
citoyens du monde, ils auront donc à cœur, non seulement de respecter les
lois propres à chaque discipline, mais d’y acquérir une véritable
compétence. Ils aimeront collaborer avec ceux qui poursuivent les mêmes
objectifs qu’eux. Conscients des exigences de leur foi et nourris de sa
force, qu’ils n’hésitent pas, au moment opportun, à prendre de nouvelles
initiatives et à en assurer la réalisation. C’est à leur conscience,
préalablement formée, qu’il revient d’inscrire la loi divine dans la cité
terrestre. Qu’ils attendent des prêtres lumières et forces spirituelles.
Qu’ils ne pensent pas pour autant que leurs pasteurs aient une compétence
telle qu’ils puissent leur fournir une solution concrète et immédiate à tout
problème, même grave, qui se présente à eux, ou que telle soit leur mission.
Mais plutôt, éclairés par la sagesse chrétienne, prêtant fidèlement
attention à l’enseignement du Magistère [96],
qu’ils prennent eux-mêmes leurs responsabilités.
3. Fréquemment, c’est leur vision
chrétienne des choses qui les inclinera à telle ou telle solution, selon les
circonstances. Mais d’autres fidèles, avec une égale sincérité, pourront en
juger autrement, comme il advient souvent et à bon droit. S’il arrive que
beaucoup lient facilement, même contre la volonté des intéressés, les
options des uns ou des autres avec le message évangélique, on se souviendra
en pareil cas que personne n’a le droit de revendiquer d’une manière
exclusive pour son opinion l’autorité de l’Église. Que toujours, dans un
dialogue sincère, ils cherchent à s’éclairer mutuellement, qu’ils gardent
entre eux la charité et qu’ils aient avant tout le souci du bien commun.
4. Les laïcs, qui doivent activement
participer à la vie totale de l’Église, ne doivent pas seulement s’en tenir
à l’animation chrétienne du monde, mais ils sont aussi appelés à être, en
toutes circonstances et au cœur même de la communauté humaine, les témoins
du Christ.
5. Quant aux évêques, qui ont reçu la
charge de diriger l’Église de Dieu, qu’ils prêchent avec leurs prêtres le
message du Christ de telle façon que toutes les activités terrestres des
fidèles puissent être baignées de la lumière de l’Évangile. En outre, que
tous les pasteurs se souviennent que, par leur comportement quotidien et
leur sollicitude [97],
ils manifestent au monde un visage de l’Église d’après lequel les hommes
jugent de la force et de la vérité du message chrétien. Par leur vie et par
leur parole, unis aux religieux et à leurs fidèles, qu’ils fassent ainsi la
preuve que l’Église, par sa seule présence, avec tous les dons qu’elle
apporte, est une source inépuisable de ces énergies dont le monde
d’aujourd’hui a le plus grand besoin. Qu’ils se mettent assidûment à
l’étude, pour être capables d’assumer leurs responsabilités dans le dialogue
avec le monde et avec des hommes de toute opinion. Mais surtout, qu’ils
gardent dans leur cœur ces paroles du Concile : « Parce que le genre humain,
aujourd’hui de plus en plus, tend à l’unité civile, économique et sociale,
il est d’autant plus nécessaire que les prêtres, unissant leurs
préoccupations et leurs moyens sous la conduite des évêques et du Souverain
Pontife, écartent tout motif de dispersion pour amener l’humanité entière à
l’unité de la famille de Dieu. [98]
»
6. Bien que l’Église, par la vertu de
l’Esprit Saint, soit restée l’épouse fidèle de son Seigneur et n’ait jamais
cessé d’être dans le monde le signe du salut, elle sait fort bien toutefois
que, au cours de sa longue histoire, parmi ses membres [99],
clercs et laïcs, il n’en manque pas qui se sont montrés infidèles à l’Esprit
de Dieu. De nos jours aussi, l’Église n’ignore pas quelle distance sépare le
message qu’elle révèle et la faiblesse humaine de ceux auxquels cet Évangile
est confié. Quel que soit le jugement de l’histoire sur ces défaillances,
nous devons en être conscients et les combattre avec vigueur afin qu’elles
ne nuisent pas à la diffusion de l’Évangile. Pour développer ses rapports
avec le monde, l’Église sait également combien elle doit continuellement
apprendre de l’expérience des siècles. Guidée par l’Esprit Saint, l’Église,
notre Mère, ne cesse d’exhorter ses fils à se purifier et à se renouveler, «
pour que le signe du Christ brille avec plus d’éclat sur le visage de
l’Église [100]
».
44. Aide que l’Église reçoit du
monde d’aujourd’hui
1. De même qu’il importe au monde de
reconnaître l’Église comme une réalité sociale de l’histoire et comme son
ferment, de même l’Église n’ignore pas tout ce qu’elle a reçu de l’histoire
et de l’évolution du genre humain.
2. L’expérience des siècles passés, le
progrès des sciences, les richesses cachées dans les diverses cultures, qui
permettent de mieux connaître l’homme lui-même et ouvrent de nouvelles voies
à la vérité, sont également utiles à l’Église. En effet, dès les débuts de
son histoire, elle a appris à exprimer le message du Christ en se servant
des concepts et des langues des divers peuples et, de plus, elle s’est
efforcée de le mettre en valeur par la sagesse des philosophes : ceci afin
d’adapter l’Évangile, dans les limites convenables, et à la compréhension de
tous et aux exigences des sages. À vrai dire, cette manière appropriée de
proclamer la parole révélée doit demeurer la loi de toute évangélisation.
C’est de cette façon, en effet, que l’on peut susciter en toute nation la
possibilité d’exprimer le message chrétien selon le mode qui lui convient,
et que l’on promeut en même temps un échange vivant entre l’Église et les
diverses cultures [101].
Pour accroître de tels échanges, l’Église, surtout de nos jours où les
choses vont si vite et où les façons de penser sont extrêmement variées, a
particulièrement besoin de l’apport de ceux qui vivent dans le monde, et en
épousent les formes mentales, qu’il s’agisse des croyants ou des incroyants.
Il revient à tout le Peuple de Dieu, notamment aux pasteurs et aux
théologiens, avec l’aide de l’Esprit Saint, de scruter, de discerner et
d’interpréter les multiples langages de notre temps et de les juger à la
lumière de la parole divine, pour que la vérité révélée puisse être sans
cesse mieux perçue, mieux comprise et présentée sous une forme plus adaptée.
3. Comme elle possède une structure
sociale visible, signe de son unité dans le Christ, l’Église peut aussi être
enrichie, et elle l’est effectivement, par le déroulement de la vie sociale
: non pas comme s’il manquait quelque chose dans la constitution que le
Christ lui a donnée, mais pour l’approfondir, la mieux exprimer et
l’accommoder d’une manière plus heureuse à notre époque. L’Église constate
avec reconnaissance qu’elle reçoit une aide variée de la part d’hommes de
tout rang et de toute condition, aide qui profite aussi bien à la communauté
qu’elle forme qu’à chacun de ses fils. En effet, tous ceux qui contribuent
au développement de la communauté humaine au plan familial, culturel,
économique et social, politique (tant au niveau national qu’au niveau
international), apportent par le fait même, et en conformité avec le plan de
Dieu, une aide non négligeable à la communauté ecclésiale, pour autant que
celle-ci dépend du monde extérieur. Bien plus, l’Église reconnaît que, de
l’opposition même de ses adversaires et de ses persécuteurs, elle a tiré de
grands avantages et qu’elle peut continuer à le faire [102].
45. Le Christ, alpha et oméga
1. Qu’elle aide le monde ou qu’elle
reçoive de lui, l’Église tend vers un but unique : que vienne le règne de
Dieu et que s’établisse le salut du genre humain. D’ailleurs, tout le bien
que le Peuple de Dieu, au temps de son pèlerinage terrestre, peut procurer à
la famille humaine, découle de cette réalité que l’Église est « le sacrement
universel du salut [103]
» manifestant et actualisant tout à la fois le mystère de l’amour de Dieu
pour l’homme.
2. Car le Verbe de Dieu, par qui tout
a été fait, s’est lui-même fait chair, afin que, homme parfait, il sauve
tous les hommes et récapitule toutes choses en lui. Le Seigneur est le terme
de l’histoire humaine, le point vers lequel convergent les désirs de
l’histoire et de la civilisation, le centre du genre humain, la joie de tous
les cœurs et la plénitude de leurs aspirations [104].
C’est lui que le Père a ressuscité d’entre les morts, a exalté et à fait
siéger à sa droite, le constituant juge des vivants et des morts. Vivifiés
et rassemblés en son Esprit, nous marchons vers la consommation de
l’histoire humaine qui correspond pleinement à son dessein d’amour : «
ramener toutes choses sous un seul chef, le Christ, celles qui sont dans les
cieux et celles qui sont sur la terre » (Ep 1, 10).
3. C’est le Seigneur lui-même qui le
dit : « Voici que je viens bientôt et ma rétribution est avec moi, pour
rendre à chacun selon ses œuvres. Je suis l’alpha et l’oméga, le premier et
le dernier, le commencement et la fin» (Ap 22, 12-13).
Deuxième partie :
De quelques problèmes plus urgents
46. Introduction
1. Après avoir montré quelle est la
dignité de la personne humaine et quel rôle individuel et social elle est
appelée à remplir dans l’univers, le Concile, fort de la lumière de
l’Évangile et de l’expérience humaine, attire maintenant l’attention de tous
sur quelques questions particulièrement urgentes de ce temps qui affectent
au plus haut point le genre humain.
2. Parmi les nombreux sujets qui
suscitent aujourd’hui l’intérêt général, il faut notamment retenir ceux-ci :
le mariage et la famille, la culture, la vie économico-sociale, la vie
politique, la solidarité des peuples et la paix. Sur chacun d’eux, il
convient de projeter la lumière des principes qui nous viennent du Christ ;
ainsi les chrétiens seront-ils guidés et tous les hommes éclairés dans la
recherche des solutions que réclament des problèmes si nombreux et si
complexes.
CHAPITRE PREMIER :
Dignité du mariage et de la famille
47. Le mariage et la famille
dans le monde d’aujourd’hui
1. La santé de la personne et de la
société tant humaine que chrétienne est étroitement liée à la prospérité de
la communauté conjugale et familiale. Aussi les chrétiens, en union avec
tous ceux qui font grand cas de cette communauté, se réjouissent-ils
sincèrement des soutiens divers qui font grandir aujourd’hui parmi les
hommes l’estime de cette communauté d’amour et le respect de la vie, et qui
aident les époux et les parents dans leur éminente mission. Ils en attendent
en outre de meilleurs résultats et s’appliquent à les étendre.
2. La dignité de cette institution ne
brille pourtant pas partout du même éclat puisqu’elle est ternie par la
polygamie, l’épidémie du divorce, l’amour soi-disant libre, ou d’autres
déformations. De plus, l’amour conjugal est trop souvent profané par
l’égoïsme, l’hédonisme et par des pratiques illicites entravant la
génération. Les conditions économiques, socio-psychologiques et civiles
d’aujourd’hui introduisent aussi dans la famille de graves perturbations.
Enfin, en certaines régions de l’univers, ce n’est pas sans inquiétude qu’on
observe les problèmes posés par l’accroissement démographique. Tout cela
angoisse les consciences. Et pourtant, un fait montre bien la vigueur et la
solidité de l’institution matrimoniale et familiale : les transformations
profondes de la société contemporaine, malgré les difficultés qu’elle
provoquent, font très souvent apparaître, et de diverses façons, la nature
véritable de cette institution.
3. C’est pourquoi le Concile, en
mettant en meilleure lumière certains points de la doctrine de l’Église, se
propose d’éclairer et d’encourager les chrétiens, ainsi que tous ceux qui
s’efforcent de sauvegarder et de promouvoir la dignité originelle et la
valeur privilégiée et sacrée de l’état de mariage.
48. Sainteté du mariage et de la
famille
1. La communauté profonde de vie et
d’amour que forme le couple a été fondée et dotée de ses lois propres par le
Créateur ; elle est établie sur l’alliance des conjoints, c’est-à-dire sur
leur consentement personnel irrévocable. Une institution, que la loi divine
confirme, naît ainsi, au regard même de la société, de l’acte humain par
lequel les époux se donnent et se reçoivent mutuellement. En vue du bien des
époux, des enfants et aussi de la société, ce lien sacré échappe à la
fantaisie de l’homme. Car Dieu lui-même est l’auteur du mariage qui possède
en propre des valeurs et des fins diverses [105]
; tout cela est d’une extrême importance pour la continuité du genre humain,
pour le progrès personnel et le sort éternel de chacun des membres de la
famille, pour la dignité, la stabilité, la paix et la prospérité de la
famille et de la société humaine tout entière. Et c’est par sa nature même
que l’institution du mariage et l’amour conjugal sont ordonnés à la
procréation et à l’éducation qui, tel un sommet, en constituent le
couronnement. Aussi l’homme et la femme qui, par l’alliance conjugale « ne
sont plus deux, mais une seule chair » (Mt 19, 6), s’aident et se
soutiennent mutuellement par l’union intime de leurs personnes et de leurs
activités ; ils prennent ainsi conscience de leur unité et l’approfondissent
sans cesse davantage. Cette union intime, don réciproque de deux personnes,
non moins que le bien des enfants, exigent l’entière fidélité des époux et
requièrent leur indissoluble unité [106].
2. Le Christ Seigneur a comblé de
bénédictions cet amour aux multiples aspects, issu de la source divine de la
charité, et constitué à l’image de son union avec l’Église. De même en effet
que Dieu prit autrefois l’initiative d’une alliance d’amour et de fidélité
avec son peuple [107],
ainsi, maintenant, le Sauveur des hommes, Époux de l’Église [108],
vient à la rencontre des époux chrétiens par le sacrement de mariage. Il
continue de demeurer avec eux pour que les époux, par leur don mutuel,
puissent s’aimer dans une fidélité perpétuelle, comme lui-même a aimé
l’Église et s’est livré pour elle [109].
L’authentique amour conjugal est assumé dans l’amour divin et il est dirigé
et enrichi par la puissance rédemptrice du Christ et l’action salvifique de
l’Église, afin de conduire efficacement à Dieu les époux, de les aider et de
les affermir dans leur mission sublime de père et de mère [110].
C’est pourquoi les époux chrétiens, pour accomplir dignement les devoirs de
leur état, sont fortifiés et comme consacrés par un sacrement spécial [111].
En accomplissant leur mission conjugale et familiale avec la force de ce
sacrement, pénétrés de l’Esprit du Christ qui imprègne toute leur vie de
foi, d’espérance et de charité, ils parviennent de plus en plus à leur
perfection personnelle et à leur sanctification mutuelle ; c’est ainsi
qu’ensemble ils contribuent à la glorification de Dieu.
3. Précédés par l’exemple et la prière
commune de leurs parents, les enfants, et même tous ceux qui vivent dans le
cercle familial, s’ouvriront ainsi plus facilement à des sentiments
d’humanité et trouveront plus aisément le chemin du salut et de la sainteté.
Quant aux époux, grandis par la dignité de leur rôle de père et de mère, ils
accompliront avec conscience le devoir d’éducation qui leur revient au
premier chef, notamment au plan religieux.
4. Membres vivants de la famille, les
enfants concourent, à leur manière, à la sanctification des parents. Par
leur reconnaissance, leur piété filiale et leur confiance, ils répondront
assurément aux bienfaits de leurs parents et, en bons fils, ils les
assisteront dans les difficultés de l’existence et dans la solitude de la
vieillesse. Le veuvage, assumé avec courage dans le sillage de la vocation
conjugale, sera honoré de tous [112].
Les familles se communiqueront aussi avec générosité leurs richesses
spirituelles. Alors, la famille chrétienne, parce qu’elle est issue d’un
mariage, sera image et participation de l’alliance d’amour qui unit le
Christ et l’Église [113],
manifestera à tous les hommes la présence vivante du Sauveur dans le monde
et la véritable nature de l’Église, tant par l’amour des époux, leur
fécondité généreuse, l’unité et la fidélité du foyer, que par la coopération
amicale de tous ses membres.
49. L’amour conjugal
1. À plusieurs reprises, la Parole de
Dieu a invité les fiancés à entretenir et soutenir leurs fiançailles par une
affection chaste, et les époux leur union par un amour sans faille [114].
Beaucoup de nos contemporains exaltent aussi l’amour authentique entre mari
et femme, manifesté de différentes manières, selon les saines coutumes des
peuples et des âges. Éminemment humain puisqu’il va d’une personne vers une
autre personne en vertu d’un sentiment volontaire, cet amour enveloppe le
bien de la personne tout entière ; il peut donc enrichir d’une dignité
particulière les expressions du corps et de la vie psychique et les
valoriser comme les éléments et les signes spécifiques de l’amitié
conjugale. Cet amour, par un don spécial de sa grâce et de sa charité, le
Seigneur a daigné le guérir, le parfaire et l’élever. Associant l’humain et
le divin, un tel amour conduit les époux à un don libre et mutuel
d’eux-mêmes qui se manifeste par des sentiments et des gestes de tendresse
et il imprègne toute leur vie [115]
; bien plus, il s’achève lui-même et grandit par son généreux exercice. Il
dépasse donc de loin l’inclination simplement érotique qui, cultivée pour
elle-même, s’évanouit vite et d’une façon pitoyable.
2. Cette affection a sa manière
particulière de s’exprimer et de s’accomplir par l’œuvre propre du mariage.
En conséquence, les actes qui réalisent l’union intime et chaste des époux
sont des actes honnêtes et dignes. Vécus d’une manière vraiment humaine, ils
signifient et favorisent le don réciproque par lequel les époux
s’enrichissent tous les deux dans la joie et la reconnaissance. Cet amour,
ratifié par un engagement mutuel, et par-dessus tout consacré par le
sacrement du Christ, demeure indissolublement fidèle, de corps et de pensée,
pour le meilleur et pour le pire ; il exclut donc tout adultère et tout
divorce. De même, l’égale dignité personnelle qu’il faut reconnaître à la
femme et à l’homme dans l’amour plénier qu’ils se portent l’un à l’autre
fait clairement apparaître l’unité du mariage, confirmée par le Seigneur.
Pour faire face avec persévérance aux obligations de cette vocation
chrétienne, une vertu peu commune est requise : c’est pourquoi les époux,
rendus capables par la grâce de mener une vie sainte, ne cesseront
d’entretenir en eux un amour fort, magnanime, prompt au sacrifice, et ils le
demanderont dans leur prière.
3. Mais le véritable amour conjugal
sera tenu en plus haute estime, et une saine opinion publique se formera à
son égard, si les époux chrétiens donnent ici un témoignage éminent de
fidélité et d’harmonie, comme le dévouement dans l’éducation de leurs
enfants, et s’ils prennent leurs responsabilités dans le nécessaire
renouveau culturel, psychologique et social en faveur du mariage et de la
famille. Il faut instruire à temps les jeunes, et de manière appropriée, de
préférence au sein de la famille, sur la dignité de l’amour conjugal, sa
fonction, son exercice : ainsi formés à la chasteté, ils pourront le moment
venu, s’engager dans le mariage après des fiançailles vécues dans la
dignité.
50. Fécondité du mariage
1. Le mariage et l’amour conjugal sont
d’eux-mêmes ordonnés à la procréation et à l’éducation. D’ailleurs, les
enfants sont le don le plus excellent du mariage et ils contribuent
grandement au bien des parents eux-mêmes. Dieu lui-même qui a dit : « Il
n’est pas bon que l’homme soit seul» (Gn 2, 18) et qui dès l’origine
a fait l’être humain homme et femme (Mt 19, 4), a voulu lui donner
une participation spéciale dans son œuvre créatrice ; aussi a-t-il béni
l’homme et la femme, disant : « Soyez féconds et multipliez-vous » (Gn
1, 28). Dès lors, un amour conjugal vrai et bien compris, comme toute la
structure de la vie familiale qui en découle, tendent, sans sous-estimer
pour autant les autres fins du mariage, à rendre les époux disponibles pour
coopérer courageusement à l’amour du Créateur et du Sauveur qui, par eux,
veut sans cesse agrandir et enrichir sa propre famille.
2. Dans le devoir qui leur incombe de
transmettre la vie et d’être des éducateurs (ce qu’il faut considérer comme
leur mission propre), les époux savent qu’ils sont les coopérateurs de
l’amour du Dieu Créateur et comme ses interprètes. Ils s’acquitteront donc
de leur charge en toute responsabilité humaine et chrétienne, et, dans un
respect plein de docilité à l’égard de Dieu, d’un commun accord et d’un
commun effort, ils se formeront un jugement droit : ils prendront en
considération à la fois et leur bien et celui des enfants déjà nés ou à
naître ; ils discerneront les conditions aussi bien matérielles que
spirituelles de leur époque et de leur situation ; ils tiendront compte
enfin du bien de la communauté familiale, des besoins de la société
temporelle et de l’Église elle-même. Ce jugement, ce sont en dernier ressort
les époux eux-mêmes qui doivent l’arrêter devant Dieu. Dans leur manière
d’agir, que les époux chrétiens sachent bien qu’ils ne peuvent pas se
conduire à leur guise, mais qu’ils ont l’obligation de toujours suivre leur
conscience, une conscience qui doit se conformer à la loi divine ; et qu’ils
demeurent dociles au Magistère de l’Église, interprète autorisé de cette loi
à la lumière de l’Évangile. Cette loi divine manifeste la pleine
signification de l’amour conjugal, elle le protège et le conduit à son
achèvement vraiment humain. Ainsi, lorsque les époux chrétiens, se fiant à
la Providence de Dieu et nourrissant en eux l’esprit de sacrifice [116]
, assument leur rôle procréateur et prennent généreusement leurs
responsabilités humaines et chrétiennes, ils rendent gloire au Créateur, et
ils tendent, dans le Christ, à la perfection. Parmi ceux qui remplissent
ainsi la tâche que Dieu leur a confiée, il faut accorder une mention
spéciale à ceux qui, d’un commun accord et d’une manière réfléchie,
acceptent de grand cœur d’élever dignement même un plus grand nombre
d’enfants [117].
3. Le mariage cependant n’est pas
institué en vue de la seule procréation. Mais c’est le caractère même de
l’alliance indissoluble qu’il établit entre les personnes, comme le bien des
enfants, qui requiert que l’amour mutuel des époux s’exprime lui aussi dans
sa rectitude, progresse et s’épanouisse. C’est pourquoi, même si,
contrairement au vœu souvent très vif des époux, il n’y a pas d’enfant, le
mariage, comme communauté et communion de toute la vie, demeure, et il garde
sa valeur et son indissolubilité.
51. L’amour conjugal et le
respect de la vie humaine
1. Le Concile ne l’ignore pas, les
époux qui veulent conduire harmonieusement leur vie conjugale se heurtent
souvent de nos jours à certaines conditions de vie et peuvent se trouver
dans une situation où il ne leur est pas possible, au moins pour un temps,
d’accroître le nombre de leurs enfants ; ce n’est point alors sans
difficulté que sont maintenues la pratique d’un amour fidèle et la pleine
communauté de vie. Là où l’intimité conjugale est interrompue, la fidélité
peut courir des risques et le bien des enfants être compromis : car en ce
cas sont mis en péril et l’éducation des enfants et le courage nécessaire
pour en accepter d’autres ultérieurement.
2. Il en est qui osent apporter des
solutions malhonnêtes à ces problèmes et même qui ne reculent pas devant le
meurtre. Mais l’Église rappelle qu’il ne peut y avoir de véritable
contradiction entre les lois divines qui régissent la transmission de la vie
et celles qui favorisent l’amour conjugal authentique.
3. En effet, Dieu, maître de la vie, a
confié aux hommes le noble ministère de la vie, et l’homme doit s’en
acquitter d’une manière digne de lui. La vie doit donc être sauvegardée avec
un soin extrême dès la conception : l’avortement et l’infanticide sont des
crimes abominables. La sexualité propre à l’homme, comme le pouvoir humain
d’engendrer, l’emportent merveilleusement sur ce qui existe aux degrés
inférieurs de la vie ; il s’ensuit que les actes spécifiques de la vie
conjugale, accomplis selon l’authentique dignité humaine, doivent être
eux-mêmes entourés d’un grand respect. Lorsqu’il s’agit de mettre en accord
l’amour conjugal avec la transmission responsable de la vie, la moralité du
comportement ne dépend donc pas de la seule sincérité de l’intention et de
la seule appréciation des motifs ; mais elle doit être déterminée selon des
critères objectifs, tirés de la nature même de la personne et de ses actes,
critères qui respectent, dans un contexte d’amour véritable, la
signification totale d’une donation réciproque et d’une procréation à la
mesure de l’homme ; chose impossible si la vertu de chasteté conjugale n’est
pas pratiquée d’un cœur loyal. En ce qui concerne la régulation des
naissances, il n’est pas permis aux enfants de l’Église, fidèles à ces
principes, d’emprunter des voies que le Magistère, dans l’explication de la
loi divine, désapprouve [118].
4. Par ailleurs, que tous sachent bien
que la vie humaine et la charge de la transmettre ne se limitent pas aux
horizons de ce monde et n’y trouvent ni leur pleine dimension, ni leur plein
sens, mais qu’elles sont toujours à mettre en référence avec la destinée
éternelle des hommes.
52. La promotion du mariage et
de la famille est le fait de tous
1. La famille est en quelque sorte une
école d’enrichissement humain. Mais, pour qu’elle puisse atteindre la
plénitude de sa vie et de sa mission, elle exige une communion des âmes
empreinte d’affection, une mise en commun des pensées entre les époux et
aussi une attentive coopération des parents dans l’éducation des enfants. La
présence agissante du père importe grandement à leur formation ; mais il
faut aussi permettre à la mère, dont les enfants, surtout les plus jeunes,
ont tant besoin, de prendre soin de son foyer sans toutefois négliger la
légitime promotion sociale de la femme. Que les enfants soient éduqués de
telle manière qu’une fois adultes, avec une entière conscience de leur
responsabilité, ils puissent suivre leur vocation, y compris une vocation
religieuse, et choisir leur état de vie, et que, s’ils se marient, ils
puissent fonder leur propre famille dans des conditions morales, sociales et
économiques favorables. Il appartient aux parents ou aux tuteurs de guider
les jeunes par des avis prudents, dans la fondation d’un foyer ; volontiers
écoutés des jeunes, ils veilleront toutefois à n’exercer aucune contrainte,
directe ou indirecte, sur eux, soit pour les pousser au mariage, soit pour
choisir leur conjoint.
2. Ainsi la famille, lieu de rencontre
de plusieurs générations qui s’aident mutuellement à acquérir une sagesse
plus étendue et à harmoniser les droits des personnes avec les autres
exigences de la vie sociale, constitue-t-elle le fondement de la société.
Voilà pourquoi tous ceux qui exercent une influence sur les communautés et
les groupes sociaux doivent s’appliquer efficacement à promouvoir le mariage
et la famille. Que le pouvoir civil considère comme un devoir sacré de
reconnaître leur véritable nature, de les protéger et de les faire
progresser, de défendre la moralité publique et de favoriser la prospérité
des foyers. Il faut garantir le droit de procréation des parents et le droit
d’élever leurs enfants au sein de la famille. Une législation prévoyante et
des initiatives variées doivent également défendre et procurer l’aide qui
convient à ceux qui, par malheur, sont privés d’une famille.
3. Les chrétiens, tirant parti du
temps présent [119],
et discernant bien ce qui est éternel de ce qui change, devront activement
promouvoir les valeurs du mariage et de la famille ; ils le feront et par le
témoignage de leur vie personnelle et par une action concertée avec tous les
hommes de bonne volonté. Ainsi, les difficultés écartées, ils pourvoiront
aux besoins de la famille et lui assureront les avantages qui conviennent
aux temps nouveaux. Pour y parvenir, le sens chrétien des fidèles, la droite
conscience morale des hommes, comme la sagesse et la compétence de ceux qui
s’appliquent aux sciences sacrées, seront d’un grand secours.
4. Les spécialistes des sciences,
notamment biologiques, médicales, sociales et psychologiques, peuvent
beaucoup pour la cause du mariage et de la famille et la paix des
consciences si, par l’apport convergent de leurs études, ils s’appliquent à
tirer davantage au clair les diverses conditions favorisant une saine
régulation de la procréation humaine.
5. Il appartient aux prêtres, dûment
informés en matière familiale, de soutenir la vocation des époux dans leur
vie conjugale et familiale par les divers moyens de la pastorale, par la
prédication de la parole divine, par le culte liturgique ou les autres
secours spirituels, de les fortifier avec bonté et patience au milieu de
leurs difficultés et de les réconforter avec charité pour qu’ils forment des
familles vraiment rayonnantes.
6. Des œuvres variées, notamment les
associations familiales, s’efforceront par la doctrine et par l’action
d’affermir les jeunes gens et les époux, surtout ceux qui sont récemment
mariés, et de les former à la vie familiale, sociale et apostolique.
7. Enfin, que les époux eux-mêmes
créés à l’image d’un Dieu vivant et établis dans un ordre authentique de
personnes, soient unis dans une même affection, dans une même pensée et dans
une mutuelle sainteté [120],
en sorte que, à la suite du Christ, principe de vie [121],
ils deviennent, à travers les joies et les sacrifices de leur vocation, par
la fidélité de leur amour, les témoins de ce mystère de charité que le
Seigneur a révélé au monde par sa mort et sa résurrection [122].
CHAPITRE II :
L’essor de la culture
53. Introduction
1. C’est le propre de la personne
humaine de n’accéder vraiment et pleinement à l’humanité que par la culture,
c’est-à-dire en cultivant les biens et les valeurs de la nature. Toutes les
fois qu’il est question de vie humaine, nature et culture sont aussi
étroitement liées que possible.
2. Au sens large, le mot « culture »
désigne tout ce par quoi l’homme affine et développe les multiples capacités
de son esprit et de son corps ; s’efforce de soumettre l’univers par la
connaissance et le travail ; humanise la vie sociale, aussi bien la vie
familiale que l’ensemble de la vie civile, grâce au progrès des mœurs et des
institutions ; traduit, communique et conserve enfin dans ses œuvres, au
cours des temps, les grandes expériences spirituelles et les aspirations
majeures de l’homme, afin qu’elles servent au progrès d’un grand nombre et
même de tout le genre humain.
3. Il en résulte que la culture
humaine comporte nécessairement un aspect historique et social et que le mot
« culture » prend souvent un sens sociologique et même ethnologique. En ce
sens, on parlera de la pluralité des cultures. Car des styles de vie divers
et des échelles de valeurs différentes trouvent leur source dans la façon
particulière que l’on a de se servir des choses, de travailler, de
s’exprimer, de pratiquer sa religion, de se conduire, de légiférer,
d’établir des institutions juridiques, d’enrichir les sciences et les arts
et de cultiver le beau. Ainsi, à partir des usages hérités, se forme un
patrimoine propre à chaque communauté humaine. De même, par là se constitue
un milieu déterminé et historique dans lequel tout homme est inséré, quels
que soient sa nation ou son siècle, et d’où il tire les valeurs qui lui
permettront de promouvoir la civilisation.
Section 1. Situation de la
culture dans le monde actuel
54. Nouveaux styles de vie
Les conditions de vie de l’homme
moderne, au point de vue social et culturel, ont été profondément
transformées, si bien que l’on peut parler d’un nouvel âge de l’histoire
humaine [123].
Dès lors, des voies nouvelles s’ouvrent pour parfaire et étendre la culture.
Elles ont été préparées par une poussée considérable des sciences
naturelles, humaines et aussi sociales, par le développement des techniques
et par l’essor et une meilleure organisation des moyens qui permettent aux
hommes de communiquer entre eux. La culture moderne peut donc se
caractériser ainsi : les sciences dites « exactes » développent au maximum
le sens critique ; les recherches les plus récentes de la psychologie
expliquent en profondeur l’activité humaine ; les disciplines historiques
poussent fortement à envisager les choses sous leur aspect changeant et
évolutif ; coutumes et manières de vivre tendent à s’uniformiser de plus en
plus ; l’industrialisation, l’urbanisation et les autres causes qui
favorisent la vie collective, créent de nouvelles formes de culture (culture
de masse), d’où résultent des façons nouvelles de sentir, d’agir et
d’utiliser ses loisirs. En même temps, l’accroissement des échanges entre
les différentes nations et les groupes sociaux découvre plus largement à
tous et à chacun les richesses des diverses cultures, et ainsi se prépare
peu à peu un type de civilisation plus universel qui fait avancer l’unité du
genre humain et l’exprime, dans la mesure même où il respecte mieux les
particularités de chaque culture.
55. L’homme, promoteur de la
culture
À quelque groupe ou nation qu’ils
appartiennent, le nombre des hommes et des femmes qui prennent conscience
d’être les artisans et les promoteurs de la culture de leur communauté croît
sans cesse. Dans le monde entier progresse de plus en plus le sens de
l’autonomie comme de la responsabilité ; ce qui, sans aucun doute, est de la
plus haute importance pour la maturité spirituelle et morale du genre
humain. On s’en aperçoit mieux encore si on ne perd pas de vue l’unification
de l’univers et la mission qui nous est impartie de construire un monde
meilleur dans la vérité et la justice. Nous sommes donc les témoins de la
naissance d’un nouvel humanisme ; l’homme s’y définit avant tout par la
responsabilité qu’il assume envers ses frères et devant l’histoire.
56. Difficultés et devoirs
1. Dans de telles conditions, il n’est
pas étonnant que l’homme, se sentant responsable du progrès culturel, soit
animé d’un plus grand espoir, mais envisage aussi avec quelque anxiété les
nombreuses antinomies qu’il lui faut résoudre.
2. Que faut-il faire pour que la
multiplication des échanges culturels, qui devraient aboutir à un dialogue
vrai et fructueux entre les divers groupes et nations, ne bouleverse pas la
vie des communautés, ne fasse pas échec à la sagesse ancestrale et ne mette
pas en péril le génie propre de chaque peuple ?
3. Comment favoriser le dynamisme et
l’expansion d’une culture nouvelle sans que disparaisse la fidélité vivante
à l’héritage des traditions ? Cette question se pose avec une acuité
particulière lorsqu’il s’agit d’harmoniser la culture, fruit du
développement considérable des sciences et des techniques, avec la culture
qui se nourrit d’études classiques, conformes aux différentes traditions.
4. Comment l’émiettement si rapide et
croissant des disciplines spécialisées peut-il se concilier avec la
nécessité d’en faire la synthèse et avec le devoir de sauvegarder dans
l’humanité les puissances de contemplation et d’admiration qui conduisent à
la sagesse ?
5. Que faire pour permettre aux
multitudes de participer aux bienfaits de la culture, alors que la culture
des élites ne cesse de s’élever et de se compliquer toujours ?
6. Comment, enfin, reconnaître comme
légitime l’autonomie que la culture réclame pour elle-même, sans pour autant
en venir à un humanisme purement terrestre et même hostile à la religion ?
7. C’est au cœur même de ces
antinomies que la culture doit aujourd’hui progresser, de façon à épanouir
intégralement et harmonieusement la personne humaine, de façon aussi à aider
les hommes à accomplir les charges auxquelles tous sont appelés, et
particulièrement les chrétiens, fraternellement unis au sein de l’unique
famille humaine.
Section 2. Quelques principes
relatifs à la promotion culturelle
57. Foi et culture
1. Les chrétiens, en marche vers la
cité céleste, doivent rechercher et goûter les choses d’en haut [124],
mais cela pourtant, loin de la diminuer, accroît plutôt la gravité de
l’obligation qui est la leur de travailler avec tous les hommes à la
construction d’un monde plus humain. Et, de fait, le mystère de la foi
chrétienne leur fournit des stimulants et des soutiens inappréciables : ils
leur permettent de s’adonner avec plus d’élan à cette tâche et surtout de
découvrir l’entière signification des activités capables de donner à la
culture sa place éminente dans la vocation intégrale de l’homme.
2. En effet, lorsqu’il cultive la
terre de ses mains ou avec l’aide de moyens techniques, pour qu’elle
produise des fruits et devienne une demeure digne de toute la famille
humaine, et lorsqu’il prend part consciemment à la vie des groupes sociaux,
l’homme réalise le plan de Dieu, manifesté au commencement des temps, de
dominer la terre [125]
et d’achever la création, et il se cultive lui-même. En même temps, il obéit
au grand commandement du Christ de se dépenser au service de ses frères.
3. En outre, en s’appliquant aux
diverses disciplines, philosophie, histoire, mathématiques, sciences
naturelles, et en cultivant les arts, l’homme peut grandement contribuer à
ouvrir la famille humaine aux plus nobles valeurs du vrai, du bien et du
beau, et à une vue des choses ayant valeur universelle : il reçoit ainsi des
clartés nouvelles de cette admirable Sagesse qui depuis toujours était
auprès de Dieu, disposant toutes choses avec lui, jouant sur le globe de la
terre et trouvant ses délices parmi les enfants des hommes [126].
4. Par le fait même, l’esprit humain,
moins esclave des choses, peut plus facilement s’élever à l’adoration et à
la contemplation du Créateur. Bien plus, il est préparé à reconnaître, sous
l’impulsion de la grâce, le Verbe de Dieu qui, avant de se faire chair pour
tout sauver et récapituler en lui, « était déjà dans le monde » comme la «
vraie lumière qui éclaire tout homme » (Jn 1, 9-10) [127].
5. Certes, le progrès actuel des
sciences et des techniques qui, en vertu de leur méthode, ne sauraient
parvenir jusqu’aux profondeurs de la réalité, peut avantager un certain
phénoménisme et un certain agnosticisme, lorsque les méthodes de recherche
propres à ces disciplines sont prises, à tort, comme règle suprême pour la
découverte de toute vérité. Et même on peut craindre que l’homme se fiant
trop aux découvertes actuelles, en vienne à penser qu’il se suffit à
lui-même et qu’il n’a plus à chercher de valeurs plus hautes.
6. Cependant ces conséquences
fâcheuses ne découlent pas nécessairement de la culture moderne et de
doivent pas nous exposer à la tentation de méconnaître ses valeurs
positives. Parmi celles-ci, il convient de signaler : le goût des sciences
et la fidélité sans défaillance à la vérité dans les recherches
scientifiques, la nécessité de travailler en équipe dans des groupes
spécialisés, le sens de la solidarité internationale, la conscience de plus
en plus nette de la responsabilité que les savants ont d’aider et même de
protéger les hommes, la volonté de procurer à tous des conditions de vie
plus favorables, à ceux-là surtout qui sont privés de responsabilité ou qui
souffrent d’indigence culturelle. Dans toutes ces valeurs, l’accueil du
message évangélique pourra trouver une sorte de préparation, et la charité
divine de celui qui est venu pour sauver le monde la fera aboutir.
58. Nombreux rapports entre la
Bonne Nouvelle du Christ et la culture
1. Entre le message de salut et la
culture, il y a de multiples liens. Car Dieu, en se révélant à son peuple
jusqu’à sa pleine manifestation dans son Fils incarné, a parlé selon des
types de culture propres à chaque époque.
2. De la même façon, l’Église, qui a
connu au cours des temps des conditions d’existence variées, a utilisé les
ressources des diverses cultures pour répandre et exposer par sa prédication
le message du Christ à toutes les nations, pour mieux le découvrir et mieux
l’approfondir, pour l’exprimer plus parfaitement dans la célébration
liturgique comme dans la vie multiforme de la communauté des fidèles.
3. Mais en même temps, l’Église,
envoyée à tous les peuples de tous les temps et de tous les lieux, n’est
liée d’une manière exclusive et indissoluble à aucune race ou nation, à
aucun genre de vie particulier, à aucune coutume ancienne ou récente.
Constamment fidèle à sa propre tradition et tout à la fois consciente de
l’universalité de sa mission, elle peut entrer en communion avec les
diverses civilisations : d’où l’enrichissement qui en résulte pour elle-même
et pour les différentes cultures.
4. La Bonne Nouvelle du Christ rénove
constamment la vie et la culture de l’homme déchu ; elle combat et écarte
les erreurs et les maux qui proviennent de la séduction permanente du péché.
Elle ne cesse de purifier et d’élever la moralité des peuples. Par les
richesses d’en haut, elle féconde comme de l’intérieur les qualités
spirituelles et les dons propres à chaque peuple et à chaque âge, elle les
fortifie, les parfait et les restaure dans le Christ [128].
Ainsi l’Église, en remplissant sa propre mission [129],
concourt déjà, par là même, à l’œuvre civilisatrice et elle y pousse ; son
action, même liturgique, contribue à former la liberté intérieure de
l’homme.
59. Réaliser l’harmonie des
différentes valeurs au sein des cultures
1. Pour les raisons que l’on vient de
dire, l’Église rappelle à tous que la culture doit être subordonnée au
développement intégral de la personne, au bien de la communauté et à celui
du genre humain tout entier. Aussi convient-il de cultiver l’esprit en vue
de développer les puissances d’admiration, de contemplation, d’aboutir à la
formation d’un jugement personnel et d’élever le sens religieux, moral et
social.
2. La culture, en effet, puisqu’elle
découle immédiatement du caractère raisonnable et social de l’homme, a sans
cesse besoin d’une juste liberté pour s’épanouir et d’une légitime autonomie
d’action, en conformité avec ses propres principes. Elle a donc droit au
respect et jouit d’une certaine inviolabilité, à condition, évidemment, de
sauvegarder les droits de la personne et de la société, particulière ou
universelle, dans les limites du bien commun.
3. Ce saint Synode, reprenant à son
compte l’enseignement du premier Concile du Vatican, déclare qu’il existe «
deux ordres de savoir » distincts, celui de la foi et celui de la raison, et
que l’Église ne s’oppose certes pas à ce que « les arts et les disciplines
humaines jouissent de leurs propres principes et de leur méthode en leurs
domaines respectifs » ; c’est pourquoi, « reconnaissant cette juste
liberté», l’Église affirme l’autonomie légitime de la culture et
particulièrement celle des sciences [130].
4. Tout ceci exige que, l’ordre moral
et l’intérêt commun étant saufs, l’homme puisse librement chercher la
vérité, faire connaître et divulguer ses opinions et s’adonner aux arts de
son choix. Cela demande enfin qu’il soit informé impartialement des
événements de la vie publique [131].
5. Quant aux pouvoirs publics, il leur
revient, non pas de déterminer le caractère propre de la civilisation, mais
d’établir les conditions et de prendre les moyens susceptibles de favoriser
la vie culturelle au bénéfice de tous, sans oublier les éléments
minoritaires présents dans une nation [132].
Voilà pourquoi il faut éviter à tout prix que la culture, détournée de sa
propre fin, soit asservie aux pouvoirs politiques et économiques.
Section 3. Quelques devoirs plus
urgents des chrétiens par rapport à la culture
60. La reconnaissance du droit
de tous à la culture et sa réalisation pratique
1. Puisqu’on a maintenant la
possibilité de délivrer la plupart des hommes du fléau de l’ignorance, il
est un devoir qui convient au plus haut point à notre temps, surtout pour
les chrétiens : celui de travailler avec acharnement à ce que, tant en
matière économique qu’en matière politique, tant au plan national qu’au plan
international, des décisions fondamentales soient prises de nature à faire
reconnaître partout et pour tous, en harmonie avec la dignité de la personne
humaine, sans distinction de race, de sexe, de nation, de religion ou de
condition sociale, le droit à la culture et d’assurer sa réalisation. Il
faut donc procurer à chacun une quantité suffisante de biens culturels,
surtout de ceux qui constituent la culture dite « de base», pour qu’un très
grand nombre ne soient pas empêchés, par l’analphabétisme et le manque
d’initiative, de coopérer de manière vraiment humaine au bien commun.
2. En conséquence, il faut tendre à
donner à ceux qui en sont capables la possibilité de poursuivre des études
supérieures ; et de telle façon que, dans la mesure du possible, ils
occupent des fonctions, jouent un rôle et rendent des services dans la vie
sociale qui correspondent soit à leurs aptitudes, soit à la compétence
qu’ils auront acquise [133].
Ainsi tout homme comme les groupes sociaux de chaque peuple pourront
atteindre leur plein épanouissement culturel, conformément à leurs dons et à
leurs traditions.
3. Il faut en outre tout faire pour
que chacun prenne conscience et du droit et du devoir qu’il a de se
cultiver, non moins que de l’obligation qui lui incombe d’aider les autres à
le faire. Il existe en effet, ici ou là, des conditions de vie et de travail
qui contrarient les efforts des hommes vers la culture et qui en détruisent
chez eux le goût. Ceci vaut à un titre spécial pour les agriculteurs et les
ouvriers, auxquels il faut assurer des conditions de travail telles qu’elles
ne les empêchent pas de se cultiver, mais bien plutôt les y poussent. Les
femmes travaillent à présent dans presque tous les secteurs d’activité ; il
convient cependant qu’elles puissent pleinement jouer leur rôle selon leurs
aptitudes propres. Ce sera le devoir de tous de reconnaître la participation
spécifique et nécessaire des femmes à la vie culturelle et de la promouvoir.
61. Formation à une culture
intégrale
1. De nos jours, plus que par le
passé, la difficulté est grande d’opérer la synthèse entre les différentes
disciplines et branches du savoir. En effet, tandis que s’accroissent la
masse et la diversité des éléments culturels, dans le même temps s’amenuise
la faculté pour chaque homme de les percevoir et de les harmoniser entre
eux, si bien que l’image de « l’homme universel » s’évanouit de plus en
plus. Cependant continue de s’imposer à chaque homme le devoir de
sauvegarder l’intégralité de sa personnalité, en qui prédominent les valeurs
d’intelligence, de volonté, de conscience et de fraternité, valeurs qui ont
toutes leur fondement en Dieu Créateur et qui ont été guéries et élevées
d’une manière admirable dans le Christ.
2. La famille est au premier chef
comme la mère nourricière de cette éducation : en elle, les enfants,
enveloppés d’amour, découvrent plus aisément la hiérarchie des valeurs,
tandis que des éléments d’une culture éprouvée s’impriment d’une manière
presque inconsciente dans l’esprit des adolescents, au fur et à mesure
qu’ils grandissent.
3. Pour cette même éducation, les
sociétés actuelles disposent, en particulier grâce à la diffusion croissante
des livres et aux nouveaux moyens de communication culturelle et sociale, de
ressources opportunes qui peuvent faciliter l’universalité de la culture. En
effet, avec la diminution plus ou moins généralisée du temps de travail, les
occasions de se cultiver se multiplient pour la plupart des hommes. Que les
loisirs soient bien employés, pour se détendre et pour fortifier la santé de
l’esprit et du corps : en se livrant à des activités libres et à des études
désintéressées ; à l’occasion de voyages en d’autres régions (tourisme) qui
affinent l’intelligence et qui, de surcroît, enrichissent chacun par la
connaissance de l’autre ; également par des exercices physiques et des
activités sportives qui aident à conserver un bon équilibre psychique,
individuellement et aussi collectivement, et à établir des relations
fraternelles entre les hommes de toutes conditions, de toutes nations ou de
races différentes. Que les chrétiens collaborent donc aux manifestations et
aux actions culturelles collectives qui sont de leur temps, qu’ils les
humanisent et les imprègnent d’esprit chrétien.
4. Cependant tous ces avantages ne
sauraient parvenir à réaliser l’éducation culturelle intégrale de l’homme
si, en même temps, on néglige de s’interroger sur la signification profonde
de la culture et de la science pour la personne humaine.
62. Harmonie entre culture et
christianisme
1. Bien que l’Église ait largement
contribué au progrès de la culture, l’expérience montre toutefois que, pour
des raisons contingentes, il n’est pas toujours facile de réaliser
l’harmonie entre la culture et le christianisme.
2. Ces difficultés ne portent pas
nécessairement préjudice à la vitalité de la foi, et même elles peuvent
inciter à une plus exacte et plus profonde intelligence de celle-ci. En
effet, les plus récentes recherches et découvertes des sciences, ainsi que
celles de l’histoire et de la philosophie, soulèvent de nouvelles questions
qui comportent des conséquences pour la vie même, et exigent de nouvelles
recherches de la part des théologiens eux-mêmes. Dès lors, tout en
respectant les méthodes et les règles propres aux sciences théologiques, ils
sont invités à chercher sans cesse la manière la plus apte de communiquer la
doctrine aux hommes de leur temps : car autre chose est le dépôt même ou les
vérités de la foi, autre chose la façon selon laquelle ces vérités sont
exprimées à condition toutefois d’en sauvegarder le sens et la signification
[134].
Que, dans la pastorale, on ait une connaissance suffisante non seulement des
principes de la théologie, mais aussi des découvertes scientifiques
profanes, notamment de la psychologie et de la sociologie, et qu’on en fasse
usage : de la sorte, les fidèles à leur tour seront amenés à une plus grande
pureté et maturité dans leur vie de foi.
3. À leur manière aussi, la
littérature et les arts ont une grande importance pour la vie de l’Église.
Ils s’efforcent en effet d’exprimer la nature propre de l’homme, ses
problèmes, ses tentatives pour se connaître et se perfectionner lui-même
ainsi que le monde. Ils s’appliquent à découvrir sa place dans l’histoire et
dans l’univers, à mettre en lumière les misères et les joies, les besoins et
les énergies des hommes et à présenter l’ébauche d’une destinée humaine plus
heureuse. Ainsi sont-ils capables d’élever la vie humaine qu’ils expriment
sous des formes multiples, selon les temps et les lieux.
4. Il faut donc faire en sorte que
ceux qui s’adonnent à ces arts se sentent compris par l’Église au sein même
de leurs activités, et que, jouissant d’une liberté normale, ils établissent
des échanges plus faciles avec la communauté chrétienne. Que les nouvelles
formes d’art qui conviennent à nos contemporains, selon le génie des
diverses nations et régions, soient aussi reconnues par l’Église. Et qu’on
les accueille dans le sanctuaire lorsque, par des modes d’expression adaptés
et conformes aux exigences de la liturgie, elles élèvent l’esprit vers Dieu
[135].
5. Ainsi la gloire de Dieu éclate
davantage ; la prédication de l’Évangile devient plus transparente à
l’intelligence des hommes et apparaît comme connaturelle à leurs conditions
d’existence.
6. Que les croyants vivent donc en
très étroite union avec les autres hommes de leur temps et qu’ils
s’efforcent de comprendre à fond leurs façons de penser et de sentir, telles
qu’elles s’expriment par la culture. Qu’ils marient la connaissance des
sciences et des théories nouvelles, comme des découvertes les plus récentes,
avec les mœurs et l’enseignement de la doctrine chrétienne, pour que le sens
religieux et la rectitude morale marchent de pair chez eux avec la
connaissance scientifique et les incessants progrès techniques ; ils
pourront ainsi apprécier et interpréter toutes choses avec une sensibilité
authentiquement chrétienne.
7. Ceux qui s’appliquent aux sciences
théologiques dans les séminaires et les universités aimeront collaborer avec
les hommes versés dans les autres sciences, en mettant en commun leurs
énergies et leurs points de vue. La recherche théologique, en même temps
qu’elle approfondit la vérité révélée, ne doit pas perdre contact avec son
temps, afin de faciliter une meilleure connaissance de la foi aux hommes
cultivés dans les différentes branches du savoir. Cette bonne entente rendra
les plus grands services à la formation des ministres sacrés : ils pourront
présenter la doctrine de l’Église sur Dieu, l’homme et le monde d’une
manière mieux adaptée à nos contemporains, qui accueilleront d’autant plus
volontiers leur parole [136].
Bien plus, il faut souhaiter que de nombreux laïcs reçoivent une formation
suffisante dans les sciences sacrées, et que plusieurs parmi eux se livrent
à ces études ex professo et les approfondissent. Mais, pour qu’ils puissent
mener leur tâche à bien, qu’on reconnaisse aux fidèles, aux clercs comme aux
laïcs, une juste liberté de recherche et de pensée, comme une juste liberté
de faire connaître humblement et courageusement leur manière de voir, dans
le domaine de leur compétence [137].
CHAPITRE III :
La vie économico-sociale
63. Quelques traits de la vie
économique
1. Dans la vie économico-sociale
aussi, il faut honorer et promouvoir la dignité de la personne humaine, sa
vocation intégrale et le bien de toute la société. C’est l’homme en effet
qui est l’auteur, le centre et le but de toute la vie économico-sociale.
2. Comme tout autre domaine de la vie
sociale, l’économie moderne se caractérise par une emprise croissante de
l’homme sur la nature, la multiplication et l’intensification des relations
et des interdépendances entre individus, groupes et peuples, et la fréquence
accrue des interventions du pouvoir politique. En même temps, le progrès
dans les modes de production et dans l’organisation des échanges de biens et
de services a fait de l’économie un instrument apte à mieux satisfaire les
besoins accrus de la famille humaine.
3. Pourtant les sujets d’inquiétude ne
manquent pas. Beaucoup d’hommes, surtout dans les régions du monde
économiquement développées, apparaissent comme dominés par l’économique :
presque toute leur existence personnelle et sociale est imbue d’un certain «
économisme», et cela aussi bien dans les pays favorables à l’économie
collectiviste que dans les autres. À un moment où le développement de
l’économie, orienté et coordonné d’une manière rationnelle et humaine,
permettrait d’atténuer les inégalités sociales, il conduit trop souvent à
leur aggravation et même, ici ou là, à une régression de la condition
sociale des faibles et au mépris des pauvres. Alors que des foules immenses
manquent encore du strict nécessaire, certains, même dans les régions moins
développées, vivent dans l’opulence ou gaspillent sans compter. Le luxe
côtoie la misère. Tandis qu’un petit nombre d’hommes disposent d’un très
ample pouvoir de décision, beaucoup sont privés de presque toute possibilité
d’initiative personnelle et de responsabilité ; souvent même, ils sont
placés dans des conditions de vie et de travail indignes de la personne
humaine.
4. De semblables déséquilibres
économiques et sociaux se produisent entre le secteur agricole, le secteur
industriel et les services, comme aussi entre les diverses régions d’un seul
et même pays. Entre les nations économiquement plus développées et les
autres nations, une opposition de plus en plus aiguë se manifeste, capable
de mettre en péril jusqu’à la paix du monde.
5. Les hommes de notre temps prennent
une conscience de plus en plus vive de ces disparités : ils sont
profondément persuadés que les techniques nouvelles et les ressources
économiques accrues dont dispose le monde pourraient et devraient corriger
ce funeste état de choses. Mais pour cela de nombreuses réformes sont
nécessaires dans la vie économico-sociale ; il y faut aussi, de la part de
tous, une conversion des mentalités et des attitudes. Dans ce but, l’Église,
au cours des siècles, a explicité à la lumière de l’Évangile des principes
de justice et d’équité, demandés par la droite raison, tant pour la vie
individuelle et sociale que pour la vie internationale ; et elle les a
proclamés surtout ces derniers temps. Compte tenu de la situation présente,
le Concile entend les confirmer et indiquer quelques orientations en prenant
particulièrement en considération les exigences du développement économique
[138].
Section 1. Le développement
économique
64. Le développement économique
au service de l’homme
Aujourd’hui plus que jamais, pour
faire face à l’accroissement de la population et pour répondre aux
aspirations plus vastes du genre humain, on s’efforce à bon droit d’élever
le niveau de la production agricole et industrielle, ainsi que le volume des
services offerts. C’est pourquoi il faut encourager le progrès technique,
l’esprit d’innovation, la création et l’extension d’entreprises,
l’adaptation des méthodes, les efforts soutenus de tous ceux qui participent
à la production, en un mot tout ce qui peut contribuer à cet essor. Mais le
but fondamental d’une telle production n’est pas la seule multiplication des
biens produits, ni le profit ou la puissance ; c’est le service de l’homme :
de l’homme tout entier, selon la hiérarchie de ses besoins matériels comme
des exigences de sa vie intellectuelle, morale, spirituelle et religieuse ;
de tout homme, disons-nous, de tout groupe d’hommes, sans distinction de
race ou de continent. C’est pourquoi l’activité économique, conduite selon
ses méthodes et ses lois propres, doit s’exercer dans les limites de l’ordre
moral [139],
afin de répondre au dessein de Dieu sur l’homme [140].
65. Contrôle de l’homme sur le
développement économique
1. Le développement doit demeurer sous
le contrôle de l’homme. Il ne doit pas être abandonné à la discrétion d’un
petit nombre d’hommes ou de groupes jouissant d’une trop grande puissance
économique, ni à celle de la communauté politique où à celle de quelques
nations plus puissantes. Il convient au contraire que le plus grand nombre
possible d’hommes, à tous les niveaux, et au plan international l’ensemble
des nations, puissent prendre une part active à son orientation. Il faut de
même que les initiatives spontanées des individus et de leurs libres
associations soient coordonnées avec l’action des pouvoirs publics, et
qu’elles soient ajustées et harmonisées entre elles.
2. Le développement ne peut être
laissé ni au seul jeu quasi automatique de l’activité économique des
individus, ni à la seule puissance publique. Il faut donc dénoncer les
erreurs aussi bien des doctrines qui s’opposent aux réformes indispensables
au nom d’une fausse conception de la liberté, que des doctrines qui
sacrifient les droits fondamentaux des personnes et des groupes à
l’organisation collective de la production [141].
3. Par ailleurs, les citoyens doivent
se rappeler que c’est leur droit et leur devoir (et le pouvoir civil doit
lui aussi le reconnaître) de contribuer selon leurs moyens au progrès
véritable de la communauté à laquelle ils appartiennent. Dans les pays en
voie de développement surtout, où l’emploi de toutes les disponibilités
s’impose avec un caractère d’urgence, ceux qui gardent leurs ressources
inemployées mettent gravement en péril le bien commun ; il en va de même de
ceux qui privent leur communauté des moyens matériels et spirituels dont
elle a besoin, le droit personnel de migration étant sauf.
66. Il faut mettre un terme aux
immenses disparités économico-sociales
1. Pour répondre aux exigences de la
justice et de l’équité, il faut s’efforcer vigoureusement, dans le respect
des droits personnels et du génie propre de chaque peuple, de faire
disparaître le plus rapidement possible les énormes inégalités économiques
qui s’accompagnent de discrimination individuelle et sociale ; de nos jours
elles existent et souvent elles s’aggravent. De même, en bien des régions,
étant donné les difficultés particulières de la production et de la
commercialisation dans le secteur agricole, il faut aider les agriculteurs à
accroître cette production et à la vendre, à réaliser les transformations et
les innovations nécessaires, à obtenir enfin un revenu équitable ; sinon ils
demeureront, comme il arrive trop souvent, des citoyens de seconde zone. De
leur côté, les agriculteurs, les jeunes surtout, doivent s’appliquer avec
énergie à améliorer leur compétence professionnelle, sans laquelle
l’agriculture ne saurait progresser [142].
2. De même, la justice et l’équité
exigent que la mobilité, nécessaire à des économies en progrès, soit
aménagée de façon à éviter aux individus et à leurs familles des conditions
de vie instables et précaires. À l’égard des travailleurs en provenance
d’autres pays ou d’autres régions qui apportent leur concours à la
croissance économique d’un peuple ou d’une province, on se gardera
soigneusement de toute espèce de discrimination en matière de rémunération
ou de conditions de travail. De plus, tous les membres de la société, en
particulier les pouvoirs publics, doivent les traiter comme des personnes et
non comme de simples instruments de production : faciliter la présence
auprès d’eux de leur famille, les aider à se procurer un logement décent et
favoriser leur insertion dans la vie sociale du pays ou de la région
d’accueil. On doit cependant, dans la mesure du possible, créer des emplois
dans leurs régions d’origine elles-mêmes.
3. Dans les économies actuellement en
transition comme dans les formes nouvelles de la société industrielle,
marquées par exemple par le progrès de l’automation, il faut se préoccuper
d’assurer à chacun un emploi suffisant et adapté, et la possibilité d’une
formation technique et professionnelle adéquate. On doit aussi garantir les
moyens d’existence et la dignité humaine de ceux qui, surtout en raison de
la maladie ou de l’âge, se trouvent dans une situation plus difficile.
Section 2. Principes directeurs
de l’ensemble de la vie économico-sociale
67. Travail, conditions de
travail, loisirs
1. Le travail des hommes, celui qui
s’exerce dans la production et l’échange de biens ou dans la prestation de
services économiques, passe avant les autres éléments de la vie économique,
qui n’ont valeur que d’instruments.
2. Ce travail, en effet, qu’il soit
entrepris de manière indépendante ou par contrat avec un employeur, procède
immédiatement de la personne : celle-ci marque en quelque sorte la nature de
son empreinte et la soumet à ses desseins. Par son travail, l’homme assure
habituellement sa subsistance et celle de sa famille, s’associe à ses frères
et leur rend service, peut pratiquer une vraie charité et coopérer à
l’achèvement de la création divine. Bien plus, par l’hommage de son travail
à Dieu, nous tenons que l’homme est associé à l’œuvre rédemptrice de Jésus
Christ qui a donné au travail une dignité éminente en œuvrant de ses propres
mains à Nazareth. De là découlent pour tout homme le devoir de travailler
loyalement aussi bien que le droit au travail. En fonction des circonstances
concrètes, la société doit, pour sa part, aider les citoyens en leur
permettant de se procurer un emploi suffisant. Enfin, compte tenu des
fonctions et de la productivité de chacun, de la situation de l’entreprise
et du bien commun, la rémunération du travail doit assurer à l’homme des
ressources qui lui permettent, à lui et à sa famille, une vie digne sur le
plan matériel, social, culturel et spirituel [143].
3. Comme l’activité économique est le
plus souvent le fruit du travail associé des hommes, il est injuste et
inhumain de l’organiser et de l’ordonner au détriment de quelque travailleur
que ce soit. Or il est trop courant, même de nos jours, que ceux qui
travaillent soient en quelque sorte asservis à leurs propres œuvres ; ce que
de soi-disant lois économiques ne justifient en aucun façon. Il importe donc
d’adapter tout le processus du travail productif aux besoins de la personne
et aux modalités de son existence, en particulier de la vie du foyer
(surtout en ce qui concerne les mères de famille), en tenant toujours compte
du sexe et de l’âge. Les travailleurs doivent aussi avoir la possibilité de
développer leurs qualités et leur personnalité dans l’exercice même de leur
travail. Tout en y appliquant leur temps et leurs forces d’une manière
consciencieuse, que tous jouissent par ailleurs d’un temps de repos et de
loisir suffisant qui leur permette aussi d’entretenir une vie familiale,
culturelle, sociale et religieuse. Bien plus, ils doivent avoir la
possibilité de déployer librement des facultés et des capacités qu’ils ont
peut-être peu l’occasion d’exercer dans leur travail professionnel.
68. Participation dans
l’entreprise et dans l’organisation économique globale. Conflits du travail
1. Dans les entreprises économiques,
ce sont des personnes qui sont associées entre elles, c’est-à-dire des êtres
libres et autonomes, créés à l’image de Dieu. Aussi, en prenant en
considération les fonctions des uns et des autres, propriétaires,
employeurs, cadres, ouvriers, et en sauvegardant la nécessaire unité de
direction, il faut promouvoir, selon des modalités à déterminer au mieux, la
participation active de tous à la gestion des entreprises [144].
Et comme, bien souvent, ce n’est déjà plus au niveau de l’entreprise, mais à
des instances supérieures, que se prennent les décisions économiques et
sociales dont dépend l’avenir des travailleurs et de leurs enfants, ceux-ci
doivent également participer à ces décisions, soit par eux-mêmes, soit par
leurs représentants librement choisis.
2. Il faut mettre au rang des droits
fondamentaux de la personne le droit des travailleurs de fonder librement
des associations capables de les représenter d’une façon valable et de
collaborer à la bonne organisation de la vie économique, ainsi que le droit
de prendre librement part aux activités de ces associations, sans courir le
risque de représailles. Grâce à cette participation organisée, jointe à un
progrès de la formation économique et sociale, le sens des responsabilités
grandira de plus en plus chez tous : ils seront ainsi amenés à se sentir
associés, selon leurs moyens et leurs aptitudes personnels, à l’ensemble du
développement économique et social ainsi qu’à la réalisation du bien commun
universel.
3. En cas de conflits
économico-sociaux, on doit s’efforcer de parvenir à une solution pacifique.
Mais, s’il faut toujours recourir d’abord au dialogue sincère entre les
parties, la grève peut cependant, même dans les circonstances actuelles,
demeurer un moyen nécessaire, bien qu’ultime, pour la défense des droits
propres et la réalisation des justes aspirations des travailleurs. Que les
voies de la négociation et du dialogue soient toutefois reprises, dès que
possible, en vue d’un accord.
69. Les biens de la terre sont
destinés à tous les hommes
1. Dieu a destiné la terre et tout ce
qu’elles contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples, en
sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les
mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité [145].
Quelles que soient les formes de la propriété, adaptées aux légitimes
institutions des peuples, selon des circonstances diverses et changeantes,
on doit toujours tenir compte de cette destination universelle des biens.
C’est pourquoi l’homme, dans l’usage qu’il en fait, ne doit jamais tenir les
choses qu’il possède légitimement comme n’appartenant qu’à lui, mais les
regarder aussi comme communes : en ce sens qu’elles puissent profiter non
seulement à lui, mais aussi aux autres [146].
D’ailleurs, tous les hommes ont le droit d’avoir une part suffisante de
biens pour eux-mêmes et leur famille. C’est ce qu’on pensé les Pères et les
docteurs de l’Église qui enseignaient que l’on est tenu d’aider les pauvres,
et pas seulement au moyen de son superflu [147].
Quant à celui qui se trouve dans l’extrême nécessité, il a le droit de se
procurer l’indispensable à partir des richesses d’autrui [148].
Devant un si grand nombre d’affamés de par le monde, le Concile insiste
auprès de tous et auprès des autorités pour qu’ils se souviennent de ce mot
des Pères : « Donne à manger à celui qui meurt de faim car, si tu ne lui as
pas donné à manger, tu l’as tué [149]
» ; et pour que, selon les possibilités de chacun, ils partagent et
emploient vraiment leurs biens en procurant avant tout aux individus et aux
peuples les moyens qui leur permettront de s’aider eux-mêmes et de se
développer.
2. Fréquemment, dans des sociétés
économiquement moins développées, la destination commune des biens est
partiellement réalisée par des coutumes et des traditions communautaires,
garantissant à chaque membre les biens les plus nécessaires. Certes, il faut
éviter de considérer certaines coutumes comme tout à fait immuables, si
elles ne répondent plus aux nouvelles exigences de ce temps ; mais, à
l’inverse, il ne faut pas attenter imprudemment à ces coutumes honnêtes qui,
sous réserve d’une saine modernisation, peuvent encore rendre de grands
services. De même, dans les pays économiquement très développés, un réseau
d’institutions sociales, d’assurance et de sécurité, peut réaliser en partie
la destination commune des biens. Il importe de poursuivre le développement
des services familiaux et sociaux, principalement de ceux qui contribuent à
la culture et à l’éducation. Mais, dans l’aménagement de toutes ces
institutions, il faut veiller à ce que le citoyen ne soit pas conduit à
adopter vis-à-vis de la société une attitude de passivité,
d’irresponsabilité ou de refus de service.
70. Investissements et question
monétaire
Les investissements, de leur côté,
doivent tendre à assurer des emplois et des revenus suffisants tant à la
population active d’aujourd’hui qu’à celle de demain. Tous ceux qui décident
de ces investissements, comme de l’organisation de la vie économique
(individus, groupes, pouvoirs publics) doivent avoir ces buts à cœur et se
montrer conscients de leurs graves obligations ; d’une part, prendre des
dispositions pour faire face aux nécessités d’une vie décente, tant pour les
individus que pour la communauté tout entière ; d’autre part, prévoir
l’avenir et assurer un juste équilibre entre les besoins de la consommation
actuelle, individuelle et collective, et les exigences d’investissement pour
la génération qui vient. On doit également avoir toujours en vue les besoins
pressants des nations et des régions économiquement moins avancées. Par
ailleurs, en matière monétaire, il faut se garder d’attenter au bien de son
propre pays ou à celui des autres nations. On doit s’assurer en outre que
ceux qui sont économiquement faibles ne soient pas injustement lésés par des
changements dans la valeur de la monnaie.
71. Accès à la propriété et au
pouvoir privé sur les biens. Problème des latifundia
1. La propriété et les autres formes
de pouvoir privé sur les biens extérieurs contribuent à l’expression de la
personne et lui donnent l’occasion d’exercer sa responsabilité dans la
société et l’économie. Il est donc très important de favoriser l’accession
des individus et des groupes à un certain pouvoir sur les biens extérieurs.
2. La propriété privée ou un certain
pouvoir sur les biens extérieurs assurent à chacun une zone indispensable
d’autonomie personnelle et familiale ; il faut les regarder comme un
prolongement de la liberté humaine. Enfin, en stimulant l’exercice de la
responsabilité, ils constituent l’une des conditions des libertés civiles [150].
3. Les formes d’un tel pouvoir ou
propriété sont aujourd’hui variées ; et leur diversité ne cesse de
s’amplifier. Toutes cependant demeurent, à côté des fonds sociaux, des
droits et des services garantis par la société, une source de sécurité non
négligeable. Et ceci n’est pas vrai des seules propriétés matérielles, mais
aussi des biens immatériels, comme les capacités professionnelles.
4. La légitimité de la propriété
privée ne fait toutefois pas obstacle à celle des divers modes de propriétés
publiques, à condition que le transfert des biens au domaine public soit
effectué par la seule autorité compétente, selon les exigences du bien
commun, dans les limites de celui-ci et au prix d’une indemnisation
équitable. L’État a, par ailleurs, compétence pour empêcher qu’on abuse de
la propriété privée contrairement au bien commun [151].
5. De par sa nature même, la propriété
privée a aussi un caractère social, fondé dans la loi de commune destination
des biens [152].
Là où ce caractère social n’est pas respecté, la propriété peut devenir une
occasion fréquente de convoitises et de graves désordres : prétexte est
ainsi donné à ceux qui contestent le droit même de propriété.
6. Dans plusieurs régions
économiquement moins développées, il existe des domaines ruraux étendus et
même immenses, médiocrement cultivés ou mis en réserve à des fins de
spéculation, alors que la majorité de la population est dépourvue de terres
ou n’en détient qu’une quantité dérisoire et que, d’autre part,
l’accroissement de la production agricole présente un caractère d’urgence
évident. Souvent, ceux qui sont employés par les propriétaires de ces grands
domaines, ou en cultivent des parcelles louées, ne reçoivent que des
salaires ou des revenus indignes de l’homme ; ils ne disposent pas de
logement décent et sont exploités par des intermédiaires. Dépourvus de toute
sécurité, ils vivent dans une dépendance personnelle telle qu’elle leur
interdit presque toute possibilité d’initiative et de responsabilité, toute
promotion culturelle, toute participation à la vie sociale et politique. Des
réformes s’imposent donc, visant, selon les cas, à accroître les revenus, à
améliorer les conditions de travail et la sécurité de l’emploi, à favoriser
l’initiative, et même à répartir les propriétés insuffisamment cultivées au
bénéfice d’hommes capables de les faire valoir. En l’occurrence, les
ressources et les instruments indispensables doivent leur être assurés, en
particulier les moyens d’éducation et la possibilité d’une juste
organisation de type coopératif. Chaque fois que le bien commun exigera
l’expropriation, l’indemnisation devra s’apprécier selon l’équité, compte
tenu de toutes les circonstances.
72. L’activité économico-sociale
et le Royaume du Christ
1. Les chrétiens actifs dans le
développement économico-social et dans la lutte pour le progrès de la
justice et de la charité doivent être persuadés qu’ils peuvent ainsi
beaucoup pour la prospérité de l’humanité et la paix du monde. Dans ces
diverses activités, qu’ils brillent par leur exemple, individuel et
collectif. Tout en s’assurant la compétence et l’expérience absolument
indispensables, qu’ils maintiennent, au milieu des activités terrestres, une
juste hiérarchie des valeurs, fidèles au Christ et à son Évangile, pour que
toute leur vie, tant individuelle que sociale, soit pénétrée de l’esprit des
Béatitudes, et en particulier de l’esprit de pauvreté.
2. Quiconque, suivant le Christ,
cherche d’abord le Royaume de Dieu, y trouve un amour plus fort et plus pur
pour aider tous ses frères et pour accomplir une œuvre de justice, sous
l’impulsion de l’amour [153].
CHAPITRE IV :
La vie de la communauté politique
73. La vie publique aujourd’hui
1. De profondes transformations se
remarquent aussi de nos jours dans les structures et dans les institutions
des peuples ; elles accompagnent leur évolution culturelle, économique et
sociale. Ces changements exercent une grande influence sur la vie de la
communauté politique, notamment en ce qui concerne les droits et les devoirs
de chacun dans l’exercice de la liberté civique et dans la poursuite du bien
commun, comme pour ce qui regarde l’organisation des relations des citoyens
entre eux et avec les pouvoirs publics.
2. La conscience de la dignité humaine
est devenue plus vive. D’où, en diverses régions du monde, l’effort pour
instaurer un ordre politico-juridique dans lequel les droits de la personne
au sein de la vie publique soient mieux protégés : par exemple, les droits
de libre réunion et d’association, le droit d’exprimer ses opinions
personnelles et de professer sa religion en privé et en public. La garantie
des droits de la personne est en effet une condition indispensable pour que
les citoyens, individuellement ou en groupe, puissent participer activement
à la vie et à la gestion des affaires publiques.
3. En étroite liaison avec le progrès
culturel, économique et social, le désir s’affirme chez un grand nombre
d’hommes de prendre davantage part à l’organisation de la communauté
politique. Dans la conscience de beaucoup s’intensifie le souci de préserver
les droits des minorités à l’intérieur d’une nation, sans négliger pour
autant leurs obligations à l’égard de la communauté politique. De plus, le
respect de ceux qui professent une opinion ou une religion différentes
grandit de jour en jour. En même temps, une plus large collaboration
s’établit, capable d’assurer à tous les citoyens, et non seulement à
quelques privilégiés, la jouissance effective des droits attachés à la
personne.
4. On rejette au contraire toutes les
formes politiques, telles qu’elles existent en certaines régions, qui font
obstacle à la liberté civile ou religieuse, multiplient les victimes des
passions et des crimes politiques et détournent au profit de quelque faction
ou des gouvernants eux-mêmes l’action de l’autorité au lieu de la faire
servir au bien commun.
5. Pour instaurer une vie politique
vraiment humaine, rien n’est plus important que de développer le sens
intérieur de la justice, de la bonté, le dévouement au bien commun, et de
renforcer les convictions fondamentales sur la nature véritable de la
communauté politique, comme sur la fin, le bon exercice et les limites de
l’autorité publique.
74. Nature et fin de la
communauté politique
1. Individus, familles, groupements
divers, tous ceux qui constituent la communauté civile, ont conscience de
leur impuissance à réaliser seuls une vie pleinement humaine et perçoivent
la nécessité d’une communauté plus vaste à l’intérieur de laquelle tous
conjuguent quotidiennement leurs forces en vue d’une réalisation toujours
plus parfaite du bien commun [154].
C’est pourquoi ils forment une communauté politique selon des types
institutionnels variés. Celle-ci existe donc pour le bien commun ; elle
trouve en lui sa pleine justification et sa signification et c’est de lui
qu’elle tire l’origine de son droit propre. Quant au bien commun, il
comprend l’ensemble des conditions de vie sociale qui permettent aux hommes,
aux familles et aux groupements de s’accomplir plus complètement et plus
facilement [155].
2. Mais les hommes qui se retrouvent
dans la communauté politique sont nombreux, différents, et ils peuvent à bon
droit incliner vers des opinions diverses. Aussi, pour empêcher que, chacun
opinant dans son sens, la communauté politique ne se disloque, une autorité
s’impose qui soit capable d’orienter vers le bien commun les énergies de
tous, non d’une manière mécanique ou despotique, mais en agissant avant tout
comme une force morale qui prend appui sur la liberté et le sens de la
responsabilité.
3. De toute évidence, la communauté
politique et l’autorité publique trouvent donc leur fondement dans la nature
humaine et relèvent par là d’un ordre fixé par Dieu, encore que la
détermination des régimes politiques, comme la désignation des dirigeants,
soient laissées à la libre volonté des citoyens [156].
4. Il s’ensuit également que
l’exercice de l’autorité politique, soit à l’intérieur de la communauté
comme telle, soit dans les organismes qui représentent l’État, doit toujours
se déployer dans les limites de l’ordre moral, en vue du bien commun (mais
conçu d’une manière dynamique), conformément à un ordre juridique
légitimement établi ou à établir. Alors les citoyens sont en conscience
tenus à l’obéissance [157].
D’où, assurément, la responsabilité, la dignité et l’importance du rôle de
ceux qui gouvernent.
5. Si l’autorité publique, débordant
sa compétence, opprime les citoyens, que ceux-ci ne refusent pas ce qui est
objectivement requis par le bien commun ; mais qu’il leur soit cependant
permis de défendre leurs droits et ceux de leurs concitoyens contre les abus
du pouvoir, en respectant les limites tracées par la loi naturelle et la loi
évangélique.
6. Quant aux modalités concrètes par
lesquelles une communauté politique se donne sa structure et organise le bon
équilibre des pouvoirs publics, elles peuvent être diverses, selon le génie
propre de chaque peuple et la marche de l’histoire. Mais elles doivent
toujours servir à la formation d’un homme cultivé, pacifique, bienveillant à
l’égard de tous, pour l’avantage de toute la famille humaine.
75. Collaboration de tous à la
vie publique
1. Il est pleinement conforme à la
nature de l’homme que l’on trouve des structures politico-juridiques qui
offrent sans cesse davantage à tous les citoyens, sans aucune
discrimination, la possibilité effective de prendre librement et activement
part tant à l’établissement des fondements juridiques de la communauté
politique qu’à la gestion des affaires publiques, à la détermination du
champ d’action et des buts des différents organes, et à l’élection des
gouvernants [158].
Que tous les citoyens se souviennent donc à la fois du droit et du devoir
qu’ils ont d’user de leur libre suffrage, en vue du bien commun. L’Église
tient en grande considération et estime l’activité de ceux qui se consacrent
au bien de la chose publique et en assurent les charges pour le service de
tous.
2. Pour que la coopération de citoyens
responsables aboutisse à d’heureux résultats dans la vie politique de tous
les jours, un statut de droit positif est nécessaire, qui organise une
répartition convenable des fonctions et des organes du pouvoir ainsi qu’une
protection efficace des droits, indépendante de quiconque. Que les droits de
toutes les personnes, des familles et des groupes, ainsi que leur exercice,
soient reconnus, respectés et valorisés [159],
non moins que les devoirs civiques auxquels sont astreints tous les
citoyens. Parmi ces derniers, il faut rappeler l’obligation de rendre à
l’État les services matériels et personnels requis par le bien commun. Les
gouvernants se garderont de faire obstacle aux associations familiales,
sociales et culturelles, aux corps et institutions intermédiaires, ou
d’empêcher leurs activités légitimes et efficaces ; qu’ils aiment plutôt les
favoriser, dans l’ordre. Quant aux citoyens, individuellement ou en groupe,
qu’ils évitent de conférer aux pouvoirs publics une trop grande puissance ;
qu’ils ne s’adressent pas à eux d’une manière intempestive pour réclamer des
secours et des avantages excessifs, au risque d’amoindrir la responsabilité
des personnes, des familles et des groupes sociaux.
3. À notre époque, la complexité
croissante des circonstances oblige les pouvoirs publics à intervenir plus
fréquemment, en matière sociale, économique et culturelle, pour préparer des
conditions plus favorables qui permettent aux citoyens et aux groupes de
poursuivre d’une manière plus efficace la réalisation du bien complet de
l’homme, dans la liberté. Assurément, selon les régions et selon l’évolution
des peuples, les relations entre la socialisation [160]
et l’autonomie ou de développement de la personne peuvent être comprises de
divers façons. Mais si, en vue du bien commun, on restreint pour un temps
l’exercice des droits, que l’on rétablisse au plus tôt la liberté quand les
circonstances auront changé. Il est en tout cas inhumain que le gouvernement
en vienne à des formes totalitaires ou à des formes dictatoriales qui lèsent
gravement le droit des personnes ou des groupes sociaux.
4. Que les citoyens cultivent avec
magnanimité et loyauté l’amour de la patrie, mais sans étroitesse d’esprit,
c’est-à-dire de telle façon qu’en même temps ils prennent toujours en
considération le bien de toute la famille humaine qui rassemble races,
peuples et nations, unis par toutes sortes de liens.
5. Tous les chrétiens doivent prendre
conscience du rôle particulier et propre qui leur échoit dans la communauté
politique : ils sont tenus à donner l’exemple en développant en eux le sens
des responsabilités et du dévouement au bien commun ; ils montreront ainsi
par les faits comment on peut harmoniser l’autorité avec la liberté,
l’initiative personnelle avec la solidarité et les exigences de tout le
corps social, les avantages de l’unité avec les diversités fécondes. En ce
qui concerne l’organisation des choses terrestres, qu’ils reconnaissent
comme légitimes des manières de voir par ailleurs opposées entre elles et
qu’ils respectent les citoyens qui, en groupe aussi, défendent honnêtement
leur opinion. Quant aux partis politiques, ils ont le devoir de promouvoir
ce qui, à leur jugement, est exigé par le bien commun ; mais il ne leur est
jamais permis de préférer à celui-ci leur intérêt propre.
6. Pour que tous les citoyens soient
en mesure de jouer leur rôle dans la vie de la communauté politique, on doit
avoir un grand souci de l’éducation civique et politique ; elle est
particulièrement nécessaire aujourd’hui, soit pour l’ensemble des peuples,
soit, et surtout, pour les jeunes. Ceux qui sont, ou peuvent devenir,
capables d’exercer l’art très difficile, mais aussi très noble [161]
de la politique, doivent s’y préparer ; qu’ils s’y livrent avec zèle, sans
se soucier de leur intérêt personnel ni des avantages matériels. Ils
lutteront avec intégrité et prudence contre l’injustice et l’oppression,
contre l’absolutisme et l’intolérance, qu’elles soient le fait d’un homme ou
d’un parti politique ; et ils se dévoueront au bien de tous avec sincérité
et droiture, bien plus, avec l’amour et le courage requis par la vie
politique.
76. La communauté politique et
l’Église
1. Surtout là où existe une société de
type pluraliste, il est d’une haute importance que l’on ait une vue juste
des rapports entre la communauté politique et l’Église ; et que l’on
distingue nettement entre les actions que les fidèles, isolément ou en
groupe, posent en leur nom propre comme citoyens, guidés par leur conscience
chrétienne, et les actions qu’ils mènent au nom de l’Église, en union avec
leurs pasteurs.
2. L’Église qui, en raison de sa
charge et de sa compétence, ne se confond d’aucune manière avec la
communauté politique et n’est liée à aucun système politique, est à la fois
le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine.
3. Sur le terrain qui leur est propre,
la communauté politique et l’Église sont indépendantes l’une de l’autre et
autonomes. Mais toutes deux, quoique à des titres divers, sont au service de
la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes. Elles exerceront
d’autant plus efficacement ce service pour le bien de tous qu’elles
rechercheront davantage entre elles une saine coopération, en tenant
également compte des circonstances de temps et de lieu. L’homme, en effet,
n’est pas limité aux seuls horizons terrestres, mais, vivant dans l’histoire
humaine, il conserve intégralement sa vocation éternelle. Quant à l’Église,
fondée dans l’amour du Rédempteur, elle contribue à étendre le règne de la
justice et de la charité à l’intérieur de chaque nation et entre les
nations. En prêchant la vérité de l’Évangile, en éclairant tous les secteurs
de l’activité humaine par sa doctrine et par le témoignage que rendent des
chrétiens, l’Église respecte et promeut aussi la liberté politique et la
responsabilité des citoyens.
4. Lorsque les Apôtres, leurs
successeurs et les coopérateurs de ceux-ci, sont envoyés pour annoncer aux
hommes le Christ Sauveur du monde, leur apostolat prend appui sur la
puissance de Dieu qui, très souvent, manifeste la force de l’Évangile dans
la faiblesse des témoins. Il faut en effet que tous ceux qui se vouent au
ministère de la parole divine utilisent les voies et les moyens propres à
l’Évangile qui, sur bien des points, sont autres que ceux de la cité
terrestre.
5. Certes, les choses d’ici-bas et
celles qui, dans la condition humaine, dépassent ce monde, sont étroitement
liées, et l’Église elle-même se sert d’instruments temporels dans la mesure
où sa propre mission le demande. Mais elle ne place pas son espoir dans les
privilèges offerts par le pouvoir civil. Bien plus, elle renoncera à
l’exercice de certains droits légitimement acquis, s’il est reconnu que leur
usage peut faire douter de la pureté de son témoignage ou si des
circonstances nouvelles exigent d’autres dispositions. Mais il'est juste
qu’elle puisse partout et toujours prêcher la foi avec une authentique
liberté, enseigner sa doctrine sociale, accomplir sans entraves sa mission
parmi les hommes, porter un jugement moral, même en des matières qui
touchent le domaine politique, quand les droits fondamentaux de la personne
ou le salut des âmes l’exigent, en utilisant tous les moyens, et ceux-là
seulement, qui sont conformes à l’Évangile et en harmonie avec le bien de
tous, selon la diversité des temps et des situations.
6. Par son attachement et sa fidélité
à l’Évangile, par l’accomplissement de sa mission dans le monde, l’Église, à
qui il appartient de favoriser et d’élever tout ce qui se trouve de vrai, de
bon, de beau dans la communauté humaine [162],
renforce la paix entre les hommes pour la gloire de Dieu [163].
CHAPITRE V :
La sauvegarde de la paix et la construction de la communauté des nations
77. Introduction
1. En ces années mêmes, où les
douleurs et les angoisses de guerres tantôt dévastatrices et tantôt
menaçantes pèsent encore si lourdement sur nous, la famille humaine tout
entière parvient à un moment décisif de son évolution. Peu à peu rassemblée,
partout déjà plus consciente de son unité, elle doit entreprendre une œuvre
qui ne peut être menée à bien que par la conversion renouvelée de tous à une
paix véritable : édifier un monde qui soit vraiment plus humain pour tous et
en tout lieu. Alors, le message de l’Évangile, rejoignant les aspirations et
l’idéal le plus élevé de l’humanité, s’illuminera de nos jours d’une clarté
nouvelle, lui qui proclame bienheureux les artisans de la paix, « car ils
seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9).
2. C’est pourquoi le Concile, après
avoir mis en lumière la conception authentique et très noble de la paix et
condamné la barbarie de la guerre, se propose de lancer un appel ardent aux
chrétiens pour qu’avec l’aide du Christ, auteur de la paix, ils travaillent
avec tous les hommes à consolider cette paix entre eux, dans la justice et
l’amour, et à en préparer les moyens.
78. La nature de la paix
1. La paix n’est pas une pure absence
de guerre et elle ne se borne pas seulement à assurer l’équilibre de forces
adverses ; elle ne provient pas non plus d’une domination despotique, mais
c’est en toute vérité qu’on la définit « œuvre de justice » (Is 32,
17). Elle est le fruit d’un ordre inscrit dans la société humaine par son
divin fondateur, et qui doit être réalisé par des hommes qui ne cessent
d’aspirer à une justice plus parfaite. En effet, encore que le bien commun
du genre humain soit assurément régi dans sa réalité fondamentale par la loi
éternelle, dans ses exigences concrètes il est pourtant soumis à
d’incessants changements avec la marche du temps : la paix n’est jamais
chose acquise une fois pour toutes, mais sans cesse à construire. Comme de
plus la volonté humaine est fragile et qu’elle est blessée par le péché,
l’avènement de la paix exige de chacun le constant contrôle de ses passions
et la vigilance de l’autorité légitime.
2. Mais ceci est encore insuffisant.
La paix dont nous parlons ne peut s’obtenir sur terre sans la sauvegarde du
bien des personnes, ni sans la libre et confiante communication entre les
hommes des richesses de leur esprit et de leurs facultés créatrices. La
ferme volonté de respecter les autres hommes et les autres peuples ainsi que
leur dignité, la pratique assidue de la fraternité sont absolument
indispensables à la construction de la paix. Ainsi la paix est-elle aussi le
fruit de l’amour qui va bien au-delà de ce que la justice peut apporter.
3. La paix terrestre qui naît de
l’amour du prochain est elle-même image et effet de la paix du Christ qui
vient de Dieu le Père. Car le Fils incarné en personne, prince de la paix, a
réconcilié tous les hommes avec Dieu par sa croix, rétablissant l’unité de
tous en un seul peuple et un seul corps. Il a tué la haine dans sa propre
chair [164]
et, après le triomphe de sa résurrection, il a répandu l’Esprit de charité
dans le cœur des hommes.
4. C’est pourquoi, accomplissant la
vérité dans la charité (Ep 4, 15), tous les chrétiens sont appelés
avec insistance à se joindre aux hommes véritablement pacifiques pour
implorer et instaurer la paix.
5. Poussés par le même esprit, nous ne
pouvons pas ne pas louer ceux qui, renonçant à l’action violente pour la
sauvegarde des droits, recourent à des moyens de défense qui, par ailleurs,
sont à la portée même des plus faibles, pourvu que cela puisse se faire sans
nuire aux droits et aux devoirs des autres ou de la communauté.
6. Dans la mesure où les hommes sont
pécheurs, le danger de guerre menace, et il en sera ainsi jusqu’au retour du
Christ. Mais dans la mesure où, unis dans l’amour, les hommes surmontent le
péché, ils surmontent aussi la violence, jusqu’à l’accomplissement de cette
parole : « De leurs épées ils forgeront des socs et de leurs lances des
faucilles. Les nations ne tireront plus l’épée l’une contre l’autre et ne
s’exerceront plus au combat » (Is 2, 4).
Section 1. Éviter la guerre
79. Mettre un frein à
l’inhumanité des guerres
1. Bien que les dernières guerres
aient apporté à notre monde de terribles maux d’ordre matériel comme d’ordre
moral, chaque jour encore la guerre poursuit ses ravages en quelque point du
globe. Bien plus, étant donné qu’on emploie des armes scientifiques de tout
genre pour faire la guerre, sa sauvagerie menace d’amener les combattants à
une barbarie bien pire que celle d’autrefois. En outre, la complexité de la
situation actuelle et l’enchevêtrement des relations internationales
permettent que, par de nouvelles méthodes insidieuses et subversives, des
guerres larvées traînent en longueur. Dans bien des cas, le recours aux
procédés du terrorisme est regardé comme une nouvelle forme de guerre.
2. Considérant cet état lamentable de
l’humanité, le Concile, avant tout, entend rappeler la valeur permanente du
droit des gens et de ses principes universels. Ces principes, la conscience
même du genre humain les proclame fermement et avec une vigueur croissante.
Les actions qui leur sont délibérément contraires sont donc des crimes,
comme les ordres qui commandent de telles actions ; et l’obéissance aveugle
ne suffit pas à excuser ceux qui s’y soumettent. Parmi ces actions, il faut
compter en tout premier lieu celles par lesquelles, pour quelque motif et
par quelque moyen que ce soit, on extermine tout un peuple, une nation ou
une minorité ethnique : ces actions doivent être condamnées comme des crimes
affreux, et avec la dernière énergie. Et l’on ne saurait trop louer le
courage de ceux qui ne craignent point de résister ouvertement aux individus
qui ordonnent de tels forfaits.
3. Il existe, pour tout ce qui
concerne la guerre, diverses conventions internationales, qu’un assez grand
nombre de pays ont signées en vue de rendre moins inhumaines les actions
militaires et leurs conséquences. Telles sont les conventions relatives au
sort des soldats blessés, à celui des prisonniers, et divers engagements de
ce genre. Ces accords doivent être observés ; bien plus, tous,
particulièrement les autorités publiques ainsi que les personnalités
compétentes, doivent s’efforcer autant qu’ils le peuvent de les améliorer et
de leur permettre ainsi de mieux contenir, et de façon plus efficace,
l’inhumanité des guerres. Il semble en outre équitable que les lois
pourvoient avec humanité au cas de ceux qui, pour des motifs de conscience,
refusent l’emploi des armes, pourvu qu’ils acceptent cependant de servir
sous une autre forme la communauté humaine.
4. La guerre, assurément, n’a pas
disparu de l’horizon humain. Et aussi longtemps que le risque de guerre
subsistera, qu’il n’y aura pas d’autorité internationale compétente et
disposant de forces suffisantes, on ne saurait dénier aux gouvernements, une
fois épuisées toutes les possibilités de règlement pacifique, le droit de
légitime défense. Les chefs d’État et ceux qui partagent les responsabilités
des affaires publiques ont donc le devoir d’assurer la sauvegarde des
peuples dont ils ont la charge, en ne traitant pas à la légère des questions
aussi sérieuses. Mais faire la guerre pour la juste défense des peuples est
une chose, vouloir imposer son empire à d’autres nations en est une autre.
La puissance des armes ne légitime pas tout usage de cette force à des fins
politiques ou militaires. Et ce n’est pas parce que la guerre est
malheureusement engagée que tout devient, par le fait même, licite entre
parties adverses.
5. Quant à ceux qui se vouent au
service de la patrie dans la vie militaire, qu’ils se considèrent eux aussi
comme les serviteurs de la sécurité et de la liberté des peuples ; s’ils
s’acquittent correctement de cette tâche, ils concourent vraiment au
maintien de la paix.
80. La guerre totale
1. Le progrès de l’armement
scientifique accroît démesurément l’horreur et la perversion de la guerre.
Les actes belliqueux, lorsqu’on emploie de telles armes, peuvent en effet
causer d’énormes destructions, faites sans discrimination, qui du coup vont
très au-delà des limites d’une légitime défense. Qui plus est, si l’on
utilisait complètement les moyens déjà stockés dans les arsenaux des grandes
puissances, il n’en résulterait rien de moins que l’extermination presque
totale et parfaitement réciproque de chacun des adversaires par l’autre,
sans parler des nombreuses dévastations qui s’ensuivraient dans le monde et
des effets funestes découlant de l’usage de ses armes.
2. Tout cela nous force à reconsidérer
la guerre dans un esprit entièrement nouveau [165].
Que les hommes d’aujourd’hui sachent qu’ils auront de lourds comptes à
rendre de leurs actes de guerre. Car le cours des âges à venir dépendra pour
beaucoup de leurs décisions d’aujourd’hui.
3. Dans une telle conjoncture, faisant
siennes les condamnations de la guerre totale déjà prononcées par les
derniers papes [166],
ce saint Synode déclare :
4. Tout acte de guerre qui tend
indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions
avec leurs habitants est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même,
qui doit être condamné fermement et sans hésitation.
5. Le risque particulier de la guerre
moderne consiste en ce qu’elle fournit pour ainsi dire l’occasion à ceux qui
possèdent des armes scientifiques plus récentes de commettre de tels crimes
; et, par un enchaînement en quelque sorte inexorable, elle peut pousser la
volonté humaine aux plus atroces décisions. Pour que jamais plus ceci ne se
produise, les évêques du monde entier, rassemblés et ne faisant qu’un,
adjurent tous les hommes, tout particulièrement les chefs d’État et les
autorités militaires, de peser à tout instant une responsabilité aussi
immense devant Dieu et devant toute l’humanité.
81. La course aux armements
Les armes scientifiques, il est vrai,
n’ont pas été accumulées dans la seule intention d’être employées en temps
de guerre. En effet, comme on estime que la puissance défensive de chaque
camp dépend de la capacité foudroyante d’exercer des représailles, cette
accumulation d’armes, qui s’aggrave d’année en année, sert d’une manière
paradoxale à détourner des adversaires éventuels. Beaucoup pensent que c’est
là le plus efficace des moyens susceptibles d’assurer aujourd’hui une
certaine paix entre les nations.
Quoi qu’il en soit de ce procédé de
dissuasion, on doit néanmoins se convaincre que la course aux armements, à
laquelle d’assez nombreuses nations s’en remettent, ne constitue pas une
voie sûre pour le ferme maintien de la paix et que le soi-disant équilibre
qui en résulte n’est ni une paix stable, ni une paix véritable. Bien loin
d’éliminer ainsi les causes de guerre, on risque au contraire de les
aggraver peu à peu. Tandis qu’on dépense des richesses fabuleuses dans la
préparation d’armes toujours nouvelles, il devient impossible de porter
suffisamment remède à tant de misères présentes de l’univers. Au lieu
d’apaiser véritablement et radicalement les conflits entre nations, on en
répand plutôt la contagion à d’autres parties du monde. Il faudra choisir
des voies nouvelles en partant de la réforme des esprits pour en finir avec
ce scandale et pour pouvoir ainsi libérer le monde de l’anxiété qui
l’opprime et lui rendre une paix véritable.
C’est pourquoi il faut derechef
déclarer : la course aux armements est une plaie extrêmement grave de
l’humanité et lèse les pauvres d’une manière intolérable. Et il est bien à
craindre que, si elle persiste, elle n’enfante un jour les désastres mortels
dont elle préparer déjà les moyens.
Avertis des catastrophes que le genre
humain a rendues possibles, mettons à profit le délai dont nous jouissons et
qui nous est concédé d’en haut pour que, plus conscients de nos
responsabilités personnelles, nous trouvions les méthodes qui nous
permettront dérégler nos différents d’une manière plus digne de l’homme. La
Providence divine requiert instamment de nous que nous nous libérions de
l’antique servitude de la guerre. Où nous conduit la voie funeste sur
laquelle nous nous sommes engagés si nous nous refusons à faire cet effort,
nous l’ignorons.
82. Vers l’absolue proscription
de la guerre. L’action internationale pour éviter la guerre
1. Il est donc clair que nous devons
tendre à préparer de toutes nos forces ce moment où, de l’assentiment
général des nations, toute guerre pourra être absolument interdite. Ce qui
assurément, requiert l’institution d’une autorité publique universelle,
reconnue par tous, qui jouisse d’une puissance efficace, susceptible
d’assurer à tous la sécurité, le respect de la justice et la garantie des
droits. Mais, avant que cette autorité souhaitable puisse se constituer, il
faut que les instances internationales suprêmes d’aujourd’hui s’appliquent
avec énergie à l’étude des moyens les plus capables de procurer la sécurité
commune. Comme la paix doit naître de la confiance mutuelle entre peuples au
lieu d’être imposée aux nations par la terreur des armes, tous doivent
travailler à mettre enfin un terme à la course aux armements. Pour que la
réduction des armements commence à devenir une réalité, elle ne doit certes
pas se faire d’une manière unilatérale, mais à la même cadence, en vertu
d’accords, et être assortie de garanties véritables et efficaces [167].
2. En attendant, il ne faut pas
sous-estimer les efforts qui ont déjà été faits et qui continuent de l’être
en vue d’écarter le danger de la guerre. Il faut plutôt soutenir la bonne
volonté de ceux qui, très nombreux, accablés par les soucis considérables de
leurs hautes charges, mais poussés par la conscience de leurs très lourdes
responsabilités, s’efforcent d’éliminer la guerre dont ils ont horreur, tout
en ne pouvant cependant pas faire abstraction de la complexité des choses
telles qu’elles sont. D’autre part, il faut instamment prier Dieu de leur
donner l’énergie d’entreprendre avec persévérance et de poursuivre avec
force cette œuvre d’immense amour des hommes qu’est la construction
courageuse de la paix. De nos jours, ceci exige très certainement d’eux
qu’ils ouvrent leur intelligence et leur cœur au-delà des frontières de leur
propre pays, qu’ils renoncent à l’égoïsme national et au désir de dominer
les autres nations, et qu’ils entretiennent un profond respect envers toute
l’humanité, qui s’avance avec tant de difficultés vers une plus grande
unité.
3. En ce qui regarde les problèmes de
la paix et du désarmement, il faut tenir compte des études approfondies,
courageuses et inlassables déjà effectuées et des congrès internationaux qui
ont traité de ce sujet, et les regarder comme un premier pas vers la
solution de si graves questions ; à l’avenir, il faut les poursuivre de
façon encore plus vigoureuse si l’on veut obtenir des résultats pratiques.
Que l’on prenne garde cependant de ne point s’en remettre aux seuls efforts
de quelques-uns, sans se soucier de son état d’esprit personnel. Car les
chefs d’État, qui sont les répondants du bien commun de leur propre nation
et en même temps les promoteurs du bien universel, sont très dépendants des
opinions et des sentiments de la multitude. Il leur est inutile de chercher
à faire la paix tant que les sentiments d’hostilité, de mépris et de
défiance, tant que les haines raciales et les partis pris idéologiques
divisent les hommes et les opposent. D’où l’urgence et l’extrême nécessité
d’un renouveau dans la formation des mentalités et d’un changement de ton
dans l’opinion publique. Que ceux qui se consacrent à une œuvre d’éducation,
en particulier auprès des jeunes, ou qui forment l’opinion publique,
considèrent comme leur plus grave devoir celui d’inculquer à tous les
esprits de nouveaux sentiments générateurs de paix. Nous avons tous
assurément à changer notre cœur et à ouvrir les yeux sur le monde, comme sur
les tâches que nous pouvons entreprendre tous ensemble pour le progrès du
genre humain.
4. Ne nous leurrons pas de fausses
espérances. En effet, si, inimitiés et haines écartées, nous ne concluons
pas des pactes solides et honnêtes assurant pour l’avenir une paix
universelle, l’humanité, déjà en grand péril, risque d’en venir, malgré la
possession d’une science admirable, à cette heure funeste où elle ne pourra
plus connaître d’autre paix que la paix redoutable de la mort. Mais au
moment même où l’Église du Christ, partageant les angoisses de ce temps,
prononce de telles paroles, elle n’abandonne pas pour autant une très ferme
espérance. Ce qu’elle veut, c’est encore et encore, à temps et à
contretemps, présenter à notre époque le message qui lui vient des Apôtres :
« Le voici maintenant le temps favorable » de la conversion des cœurs « le
voici maintenant le jour du salut [168]
».
Section 2. La construction de la
communauté internationale
83. Les causes de discorde et
leurs remèdes
Pour bâtir la paix, la toute première
condition est l’élimination des causes de discorde entre les hommes : elles
nourrissent les guerres, à commencer par les injustices. Nombre de celles-ci
proviennent d’excessives inégalités d’ordre économique, ainsi que du retard
à y apporter les remèdes nécessaires. D’autres naissent de l’esprit de
domination, du mépris des personnes et, si nous allons aux causes plus
profondes, de l’envie, de la méfiance, de l’orgueil et des autres passions
égoïstes. Comme l’homme ne peut supporter tant de désordres, il s’ensuit que
le monde, même lorsqu’il ne connaît pas les atrocités de la guerre, n’en est
pas moins continuellement agité par des rivalités et des actes de violence.
En outre, comme ces maux se retrouvent dans les rapports entre les nations
elles-mêmes, il est absolument indispensable que, pour les vaincre ou les
prévenir, et pour réprimer le déchaînement des violences, les institutions
internationales développent et affermissent leur coopération et leur
coordination ; et que l’on provoque sans se lasser la création d’organismes
promoteurs de paix.
84. La communauté des nations et
les institutions internationales
1. Au moment où se développent les
liens d’une étroite dépendance entre tous les citoyens et tous les peuples
de la terre, une recherche adéquate et une réalisation plus efficace du bien
commun universel exigent dès maintenant que la communauté des nations
s’organise selon un ordre qui corresponde aux tâches actuelles –
principalement en ce qui concerne ces nombreuses régions souffrant encore
d’une disette intolérable.
2. Pour atteindre ces fins, les
institutions de la communauté internationale doivent, chacune pour sa part,
pourvoir aux divers besoins des hommes aussi bien dans le domaine de la vie
sociale (alimentation, santé, éducation, travail s’y rapportent), que pour
faire face à maintes circonstances particulières qui peuvent surgir ici où
là : par exemple, la nécessité d’aider la croissance générale des nations en
voie de développement, celle de subvenir aux misères des réfugiés dispersés
dans le monde entier, celle encore de fournir assistance aux émigrants et à
leurs familles.
3. Les institutions internationales
déjà existantes, tant mondiales que régionales, ont certes bien mérité du
genre humain. Elles apparaissent comme les premières esquisses des bases
internationales de la communauté humaine tout entière pour résoudre les
questions les plus importantes de notre époque : promouvoir le progrès en
tout lieu de la terre et prévenir la guerre sous toutes ses formes. Dans
tous ces domaines, l’Église se réjouit de l’esprit de fraternité véritable
qui est en train de s’épanouir entre chrétiens et non-chrétiens et tend à
intensifier sans cesse leurs efforts en vue de soulager l’immense misère.
85. La coopération
internationale dans le domaine économique
1. La solidarité actuelle du genre
humain impose aussi l’établissement d’une coopération internationale plus
poussée dans le domaine économique. En effet, bien que presque tous les
peuples aient acquis leur indépendance politique, il s’en faut de beaucoup
qu’ils soient déjà libérés d’excessives inégalités et de toute forme de
dépendance abusive, et à l’abri de tout danger de graves difficultés
intérieures.
2. La croissance d’un pays dépend de
ses ressources en hommes et en argent. L’éducation et la formation
professionnelle doivent préparer les citoyens de chaque nation à faire face
aux diverses tâches de la vie économique et sociale. Ceci demande l’aide
d’experts étrangers ; ceux qui l’apportent ne doivent pas se conduire en
maîtres, mais en assistants et en collaborateurs. Quant à l’aide matérielle
aux nations en voie de développement, on ne pourra la fournir sans de
profondes modifications dans les coutumes actuelles du commerce mondial.
D’autres ressources doivent en outre leur venir des nations évoluées, sous
formes de dons, de prêts ou d’investissements financiers ; ces services
doivent être rendus généreusement et sans cupidité d’un côté, reçus en toute
honnêteté de l’autre.
3. Pour édifier un véritable ordre
économique mondial, il faut en finir avec l’appétit de bénéfices excessifs,
avec les ambitions nationales et les volontés de domination politique, avec
les calculs des stratégies militaristes ainsi qu’avec les manœuvres dont le
but est de propager ou d’imposer une idéologie. Une grande diversité des
systèmes économiques et sociaux se présentent : il est à souhaiter que les
hommes compétents puissent y trouver des bases communes pour un sain
commerce mondial, ce qui sera bien facilité si chacun renonce à ses propres
préjugés et se prête sans retard à un dialogue sincère.
86. Quelques règles opportunes
1. En vue de cette coopération, les
règles suivantes paraissent opportunes :
2. a) Les nations en voie de
développement auront très à cœur d’assigner pour fin au progrès le plein
épanouissement humain de leurs propres citoyens, et cela d’une manière
explicite et non équivoque. Elles se souviendront que le progrès prend sa
source et son dynamisme avant tout dans le travail et le savoir-faire des
pays eux-mêmes ; car il doit s’appuyer non pas sur les seuls secours
étrangers, mais en tout premier lieu sur la pleine mise en œuvre des
ressources de ces pays ainsi que sur leur culture et leurs traditions
propres. En cette matière, ceux qui exercent la plus grande influence sur
les autres doivent donner l’exemple.
3. b) Les nations développées ont le
très pressant devoir d’aider les nations en voie de développement à
accomplir ces tâches. Qu’elles procèdent donc aux révisions internes,
spirituelles et matérielles, requises pour l’établissement de cette
coopération universelle.
4. Ainsi, dans les négociations avec
les nations plus faibles et plus pauvres, elles devront scrupuleusement
tenir compte du bien de celles-ci ; en effet, les revenus qu’elles tirent de
la vente de leurs produits sont nécessaires à leur propre subsistance.
5. c) C’est le rôle de la communauté
internationale de coordonner et de stimuler le développement, en veillant
cependant à distribuer les ressources prévues avec le maximum d’efficacité
et d’équité. En tenant compte, assurément, du principe de subsidiarité, il
lui revient aussi d’ordonner les rapports économiques mondiaux pour qu’ils
s’effectuent selon les normes de la justice.
6. Que l’on fonde des institutions
capables de promouvoir et de régler le commerce international – en
particulier avec les nations moins développées – en vue de compenser les
inconvénients qui découlent d’une excessive inégalité de puissance entre les
nations. Une telle normalisation, accompagnée d’une aide technique,
culturelle et financière, doit mettre à la disposition des nations en voie
de développement les moyens nécessaires pour poursuivre l’essor harmonieux
de leur économie.
7. d) Dans bien des cas il est urgent
de procéder à une refonte des structures économiques et sociales. Mais il
faut se garder des solutions techniques insuffisamment mûries, tout
particulièrement de celles qui, tout en offrant à l’homme des avantages
matériels, s’opposent à son caractère spirituel et à son épanouissement. Car
« l’homme ne vit pas seulement de pain, mais aussi de toute parole qui sort
de la bouche de Dieu » (Mt 4, 4). Et tout élément de la famille
humaine porte, en lui-même et dans ses meilleures traditions, quelque
élément de ce trésor spirituel que Dieu a confié à l’humanité, même si
beaucoup en ignorent l’origine.
87. La coopération
internationale et la croissance démographique
1. La coopération internationale
devient tout à fait indispensable lorsqu’il s’agit des peuples qui, assez
souvent aujourd’hui, en plus de tant d’autres difficultés, souffrent
particulièrement de celles qui proviennent de la croissance rapide de la
population. Il est urgent de rechercher comment, grâce à la collaboration
entière et assidue de tous, surtout des nations riches, on peut préparer ce
qui est nécessaire à la subsistance et à l’instruction convenable des
hommes, et en faire bénéficier l’ensemble de la communauté humaine. Bon
nombre de peuples pourraient sérieusement améliorer leur niveau de vie si,
instruits comme il convient, ils passaient de méthodes archaïques
d’exploitation agricole à des techniques modernes et les appliquaient avec
la prudence nécessaire à leur situation, tout en instaurant aussi un
meilleur ordre social et en procédant à un partage plus équitable de la
propriété terrienne.
2. En ce qui concerne les problèmes de
la population dans chaque nation, les gouvernements, dans les limites de
leurs compétences propres, ont assurément des droits et des devoirs : par
exemple pour tout ce qui regarde la législation sociale et familiale,
l’exode des populations rurales vers les villes, l’information relative à la
situation et aux besoins du pays. Comme aujourd’hui les esprits se
préoccupent si fort de ce problème, il faut aussi souhaiter que des
catholiques compétents en toutes ces matières, dans les universités en
particulier, poursuivent assidûment les études entreprises et leur donnent
encore plus d’ampleur.
3. Puisque beaucoup affirment que
l’accroissement démographique mondial, en tout cas celui de certaines
nations, doit être freiné d’une manière radicale par tous les moyens et par
n’importe quelle mesure de l’autorité publique, le Concile exhorte tous les
hommes à se garder de solutions, préconisées en public ou en privé, et
parfois imposées, qui sont en contradiction avec la loi morale. Car en vertu
du droit inaliénable de l’homme au mariage et à la procréation, la décision
relative au nombre d’enfants à mettre au monde dépend du jugement droit des
parents et ne peut en aucune façon être laissée à la discrétion de
l’autorité publique. Mais, comme le jugement des parents suppose une
conscience bien formée, il est très important de permettre à tous d’accéder
à un niveau de responsabilité conforme à la morale et vraiment humain qui,
sans négliger l’ensemble des circonstances, tienne compte de la loi divine.
Cela suppose, un peu partout, une amélioration des moyens pédagogiques et
des conditions sociales et, en tout premier lieu, la possibilité d’une
formation religieuse ou, à tout le moins, d’une éducation morale sans
faille. Il faut, en outre, que les populations soient judicieusement
informées des progrès scientifiques réalisés dans la recherche de méthodes
qui peuvent aider les époux en matière de régulation des naissances, lorsque
la valeur de ces méthodes est bien établie et leur accord avec la morale
chose certaine.
88. Le rôle des chrétiens dans
l’entraide internationale
1. Les chrétiens collaboreront de bon
gré et de grand cœur à la construction de l’ordre international qui doit se
faire dans un respect sincère des libertés légitimes et dans l’amicale
fraternité de tous. Ils le feront d’autant plus volontiers que la plus
grande partie du globe souffre encore d’une telle misère que le Christ
lui-même, dans la personne des pauvres, réclame comme à haute voix la
charité de ses disciples. Qu’on évite donc ce scandale : alors que certaines
nations, dont assez souvent la majeure partie des habitants se parent du nom
de chrétiens, jouissent d’une grande abondance de biens, d’autres sont
privées du nécessaire et sont tourmentées par la faim, la maladie et toutes
sortes de misères. L’Esprit de pauvreté et de charité est, en effet, la
gloire et le signe de l’Église du Christ.
2. Il faut donc louer et encourager
ces chrétiens, les jeunes en particulier, qui s’offrent spontanément à
secourir d’autres hommes et d’autres peuples. Bien plus, il appartient à
tout le Peuple de Dieu, entraîné par la parole et l’exemple des évêques, de
soulager, dans la mesure de ses moyens, les misères de ce temps ; et cela,
comme c’était l’antique usage de l’Église, en prenant non seulement sur ce
qui est superflu, mais aussi sur ce qui est nécessaire.
3. Sans être organisée d’une manière
rigide et uniforme, la manière de collecter et de distribuer les secours
doit être cependant bien conduite dans les diocèses, dans les nations et au
plan mondial. Partout où la chose semble opportune, on conjuguera l’action
des catholiques avec celle des autres frères chrétiens. En effet, l’esprit
de charité, loin d’empêcher un exercice prévoyant et ordonné de l’action
sociale et de l’action caritative, l’exige plutôt. C’est pourquoi il est
nécessaire que ceux qui veulent s’engager au service des nations en voie de
développement reçoivent une formation adéquate, et dans des instituts
spécialisés.
89. Présence active de l’Église
dans la communauté internationale
1. Lorsque l’Église, en vertu de sa
mission divine, prêche l’Évangile à tous les hommes et leur dispense les
trésors de la grâce, c’est partout qu’elle contribue à affermir la paix et à
établir entre les hommes et les peuples le fondement solide d’une communauté
fraternelle : à savoir la connaissance de la loi divine et naturelle. Pour
encourager et stimuler la coopération entre tous, il est donc tout à fait
nécessaire que l’Église soit présente dans la communauté des nations ; et
cela tant par ses organes officiels que par l’entière et loyale
collaboration de tous les chrétiens – collaboration inspirée par le seul
désir d’être utile à tous.
2. Ce résultat sera plus sûrement
atteint si, déjà dans leur propre milieu, les fidèles eux-mêmes, conscients
de leur responsabilité humaine et chrétienne, travaillent à susciter le
désir d’une généreuse coopération avec la communauté internationale. À cet
égard, tant dans l’éducation religieuse que dans l’éducation civique, on
sera particulièrement attentif à la formation des jeunes.
90. Rôle des chrétiens dans les
institutions internationales
1. Pour les chrétiens, une excellente
forme d’activité internationale est assurément le concours qu’ils apportent,
individuellement ou en groupe, aux institutions qui visent à étendre la
collaboration internationale, que ces institutions existent ou qu’elles
soient à créer. Les diverses associations catholiques internationales
peuvent, en outre, rendre de multiples services pour l’édification d’une
communauté mondiale pacifique et fraternelle. Il faut les consolider, en les
dotant d’un personnel plus nombreux et bien formé, en augmentant les moyens
matériels dont elles ont besoin, et en coordonnant harmonieusement leurs
forces. De nos jours, en effet, l’efficacité de l’action et les nécessités
du dialogue réclament des initiatives collectives. De plus, de telles
associations contribuent largement à accroître le sens de l’universel, qui
convient sans nul doute aux catholiques, et à donner naissance à la
conscience d’une solidarité et d’une responsabilité vraiment mondiales.
2. Enfin, il faut souhaiter que les
catholiques, pour bien remplir leur rôle dans la communauté internationale,
recherchent une collaboration active et positive, soit avec leurs frères
séparés qui, unis à eux, professent l’amour évangélique, soit avec tous les
hommes en quête d’une paix véritable.
3. Considérant l’immense misère qui
accable, aujourd’hui encore, la majeure partie du genre humain, pour
favoriser partout la justice et en même temps pour allumer en tout lieu
l’amour du Christ à l’endroit des pauvres, le Concile, pour sa part, estime
très souhaitable la création d’un organisme de l’Église universelle, chargé
d’inciter la communauté catholique à promouvoir l’essor des régions pauvres
et la justice sociale entre les nations.
CONCLUSION
91. Rôle de chaque fidèle et des
Eglises particulières
1. Tirées des trésors de la doctrine
de l’Église, les propositions que ce saint Synode vient de formuler ont pour
but d’aider tous les hommes de notre temps, qu’ils croient en Dieu ou qu’ils
ne le reconnaissent pas explicitement, à percevoir avec une plus grande
clarté la plénitude de leur vocation, à rendre le monde plus conforme à
l’éminente dignité de l’homme, à rechercher une fraternité universelle,
appuyée sur des fondements plus profonds, et, sous l’impulsion de l’amour, à
répondre généreusement et d’un commun effort aux appels les plus pressants
de notre époque.
2. Certes, face à la variété extrême
des situations et des civilisations, en de très nombreux points, et à
dessein, cet exposé ne revêt qu’un caractère général. Bien plus, comme il
s’agit assez souvent de questions sujettes à une incessante évolution,
l’enseignement présenté ici – qui est en fait l’enseignement déjà reçu dans
l’Église – devra encore être poursuivi et amplifié. Mais, nous en avons
l’espoir, bien des choses que nous avons énoncées, en nous appuyant sur la
Parole de Dieu et sur l’esprit de l’Évangile, pourront apporter à tous une
aide valable ; surtout lorsque les fidèles, sous la conduite de leurs
pasteurs, auront réalisé l’effort d’adaptation requis par la diversité des
nations et des mentalités.
92. Le dialogue entre tous les
hommes
1. En vertu de la mission qui est la
sienne, d’éclairer l’univers entier par le message évangélique et de réunir
en un seul Esprit tous les hommes, à quelque nation, race, ou culture qu’ils
appartiennent, l’Église apparaît comme le signe de cette fraternité qui rend
possible un dialogue loyal et le renforce.
2. Cela exige en premier lieu qu’au
sein même de l’Église nous fassions progresser l’estime, le respect et la
concorde mutuels, dans la reconnaissance de toutes les diversités légitimes,
et en vue d’établir un dialogue sans cesse plus fécond entre tous ceux qui
constituent l’unique Peuple de Dieu, qu’il s’agisse des pasteurs ou des
autres chrétiens. Ce qui unit en effet les fidèles est plus fort que tout ce
qui les divise : unité dans le nécessaire, liberté dans le doute, en toutes
choses la charité [169].
3. En même temps, notre pensée
embrasse nos frères et leurs communautés, qui ne vivent pas encore en totale
communion avec nous, mais auxquels nous sommes cependant unis par la
confession du Père, du Fils et de l’Esprit Saint et par le lien de la
charité. Nous nous souvenons aussi que l’unité des chrétiens est aujourd’hui
attendue et désirée, même par un grand nombre de ceux qui ne croient pas au
Christ. Plus en effet cette unité grandira dans la vérité et dans l’amour,
sous l’action puissante de l’Esprit Saint, et plus elle deviendra un présage
d’unité et de paix pour le monde entier. Unissons donc nos énergies et, sous
des formes toujours mieux adaptées à la poursuite actuelle et effective de
ce but, dans une fidélité sans cesse accrue à l’Évangile, collaborons avec
empressement et fraternellement au service de la famille humaine, appelée à
devenir dans le Christ Jésus la famille des enfants de Dieu.
4. Nous tournons donc aussi notre
pensée vers tous ceux qui reconnaissent Dieu et dont les traditions recèlent
de précieux éléments religieux et humains, en souhaitant qu’un dialogue
confiant puisse nous conduire tous ensemble à accepter franchement les
appels de l’Esprit et à les suivre avec ardeur. 5. En ce qui nous concerne,
le désir d’un tel dialogue, conduit par le seul amour de la vérité et aussi
avec la prudence requise, n’exclut personne : ni ceux qui honorent de hautes
valeurs humaines, sans en reconnaître encore l’auteur, ni ceux qui
s’opposent à l’Église et la persécutent de différentes façons. Puisque Dieu
le Père est le principe et la fin de tous les hommes, nous sommes tous
appelés à être frères. Et puisque nous sommes destinés à une seule et même
vocation divine, nous pouvons aussi et nous devons coopérer, sans violence
et sans arrière-pensée, à la construction du monde dans une paix véritable.
93. Un monde à construire et à
conduire à sa fin
1. Se souvenant de la parole du
Seigneur : « En ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous
vous aimez les uns les autres » (Jn 13, 35) , les chrétiens ne
peuvent pas former de souhait plus vif que celui de rendre service aux
hommes de leur temps, avec une générosité toujours plus grande et plus
efficace. Aussi, dociles à l’Évangile et bénéficiant de sa force, unis à
tous ceux qui aiment et pratiquent la justice, ils ont à accomplir sur cette
terre une tâche immense, dont ils devront rendre compte à celui qui jugera
tous les hommes au dernier jour. Ce ne sont pas ceux qui disent « Seigneur,
Seigneur! » qui entreront dans le Royaume des cieux, mais ceux qui font la
volonté du Père [170]
et qui, courageusement, agissent. Car la volonté du Père est qu’en tout
homme nous reconnaissions le Christ notre frère et que nous nous aimions
chacun pour de bon, en action et en parole, rendant ainsi témoignage à la
vérité. Elle est aussi que nous partagions avec les autres le mystère
d’amour du Père céleste. C’est de cette manière que les hommes répandus sur
toute la terre seront provoqués à une ferme espérance, don de l’Esprit, afin
d’être finalement admis dans la paix et le bonheur suprêmes, dans la patrie
qui resplendit de la gloire du Seigneur.
2. « À celui qui, par la puissance qui
agit en nous, est capable de tout faire, bien au-delà de ce que nous
demandons et concevons, à lui la gloire dans l’Église et dans le Christ
Jésus, pour tous les âges et tous les siècles. Amen » (Ep 3, 20-21) .
Tout l’ensemble et chacun des points
qui ont été édictés dans cette déclaration ont plu aux Pères du Concile. Et
Nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en union
avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons dans
le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été ainsi établi en Concile
soit promulgué pour la gloire de Dieu.
Rome, à Saint-Pierre, le 7 décembre
1965.
Moi, Paul, évêque de l’Église
catholique.
(Suivent les signatures des Pères)
Signatures des Pères
Ego PAULUS Catholicae Ecclesiae
Episcopus
† Ego EUGENIUS Episcopus Ostiensis ac
Portuensis et S. Rufinae Cardinalis TISSERANT, Sacri Collegii Decanus.
† Ego IOSEPHUS Episcopus Albanensis
Cardinalis PIZZARDO.
† Ego BENEDICTUS Episcopus
Praenestinus Cardinalis ALOISI MASELLA.
† Ego FERDINANDUS Episcopus tit.
Veliternus Cardinalis CENTO.
† Ego HAMLETUS IOANNES Episcopus tit.
Tusculanus Cardinalis CICOGNANI.
† Ego IOSEPHUS Episcopus tit.
Sabinensis et Mandelensis Cardinalis FERRETTO.
† Ego IGNATIUS GABRIEL Cardinalis
TAPPOUNI, Patriarcha Antiochenus Syrorum.
† Ego MAXIMUS IV Cardinalis SAIGH,
Patriarcha Antiochenus Melkitarum.
† Ego PAULUS PETRUS Cardinalis
MEOUCHI, Patriarcha Antiochenus Maronitarum.
† Ego STEPHANUS I Cardinalis
SIDAROUSS, Patriarcha Alexandrinus Coptorum.
† Ego EMMANUEL TIT. Ss. Marcellini et
Petri Presbyter Cardinalis GONÇALVES CEREJEIRA, Patriarcha Lisbonensis.
† Ego ACHILLES titulo S. Sixti
Presbyter Cardinalis LIÉNART, Episcopus Insulensis.
Ego IACOBUS ALOISIUS titulo S.
Laurentii in Damaso Presbyter Cardinalis COPELLO, S. R. E. Cancellarius.
Ego GREGORIUS PETRUS titulo S.
Bartholomaei in Insula Presbyter Cardinalis AGAGIANIAN.
† Ego VALERIANUS titulo S. Mariae in
Via Lata Presbyter Cardinalis GRACIAS, Archiepiscopus Bombayensis.
† Ego IOANNES titulo S. Marci
Presbyter Cardinalis URBANI, Patriarcha Venetiarum.
Ego PAULUS titulo S. Mariae in
Vallicella Presbyter Cardinalis GIOBBE, S. R. E. Datarius.
† Ego IOSEPHUS titulo S. Honuphrii in
Ianiculo Presbyter Cardinalis GARIBI Y RIVERA, Archiepiscopus
Guadalajarensis.
Ego CAROLUS titulo S. Agnetis extra
moenia Presbyter Cardinalis CONFALONIERI.
† Ego PAULUS titulo Ss. Quirici et
Iulittae Presbyter Cardinalis RICHAUD, Archiepiscopus Burdigalensis.
† Ego IOSEPHUS M. titulo Ss. Viti,
Modesti et Crescentiae Presbyter Cardinalis BUENO Y MONREAL, Archiepiscopus
Hispalensis.
† Ego FRANCISCUS titulo S. Eusebii
Presbyter Cardinalis KÖNIG, Archiepiscopus Vindobonensis.
† Ego IULIUS titulo S. Mariae Scalaris
Presbyter Cardinalis DÖPFNER, Archiepiscopus Monacensis et Frisingensis.
Ego PAULUS titulo S. Andreae Apostoli
de Hortis Presbyter Cardinalis MARELLA.
Ego GUSTAVUS titulo S. Hieronymi
Illyricorum Presbyter Cardinalis TESTA.
Ego ALOISIUS titulo S. Andreae de
Valle Presbyter Cardinalis TRAGLIA.
† Ego PETRUS TATSUO titulo S. Antonii
Patavini de Urbe Presbyter Cardinalis DOI, Archiepiscopus Tokiensis.
† Ego IOSEPHUS titulo S. Ioannis
Baptistae Florentinorum Presbyter Cardinalis LEFEBVRE, Archiepiscopus
Bituricensis.
† Ego BERNARDUS titulo S. Ioachimi
Presbyter Cardinalis ALFRINK, Archiepiscopus Ultraiectensis.
† Ego RUFINUS I. titulo S. Mariae ad
Montes Presbyter Cardinalis SANTOS, Archiepiscopus Manilensis.
† Ego LAUREANUS titulo S. Francisci
Assisiensis ad Ripam Maiorem Presbyter Cardinalis RUGAMBWA, Episcopus
Bukobaënsis.
† Ego IOSEPHUS titulo Ssmi Redemptoris
et S. Alfonsi in Exquiliis Presbyter Cardinalis RITTER, Archiepiscopus S.
Ludovici.
† Ego IOANNES titulo S. Silvestri in
Capite Presbyter Cardinalis HEENAN, Archiepiscopus Vestmonasteriensis,
Primas Angliae.
† Ego IOANNES titulo Ssmae Trinitatis
in Monte Pincio Presbyter Cardinalis VILLOT, Archiepiscopus Lugdunensis et
Viennensis, Primas Galliae.
† Ego PAULUS titulo S. Camilli de
Lellis ad Hortos Sallustianos Presbyter Cardinalis ZOUNGRANA, Archiepiscopus
Uagaduguensis.
† Ego HENRICUS titulo S. Agathae in
Urbe Presbyter Cardinalis DANTE.
Ego CAESAR titulo D.nae N.ae a Sacro
Corde in Circo Agonali Presbyter Cardinalis ZERBA.
† Ego AGNELLUS titulo Praecelsae Dei
Matris Presbyter Cardinalis ROSSI, Archiepiscopus S. Pauli in Brasilia.
† Ego IOANNES titulo S. Martini in
Montibus Presbyter Cardinalis COLOMBO, Archiepiscopus Mediolanensis.
† Ego GUILLELMUS titulo S. Patricii ad
Villam Ludovisi Presbyter Cardinalis CONWAY, Archiepiscopus Armachanus,
totius Hiberniae Primas.
† Ego ANGELUS titulo Sacri Cordis
Beatae Mariae Virginis ad forum Euclidis Presbyter Cardinalis HERRERA,
Episcopus Malacitanus.
Ego ALAPHRIDUS S. Mariae in Domnica
Protodiaconus Cardinalis OTTAVIANI.
Ego ALBERTUS S. Pudentianae Diaconus
Cardinalis DI JORIO.
Ego FRANCISCUS S. Mariae in Cosmedin
Diaconus Cardinalis ROBERTI.
Ego ARCADIUS SS. Blasii et Caroli ad
Catinarios Diaconus Cardinalis LARRAONA.
Ego FRANCISCUS SS. Cosmae et Damiani
Diaconus Cardinalis MORANO.
Ego GUILLELMUS THEODORUS S. Theodori
in Palatio Cardinalis HEARD.
Ego AUGUSTINUS S. Sabae Diaconus
Cardinalis BEA.
Ego ANTONIUS S. Eugenii Diaconus
Cardinalis BACCI.
Ego FRATER MICHAEL S. Pauli in Arenula
Diaconus Cardinalis BROWNE.
Ego FRIDERICUS S. Ioannis Bosco in via
Tusculana Diaconus Cardinalis Callori DI VIGNALE
[1]
La Constitution pastorale « L’Église
dans le monde de ce temps », si elle comprend deux parties, constitue
cependant un tout. On l’appelle Constitution « pastorale » parce que,
s’appuyant sur des principes doctrinaux, elle entend exprimer les rapports
de l’Église et du monde, de l’Église et des hommes d’aujourd’hui. Aussi
l’intention pastorale n’est pas absente de la première partie, ni
l’intention doctrinale de la seconde. Dans la première partie, l’Église
expose sa doctrine sur l’homme, sur le monde dans lequel l’homme est placé
et sur sa manière d’être par rapport à eux. Dans la seconde, elle envisage
plus précisément certains aspects de la vie et de la société contemporaines
et en particulier les questions et les problèmes qui paraissent, à cet
égard, revêtir aujourd’hui une spéciale urgence. Il s’ensuit que, dans cette
dernière partie, les sujets traités, régis par des principes doctrinaux, ne
comprennent pas seulement des éléments permanents, mais aussi des éléments
contingents. On doit donc interpréter cette Constitution d’après les normes
générales de l’interprétation théologique, en tenant bien compte, surtout
dans la seconde partie, des circonstances mouvantes qui, par nature, sont
inséparables des thèmes développés.
[2]
Cf. Jn 3, 17 ; 18, 37 ; Mt 20, 28 ; Mc 10, 45.
[3]
Cf. Rm 7, 14s.
[4]
Cf. 2 Co 5, 15. 3.
[5]
Cf. Ac 4, 12. 4.
[6]
Cf. He 13, 8. 5.
[7]
Cf. Col 1, 15
[8]
Cf. Gn 1, 26 ; Sg 2, 23.
[9]
Cf. Si 17, 3-10.
[10]
Cf. Rm 1, 21-25.
[11]
Cf. Jn 8, 34.
[12]
Cf. Dn 3, 57-90.
[13]
Cf. 1 Co 6, 13-20.
[14]
Cf. 1 R 16, 7 ; Jr 17, 10.
[15]
Cf. Si 17, 7-8.
[16]
Cf. Rm 2, 14-16.
[17]
Cf. Pie XII, Message radioph. De conscientia christiana in iuvenibus
recte efformanda, 23 mars 1952 : AAS 44, p. 271.
[18]
Cf. Mt 22, 37-40 ; Ga 5, 14.
[19]
Cf. Si 15, 14.
[20] Cf.
2 Co 5, 10.
[21]
Cf. Sg 1, 13 ; 2, 23-24 ; Rm 5, 21 ; 6, 23 ; Jc 1, 15.
[22]
Cf. 1 Co 15, 56-57.
[23]
Cf. Pie XI, Encycl. Divini Redemptoris, 19 mars 1937 : AAS 29
(1937), p. 65-106. – Pie XII, Encycl. Ad Apostolorum Principis, 29
juin 1958 : AAS 50 (1958), p. 601-614. – Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra,
15 mai 1961 : AAS 53 (1961), p. 451-453. – Paul VI, Encycl.
Ecclesiam suam, 6
août 1954 : AAS 56 (1964), p. 651- 653.
[24]
Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n.
8.
[25]
Cf. Ph 1, 27.
[26]
Saint Augustin, Confessions I, 1 : PL 32, 661.
[27]
Cf. Rm 5, 14. Cf. Tertullien, De carnis resurr. 6 : « Tout ce
que le limon [dont est formé Adam] exprimait, présageait l’homme qui devait
venir, le Christ » ; PL 2, 802 (848) ; csel, 47, p. 33, 1. 12-13.
[28] Cf.
2 Co 4, 4.
[29]
Cf. Conc. de Constantinople II, can. 7 : « Sans que le Verbe soit transformé
dans la nature de la chair, ni que la chair soit passée dans la nature du
Verbe. » – Cf. aussi Conc. de Constantinople III : « Car de même que sa
chair toute sainte, immaculée et animée, n’a pas été supprimée par la
divinisation, mais qu’elle est demeurée dans son état et dans sa manière
d’être. » – Cf. Conc. de Chalcédoine : « nous devons reconnaître en deux
natures, sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation » :
Denz. 148 (302).
[30]
Cf. Conc. de Constantinople III : « De même sa volonté humaine divinisée n’a
pas été supprimée » : Denz. 291 (556).
[31]
Cf. He 4, 15.
[32]
Cf. 2 Co 5, 18-19 ; Col 1, 20-22.
[33]
Cf. 1 P 2, 21 ; Mt 16, 24 ; Lc 14, 27.
[34]
Cf. Rm 8, 29 ; Col 1, 18.
[35]
Cf. Rm 8, 1-11.
[36]
Cf. Co 4, 14.
[37]
Cf. Ph 3, 10 ; Rm 8, 17.
[38]
Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n.
16.
[39]
Cf. Rm 8, 32.
[40]
Cf. Liturgie pascale byzantine.
[41]
Cf. Rm 8, 15 et Ga 4, 6 ; cf. aussi Jn 1, 12 et 1 Jn
3, 1-2.
[42]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra,
15 mai 1961 : AAS 53 (1961), p. 401-464 ; et Encycl.
Pacem in terris,
11 avril 1963 : AAS 55 (1963), p. 257-304. – Paul VI, Encycl.
Ecclesiam suam, 6
août 1964 : AAS 56 (1964), p. 609-659.
[43]
Cf. Lc 17, 33.
[44]
Cf. Saint Thomas, 1 Ethic., lect. 1.
[45]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra
: AAS 53 (1961), p. 418. – Cf. aussi Pie XI, Encycl. Quadragesimo
anno, 15 mai 1931 : AAS 23 (1931), p. 222s.
[46]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra
: AAS 53 (1961), p. 417.
[47]
Cf. Mc 2, 27.
[48]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Pacem in terris :
AAS 55 (1963), p. 266.
[49]
Cf. Jc 2, 15-16.
[50]
Cf. Lc 16, 19-31.
[51]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Pacem in terris :
AAS 55 (1963), p. 299 et 300.
[52]
Cf. Lc 6, 37-38 ; Mt 7, 1-2 ; Rm 2, 1-11 ; 14, 10-12.
[53]
Cf. Mt 5, 43-47.
[54] Conc.
Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n.
9.
[55]
Cf. Ex 24, 1-8.
[56]
Cf. Gn 1, 26-27 ; 9, 2-3 ; Sg 9, 2-3.
[57]
Cf. Ps 8, 7 et 10.
[58]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Pacem in terris :
AAS 55 (1963), p. 297.
[59]
Cf. Nuntius ad universos homines a Patribus missus ineunte Concilio
Vaticano II, octobre 1962 : AAS 54 (1962), p. 823.
[60]
Cf. Paul VI,
Alloc. au Corps diplomatique,
7 janvier 1965 : AAS 57 (1965), p.
232.
[61]
Cf. Conc. Vat. I, Const. dogm. De fide cath., chap. III : Denz.
1785-1786 (3004-3005).
[62]
Cf. Pie Paschini, Vita e opere di Galileo Galilei, 2 vol., Vatican,
1964.
[63]
Cf. Mt 24, 13 ; 13, 24-30.36-43.
[64]
Cf. 2 Co 6, 10.
[65]
Cf. Jn 1, 3 et 14.
[66]
Cf. Ep 1, 10.
[67]
Cf. Jn 3, 16 ; Rm 5, 8-10.
[68]
Cf. Ac 2, 36 ; Mt 28, 18.
[69]
Cf. Rm 15, 16.
[70]
Cf. Ac 1, 7.
[71]
Cf. 1 Co 7, 31. – Saint Irénée, Adv. Haer. V, 36, 1 : PG
7, 1222.
[72]
Cf. 2 Co 5, 2 ; 2 P 3, 13.
[73]
Cf. 1 Co 2, 9 ; Ap 21, 4-5.
[74]
Cf. 1 Co 15, 42.53.
[75]
Cf. 1 Co 13, 8 ; 3, 14.
[76]
Cf. Rm 8, 19-21.
[77]
Cf. Lc 9, 25.
[78]
Cf. Pie XI, Encycl. Quadragesimo anno : AAS 23 (1931), p. 207.
[79]
Préface pour la fête du Christ Roi.
[80]
Cf. Paul VI, Encycl.
Ecclesiam suam,
III : AAS 56 (1964), p. 637-659.
[81]
Cf. Tt 3, 4 : Philanthropia.
[82]
Cf. Ep 1, 3.5-6. 13-14.23.
[83]
Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n.
8.
[84]
Ibid., n. 9 ; cf. n. 8.
[85]
Ibid., n. 8.
[86]
Ibid., n. 38, et note 9.
[87]
Cf. Rm 8, 14-17.
[88]
Cf. Mt 22, 39.
[89]
Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n.
9.
[90]
Cf. Pie XII, Alloc. ad cultores historiae et artis, 9 mars 1956 :
AAS 48 (1956), p. 212 : « Son divin fondateur, Jésus Christ, ne lui a
donné aucun mandat ni fixé aucune fin d’ordre culturel. Le but que le Christ
lui assigne est strictement religieux (...). L’Église doit conduire les
hommes à Dieu, afin qu’ils se livrent à lui sans réserve (...). L’Église ne
peut jamais perdre de vue ce but strictement religieux, surnaturel. Le sens
de toutes ses activités, jusqu’au dernier canon de son Code, ne peut être
que d’y concourir directement ou indirectement. »
[91]
Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n.
1.
[92]
Cf. He 13, 14.
[93]
Cf. 2 Th 3, 6-13 ; Ep 4, 28.
[94]
Cf. Is 58, 1-12.
[95]
Cf. Mt 23, 3-33 ; Mc 7, 10-13.
[96]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra,
IV : AAS 53 (1961), p. 456-457 ; cf. I : AAS, l. c., p. 407,
410-411.
[97]
Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n.
28.
[98]
Ibid., n. 28.
[99]
Cf. Saint Ambroise, De virginitate, VIII, 48 : PL 16, 278.
[100]
Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n.
15.
[101]
Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n.
13.
[102]
Cf. Justin, Dialogue avec Tryphon, 110 : PG 6, 729 ; éd. Otto,
1897, p. 391-393 : « ... au contraire, plus nous sommes persécutés, plus
s’accroît le nombre de ceux que le nom du Christ amène à la foi et à la
religion». – Cf. Tertullien, Apologeticus, chap. L, 13 : « Nous
devenons même plus nombreux, chaque fois que vous nous moissonnez (=
persécutez) : c’est une semence que le sang des chrétiens! » – Cf. Const.
dogm.
Lumen gentium, n.
9.
[103]
Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n.
48.
[104]
Cf. Paul VI, Alloc. 3 février 1965.
[105]
Cf. Saint Augustin, De bono coniug. : PL 40, 375-376 et 394. –
Saint Thomas, Somme théologique, suppl. q. 49, a. 3 à 1. –
Decretum pro Armenis : Denz. 702 (1327). – Pie XI, Encycl., Casti
Connubii : AAS 22 (1930), p. 543-555 ; Denz. 2227-2238
(3703-3714).
[106]
Cf. Pie XI, Encycl. Casti Connubii : AAS 22 (1930), p. 546-547
; Denz. 2231 (3706).
[107]
Cf. Os 2 ; Jr 3, 6-13 ; Ez 16 et 23 ; Is 54.
[108]
Cf. Mt 9, 15 ; Mc 2, 19-20 ; Lc 5, 34-35 ; Jn 3,
29 ; 2 Co 11, 2 ; Ep 5, 27 ; Ap 19, 7-8 ; 21, 2.9.
[109]
Cf. Ep 5, 25.
[110]
Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium n.
11, 35, 41.
[111]
Cf. Pie XI, Encycl. Casti Connubii : AAS 22 (1930), p. 583.
[112]
Cf. 1 Tm 5, 3.
[113]
Cf. Ep 5, 32.
[114]
Cf. Gn 2, 22-24 : Pr 5, 18-20 ; 31, 10-31 ; To 8, 4-8 ;
Ct 1, 1-3 ; 2, 16 ; 7, 8-11 ; 1 Co 7, 3-6 ; Ep 5,
25-33.
[115]
Cf. Pie XI, Encycl. Casti Connubii : AAS 22 (1930), p. 547-548
; Denz 2232 (3707).
[116]
Cf. 1 Co 7, 5.
[117]
Cf. Pie XII, Alloc. Tra le visite, 20 janvier 1958 : AAS 50
(1958), p. 91.
[118]
Cf. Pie XI, Encycl. Casti Connubii : AAS 22 (1930), p. 559-561
; Denz. 2239-2241 (3716-3718). – Pie XII, Alloc. Conventui Unionis
Italicae inter Obstetrices, 29 octobre 1951 : AAS 43 (1951), p.
835-854. – Paul VI, Alloc. ad Em.mos Patres Purpuratos, 23 juin 1964
: AAS 56 (1964), p. 581-589. Par ordre du Souverain Pontife,
certaines questions qui supposent d’autres recherches plus approfondies ont
été confiées à une Commission pour les problèmes de la population, de la
famille et de la natalité pour que, son rôle achevé, le Pape puisse se
prononcer. L’enseignement du Magistère demeurant ainsi ce qu’il est, le
Concile n’entend pas proposer immédiatement de solutions concrètes.
[119]
Cf. Ep 5, 16 ; Col 4, 5.
[120]
Cf. Sacramentarium Gregorianum : PL 78, 262.
[121]
Cf. Rm 5, 15 et 18 ; 6, 5-11 ; Ga 2, 20.
[122]
Cf. Ep 5, 25-27.
[123]
Cf. Exposé préliminaire de la présente Constitution, n. 4-10.
[124]
Cf. Col 3, 1-2.
[125]
Cf. Gn 1, 28.
[126]
Cf. Pr 8, 30-31.
[127]
Cf. Saint Irénée, Adv. Haer. III, 11, 8 : Sagnard, Sources chr.,
p. 200 ; cf. ibid., 16, 6 : p. 290-292 ; 21, 10- 22 : p. 370-372 ;
22, 3 : p. 378, etc.
[128]
Cf. Ep 1, 10.
[129]
Cf. Paroles de Pie XI au père M.-D. Roland-Gosselin : Semaines sociales
de France, Versailles, 1936, p. 461-462.
[130]
Conc. Vat. I, Const. dogm. De fide cath. chap. IV : Denz. 1795, 1799
(3015, 3019).– Cf. Pie XI, Encycl. Quadragesimo anno : AAS 23
(1931), p. 190.
[131]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Pacem in terris :
AAS 55 (1963), p. 260.
[132]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
169]169]169]63_pacem_fr.html">Pacem
in terris : AAS 55 (1963), p. 283. –
Pie XII, Message radioph. du 24 décembre 1941 : AAS 34 (1942),
p. 16-17.
[133]
Cf. Jean XXIII, Encycl. Pacem in terris : AAS 55 (1963), p.
260.
[134]
Cf. Jean XXIII, discours du 11 octobre 1962 (discours tenu à l’ouverture du
Concile) : AAS 54 (1962), p. 792.
[135]
Cf. Const. de
Sacrosanctum concilium
n. 123. – Paul VI, discours aux artistes romains 7 mai 1964 : AAS
56 (1964), p. 439-442.
[136]
Cf. Conc. Vat. II, Décrets
De institutione sacerdotali
et
De educatione christiana.
[137]
Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n.
37.
[138]
Cf. Pie XII, message du 23 mars 1952 : AAS 44 (1952), p. 273.
– Jean XXIII, Alloc. à A.C.L.I., 1er mai 1959 : AAS
51 (1959), p. 358.
[139]
Cf. Pie XI, Encycl. Quadragesimo anno : AAS 23 (1931), p.
190s. – Pie XII, message du 23 mars 1952 : AAS 44 (1952), p.
276 s. – Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra
: AAS 53 (1961), p. 450. – Conc.
Vat. II, décret
De Instrumentis communicationis socialis,
n. 6.
[140]
Cf. Mt 16, 26 ; Lc 16, 1-31 ; Col 3, 17.
[141]
Cf. Léon XIII, Encycl.
Libertas praestantissimum,
20 juin 1888 : AAS 20 (1887-1888), p. 597 s. – Pie XI, Encycl.
Quadragesimo anno : AAS 23 (1931), p. 191s. – Id.,
Divini Redemptoris
: AAS 29 (1937), p. 65 s. – Pie XII, message de Noël 1941 :
AAS 34 (1942), p. 10 s. – Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra
: AAS 53 (1961), p. 401-464.
[142]
Sur le problème de l’agriculture, voir en particulier Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra
: AAS 53 (1961), p. 341 s.
[143]
Cf. Léon XIII, Encycl.
Rerum Novarum :
AAS 23 (1890-1891), p. 649, 662. – Pie XI, Encycl. Quadragesimo
anno : AAS 23 (1931), p. 200-201. – Id., Encycl.
Divini Redemptoris
AAS 29 (1937), p. 92. – Pie XII, Message radioph. de Noël 1942
: AAS 35 (1943), p. 20. – Id., Alloc. 13 juin 1943 : AAS 35 (1943),
p. 172. – Id., Message radioph. oper. Hispaniae datus, 11 mars 1951 :
AAS 43 (1951), p. 215. – Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra
: AAS 53 (1961), p. 419.
[144]
Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra
: AAS 53 (1961), p. 408, 424, 427 ; le terme «curatio » a été pris du
texte latin de l’encyclique Quadragesino anno : AAS 23 (1931),
p. 199. – Sur l’évolution de cette question, voir aussi Pie XII, Alloc. du 3
juin 1950 : AAS 42 (1950), p. 485-488. – Paul VI, Alloc. du 8 juin
1964 : AAS (1964), p. 574-579.
[145]
Cf. Pie XII, Encycl. Sertum laetitiae : AAS 31 (1939), p. 642.
– Jean XXIII, Alloc. consist. AAS 52 (1960), p. 5-11. – Id., Encycl.
Mater et Magistra
: AAS 53 (1961), p. 411.
[146]
Cf. Saint Thomas, Somme théologique IIe IIae,
q. 32, a. 5 à 2. – Id. q. 66, a. 2 : cf. explic. de Léon XIII,
Rerum Novarum :
AAS 23 (1890-1891) p. 651.– Cf. aussi Pie XII, Alloc. du 1er
juin 1941 : AAS 33 (1941), p. 199. – Id., Message radioph. de Noël
1954 : AAS 47 (1955), p. 27.
[147]
Cf. Saint Basile, hom. in illud Lucae « Destruam horrea mea », n. 2 :
PG 31, 263. – Lactance, Divinarum instit., liv. V, sur la justice :
PL 6, 565 B. – Saint Augustin, In Io., tr.50, n. 6 : PL 35,
1760. – Id., Enarratio in Ps. CXLVII, 12 : PL 37, 1922. – Saint
Grégoire le Grand, Hom. in Ev., Hom. 20 : PL 76, 1165. – Id.,
Regulae pastoralis liber, pars III, c. 21 : PL 77, 87s. –
Saint Bonaventure, In III Sent., d. 33, dub. 1 : Quaracchi III, 728.
– Id., In IV Sent., d. 15, p. II, a. 2, q. 1 : ed. cit.IV, 371 b. ;
q. de superfluo : ms. Assisi, Bibl. comun. 186, ff. 112a-113a. – Saint
Albert le Grand, In III Sent., d. 33, a. 3, sol. 1 : ed. Borgnet XXVIII,
611. – Id., In IV Sent., d. 15, a. 16 : ed. cit. XXIX, 494-497. En ce qui
concerne la détermination du superflu de nos jours, cf. Jean XXIII, message
radiotélév. du 11 septembre 1962 (AAS 54, p. 682) : « C’est le devoir
de tout homme, le devoir impérieux du chrétien, d’apprécier le superflu à
l’aune de la nécessité d’autrui, et de bien veiller à ce que
l’administration et la distribution des biens créés se fasse au bénéfice de
tous. »
[148]
Ici vaut l’ancien principe : « In extrema necessitate omnia sunt communia,
id est communicanda. » D’autre part, en ce qui concerne l’étendue et les
modalités selon lesquelles ce principe s’applique dans le texte, outre les
auteurs modernes connus, cf. Saint Thomas, Somme théologique IIe
IIae, q. 66, art. 7. Il est clair que, pour une application
exacte de ce principe, toutes les conditions moralement requises doivent
être remplies.
[149]
Cf. Décret de Gratien, c. 21, dist. LXXXVI : Friedberg I, 302. Déjà
dit dans PL 54, 591A et PL 56, 1132B : cf. Antonianum
27 (1952), p. 349-366.
[150]
Cf. Léon XIII, Encycl.
Rerum Novarum :
AAS 23 (1890-1891), p. 643-646. – Pie XI, Encycl. Quadragesimo anno
: AAS 23 (1931), p. 191. –Pie XII, Message radioph. du 1er
juin 1941 : AAS 35 (1943), p. 17. – Id., Message radioph. du 1er
septembre 1944 : AAS 36 (1944), p.253. – Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra
: AAS 53 (1961), p. 428-429.
[151]
Cf. Pie XI, encycl. Quadragesimo anno : AAS 23 (1931), p. 214.
– Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra
: AAS 53 (1961), p. 429.
[152]
Cf. Pie XII, Message radioph. pour la Pentecôte 1941 : AAS 44 (1941), p.
199. – Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra
: AAS 53 (1961), p. 430.
[153]
Sur le bon usage des biens suivant la doctrine du Nouveau Testament, cf.
Lc 3, 11 ; 10, 30 s. ; 11, 41 ; 1 P 5, 3 ; Mc 8, 36 ; 12,
29-31 ; Jc 5, 1-6 ; 1 Tm 6, 8 ; Ep 4, 28 ; 2 Co
8, 13s. 1 Jn 3, 17-18.
[154]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra
: AAS 53 (1961), p. 417.
[155]
Cf. Id., ibid.
[156]
Cf. Rm 13, 1-5.
[157]
Cf. Rm 13, 5.
[158]
Cf. Pie XII, Message radioph. du 24 décembre 1942 : AAS 35 (1943), p.
9-24 ; 24 décembre 1944 : AAS 37 (1945), p. 11-17. – Jean XXIII,
Encycl.
Pacem in terris
: AAS 55 (1963), p. 263, 271, 277 et
278.
[159]
Cf. Pie XII, Message radioph. du 1er juin 1941 : AAS 33
(1941), p. 200. – Jean XXIII, Encycl.
Pacem in terris :
loc. cit., p. 273 et 274.
[160]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra
: AAS 53 (1961), p. 415-418.
[161]
Cf. Pie XI, Alloc. « Aux dirigeants de la Fédération universitaire
catholique » : Discours de Pie XI : éd. Bertetto, Turin, vol. 1 (1960), p.
743.
[162]
Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n.
13.
[163]
Cf. Lc 2, 14.
[164]
Cf. Ep 2, 16 ; Col 1, 20-22.
[165]
Cf. Jean XXIII,
Pacem in terris,
11 avril 1963 : AAS 55 (1963), p. 291. « C’est pourquoi, en cette
époque, la nôtre, qui se glorifie de la force atomique, il est déraisonnable
de penser que la guerre est encore un moyen adapté pour obtenir justice de
la violation des droits. »
[166]
Cf. Pie XII, Alloc. du 30 septembre 1954 : AAS 46 (1954), p. 589 ;
Message radioph. du 24 décembre 1954 : AAS 47 (1955), p.15 s. – Jean
XXIII,
Pacem in terris :
AAS 55 (1963), p. 286-291. – Paul VI, Alloc. au Conseil des Nations
unies, 4 octobre 1965 : AAS 57 (1965), p. 877-885.
[167]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Pacem in terris
(où il est question de la réduction des armements) : AAS 55 (1963),
p. 287.
[168]
Cf. 2 Co 6, 2.
[169]
Cf. Jean XXIII, Encycl. Ad Petri Cathedram, 29 juin 1959 : AAS
55 (1959), p. 513.
[170]
Cf. Mt 7, 21.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 07.11.2021
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