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19 Avril 2005
 
 

Catéchèse du mercredi 17 août.

Thème : "Rechercher la vérité, sens profond de l’existence humaine"

Mgr Claude Dagens, Evêque d'Angoulème

CHERCHER ET ACCUEILLIR LA VERITE VIVANTE DU CHRIST, SENS PROFOND DE L’EXISTENCE HUMAINE.

I. POURQUOI ETES-VOUS VENUS ICI ?

Avant que ne commence cette première catéchèse, je vous invite à vous poser une question importante, en faisant appel à votre mémoire et à votre conscience :
- Pourquoi êtes-vous venus ici, à Cologne, pour ces journées mondiales de la Jeunesse ?
- Qu’y cherchez-vous vraiment ?

Peut être que la réponse ne sera pas immédiate. Laissez l’Esprit de Dieu agir en vous, insensiblement. Souvenez-vous des amis qui vous ont transmis l’invitation ! Souvenez-vous de vos hésitations, ou de votre joie et des encouragements que vous avez reçus !
Et maintenant que vous êtes là, n’hésitez pas à dire au Seigneur :
« Seigneur, me voici ! Conduis-moi ! Ouvre-moi, ouvre-nous à ta présence et à ta Vérité vivante ! »
Et moi, en tant qu’évêque catéchiste, j’ai à votre égard une mission très claire : encourager cette ouverture à la Vérité du Christ.
Car j’ose répondre à la question que j’ai posée, et j’y réponds en tant qu’évêque et que baptisé, appelé à vivre et à annoncer vraiment l’Evangile du Christ : nous sommes venus à Cologne
- en nous laissant conduire par Dieu, comme les mages
- pour nous laisser surprendre par la nouveauté de Dieu révélée en Jésus.

II. NOUS LAISSER CONDUIRE PAR DIEU, A TRAVERS DES SIGNES.

1) Dieu se révèle aux païens qui le cherchent.

Notre référence essentielle pour ces catéchèses de Cologne, c’est l’Evangile de Matthieu, au chapitre 2, quand il évoque la visite à Jérusalem, puis à Bethléem, de ces mages venus d’Orient, c'est-à-dire d’un monde païen éloigné du monde juif, peut être aux confins de la Perse et de l’Inde.
L’Evangile n’est pas un conte. C’est une révélation : c’est la grande révélation de Dieu qui vient à nous et jusqu’à l’intérieur de notre humanité. Mais, dès le début de l’Evangile de Matthieu, la Vérité de Dieu s’affirme d’une façon étonnante :
- Dieu se révèle aussi et même d’abord à des païens qui le cherchent.
- Et le signe de cette révélation est un signe de contradiction : c’est un enfant dans une mangeoire. Il s’appelle Jésus. Il est né à Bethléem, la ville de David. Et cet enfant désarmé apparaît comme une menace pour le roi de Judée, Hérode. Ce sont des païens qui vont le reconnaître les premiers.

2) L’Evangile est dangereux.

Si cette histoire des mages était un conte, il pourrait nous charmer et nous faire rêver. Mais cette histoire est extraordinairement révélatrice : elle révèle les risques que Dieu lui-même prend en se manifestant dans notre humanité, le risque de ne pas être accueilli, de ne pas être reconnu et d’être traité comme un ennemi potentiel qu’il faudrait supprimer.
Nous ne devons surtout pas édulcorer l’Evangile. L’Evangile, à sa manière, est dangereux, compromettant. La Vérité de Dieu révélée en l’enfant de Bethléem est une vérité engagée qui dérange l’ordre du monde. Je chercherai plus loin à prendre la mesure de ce « dérangement » et de cette nouveauté de Dieu. Je voudrais d’abord comprendre ces hommes qui vont devenir les premiers témoins de la Vérité de Dieu.

3) Des païens « chercheurs de Dieu »

Ces hommes, l’Evangile de Matthieu ne les appelle pas « rois », mais « mages ». C’est un terme complexe qui évoque à la fois l’expérience religieuse et la recherche scientifique. Ces mages sont attentifs aux signes. Ils scrutent le ciel : peut être appartiennent-ils à une religion de la Perse ou de l’Inde, pour laquelle l’univers est divin, habité et animé par un souffle divin, par un feu mystérieux. Autrement dit, ces païens sont des « chercheurs de Dieu », des hommes religieux qui croient au langage des signes et qui se laissent conduire par ces signes, comme ils l’expliquent eux-mêmes en arrivant à Jérusalem : « Où est le roi des juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus lui rendre hommage » (Matthieu 2.2).

4) Est-il possible de connaître Dieu ?

Ces paroles en disent long sur le langage par lequel Dieu lui-même cherche à nous parler, comme à ces mages venus d’Orient. Et cette révélation de l’Evangile vient contester de façon radicale l’état d’esprit qui domine notre culture au sujet de la connaissance de Dieu. Car la musique que nous entendons le plus souvent nous murmure à peu près ceci : Dieu échappe à notre compréhension. Sa vérité nous est étrangère. Peut-être que nous avons à son sujet des impressions, des émotions, ou même de brèves illuminations. Mais, lui, le Créateur du monde, il vaut mieux renoncer à le connaître et à l’atteindre.
La foi chrétienne ne confirme pas du tout cette impuissance des hommes à connaître Dieu. Il y a au contraire dans l’Evangile et dans la Tradition chrétienne un acte radical de confiance dans la Vérité de Dieu et dans la communication réelle qu’il nous en fait. Ces mages de l’Evangile témoignent de cette communication.
Comment ces païens ont-ils été mis sur le chemin de la Vérité de Dieu ? A travers trois signes, dont les deux premiers sont nommés dans l’Evangile et dont le troisième est suggéré comme en creux.

5) Le signe de l’étoile.

Le premier signe est l’étoile apparue dans le ciel, l’étoile qui brille et qui va les guider jusqu’à Jérusalem et jusqu’à Bethléem, au pays des Juifs. Le fait de croire ainsi à un signe céleste pourrait être considéré comme le symptôme d’une mentalité archaïque que l’on dira précisément païenne. Je sais bien que l’on doit distinguer entre la révélation biblique et la recherche scientifique au sujet du monde. La Bible n’est pas un manuel d’astrophysique. Mais je pense aussi que notre foi en Dieu, le Père créateur du ciel et de la terre, implique une certaine compréhension de l’univers qui ne s’oppose pas au travail de la raison humaine.
J’ai des amis mathématiciens ou physiciens qui savent goûter la poésie et la musique. Et surtout, je suis convaincu qu’aujourd’hui nous ne pouvons pas nous contenter d’une conception plate de l’univers. Même sans partager la foi chrétienne en Dieu, il existe des scientifiques et des chercheurs qui laissent ouverte la question de l’origine et même du tissu de notre monde : on ne peut pas être certain que le hasard et la nécessité aient toujours le dernier mot. Et surtout, on ne peut pas se résigner à traiter les réalités de la vie, et spécialement les réalités humaines, comme des objets expérimentables et manipulables en vertu des seules lois d’une technique ou d’un marché international sans contrôle.
Soyons clairs ! La foi chrétienne évoque la vérité du monde en termes de création. Nous croyons que le monde, avec ses structures et ses lois, est sans cesse appelé par Dieu à exister, qu’il n’est pas manipulé par lui, mais qu’il est comme enveloppé et traversé par sa pensée et même par sa Providence. Autrement dit, l’analyse scientifique du monde n’exclut pas du tout sa dimension symbolique : les hommes ont la liberté de voir dans l’univers des signes, et pas seulement des objets. C’est l’expérience élémentaire de la beauté du monde, d’un coucher de soleil qui colore des montagnes ou d’un lever du jour sur la mer.
La Bible ose aller plus loin. Dieu nous parle à travers sa création. Sa création n’est pas étrangère à sa révélation. « Les cieux racontent la gloire de Dieu, et l’œuvre de ses mains, le firmament l’annonce… » (Ps 19.2). Les mages de l’Evangile, si païens qu’ils soient, témoignent de cet accès à Dieu à travers l’univers. Cette découverte de la beauté du monde est accessible à chacun de nous. Même aux heures d’épreuve, des signes peuvent nous être donnés : donnés, c'est-à-dire que nous ne les créons pas. Ils nous apparaissent, comme l’étoile aux mages.
Seigneur, apprends-nous à te chercher à travers ta création !

6) Le signe des Ecritures juives.

Le second signe auquel les mages ont répondu, ce sont les Ecritures juives, et spécialement le message des prophètes qui annonçaient depuis des siècles l’avènement d’un Messie en terre d’Israël, et précisément à Bethléem, la ville du roi David : « Et toi Bethléem, terre de Judée, tu n’es certes pas le plus petit des chefs lieux de Juda ; car c’est de toi que sortira le chef qui fera paître mon peuple » (Michée 5.1).
Il n’est pas du tout impossible que des païens aient eu connaissance de ces Ecritures juives et qu’ils en aient compris l’essentiel : Dieu s’engage en faveur de son peuple. Il lui ouvre un avenir. Nous sommes là non seulement au cœur de la révélation biblique, mais surtout au seuil d’une nouvelle conception de l’histoire des hommes, du temps humain. Ce temps n’est pas fermé sur lui-même : il est porteur d’une promesse, les hommes ne sont donc pas condamnés à la résignation ou au retour en arrière.
Cela s’appelle l’espérance qui est devenue aujourd’hui difficile, surtout dans nos sociétés d’Occident marquées par l’incertitude et par l’inquiétude de l’avenir, pour toutes sortes de raisons qui vont de la peur du terrorisme à ces innombrables fragilités familiales ou sociales qui nous marquent tous.
Il me semble difficile de chercher la vérité si l’on n’attend rien de l’avenir. Pour chercher, il faut que l’on pressente au moins que des chemins peuvent s’ouvrir en nous et dans le monde. Je sais que des hommes et des femmes luttent et agissent pour ouvrir ces chemins, sans se référer à la Parole et aux promesses de Dieu. Il y a en eux une confiance radicale dans l’avenir du monde.
La foi chrétienne n’est pas en concurrence avec une telle espérance. Mais elle ose conduire à sa source. Elle indique les chemins ouverts par Dieu lui-même, à l’intérieur de notre histoire, même et surtout aux heures d’épreuve, lorsque l’on a buté sur des obstacles apparemment infranchissables en soi même et autour de soi.
Un appel de Dieu traverse toute la Bible. : « Lève-toi et marche ! » C’est l’appel auquel répond Abraham, le père des croyants (Gen. 12.1). C’est aussi l’appel à partir duquel Moïse va entraîner son peuple hors de l’esclavage en Egypte. C’est l’appel que Jésus adresse à des paralytiques qu’il va guérir (cf Marc 2.9/11). Et ce n’est pas pour rien que, dès les commencements de l’Eglise, à Jérusalem, les chrétiens sont qualifiés comme « les adeptes de la Voie » (cf Act.9.2), des hommes et des femmes qui avancent sur le chemin ouvert par Jésus, le Messie crucifié et ressuscité, qui se nomme lui-même « le chemin » (cf Jean 14.6).
Il est donc significatif que l’Evangile de Matthieu commence par de longues marches, et d’abord celle des mages vers Jérusalem. Comme pour ces païens, Dieu lui-même se charge de faire notre apprentissage. Il s’y est engagé à travers la promesse de Jésus : « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, ils vous conduira vers la vérité toute entière ». (Jean 16.13).

7) Le travail de la conscience.

Dans la marche des mages, il y a un élément encore plus décisif que l’étoile apparue dans le ciel et que les Ecritures juives. C’est leur conscience. Car ces hommes sont pareils à nous : ils n’auraient pas pu suivre l’étoile, ni répondre à l’appel des Ecritures, s’ils n’avaient pas été touchés, à l’intérieur d’eux-mêmes, par ce signe et par cette parole. Pour découvrir et pour faire la vérité, il ne suffit pas de percevoir quelque chose au dessus de nous, ni d’être poussés à aller de l’avant. Ce qui est au dessus et ce qui est en avant ne nous dispensent pas de ce qui est au-dedans de nous : notre conscience.
Notre conscience humaine : c'est-à-dire cet espace intérieur, appelé à s’ouvrir à ce qui nous dépasse, à cette vérité vivante qui nous dépasse et qui peut s’inscrire au-dedans de nous comme une force vive, une force pour vivre humainement. Je viens de prononcer le mot de vérité. On ne peut pas aujourd’hui le prononcer facilement. Je sais bien que l’on ne peut pas parler de la même manière de la vérité du monde et de la vérité de l’histoire, de la vérité de l’homme et de la vérité de Dieu. Mais je sais surtout que la vérité est considérée souvent avec méfiance, comme une notion dépassée ou dangereuse, parce qu’elle s’opposerait à la liberté, elle-même réduite à la capacité de faire ce qui plaît ou ce qui est utile immédiatement.
Permettez moi ici un détour : le contraire de la vérité, ce n’est pas l’erreur, c’est le mensonge. Et le mensonge, il peut nous arriver malheureusement de savoir ce qu’il produit. Cela vaut aussi bien dans les relations familiales ou amicales, quand on détruit ce que l’on prétend construire et aimer. Et cela vaut aussi dans les relations entre les groupes sociaux et entre les nations, quand le soupçon devient le plus fort et que l’on se résigne à la guerre. Le mensonge tue. En mentant, nous pouvons faire mourir, en le sachant ou en refusant de le savoir, ce qui est pire.
Alors, face au mensonge, apparaît la force de la vérité, quand la vérité n’est pas réduite à ce qu’elle n’est pas. Et la vérité ne peut pas se réduire à nos petites vérités, celles qui nous conviennent, à nos sentiments ou à nos illusions. La vérité porte en elle une force qui nous dépasse. Elle fait appel non pas à ce qui est enfermé dans l’individu, mais à ce qui nous est commun, qui doit valoir pour tout être humain. Elle fait face à nos questions communes de vie et de mort, ces questions que j’entends si souvent à travers les lettres que je reçois des jeunes, spécialement, quand ils demandent le sacrement de confirmation : « Pourquoi vivre ? Et pourquoi ne pas se donner la mort ? Et pourquoi aimer la vie, même quand elle est dure ? Et sur quoi s’appuyer pour avancer dans la vie ? Et comment discerner le bien du mal ? »
Ce sont des questions de vie et de mort. La vérité est une affaire de vie et de mort. Et Pilate l’avait compris, lui, le fonctionnaire romain, qui hésite à condamner Jésus, ce pauvre homme accusé d’être une menace pour l’ordre public. Et quand Jésus lui dit : « Je ne suis né, je ne suis venu dans le monde que pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix », Pilate lui répond avec un scepticisme effrayant : « Qu’est ce que la vérité » (Jean 18.37-38).
Ce dialogue est extraordinairement parlant. Il parle de nous tous, parce que nous sommes partagés entre le désir de la vérité et le refus de la vérité. Mais chacun est appelé à ouvrir sa conscience à ce qui nous dépasse et qui peut s’inscrire en nous. Comme pour cette femme de l’Evangile, cette femme de Samarie, à qui Jésus s’adresse de façon personnelle : elle a eu cinq maris et elle continue sa vie aventureuse, mais il va lui être donné de faire la vérité en s’ouvrant au don de Dieu.
« Si tu savais le don de Dieu…. » (Jean 4.10). Il me semble que les mages, en arrivant à Bethléem, ont pu s’ouvrir au don de Dieu et alors, ils ont compris que leur marche, leurs recherches, leurs tâtonnements, leurs erreurs n’avaient pas été inutiles. Dieu les avait préparés de loin à cette vérité tout entière qui rayonne dans l’enfant de la crèche.
Seigneur donne nous de reconnaître ces signes que tu nous donnes, et d’y ouvrir notre conscience ! Conduis nous vers la vérité tout entière, celle qui a sa source en toi et qui éclaire notre existence !

III. NOUS LAISSER SURPRENDRE PAR LA NOUVEAUTE DE DIEU

1 – La joie qui naît de la vérité.

Je viens d’insister sur les exigences de ce travail intérieur, de ce travail de la conscience, pour consentir à la vérité qui vient de Dieu et qui s’inscrit en nous. Je voudrais insister aussi sur ce que mon ami Saint Augustin appelle « la joie qui naît de la vérité »(gaudium de veritate). Il savait de quoi il parlait, en évoquant cette joie , lui qui avait beaucoup cherché. Et sa recherche de la vérité était passée par le travail de l’intelligence autant que par les expériences religieuses. Il avait même appartenu durant près de 10 ans à une secte, celle des manichéens, qui expliquaient le monde et l’histoire par un conflit insurmontable entre un Dieu bon et un Dieu mauvais. Seule, une connaissance supérieure, une gnose, réservée à une élite de purs, permettait de se sauver et d’échapper au mal.
Et Augustin, un jour, grâce à un évêque qui avait compris sa recherche, est parvenu au cœur de l’Evangile. Il a été bouleversé par l’humilité de Dieu, par l’Incarnation du Fils. Et, en même temps, il s’est senti comme délivré de lui-même et de ses errances. Il naissait à une vie nouvelle, dans le Christ, parce qu’il avait découvert la nouveauté de Dieu révélée en Jésus Christ, dans sa naissance et dans sa passion.
C’est aussi l’expérience des mages selon le récit de Matthieu. Une double surprise attend ces trois hommes à Bethléem et une surprise marquée aussi par la joie, quand l’étoile s’arrête au dessus de l’étable (cf. Matthieu 2.10).
D’où vient alors leur joie ? Pas seulement d’avoir atteint le but de leur pèlerinage, d’autant plus qu’ils vont avoir à repartir par un autre chemin. Leur joie est d’abord de se savoir attendus. En cet enfant, Dieu, celui qu’ils cherchaient, leur apparaît comme celui qui les attend, et qui attend lui-même d’être reconnu, comme les enfants….
C’est cela qui est beau et même bouleversant dans une famille, quand un enfant vient au monde. Il ne parle pas, mais il est là. Et sa présence est plus parlante que beaucoup de paroles. Près de lui, des adultes réapprennent à regarder, à écouter, à s’émerveiller, à aimer.
Le premier signe de Dieu parmi nous, c’est l’enfant dans la crèche. Sa présence appelle le silence et la reconnaissance. L’humanité de Dieu vient convertir la nôtre.
Et c’est sans doute la seconde surprise des mages que le récit de Matthieu laisse fortement deviner : qui donc est Dieu pour se révéler et se cacher ainsi ? Face à Jésus, il y a, à Jérusalem, le roi Hérode, avec toute sa puissance politique, militaire, économique. Face à cette puissance, quel est donc le pouvoir de Dieu ? C’est un pouvoir désarmé, ou plutôt c’est un pouvoir nouveau, qui n’est pas de ce monde. C’est le pouvoir de l’amour qui se donne sans conditions.
Alors, devant l’enfant de la crèche, comme devant le Crucifié du Golgotha et comme devant le Christ de l’Eucharistie, nous sommes appelés au silence, à l’adoration et au dialogue de la foi.
Qui es tu, Dieu ? Qui es tu, Jésus, Fils de Dieu, Sauveur ?
Qu’attends-tu de moi ? Quelles conversions désires-tu de moi ?
Comment puis je « faire la vérité » devant toi ?

2 – En Jésus Christ, vérité et amour sont inséparables.

Nous pouvons le deviner, comme les mages, et comme la grande Tradition chrétienne l’affirme, de Saint Irénée de Lyon et de Saint Augustin à Jean Paul II et à Benoît XVI : en Jésus Christ, le Fils du Dieu vivant, le Verbe fait chair, c’est l’homme, c’est tout être humain qui se trouve révélé en plénitude, dans l’amour reçu de Dieu.
En Jésus Christ, Vérité et Amour sont inséparables. C’est même l’amour de Dieu, révélé dans l’humanité du Fils, qui nous appelle à faire la vérité dans notre existence humaine. J’admire la manière dont cet appel a été exprimé par un homme qui n’est pas du tout un Père de l’Eglise, mais un romancier français, nommé Michel Tournier. Il a raconté à sa manière, qui est celle d’un romancier, l’histoire des rois mages. Il fait notamment de Gaspard un prince africain, originaire d’un pays proche de l’Egypte. Vers la fin du roman, ce prince va confier lui-même le secret de sa conversion devant l’enfant de la crèche : « Ce que m’a appris l’enfant – je le pressentais avant de venir, j’étais tout entier dans l’attente de cette leçon – c’est qu’un amour d’adoration est toujours partagé, parce que sa force de rayonnement le rend irrésistiblement communicatif. En approchant de la crèche…je me suis agenouillé, j’ai touché de mes lèvres mes doigts, et j’ai fait le geste d’envoyer un baiser à l’enfant. Il a souri, il m’a tendu les bras. J’ai connu alors ce qu’était la rencontre totale de l’amant et de l’aimé, cette vénération troublante, cet hymne jubilant, cette fascination émerveillée ». (Michel Tournier, Gaspard, Melchior et Balthazar, Paris, 1980, p. 213).
Je ne me risquerai pas à faire de Michel Tournier un saint, mais je suis convaincu que nous pouvons tous accomplir devant Jésus les mêmes gestes d’amour et d’adoration que le prince Gaspard de Méroé.
Seigneur, apprends nous ce qu’est l’amour d’adoration !

3 – « Il y a beaucoup de chercheurs de Dieu dans notre société ».

Si les mages sont nos maîtres dans la recherche de la vérité, alors il faut reconnaître que des mages sont parmi nous. Je veux dire, comme me l’a confié, il y a quelques années, une personne qui accompagnait des catéchumènes vers le baptême : « Il y a beaucoup de chercheurs de Dieu dans notre société. Ils sont aussi l’espérance de l’Eglise ».

Le savons-nous assez ? Nous qui sommes baptisés, nous qui, parfois, nous lamentons sur notre petit nombre et sur notre manque d’élan, savons nous assez chercher Dieu avec ceux et celles qui le cherchent ou qui l’attendent ? Car il faut bien reconnaître un paradoxe qui devrait nous alerter : il y a aujourd’hui, parmi nous, des croyants, des catholiques indifférents à la vérité de Dieu et qui en restent à la surface des choses de la foi, en refusant d’entrer dans le mystère. Mais il y a aussi parmi nous des gens qui se disent incroyants, mais qui ne sont pas du tout indifférents à la vérité et à l’amour de Dieu, même s’ils ne savent pas comment en parler.
Ces incroyants ou ces agnostiques en quête de Dieu sont là, parfois tout près de nous. Ce sont des jeunes ou des adultes de nos familles, qui n’ont pas de mémoire et de références chrétiennes, pour toutes sortes de raisons, et qui attendent des signes de Dieu.
Acceptons-nous de devenir ces signes que Dieu envoie dans le monde ? Acceptons-nous d’être pareils aux mages qui ne peuvent plus taire ce qu’ils ont vu et compris à Bethléem : cette bouleversante nouveauté de Dieu qui n’est pas du tout séparé de nous, qui a pris chair de notre humanité et qui attend que nous le reconnaissions et que nous vivions de Lui, en le laissant vivre dans nos consciences et dans nos corps de baptisés ?


Frères et sœurs, à partir de ces Journées de Cologne, je vous appelle à exercer cette mission et je m’y engage avec vous. Ici, nous entendons Dieu nous dire : « Ouvre toi à la vérité ! Refuse le mensonge ! Fais la vérité dans ta conscience et dans ton existence ! » Mais ces appels personnels sont inséparables d’une responsabilité commune : nous sommes l’Eglise, le Corps vivant du Christ, son signe pour le monde ! Que l’Esprit Saint nous renouvelle dans cette mission essentielle : vivre dans la Vérité du Christ pour que cette Vérité vivante, humble, aimante, atteigne, façonne, convertisse tout être humain en attente de vérité et d’amour.

 

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