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19 Avril 2005
 

  QUESTIONS  D'EGLISE

 

Benoît XVI face à la modernité: article

Qu'un conclave de l'Eglise romaine élise un cardinal fidèle à la Tradition, voilà qui a priori dépasse l'entendement moderne. Mais « si le sel s'affadit, il n'est plus bon qu'à être jeté...»

PIERRE-RENE MELON, Écrivain, «Pages arrachées au journal de Satan», Éd. Salvator, Paris, 2005

Ils ont osé ! Ce 19 avril, les cardinaux de l'Eglise catholique ont franchi les bornes de la tolérance : ils ont élu un pape... catholique. Que le Dalaï-Lama soit bouddhiste ne scandalise personne; que le Grand Rabbin de Jérusalem soit fidèle aux préceptes de la Torah ne soulève nulle polémique; que des millions de musulmans revendiquent leur foi sur base d'un texte du VIIesiècle n'alimente aucune fronde; aucun mécréant n'oserait non plus traiter les prêtres orthodoxes de rétrogrades. Mais qu'un conclave de l'Eglise romaine élise un cardinal fidèle à la Tradition, voilà qui, apparemment, dépasse les bornes de l'entendement moderne.

L'Eglise catholique serait-elle la seule institution religieuse qui doive se plier aux injonctions de l'esprit du monde pour rester crédible ?

A lire la presse internationale, il semble, en effet, qu'un véritable impératif moral se soit abattu sur l'Eglise. La sollicitude des athées, des agnostiques et des baptisés «progressistes» envers l'Eglise est particulièrement émouvante en ces temps de deuil et de transition; c'est dans ces moments-là que l'on compte ses vrais amis. Il paraît donc que, pour être vendable, l'Eglise devrait soumettre la Révélation aux lois du marché - l'offre et la demande -, comme un producteur de gaz ou une usine de cosmétiques. En réponse à ces admonestations, il faut dire et répéter cette évidence : l'Eglise est la simple dépositaire d'un trésor qui ne lui appartient pas. Son rôle n'est pas de dilapider le capital divin pour plaire au monde, mais de lui faire produire des intérêts à la banque de la charité : évangéliser, baptiser, partager la Bonne Nouvelle avec ceux qui veulent bien l'accueillir... Rien de plus, mais rien de moins.

Quelle autre religion soumet-on ainsi au harcèlement doctrinal ? Aucune. N'y a-t-il pas quelque chose de douloureusement totalitaire dans cette sommation permanente à la mutation ? Le symbole animal du christianisme, c'est le poisson, pas le caméléon.

En outre, comment ne pas relever la contradiction fondamentale qui apparaît au sein même du discours «de progrès». D'un côté, on prie l'Eglise de s'adapter en permanence pour être en phase avec l'«esprit du monde», d'un autre côté, les chrétiens sont priés d'éviter tout prosélytisme et de réserver leur foi à usage interne (la fameuse «sphère privée» ). Question : à quoi bon s'adapter au monde si c'est pour s'en tenir éloigné ? Que cela plaise ou non, l'évangélisation est un impératif indépassable : «Malheur à moi si je n'évangélise pas !» écrit saint Paul dans l'une de ses lettres. Libre à chacun de hausser les épaules. Libre à chacun de croire.

Autre reproche récurrent : Ratzinger est le «gardien du dogme», comme il y a des gardiens de zoo ou de prison. C'est oublier que les dogmes ne sont ni des éléphants blancs ni des espaces carcéraux; ils sont des fenêtres entrouvertes sur l' «univers invisible» comme le proclame le Credo. L'irréligion n'a-t-elle pas aussi ses dogmes fondateurs?...

Le nouveau Pape serait aussi un «conservateur» , une sorte de gardien de musée patrouillant dans des couloirs sombres. Disons plutôt qu'il est fidèle et qu'il exerce son devoir de discerner entre le vrai et le faux, le bon et le mauvais, parce que l'erreur n'est pas le complément de la vérité mais son contraire, parce qu'on peut embrasser son frère sans embrasser ses erreurs et parce que ce qui est nouveau n'est pas forcément meilleur. Est-ce si difficile à comprendre ?

Soyons francs : un schisme interne menace. L'une des tâches majeures de Benoît XVI sera sans doute de maintenir l'unité de l'Eglise devant les velléités centrifuges de créer ici et là, face au prétendu monstre romain, de petites églises humanistes autocéphales de Houte-si-Plout ou du Brabant wallon oriental, forcément sympathiques. Or, l'unité est le gage de la crédibilité : «Que tous soient un pour que le monde croie que tu m'as envoyé» , dit Jésus. L'unité dans la vérité ou la dispersion dans le relativisme : il n'y a pas d'alternative. Le Christ n'a pas dit à ses disciples : «Vous êtes les néons des estrades» , mais: «Vous êtes la lumière du monde» ; il n'a pas dit non plus: «Vous êtes la mayonnaise des restos du coeur» , mais: «Vous êtes le sel de la terre» ; or, poursuit-il: «Si le sel s'affadit, il n'est plus bon qu'à être jeté dehors et piétiné par les hommes...»

Le grand piétinement aurait-il déjà commencé ?

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TOUT LE MONDE SERA-T-IL SAUVE?

Extraits du livre de Jean-Paul II : «  Entrez dans l’Espérance  »

La question a été posée par le journaliste Vittorio Messori à la page 117.

Saint-Père, vous n'ignorez pas que nous autres, "gens ordinaires", risquons de ne plus comprendre, dans la culture d'aujourd'hui, la véritable signification de ce qui fonde toute la perspective chrétienne de l'existence.

Je vous demande donc : pour la foi, concrètement, "sauver", cela veut dire quoi ? Qu'est-ce que ce "salut" qui est, comme vous le répétez, le cœur du christianisme ?

Réponse du Saint Père :

Sauver veut dire délivrer du mal. Il ne s'agit pas seulement des maux de nature sociale, comme l'injustice, la contrainte, l'exploitation; ni seulement des maladies, des catastrophes, des cataclysmes naturels, de tout ce qui dans l'histoire de l'humanité est considéré comme un malheur. Sauver veut dire délivrer du mal radical et irréversible. Même la mort n'est plus un mal irrémédiable puisqu'elle est suivie par la Résurrection. La Résurrection est l'œuvre du Christ. Par Lui et en Lui, la mort cesse d'être un mal sans recours : elle est vaincue par la puissance de la vie !

Le monde ne détient pas de puissance semblable. Le monde peut perfectionner ses techniques thérapeutiques en différents domaines, mais il demeure finalement impuissant à délivrer l'homme de la mort. Pour cette raison, le monde ne peut en aucune façon être conçu ou présenté comme la source du salut pour l'homme. Seul Dieu sauve. Il sauve toute l'humanité dans le Christ. Le nom même de Jésus, Jeshua (« Dieu qui sauve »), proclame notre salut. Plusieurs israélites l'avaient déjà porté, mais on peut dire que ce nom attendait le Fils d'Israël, qui devait confirmer sa vérité : « Ne suis-je pas Yahvé ? Il n'y a pas d'autre Dieu que moi. Un Dieu juste et sauveur, il n'y en a pas en dehors de moi.»

Sauver veut dire délivrer du mal absolu. Le mal n'est pas simplement le déclin progressif de l'homme au fur et à mesure que le temps s'écoule et avec l'écroulement final dans l'abîme de la mort. Car le mal plus radical encore, c'est le rejet de l'homme par Dieu, c'est-à-dire la damnation éternelle, conséquence du rejet de Dieu par l'homme.

La damnation est l'envers du salut. Mais damnation et salut sont liés au fait que l'homme est appelé à la vie éternelle. L'une et l'autre présupposent l'immortalité de l'être humain. La mort temporelle ne peut pas faire que l'homme ne soit plus destiné à la vie éternelle.

Qu'est-ce que la vie éternelle ? C'est le bonheur qui provient de l'union avec Dieu. Le Christ affirme : « La vie éternelle, c'est de te connaître, toi, le seul vrai Dieu, et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus le Christ. » L'union avec Dieu se réalise dans la vision de l'Être divin « face à face ». C'est ce que l'on appelle la vision " béatifique" , car elle comporte l'aboutissement de la quête humaine de la vérité. Grâce à ses connaissances pré-scientifiques puis scientifiques, l'homme peut parvenir à des parcelles de vérité. Seule la vision de Dieu « face à face » lui permet de jouir de toute la plénitude de la Vérité. C'est de cette façon seulement que peut être satisfait définitivement le désir de l'homme : contempler la Vérité.

Mais le salut va plus loin encore. En connaissant Dieu «face à face », l'homme rencontre la plénitude absolue du bien. L'intuition platonicienne de l'idée du bien a trouvé dans le christianisme une confirmation définitive dans le domaine strictement philosophique. Il ne s'agit pas d'une union avec l'idée du bien, mais de l'union avec le Bien Lui-même. Dieu est ce bien. Au jeune homme qui demande : « Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » le Christ répond : « Pourquoi m'appelles-tu bon ? Personne n'est bon, sinon Dieu seul.»

Puisqu'il est plénitude du Bien, Dieu est plénitude de vie. La vie est en Lui et vient de Lui. Cette vie n'a pas de limites dans l'espace et le temps. La "vie éternelle" consiste à participer à la vie de Dieu Lui-même, dans la communion du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Le dogme de la Très Sainte Trinité traduit la vérité sur la vie intime de Dieu et invite à la désirer. En Jésus-Christ, l'homme est appelé à une telle communion et y est conduit.

La vie éternelle pour l’homme, c'est très exactement cela : la mort du Christ donne la Vie parce qu'elle permet au croyant de participer à sa Résurrection. La Résurrection est la manifestation de la Vie qui triomphe de la mort et en abolit les limites. Avant sa mort et sa Résurrection le Christ a ressuscité Lazare, et l’échange qui a précédé avec la sœur de son ami mérite d'être médité. Marthe dit d'abord : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort». Le Christ répond : « Ton frère ressuscitera ». À Marthe qui réplique : « Je sais qu'il ressuscitera au dernier jour», Jésus dit : « Je suis la Résurrection et la Vie (...) Tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais

Ces paroles, prononcées peu avant le moment de la résurrection de Lazare, expriment la vérité sur la résurrection des corps opérée par le Christ. Sa Résurrection à Lui, sa victoire sur la mort, entraîne chaque être humain. Nous sommes tous appelés au salut, c'est-à-dire à la participation à la Vie qui s'est manifestée par la Résurrection du Christ.

Selon saint Matthieu, cette résurrection doit être précédée par le jugement sur les œuvres de charité, accomplies ou négligées. À la suite de ce jugement , les justes sont appelés à la vie éternelle. Mais les réprouvés sont renvoyés à la damnation éternelle, la séparation définitive avec Dieu, la rupture de la communion avec le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Ce n'est pas alors tant Dieu qui rejette l'homme, que l'homme qui rejette Dieu.

La possibilité de la damnation éternelle est affirmée dans l'Évangile sans qu'aucune ambiguïté soit permise. Mais dans quelle mesure cela s'accomplit-il réellement dans l'au-delà ? C'est finalement un grand mystère. Il n'autorise cependant pas à oublier que Dieu «veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance ».

Le bonheur dont nous sommes comblés par la connaissance de la Vérité, par la vision de Dieu face à face, la communion à sa Vie, ce bonheur répond si profondément à l'aspiration inscrite dans l'être même de l'homme que le sens du passage de la Première Épître à Timothée que je viens de citer ne peut laisser subsister aucun doute : Celui qui a créé l'homme en le dotant de cette propension fondamentale au bonheur ne peut pas agir différemment. II ne peut pas ne pas « vouloir que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ».

Le christianisme est une religion sotériologique, une religion du salut. La sotériologie chrétienne est celle de la Croix et de la Résurrection. Dieu veut que « l'homme vive ». Par la mort du Fils» II se fait proche de chaque homme, afin de lui révéler la Vie à laquelle iI l'appelle. Tout homme qui désire être sauvé, et pas seulement le chrétien, doit s'arrêter devant la Croix du Christ.

Mais cet homme-là saura-t-il accepter la vérité du Mystère pascal ? Saura-t-il croire ? C'est déjà une autre question, car le Mystère du salut est un fait désormais accompli. Par la Croix et la Résurrection de son Fils, Dieu prend dans ses bras tous les hommes de tous les temps. Il les embrasse tous dans la vie qui est manifestée par la Croix et la Résurrection et qui ne cesse d'en jaillir. Le Mystère pascal est désormais greffé à l'histoire de l'humanité comme à l'histoire particulière de tout homme. L'allégorie de la vigne et des sarments dans l'Évangile selon saint Jean nous aide à le comprendre.

La doctrine chrétienne du salut proclame que c'est la plénitude de vie qui sauve. Il ne s'agit pas seulement d'un salut rendu accessible par la découverte de la vérité dans la Révélation, mais plutôt d'un salut rendu possible par l'Amour et dans l'Amour. On pourrait dire que la sotériologie chrétienne repose avant tout sur l'Amour divin.

C'est d'abord l'Amour, en effet, qui possède cette puissance salvatrice. Selon saint Paul, dans l’Épître aux Corinthiens, cette puissance est supérieure à celle de la pure connaissance de la vérité : « Ce qui demeure aujourd'hui, c'est la foi, l'espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c'est la charité. » Le salut par l'Amour est en même temps participation à la plénitude de la vérité ainsi que de la beauté. Toute plénitude est en Dieu. Tous ces « trésors de vie et de sainteté », comme disent les litanies du Sacré Cœur de Jésus, ont été offerts à l'homme par Dieu en Jésus-Christ.

La nature sotériologique du christianisme s'exprime dans la vie sacramentelle de l'Église. Le Christ, venu «pour que les hommes aient la vie, pour qu'ils l'aient en abondance », nous ouvre les sources de cette vie. Il nous y donne accès essentiellement dans son Mystère pascal de mort et de Résurrection . À ce Mystère sont liés le baptême et l'eucharistie, ces sacrements qui déposent en l'homme les germes de la vie éternelle. Dans le Mystère pascal, le Christ a également établi la puissance régénératrice du sacrement de la réconciliation. Après la Résurrection, II dit aux apôtres : « Recevez l'Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis. »
La nature sotériologique du christianisme s'exprime encore dans le culte. Au centre de tout l'opus laudis (l'œuvre de louange) se trouve la célébration de la Résurrection et de la Vie.

Dans sa liturgie, l'Église orientale se concentre essentiellement sur la Résurrection. L' Église occidentale respecte ce primat de la Résurrection, mais s'engage souvent plus explicitement dans la célébration de la Passion. Le culte de la Croix du Christ a modelé l'histoire de la prière chrétienne. Il a inspiré les plus grands saints que l'Église a engendrés au cours des siècles. Tous, à commencer par saint Paul, ont vénéré la Croix du Christ. Parmi eux, saint François d'Assise occupe une place éminente, mais il n'y a pas que lui. Il n'est pas de sainteté chrétienne sans dévotion à la Passion, comme il n'est pas de sainteté sans que soit reconnu le primat du Mystère pascal.

L' Église orientale attache une importance particulière à la fête de la Transfiguration. Les saints orthodoxes se sont fréquemment polarisés sur ce mystère. Les saints de l'Église catholique ont souvent porté les stigmates de la Passion, par exemple saint François d'Assise. Ils ont porté en eux les signes physiques de leur identification au Christ jusque dans sa Passion. Ainsi s'est développée, pendant deux mille ans, cette grande synthèse de vie et de sainteté dont le Christ est toujours le centre.

Cependant, tout en étant orienté vers la vie éternelle, vers le bonheur qui se trouve en Dieu, le christianisme, et en particulier le christianisme occidental, n'est jamais devenu une religion indifférente au monde. Il a toujours été ouvert au monde, à ses questions, ses inquiétudes, ses attentes. On en trouve une confirmation éclatante dans la Constitution sur l'Église dans le monde de ce temps du Concile Vatican II, Gaudium et Spes, due à l'initiative personnelle de Jean XXIII . Avant de mourir, il eut encore le temps de présenter au Concile cette contribution personnelle. L’aggiornamento ne réside pas seulement dans le renouvellement de la vie de l'Église ; il ne consiste pas seulement dans la recherche de l'unité des chrétiens « pour que le monde croie » ; il est aussi, et surtout, action "pour le salut du monde". Cette action salvatrice, sans cesse adaptée à la "figure de ce monde qui passe", est orientée en permanence vers l'éternité, vers la plénitude de la vie. L' Église ne perd jamais de vue cette plénitude définitive à laquelle le Christ nous conduit. C'est en quoi la nature sotériologique de l'Église prend en compte toutes les dimensions de la vie humaine et temporelle. L' Église est le corps du Christ : corps vivant, donnant vie à toute chose.

Conditions pour parvenir au salut éternel : (pages 283 et 284 extraits)

Vous évoquiez la possibilité "d'une vie droite et honnête sans l'Évangile". Je dirai que si la vie est effectivement droite, c'est parce que l'Évangile - qu'il soit ignoré ou rejeté volontairement - agit en réalité au cœur de la personne qui cherche en conscience la vérité et est disposée à l'accepter dès qu'elle la connaîtra. En fait, une telle disponibilité révèle que la grâce est déjà à l'œuvre dans l'âme. L' Esprit souffle où il veut et comme il veut. La liberté de l'Esprit rencontre la liberté de l'homme et lui donne les fondations dont elle manquait.

Cette précision était nécessaire pour ne pas risquer une interprétation de type pélagien. Il s'agit là d'un risque qui existait déjà du temps de saint Augustin et qui semble se manifester de nouveau à notre époque. Pelage soutenait que, même sans l'aide de la grâce de Dieu, l'homme pouvait mener une vie droite et heureuse. La grâce de Dieu ne lui serait donc pas absolument indispensable. La vérité est, au contraire, que l'homme est effectivement appelé au salut et que certes une existence honnête est une condition nécessaire pour y parvenir, mais que le salut demeure radicalement inaccessible sans le secours de la grâce divine.

En définitive, seul Dieu peut sauver l'homme, pourvu que celui-ci y collabore. Le fait que l'homme puisse coopérer avec Dieu est bien ce qui constitue sa véritable grandeur. La vérité selon laquelle l'homme est appelé à œuvrer en tout avec Dieu en raison de la fin ultime de sa vie, c'est-à-dire son salut et sa divinisation, a trouvé son expression dans la tradition orientale sous le nom de "synergisme" : l'homme "crée" le monde avec Dieu, l'homme "crée" avec Dieu son propre salut. La divinisation de l'homme vient de Dieu ; mais, même en cela, il faut toujours que l'homme collabore avec Dieu.

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Conférence du card. Poupard en Roumanie :
Les racines chrétiennes de l’Europe

Conférence donnée par le cardinal Paul Poupard, président du Conseil pontifical pour la Culture, lors d’une rencontre avec les quatre facultés de théologie, romano-catholique, gréco-catholique, orthodoxe et protestante, de l’Université Babes-Bolyai, en Roumanie.

« Une Europe des peuples et des cultures : les racines chrétiennes. »

 ROUMANIE, le 20 mai 2005

1. « L’Europe des peuples et des cultures », l’Europe née de la volonté d’hommes de foi et de culture – Robert Schuman, Alcide De Gasperi et Konrad Adenauer – est l’unique modèle d’un ensemble géographique et humain qui puisse répondre aux exigences de la paix et de la liberté pour notre continent. Si l’Europe peine tant aujourd’hui à trouver sa véritable physionomie, c’est qu’elle est traversée par un ensemble de crises qui affaiblissent sa culture et l’empêchent de construire la « Maison Europe » dans la conscience des valeurs communes partagées dans la pluralité des cultures. C’est ce qu’a clairement mis en évidence le Colloque européen que j’ai eu la joie de présider avec le ministre de la culture et des cultes en Roumanie, à Bucarest, les 15 et 16 mai 2001.[1]

Mais permettez-moi tout d’abord de vous dire ma joie de me retrouver aujourd’hui en Roumanie et de vous rencontrer, chers amis, pour partager avec vous un certain nombre de convictions fondées sur l’humanisme chrétien et sans cesse alimentées aux sources de l’Évangile. Depuis deux millénaires d’histoire européenne, des hommes et des femmes de toute origine ont vu leur intelligence et leur sagesse humaine fécondées par la Révélation chrétienne qui, avec le mystère de Dieu, nous enseigne le mystère de l’homme, ce qui est bon pour lui et son semblable, et nous donne d’édifier la civilisation de l’amour pour le plus grand bonheur de tous les peuples. Cette civilisation se construit sur les quatre piliers porteurs de l’Encyclique Pacem in terris du Bienheureux pape Jean XXIII du jeudi saint 1963, il m’en souvient, j’étais alors son jeune collaborateur à la Secrétairerie d’État : la vérité, la justice, la charité et la liberté.

Ces convictions, partagées par ses successeurs, le Serviteur de Dieu Paul VI, que j’ai eu le privilège aussi de servir pendant de longues années à la Secrétairerie d’État, et notre bien-aimé Pape Jean-Paul II, ami de la Roumanie, continuent de l’être par notre cher Pape Benoît XVI, qui a voulu prendre le beau nom du Patron de l’Europe, et dont la continuité de pensée avec son prédécesseur en ce domaine est pour nous tous un grand don de Dieu. C’est ce qui apparaît dans ses nombreux écrits comme dans sa dernière conférence donnée comme Cardinal à Subiaco avant son élection au Siège de Pierre, la veille de la mort du pape Jean-Paul II, sur L’Europe et la crise des cultures.

Comme Président du Conseil Pontifical de la Culture, mais aussi comme ancien Recteur de l’Institut catholique de Paris, c’est toujours pour moi une grande joie de m’adresser à de jeunes étudiants et à de savants professeurs, et d’apporter ma contribution à ce véritable laboratoire de la pensée que vous animez en cette université par vos recherches et vos débats, dans l’amour partagé de la vérité et la quête de la Sagesse, tout particulièrement en vos quatre Facultés de théologie.

Un anniversaire.

2. Je voudrais commencer notre entretien –vous le comprendrez – en évoquant la date de ce jour : 20 mai 2005. C’est pour le Conseil Pontifical de la Culture que je préside depuis sa fondation, le 23ème anniversaire de sa création par le Pape Jean-Paul II. Pour répondre à votre regard interrogateur, je voudrais vous dire en quelques mots pourquoi l’Église s’intéresse à la culture. C’est en effet la mission du Conseil Pontifical de la Culture, définie par le Pape Jean-Paul II dans sa Lettre autographe de Fondation de cet organisme du Saint-Siège, le 20 mai 1982 :

« J'ai décidé de fonder et d'instituer un Conseil pour la culture capable de donner à toute l'Église une impulsion commune dans la rencontre sans cesse renouvelée du message de salut de l'Évangile avec la pluralité des cultures, dans la diversité des peuples auxquels il doit porter ses fruits de grâce… Ce Conseil me sera directement rattaché… comme un service nouveau et original, que la réflexion et l'expérience permettront peu à peu de structurer de façon adaptée, tant il est vrai que l'Église ne se situe pas en face des cultures de leur extérieur, mais bien au-dedans d'elles-mêmes comme un ferment, en raison du lien organique et constitutif qui les réunit étroitement.
Ce Conseil poursuivra ses finalités propres dans un esprit œcuménique et fraternel, en promouvant aussi le dialogue avec les religions non chrétiennes et avec les personnes ou les groupes qui ne se réclament d'aucune religion, dans la recherche conjointe d'une communication culturelle avec tous les hommes de bonne volonté. Il apportera régulièrement au Saint-Siège l'écho des grandes aspirations culturelles à travers le monde. »


Mais tout d’abord, une belle image récente que vous avez sans nul doute en mémoire. C’était le 24 avril dernier, après trois semaines d’intenses émotions avec la mort bouleversante de notre bien-aimé pape Jean-Paul II et l’élection de son successeur au Siège de Pierre, Benoît XVI. Nous étions sur la Place Saint-Pierre dans la joie partagée de l’inauguration du nouveau Pontificat. J’étais avec mes frères les Cardinaux, placé sur le parvis supérieur devant la Basilique Saint-Pierre, et j’avais sous les yeux les Rois et les Reines, les Chefs d’État et de Gouvernement et les représentants de l’ensemble des Eglises et des Communautés ecclésiales chrétiennes, avec une foule innombrable de fidèles, dont beaucoup de jeunes, un parterre impressionnant d’hommes et de femmes qui représentaient la plupart des Nations du vaste monde. De sa voix suave, légèrement enrouée par la fatigue de ces dures journées, le Saint-Père concluait son homélie avec les mots mêmes de son Prédécesseur Jean-Paul II au tout premier instant de son pontificat : « N’ayez pas peur ! ». Et le pape Benoît XVI explicitait : « N’ayez pas peur du Christ …Le Pape parlait aux forts, aux puissants du monde, qui avaient peur que le Christ les dépossède d’une part de leur pouvoir, s’ils l’avaient laissé entrer et s’ils avaient concédé la liberté à la foi. Oui, il les aurait certainement dépossédés de quelque chose : de la domination de la corruption, du détournement du droit, de l’arbitraire. Mais il ne les aurait nullement dépossédés de ce qui appartient à la liberté de l’homme, à sa dignité, à l’édification d’une société juste. » Le message de l’Évangile est un message pour tous les hommes et toutes les cultures, et il appartient aux pasteurs de l’Église d’en dire les exigences pour un une société renouvelée par l’accueil de ce puissant ferment évangélique.

Permettre au Christ de parler à l’homme.

3. Pour ma part, je voudrais avec vous, prêter attention à l’invitation qui accompagnait le vibrant appel de Jean-Paul II à vaincre nos peurs : « Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement. Permettez au Christ de parler à l’homme. Lui seul a les paroles de vie, oui, de vie éternelle. »[2] Permettre au Christ de parler à l’homme : c’est là le grand défi de la vie chrétienne. Nous ne pouvons nous contenter de recevoir le trésor incomparable de l’Évangile : nous l’avons reçu pour le vivre et le partager. C’est la mission de l’Église que nous avons reçue avec le baptême, la mission de transmettre la foi à nos frères, au cœur des cultures de ce monde. Aujourd’hui comme aux temps apostoliques, l’Église reçoit du Seigneur Ressuscité la mission confiée aux Apôtres d’annoncer la Bonne Nouvelle de l’Évangile afin que les hommes croient que Jésus est le Fils de Dieu et en reçoivent la vie.

Permettre au Christ de parler à l’homme ! Le message de l’Évangile est bonne nouvelle pour tous les hommes et toutes les femmes de tous les temps et toutes les cultures. En venant en ce monde, le Christ, le Verbe de Dieu, est venu parler à l’homme, lui transmettre la parole de Vie, lui donner la grâce de devenir enfant du Père. En parlant à l’homme, en s’unissant à lui, Il nous permet de répondre à Dieu dans un merveilleux échange d’amour, sous le souffle de l’Esprit d’amour du Père et du Fils.

La culture de notre temps .

4. Aujourd’hui, des pans entiers de l’Europe semblent devenus comme étrangers à cette Parole de vie. Une multitude d’hommes et de femmes sont comme emportés loin de Dieu et de l’Église par une culture de l’indifférence marquée par l’éclipse de Dieu. La Roumanie, l’Allemagne, la France, l’Espagne, l’Italie, la Pologne, la grande majorité des Nations européennes a plongé, au long des siècles, ses racines dans la foi chrétienne. L’Europe y a puisé des valeurs qu’elle a répandues dans le monde par ses philosophes et théologiens, hommes de lettres et artistes, hommes de science et hommes d’État, tout autant qu’à travers ses saints. Elle a développé une culture dont l’ouverture à l’universel, le sens de la dignité et des droits de toute personne humaine, quels que soient sa race, sa condition sociale et son âge, sont autant de phares pour les nations. Cependant, sollicités que nous sommes, harcelés parfois par la pression des besoins suscités par le vaste mouvement de la mondialisation économique et ce qu’il véhicule pour satisfaire la pulsion des désirs, la recherche des plaisirs, la poursuite de l’avoir, du savoir et du pouvoir, nous observons l’étrange endormissement d’une culture qui semble frappée d’une amnésie profonde. En effet, comment pourrions-nous ouvrir la porte de la culture si nous avons perdu la clé de lecture, et avec elle tout ce qui a contribué à humaniser la vie de notre continent ? « Que ma langue s’attache à mon palais si je perds ton souvenir, Jérusalem ! » Sans la foi chrétienne, que deviendraient les monastères, les églises, les cathédrales et tant de chefs d’œuvres du génie de la Roumanie qui vous sont chers et qu’il m’est toujours une joie de revoir quand je reviens en votre beau pays, marqué par deux millénaires de culture chrétienne, comme toute l’Europe [3].

Dieu à la recherche de l’homme.

5. L’Église est au défi des cultures. [4] Pour faire entendre la voix du Seigneur, l’Église se doit d’aller en tous les pâturages à la recherche de toutes les brebis du troupeau. Dans sa Lettre apostolique Tertio millennio adveniente, le regretté Pape Jean-Paul II développe le mystère de Dieu qui recherche l’homme : « En Jésus Christ, Dieu ne parle pas seulement à l’homme, mais il le recherche. L’Incarnation du Fils de Dieu en témoigne : Dieu recherche l’homme » [5]. Cette recherche se poursuit à travers la mission de l’Église et s’achève dans les retrouvailles de la brebis perdue (cf. Lc 15, 1-7). Vous avez sans nul doute en mémoire l’homélie de son successeur le pape Benoît XVI pour l’inauguration de son Pontificat, et le beau développement sur le pasteur qui va à la recherche de la brebis perdue. Je le cite : « La parabole de la brebis perdue que le berger cherche dans le désert était pour les Pères de l’Église une image du mystère du Christ et de l’Église. L’humanité – nous tous – est la brebis perdue qui, dans le désert, ne trouve plus son chemin. Le Fils de Dieu ne peut pas admettre cela ; il ne peut pas abandonner l’humanité à une telle condition misérable. Il se met debout, il abandonne la gloire du ciel, pour retrouver la brebis et pour la suivre, jusque sur la croix. Il la charge sur ses épaules, il porte notre humanité, il nous porte nous-mêmes. Il est le bon pasteur, qui donne sa vie pour ses brebis … L’Église dans son ensemble, et les Pasteurs en son sein, doivent, comme le Christ, se mettre en route, pour conduire les hommes hors du désert, vers le lieu de la vie, vers l’amitié avec le Fils de Dieu, vers Celui qui nous donne la vie, la vie en plénitude. » C’est la merveille de la Révélation chrétienne : « Dieu est amour », et ce même amour anime l’Église et la pousse au large des cultures : Duc in altum. L’amour de charité s’enracine dans le cœur même de Dieu, pour qui l’homme est une créature différente de toutes les autres : Dieu nous a façonnés, tel un Père, à son image et sa ressemblance, et élevés à la dignité de fils adoptifs. L’Église, aujourd’hui comme hier, va à la recherche de l’homme pour le conduire à Dieu, et cette recherche « naît au cœur même de Dieu »[6].

Les déserts de notre temps.

6. La recherche de l’homme a été rendue nécessaire parce que l’homme s’est éloigné de Dieu : « Si vous mangez du fruit de l’arbre, vous deviendrez comme des dieux ». En succombant à la tentation, les hommes n’ont cessé, depuis la faute originelle, d’édifier des tours de Babel, se persuadant qu’ils pouvaient par eux-mêmes décider du bien et du mal, et gouverner le monde en maîtres absolus sans tenir compte de la volonté divine. Mais nous le constatons avec Benoît XVI : « Tant de personnes vivent dans le désert. Et il y a de nombreuses formes de désert. Il y a le désert de la pauvreté, le désert de la faim et de la soif; il y a le désert de l’abandon, de la solitude, de l’amour détruit. Il y a le désert de l’obscurité de Dieu, du vide des âmes sans aucune conscience de leur dignité ni du chemin de l’homme. Les déserts extérieurs se multiplient dans notre monde, parce que les déserts intérieurs sont devenus très grands. C’est pourquoi, les trésors de la terre ne sont plus au service de l’édification du jardin de Dieu, dans lequel tous peuvent vivre, mais sont asservis par les puissances de l’exploitation et de la destruction . »

En allant à la recherche de l’homme, l’Église veut se mettre humblement à son service pour lui faire abandonner les chemins qui ne mènent nulle part, si ce n’est au meurtre d’Abel et des Saints-innocents. Lorsque l’Évangile va au devant des cultures, il va au devant des hommes et des femmes pour les aider à irriguer leur milieu de vie et leur permettre d’étancher leur soif d’une vie authentiquement humaine dans l’ouverture au dessein d’amour du Créateur, révélé en Jésus-Christ. C’est ce que j’exprimais dans le Document Pour une pastorale de la culture, publié par le Conseil Pontifical de la Culture en la solennité de la Pentecôte, le 23 mai 1999 : « La foi a le pouvoir de rejoindre le cœur de toute culture, pour le purifier, le féconder, l’enrichir et lui donner de se déployer à la mesure sans mesure de l’amour du Christ »[7].

Le livre de la Genèse nous révèle la nostalgie de la civilisation de l’amour inscrite dans le cœur de tout homme depuis la chute originelle au jardin d’Eden. L’Incarnation du Verbe de Dieu dans le sein de la Vierge Marie, et la puissance de sa Résurrection au matin de Pâques opèrent le mystère admirable de la Rédemption de chacune et de chacun d’entre nous, en nous donnant, avec l’aide de la grâce, de nous purifier du poids du péché qui alourdit nos âmes et nous empêche de construire avec nos frères, un monde de beauté où règnent entre les hommes et les peuples, la justice, la paix et l’amour.

Qu’est-ce que la culture ?

7. J’en reviens au Conseil Pontifical de la Culture. Pourquoi ce Conseil ? De quoi s’agit-il lorsque l’Église parle de culture ? Sans entrer dans les définitions de ce terme – elles sont légion –, il me paraît utile, pour notre propos, de clarifier sa double signification, que l’usage courant ne distingue guère, car elles ne sont pas séparables en vérité.

– Parler de culture, c’est, en un premier sens, parler de connaissances, et même de connaissances parvenues à un certain degré de qualité, qu’il s’agisse de sciences appliquées, des arts, ou de connaissances spéculatives. Nous le disons de vous par excellence, professeurs et étudiants des Facultés de théologie : vous êtes des hommes, vous êtes des femmes cultivés.

– Nous parlons aussi de culture pour caractériser un certain mode de vivre, de penser, de travailler, d’organiser la vie sociale. Ainsi parlons-nous de culture africaine, anglo-saxonne, slave, méditerranéenne, française, roumaine. Bien entendu, l’homme d’une culture donnée peut être aussi un homme cultivé. Mais les deux points de vue sont différents. Ce qui les réunit, et qui assure leur unité, c’est l’homme, et plus précisément, ce qui fait qu’un homme est plus pleinement homme dans sa manière d’être homme. C’est à ce niveau, celui du sens profond de la vie, de sa recherche du bonheur, de son besoin de justice, de sa soif de paix, de sa quête de vérité, de sa faim de beauté, de son souci de solidarité, que le message de l’Église rencontre les aspirations profondes incarnées dans les cultures.

Nous sommes emportés, si nous n’y prenons garde, dans un tourbillon de sollicitations qui sont autant de formes des trois concupiscences que dénonce l’évangéliste saint Jean dans sa première Épître. Nous ressentons en même temps comme un appel à quelque chose de plus profond. Notre culture millénaire, les romans et les pièces de théâtre, la musique et la peinture, les arts et la littérature aussi bien que la philosophie et la théologie, sont autant d’essais d’interprétation de la condition humaine. Les grands hommes de culture thématisent, théorisent, ou tout simplement montrent, pour le dire avec Pascal, la grandeur et la misère de l’homme, ses aspirations et ses limitations, ses contradictions et ses frustrations, ses projets et ses rêves ; pour le dire avec le Concile Vatican II : Gaudium et spes, luxus et angor, le joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps.

Foi et cultures. [8]

8. Après le temps des humanités, depuis la Renaissance, et surtout au cours des deux derniers siècles, la culture occidentale a connu un développement fantastique, surtout dans le domaine des sciences de la nature et de la technique. Il en est résulté un degré d’humanisation dont ne pouvaient pas même rêver nos ancêtres d’avant le XVIIIème siècle : la santé des hommes s’est améliorée, la mortalité enfantine et juvénile a régressé, la longévité de la vie et sa qualité ont augmenté, les connaissances se sont multipliées, et l’accès des multitudes au musée imaginaire de la sculpture mondiale, comme à la musique, aux spectacles, au livre et aux imprimés sont de très grands acquis de notre temps. Ces acquisitions furent telles qu’elles donnèrent naissance à l’illusion d’un progrès indéfini. « Ouvrir une école, c’est fermer une prison », disait Victor Hugo. Nous savons aujourd’hui, hélas, que ce n’est plus vrai. Les cerveaux qui ont armé les Brigades rouges en Italie, enseignaient la sociologie à l’Université. Les réseaux terroristes islamistes ne recrutent pas des jeunes laissés-pour-compte de nos banlieues, mais des étudiants en médecine et en droit, et des hommes versés dans les différents domaines de la technologie.

Au long des siècles, la foi au Christ et la vie spirituelle des chrétiens ont profondément marqué les différentes expressions de la culture. Parce que le Christ s’est adressé à l’homme, à tout homme et à tout l’homme, l’Église veut continuer à emprunter cette route de l’homme [9], route qui traverse les différents domaines de la vie. Nous nous trouvons aujourd’hui, un peu partout dans le monde, confrontés à des mutations telles que les cultures traditionnellement chrétiennes ou imprégnées de traditions religieuses millénaires – c’est le cas en Afrique et en Asie – se trouvent ébranlées. Le développement de l’économie au niveau mondial tend à uniformiser les comportements, et la recherche du profit pour lui-même en vient à déshumaniser le vaste monde du travail et des échanges entre les hommes, sans parler des conséquences désastreuses sur les familles.

9. Nous assistons à une sorte de vaste ébranlement d’un monde qui perd ses fondements . Après avoir proclamé la mort de Dieu, il assiste comme frappé d’impuissance à l’agonie de l’homme précaire, errant dans les déserts qu’il a créés. Dès lors, il s’agit, en greffant la foi sur les cultures, de redonner vie à un monde déchristianisé et de rendre aux valeurs qui guident encore la société, leur sève évangélique, « l’eau vive » de Jésus à la Samaritaine, pour un jaillissement en vie éternelle. Le vaste monde que ma responsabilité du dialogue de l’Église avec les Cultures – c’est précisément la mission du Conseil Pontifical de la Culture au sein de la Curie Romaine – me fait sans cesse parcourir, de Rio de Janeiro au Brésil à Soweto en Afrique du Sud, d’Oxford en Angleterre à Sarajevo en Bosnie-Herzégovine, de Goa en Inde à Moscou en Russie et Minsk en Biélorussie, présente en tous lieux de nouvelles situations culturelles qui sont autant de défis pour l’Église, en même temps qu’elles ouvrent des champs nouveaux d’évangélisation où la voix du Christ demande à pouvoir être entendue.

Dans sa Lettre Encyclique Redemptoris missio, Jean-Paul II décrit notre époque comme « tout à la fois dramatique et fascinante » [10]. Dramatique, car des masses entières d’hommes et de femmes sont entrées dans l’éclipse de Dieu, tandis que de tristes individus organisés dans la terreur aveugle sont capables des actes les plus abominables qu’ils prétendent accomplir – suprême blasphème ! – au nom de Dieu. Je pense aussi avec une immense tristesse à ces multitudes d’enfants victimes de la folie des hommes : l’utilisation sans vergogne à des fins idéologiques d’enfants-soldats sacrifiés sur les premières lignes des combats, l’exploitation d’une main d’œuvre facilement manipulable pour engranger le maximum de profits, et tant d’autres maux qui s’abattent sur ces faibles innocents – de la prostitution à la pédophilie – qui sont nos frères en humanité, à qui l’avenir devrait appartenir, mais qui sont le jouet des désirs les plus vils et des trafics les plus honteux.

10. Il ne faudrait cependant pas se focaliser sur les dimensions peccamineuses et mortifères de la culture à l’aube du millénaire, sous peine de laisser croire que la foi chrétienne n’offrirait d’espace qu’à la seule lamentation : nous sommes, nous chrétiens, porteurs d’espérance. Jean-Paul II nous le disait : notre époque est fascinante. En effet, les immenses avancées de la culture scientifique, la réduction des distances entre les hommes par un développement sans précédent des moyens et des techniques de communication, l’attention croissante apportée aux problèmes sociaux et collectifs – même en des régions totalement étrangères qui deviennent, par un effet inverse, de moins en moins étranges –, sont autant de domaines de la vie des hommes qu’il nous revient d’investir pour y annoncer la beauté du mystère de la vie, la grandeur d’une existence fondée sur la justice et l’amour de l’autre, et la noblesse d’une culture ouverte sur l’universel, qui ne craint pas de s’enrichir au contact des peuples, tout en préservant son patrimoine d’humanité patiemment engrangé au long des siècles et des millénaires.

Le défi du dialogue interculturel.

11. À l’heure de l’Europe comme à celle de la mondialisation, l’un des grands défis qui se posent à nos hommes politiques et aux citoyens qui les choisissent, est celui des identités culturelles. Il se pose pour vous en Roumanie comme dans mon pays d’origine, la France, avec les Corses, les Basques, ou les Bretons. Il se pose encore devant l’accroissement de l’immigration et les risques supposés ou réels de déstabilisation des cultures traditionnelles. Il prend des formes dramatiques en certaines régions du monde, nous l’avons vu au Rwanda et au Soudan, en Afrique, dans l’ancienne Yougoslavie, au cœur de l’Europe, et en différentes régions du vaste continent asiatique, en Indonésie et en Inde. Il apparaît dans sa dimension mondiale depuis qu’un après-midi du 11 septembre 2001, les hommes et les femmes de la planète ont été soudainement réveillés de leur torpeur en découvrant dans la stupeur la capacité de nuisance jusque-là insoupçonnée de réseaux terroristes souterrains prêts à accomplir des actes barbares d’une violence extrême. La recherche d’actions destructrices spectaculaires dont la puissance des images sera relayée par les télévisions du monde entier et par le réseau mondial Internet, est la face visible d’une stratégie diabolique de la terreur, qui n’a d’autre but que de plonger les hommes dans la peur et de les détourner ainsi de leur vocation à vivre en frères, dans le respect des particularités de chacun et le désir de s’enrichir de la culture des autres.

C’est dire le défi du dialogue interculturel pour l’Église qui – je le soulignais dans une récente intervention au Siège de l’UNESCO à Paris – a la mission singulière de réunir en son sein des hommes de toutes les nations. « L’originalité d’une culture, bien loin de s’identifier à sa fermeture sur elle-même, implique son ouverture à l’universel. Le pluralisme culturel dans l’Église n’est pas la juxtaposition de mondes antagonistes, mais la complémentarité de richesses multiformes. » [11] De fait, c’est parce que les cultures sont porteuses d’humanité et, par là, sont ouvertes à l’universel que le dialogue est non seulement possible entre elles, mais demande à être promu pour un mutuel enrichissement entre les peuples. Combien d’exemples, notamment dans le domaine de l’art, en sont le témoignage : tel ce directeur d’Orchestre Coréen, Myung-Whun Chung, un asiatique qui excelle dans l’interprétation des plus grands compositeurs de la musique classique allemande, italienne ou française. C’est bien que la culture d’un peuple possède en elle-même, dès lors qu’elle est authentique, quelque chose d’universel dans sa singularité.

L’homme se grandit à vouloir découvrir chez son semblable une autre manière de voir, de sentir, d’appréhender le monde, son prochain et Dieu lui-même. C’est du moins ma conviction profonde, celle qui oriente ma vie au service du Saint-Siège depuis déjà un quart de siècle, lorsque le 27 juin 1980 le Saint-Père me demandait de quitter l’Institut Catholique de Paris dont j’étais Recteur, pour devenir Président du Secrétariat pour les Non-croyants. Je devenais, deux ans plus tard, le premier Président du Conseil Pontifical de la Culture, et je le suis encore pour ma plus grande joie. Ce n’est pas trahir un secret des rencontres entre Cardinaux que de vous dire que le thème de la rencontre de la foi et des cultures est central dans nos échanges. Car, de fait, c’est l’un des thèmes développés par le Concile Vatican II réuni par le Bienheureux pape Jean XXIII pour un aggiornamento de l’Église et un nouvel élan dans l’œuvre de l’évangélisation au cœur des cultures où vivent les hommes de notre temps. Et c’est pourquoi l’Église du Concile s’est présentée en son mystère d’amour pour « illuminer tous les hommes de la lumière du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église » (Lumen gentium, 3) et manifester « son étroite solidarité avec l’ensemble de la famille humaine » (Gaudium et spes, 1).

L’Europe des peuples et des cultures.

12. Que recouvre l’idée de l’Europe ? Si la question se pose, c’est qu’elle ne trouve pas de réponse convaincante par sa délimitation dans un espace géographique. Il s’agit en réalité d’un concept « culturel », riche de deux millénaires d’histoire, né d'un processus qui s’origine fondamentalement dans l’annonce de la foi chrétienne. Certes, l’Europe est actuellement un ensemble de nations laïques, mais toutes ont un fondement chrétien même si elles semblent – ou du moins leurs dirigeants – aujourd’hui l’oublier, voire le nier, au moins le passer sous silence – aphasie, amnésie, ce qui est du reste un phénomène très récent.

Tout au long de deux millénaires, la foi chrétienne s’est transmise sur tout le territoire européen et a tissé un vaste filet d’églises et monastères, d’universités et bibliothèques, d’établissements scolaires et d’institutions de santé. Elle a pénétré les cultures, modelant les hommes et les Nations. Elle a agi dans les activités humaines comme un levain dans la pâte. Elle a progressivement fécondé les multiples cultures et l’immense diversité des peuples, et a constitué comme un ciment, un socle d’unité, en invitant les hommes à communier à des valeurs communes provenant de l’Évangile. En réalité, même dans la période où l’Europe est apparue comme une grande entité indiscutable, elle s’est toujours distinguée par la richesse et la diversité de ses peuples et de ses nations. Elle possédait pour cela un élément unificateur, la foi chrétienne, demeurée indivise pendant plus de sept siècles. [12]

La blessure des grandes guerres et du communisme léniniste.

13. Cet héritage est entre nos mains. Tout en regardant le passé bimillénaire de l’Europe, nous ne pouvons oublier notre histoire plus récente, et le traumatisme de la seconde guerre mondiale. Cette tragédie a marqué une rupture, ou tout du moins une blessure profonde dans la conscience européenne. Parmi les conséquences, la création de deux blocs antagonistes n’a pas été sans répercussions sur l’avenir de l’Europe : après les horreurs de la guerre, puis celles des goulags, l’Europe arbitrairement divisée en deux a connu deux évolutions radicalement différentes, sinon opposées, du moins en apparence. C’était le diagnostic sévère du Pape Jean-Paul II s’adressant au VIè Symposium des Évêques d’Europe, le 11 octobre 1985 : « À l’Ouest, la personne a été sacrifiée au bien-être, à l’Est elle a été sacrifiée à la structure. Mais ces positions se révèlent dépourvues de perspective convaincante de civilisation… Aujourd’hui, on vit et on lutte surtout pour le pouvoir et le bien-être, non pour des idéaux. »[13]

Nous le savons, ce n’est pas le phénomène de la mondialisation et ses relents d’impérialisme économique – sinon plus –, qui guériront une Europe trop souvent inconsciente des blessures qui la saignent et l’affaiblissent. Les nationalismes comme l’individualisme, le marxisme-léninisme communisme athée comme le libéralisme agnostique sont négateurs de la dignité de la personne humaine, et ils emprisonnent les âmes dans des idéologies aux horizons intra-mondains et réducteurs.

Pour créer une Europe de la liberté, il nous faut libérer l’homme de l’illusion d’un futur meilleur qui naîtrait comme par enchantement des progrès des sciences et de la médecine, et d’une économie de marché qui rendrait toujours plus riche en dehors de toute référence religieuse et éthique. Cette utopie qui endort les consciences, entraîne les hommes sur des chemins qui ne mènent nulle part, sinon à la désillusion tragique et aux violences qu’elle entraîne [14].

Libérer l’homme.

14. Mais comment libérer l’homme ? Pour Robert Schuman, l’Europe doit retrouver son âme, c’est à dire le principe qui la fait vivre et lui donne d’être elle-même, avec sa propre identité et la mission qui est la sienne à l’aube du troisième millénaire. Le rationalisme qui prétend libérer l’homme de l’obscurantisme, suscite en réalité ses propres mythes pour sa survie. Le temps n’est plus aux grandes idéologies qui, de Feuerbach à Sartre, ont sécrété un athéisme virulent contre l’Église. Elles ont laissé place, nous le constatons, à une sorte de « mythisation des valeurs » sur lesquelles les politiciens entendent fonder la société de demain. C’est l’analyse pénétrante du Cardinal Ratzinger, dans une intervention sur « Politique et morale » insérée dans son ouvrage Un tournant pour l’Europe. Diagnostics et pronostics sur la situation de l’Église et du monde. Le futur pape Benoît XVI constate la chute des grandes idéologies, mais observe que les mythes politiques n’ont pas disparu : ils se cachent derrière ce qu’il appelle « une mythisation des valeurs ». Il entend par là dénoncer l’usage unilatéral de valeurs qui sont en elles-mêmes authentiques, mais que l’on voudrait imposer à la conscience commune comme des absolus, postulats et normes indiscutables du vivre ensemble. Ces trois valeurs « continuellement, mythiquement unilatéralisées » sont le progrès, la science et la liberté. Et les deux péchés de l’Europe à l’époque moderne sont le rationalisme et le totalitarisme de la raison technique et la destruction de la conscience morale .[15]

Certes, l’Église n’est pas contre le progrès, la science ni la liberté : elle n’a cessé, depuis deux millénaires, de favoriser à travers universités, hôpitaux et institutions sociales, le déploiement des connaissances, la démocratisation du savoir et l’approfondissement des sciences, le progrès de la justice et l’accroissement de la solidarité, le développement des peuples et la défense de la dignité de la personne humaine. Pour l’Église, il n’est de progrès, de liberté et de science que pour le bien de l’homme. Pour l’Église, en démocratie politique, service du bien commun, la seule norme indiscutable est la personne humaine : Dieu l’a voulue pour elle-même à son image et à sa ressemblance, et lui a conféré une dignité incomparable et intangible en s’unissant à elle par son Incarnation en Jésus Christ, le Fils éternel du Père qui a pris chair dans le sein de la Vierge Marie au matin de l’Annonciation, à Nazareth. Libérer l’homme, c’est le rétablir dans sa dignité d’homme, et lui donner de pouvoir se situer dans sa propre vocation : c’est le libérer des sortilèges de la modernité qui en fait la victime du progrès économique à tout crin, de scientifiques agissant sans normes éthiques, de marchands d’illusions à la recherche du profit à tout prix qui l’enserrent dans les filets de l’hédonisme, les liens de la drogue, l’esclavage des sens,. Ce n’est pas de la religion que l’homme doit se libérer, mais du mythe d’une société sans référence à Dieu, qui serait l’idéal d’une humanité sans âme et sans propre identité. Libérer l’homme, c’est le soustraire au positivisme érigé en philosophie d’État, c’est lui donner de construire une société d’amour, de justice et de paix, une Europe où une laïcité réelle, au rebours du laïcisme, permette la reconnaissance du pluralisme religieux et respecte la pleine existence publique des religions et leur réelle participation aux débats de sociétés, à leurs enjeux, et à leur solution humaine.

Une Europe des peuples et des cultures .

15. Chers amis, vous le savez : l’Europe est un continent culturel avant d’être géographique. Sa culture, forgée au long des siècles et alimentée aux sources de l’Évangile, lui a donné une identité commune. En réaffirmant les racines chrétiennes de l’Europe, le Pape Jean-Paul II et, à sa suite, Benoît XVI ne se réfèrent pas à un passé révolu. C’est ma conviction : l’histoire est la mémoire du futur. Tandis que nous venons de fêter le 60ème anniversaire de la Libération du totalitarisme nazi, n’oublions pas que la renaissance de l’Europe, après ces sombres heures de l’histoire qui ont vu les pires atrocités, a été rendue possible grâce à des hommes politiques, Schuman[16], Adenauer, De Gasperi, les Pères de l’Europe qui, loin de cacher leur foi au Christ, y puisaient leur inspiration et y trouvaient le ressort de leur audace créatrice, dans la conviction que les pires ennemis peuvent devenir frères, que l’amour est plus fort que la haine, que la paix peut et doit avoir le dernier mot sur toutes les déchirures les plus saignantes et les oppositions séculaires. C’est le message que le pape Benoît XVI a voulu adresser, en se référant à son prédécesseur et à son expérience personnelle, aux représentants des pays du monde entier, dans l’audience qu’il a donnée au Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, le 12 mai dernier. Les Pères de l’Europe, ces trois chrétiens ont eu le courage de s’opposer aux totalitarismes du nazisme et du communisme-léninisme, idéologies athées, en réalité, par dessus tout, antichrétiennes. Ces pères fondateurs de l’Europe appellent aujourd’hui, à l’aube du nouveau millénaire, d’autres chrétiens à poursuivre leur œuvre pour donner une âme à l’Europe et permettre à ses racines chrétiennes de sécréter la sève d’un humanisme universel pour le bien de peuples réunis dans la liberté, la fraternité et l’égale dignité des enfants de Dieu.

C’est pour moi un privilège de partager ces convictions avec les professeurs de quatre Facultés de théologie de l’Université BABES-BOLYAI, romano-catholique, greco-catholique, orthodoxe et protestante. Vous êtes tous des disciples de Jésus-Christ, réunis dans la même foi au Seigneur. « En réalité, le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné. Nouvel Adam, le Christ, dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation »[17]

À tous, je souhaite de belles et fécondes années universitaires qui vous donnent de nourrir et d’approfondir cette conviction de foi pour la partager par toute votre vie et construire sur ces racines chrétiennes l’Europe des peuples et des cultures de demain.

[1] Pontificium Consilium de Cultura et Konrad Adenauer-Stiftung, L’Europe. Vers l’union politique et économique dans la pluralité des cultures, Cité du Vatican, 2001.
[2]. JEAN-PAUL II, HOMELIE du 22 octobre 1978, in Documentation Catholique, n° 1751, 1978, p. 915-916.
[3] Cardinal Paul Poupard et Bernard Ardura, Abbayes et monastères aux racines de l’Europe, Cerf Histoire, 2004.

[4] P. Poupard, L’Église au défi des cultures. Inculturation et évangélisation , Desclée 1989.

[5] Jean-Paul II, Lettre apostolique Tertio millennio adveniente , n. 7.

[6] Cf. Ibid.

[7] Conseil Pontifical de la Culture, Pour une pastorale de la culture , 23 mai 1999, n. 3.

[8] Cardinal Paul Poupard, Foi et cultures au tournant du nouveau millénaire , CLD 2001.

[9] Cf. Jean-Paul II, Encyclique Redemptor hominis , 4 mars 1979, n. 14 : « Cet homme est la route de l’Église, route qui se déploie, d’une certaine façon, à la base de toutes les routes que l’Église doit emprunter, parce que l’homme, tout homme sans aucune exception a été racheté par le Christ, parce que le Christ s’est en quelque sorte uni à l’homme, à chaque homme sans aucune exception, même si ce dernier n’en est pas conscient : Le Christ, mort et ressuscité pour tous, offre à l’homme , à tout homme et à tous les hommes … lumière et forces pour lui permettre de répondre à sa très haute vocation . ».

[10] JEAN-PAUL II, Lettre Encyclique Redemptoris missio , n. 38.

[11]. Cf. les Actes du Colloque International Un nouvel humanisme pour le troisième millénaire , organisé conjointement par le Conseil Pontifical de la Culture et le Centre Catholique International pour l’UNESCO, 3 et 4 mai 1999, Paris, p. 16.

[12] Cf. le Colloque réuni par le Conseil Pontifical de la Culture à Klingenthal du 27 au 30 mai 1993 : Christianisme et identité nationale. Une certaine idée de l’Europe . Paris, Beauchesne, Coll. Politiques et Chrétiens, 1994.

[13] In Documentation Catholique , n° 1906, 17 novembre 1985, p. 1085.

[14] Cf. Paul Poupard, Nouvelle Europe. Reconquête de la liberté et défi du libéralisme , Mame 1993.

[15] Cardinal Joseph Ratzinger, Un tournant pour l’Europe : diagnostics et pronostics sur la situation de l’Église et du monde , Flammarion, Saint Augustin 1996.

[16] Cf. Cardinal Paul Poupard, La sainteté au défi de l’histoire. Portrait de six témoins pour le IIIème millénaire , Conférences de Carême de Notre-Dame de Paris, Ch. I, « Robert Schuman, 1886-1963, Une âme pour l’Europe », Presses de la Renaissance 2003, p. 11-50.

[17] Concile Vatican II, Gaudium et spes , n° 22.

 
 

L’intention missionnaire du pape pour le mois de juin est centrée sur l’Eucharistie
Commentaire du cardinal Toppo

ROME, Mardi 31 mai 2005 - « Pour que le Sacrement de l’Eucharistie soit toujours plus ressenti comme le cœur battant de la vie de l’Eglise » :

L’intention missionnaire du pape pour le mois de juin est centrée sur l’Eucharistie, souligne l’agence vaticane Fides qui publie ce commentaire du cardinal Toppo, archevêque de Ranchi en Inde.

« Personne ne peut ignorer que l’Eucharistie a occupé l’attention de l’Eglise de manière très évidente depuis que le Concile Vatican II a promulgué sa première Constitution « Sacrosanctum Concilium » sur la Liturgie, le 4 décembre 1963. L’enseignement conciliaire est entièrement centré et focalisé sur le Très Saint Mystère de l’Eucharistie.

« En 1964, le Pape Paul VI s’est rendu en Inde pour participer au Congrès Eucharistique International de Bombay. Le 3 septembre 1965, il a publié son encyclique sur l’Eucharistie intitulée « Mysterium Fidei » Depuis le début de son Pontificat, le Pape Jean Paul II, à l’occasion du jeudi Saint a toujours envoyé une Lettre annuelle aux prêtres qui, dans la Célébration Eucharistique agissent « in persona Christi ». Le 24 février 1980, il écrit sa Lettre Apostolique « Dominicae Cenae » dans laquelle « il présenta des aspects du Mystère Eucharistique, et son importance pour la vie de tous ceux qui sont ses ministres ». En 1998, il écrivit une autre Lettre Apostolique, « Dies Domini », pour souligner l’importance fondamentale du Jour du Seigneur pour la vie de l’Eglise et pour chaque croyant. Ces concepts ont été une fois encore mis en évidence dans une autre Lettre Apostolique « Novo Millenio Ineunte » de 2001.

« En 2003, cela a été ensuite le moment de l’Encyclique « Ecclesia de Eucharistia ». Le 4 décembre 2003, 40e anniversaire de « Sacrosanctum Concilium », la Lettre Apostolique « Spiritus et Sponsa » a appelé l’Eglise à développer une « Spiritualité liturgique ». Elle fut suivie ensuite, le 25 mars 2004 par l’Instruction « Redemptionis Sacramentum ». Par la suite, le Saint-Père écrivit la Lettre Apostolique « Mane Nobiscum Domine » pour une année spéciale consacrée à l’Eucharistie, qui a commencé avec le Congrès Eucharistique International le 17 octobre 2004 à Guadalajara au Mexique, et qui se terminera le 29 octobre 2005 avec la clôture de la XI° Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Evêques sur le thème « L’Eucharistie, source et sommet de la vie et de la Mission de l’Eglise ». On a publié aussi à cette occasion des concessions particulières pour gagner l’Indulgence Plénière.

« Tout cela nous invite certainement à nous unir au Saint-Père dans une fervente prière pendant le mois de juin, afin que le Sacrement de l’Eucharistie soit toujours plus perçu et reconnu comme le battement du cœur de la vie de l’Eglise.
Tous les fidèles doivent devenir toujours plus conscients que le mystère de la mort et de la résurrection de Jésus, qui nous sauve en donnant la vie, soit rendu présent de nos jours de manière ininterrompue dans le monde entier, en nous donnant l’occasion de nous unir à Lui. C’est là l’unique mystère qui peut renforcer et enrichir chaque individu, chaque famille, chaque communauté et chaque peuple, pour parvenir à la plénitude de vie. Naturellement, cela requiert une participation active à la célébration eucharistique et dans l’accueil de l’Esprit Saint. Nous avons besoin que le feu de l’amour brûle au-dedans de nous, parce que si cela ne se produit pas, il s’éteint.

« Nous sommes conscients de la présence vivante et vivifiante du battement ininterrompu du Cœur de Jésus, la source de notre salut. Combien il a trouvé de manière merveilleuse le moyen d’être avec nous pour toujours ! Il est vraiment l’Emmanuel, « Dieu avec nous » ! Adorons-Le. Contemplons-Le et méditons sur tout ce qui est écrit le concernant dans les Ecritures. Centrée sur le battement sacré du Cœur de Jésus, Voie, Vérité et Vie, la communauté ecclésiale deviendra certainement réelle, comme le sel de la terre, le levain dans la pâte et la lumière du monde ».


+Cardinal Telesphore Toppo


 

EUCHARISTIE, SACERDOCE ET COMMUNION ECCLESIALE

Thème pour la Journée mondiale de prière pour la sanctification des prêtres - 3 juin 2005 -
Solennité du Sacré-Cœur de Jésus

1. L’héritage de Jean-Paul II et l’exhortation de Benoît XVI

Les événements d’Eglise que nous avons vécus pendant ce mois d’avril de l’année eucharistique sont une grâce unique dans notre vie chrétienne et sacerdotale. Le Pape Jean-Paul II nous a laissé un héritage sacerdotal lumineux dans sa dernière lettre du Jeudi Saint (14 mars 2005), comme une synthèse de ses documents précédents sur le sacerdoce. Dans le sillon tracé par son regretté prédécesseur, le Pape Benoît XVI nous appelle à vivre cette année eucharistique en redécouvrant l'amitié du Christ et en faisant d’elle la clé de notre existence sacerdotale (cf. Allocution aux curés de Rome , 13 mai 2005)

Dans les exhortations de Jean-Paul II et de Benoît XVI résonne l’invitation cordiale du Christ lui-même : "  Demeurez en mon amour ... vous êtes mes amis  " (Jn 15, 9.14). C’est une invitation à vivre en lui, dans une dimension relationnelle avec celui qui est le Verbe de vie, en syntonie avec ses sentiments, en coeur à coeur, comme le disait Saint Paul: "  Ayez les mêmes sentiments que le Christ  " (Ph 2, 5).

Notre "existence" sacerdotale est appelée à être une existence d’action de grâces, donnée, sauvée pour sauver, qui fasse mémoire, consacrée, tendue vers le Christ, et eucharistique à l’école de Marie (cf. Jean-Paul II, Lettre du Jeudi Saint 2005). Nous accédons à notre vie de relation profonde au Christ en faisant une expérience de foi vécue : " Se tenir devant Jésus Eucharistie, mettre à profit, en un sens, nos "solitudes" pour les remplir de cette Présence, signifie donner à notre consécration toute la chaleur de l'intimité avec le Christ, d’où découle la joie et le sens de notre vie " ( Lettre du Jeudi Saint 2005 n. 6).

La clef d’une vie sacerdotale authentique c’est l'amour passionné pour le Christ qui conduit à l'annoncer passionnément: " Son secret se trouve dans "la passion" qu'il vit pour le Christ. Saint Paul disait: " Pour moi, vivre c’est le Christ " (Ph 1, 21) " ( Lettre du Jeudi Saint 2005 n. 7).

Le prêtre retrouve et vit profondément son identité quand il se décide à ne rien faire passer avant l'amour du Christ et à faire de lui le centre de sa propre vie. Nous sommes continuellement appelés à " revenir à la racine de notre sacerdoce. Cette racine, comme nous le savons bien, est unique: Jésus-Christ Seigneur " (Benoît XVI, Allocution aux curés de Rome , 13 mai 2005).

Cette expérience de relation avec le Christ équivaut à rentrer dans son amitié, au point de ne plus pouvoir se passer de lui, de ne jamais se sentir seuls, de ne pas douter de son amour. " Le Seigneur nous appelle amis, il fait de nous ses amis, il se confie à nous, il nous confie son corps dans l'Eucharistie, il nous confie son Église. Alors nous devons vraiment être ses amis, avoir avec lui une seule perception des choses, vouloir ce qu’il veut et ne pas vouloir ce qu’il ne veut pas. Jésus le dit lui-même:  "Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande"  (Jn 15, 14) " (Benoît XVI, ibidem ).

2. Eucharistie et Sacerdoce

Jean-Paul II dans l'encyclique Ecclesia de Eucharistia et dans la Lettre apostolique Mane nobiscum Domine nous a tracé quelques lignes de "spiritualité eucharistique" valables pour toutes les vocations. Après avoir relu ces textes, nous nous sentons profondément touchés au coeur, spécialement si nous avons fait cette expérience devant le Tabernacle. Le Christ continue à parler aujourd'hui, de cœur à coeur.

Les paroles de la consécration eucharistique nous modèlent et nous transforment, elles sont une "formule de vie"; par elles, nous sommes "entraînés dans ce mouvement spirituel" de transformation dans le Christ (Jean-Paul II, Lettre du Jeudi Saint, nn. 1 et 3).

Notre spiritualité chrétienne et sacerdotale est relationnelle - il s’agit d'une amitié - elle est oblative en union avec la charité du Bon Pasteur, elle est transformante parce qu'elle fait de nous un signe clair de Jésus lui-même, elle est mariale parce qu’apprise à l'école de Marie, elle est de communion ecclésiale, elle est ministérielle, c’est-à-dire de "service", elle est missionnaire... Elle est toujours empreinte d’une attitude de gratitude "eucharistique", de la part de celui qui se sait aimé par le Seigneur, et qui par conséquent veut l'aimer tout à fait et le faire aimer de tous . En ce sens, toute notre vie est centrée sur l'Eucharistie, comme mystère pascal que l’on annonce, que l’on célèbre, qui est vécu et communiqué aux autres. C'est pourquoi, " si l'Eucharistie est le centre et le sommet de la vie de l'Église, elle l'est aussi du ministère sacerdotal " ( Ecclesia de Eucharistia n. 31).

La conséquence de cette vie relationnelle, pour nous comme pour tous les fidèles de l’Eglise, est que nous sommes appelés à être "   des âmes amoureuses de Lui , capables de rester longuement à écouter sa voix et presque à entendre les battements de son cœur  " ( Mane nobiscum Domine n. 18). Quand nous entrons dans les sentiments du Christ, en son Coeur même, spécialement dans la célébration eucharistique, nous expérimentons l'appel à continuer cette relation intime au long du jour, sans pouvoir se passer de " dialoguer longuement avec Jésus Eucharistie " ( Mane nobiscum Domine n. 30). Si nous ne faisons pas l’expérience de l'intimité avec le Christ, l’"identité" et l’"existence" sacerdotale s’estompent, et alors nous ne trouvons plus le sens de notre vie: " Jésus dans le Tabernacle vous attend à son côté, pour remplir vos coeurs de l’expérience intime de son amitié, qui seule peut donner sens et plénitude à votre vie " ( ibidem ).

Après avoir parlé aux prêtres, le 13 mai, le Pape Benoît XVI nous invitait instamment à considérer cette intimité avec le Christ comme "une priorité pastorale" : " Le temps à passer en présence de Dieu est une vraie priorité pastorale, la plus importante au bout du compte " (Benoît XVI, Allocution du 13 mai 2005).

Notre relation avec l'Eucharistie fonde notre relation avec l'Église, le Corps ecclésial du Christ. De là prend sa force notre charité pastorale, qui constitue notre attitude principale et notre service principal, c'est-à-dire l’"office d'aimer" : " Le sacerdoce ministériel a une relation constitutive avec le Corps du Christ, dans sa double dimension inséparable d'Eucharistie et d'Église, de Corps eucharistique et de Corps ecclésial. C'est pourquoi notre ministère est " amoris Officium " (Saint Augustin, In Iohannis Evangelium Tractatus , 123,5), c'est l’office du Bon Pasteur, qui offre sa vie pour ses brebis (cfr. Jn 10, 14-15) " (Benoît XVI, ibidem ).

3. Eucharistie et Sacerdoce dans la "communion ecclésiale"

L'Amour de l'Église, comme mystère de communion pour la mission, s’apprend à l’école de l'amour du Christ lui-même, qui " a aimé l'Église et s'est livré pour elle en sacrifice " (Ep 5, 15). En citant Jean-Paul II qui disait "la sainte Messe est absolument le centre de ma vie et de chaque journée" ( Allocution du 27 octobre 1995, à l’occasion des trente ans du Décret Presbyterorum Ordinis ), le Pape Benoît XVI commente : " De la même façon, l'obéissance au Christ, qui corrige la désobéissance d'Adam, se concrétise dans l'obéissance ecclésiale qui est pour le prêtre, dans la pratique quotidienne, avant tout obéissance à son Évêque " (Benoît XVI, Allocution du 13 mai).

L'Année eucharistique 2004-2005 est donc une forte invitation à entrer dans les sentiments du Christ, pour aimer l'Église comme il l’aime et pour vivre avec lui la communion de l'Église. En avril de cette année 2005 le ministère pétrin s’est inscrit plus que jamais dans notre coeur, avec deux Papes qui nous invitent à vivre centrés sur le Christ Eucharistie, pour faire l’expérience, en mangeant "le même pain", que nous sommes " un seul Corps " (1Cor 10, 17).

La communion ecclésiale se concrétise pour nous dans cette "écoute", c'est-à-dire une "obéissance" vécue ("obaudire") envers le ministère des Apôtres, dont nous faisons aussi partie. La communauté primitive était "un seul coeur et une seule âme" (Ac 4, 32), parce que, après avoir célébré la "fraction du pain" (l'Eucharistie), elle savait "écouter" avec fidélité et dans une attitude de prière la prédication apostolique : "Ils étaient assidus à écouter l'enseignement des Apôtres, à la communion, à la fraction du pain et aux prières" (Ac 2, 42).

Notre "communion" ecclésiale naît de l'amour du Christ et de son Église. Et on ne peut apprendre cet amour que dans l’intimité du Christ lui-même, présent dans l'Eucharistie et caché dans la parole prêchée par les Apôtres. C'est donc une " communion " et une écoute-obéissance aimée et vécue affectivement et effectivement.

Quand cette année nous avons plusieurs fois médité la question de Jésus à Pierre (" m'aimes-tu ? "), avant de lui communiquer le "Primat" pour paître, nous nous sommes sentis plus que jamais interpellés nous mêmes, en tant que bergers du même troupeau. C’était comme si la réponse de Pierre (" tu sais que je t'aime ") était aussi la nôtre. Et il en va ainsi quand nous vivons dans la communion avec celui qui " préside la charité " universelle, c'est-à-dire avec Pierre et ses successeurs.

Notre "obéissance", vécue avec amour, est une partie essentielle de notre spiritualité sacerdotale, puisque nous sommes insérés comme pasteurs dans la même "communion" de l'Église que sert le ministère pétrin. Quand nous vivons cette communion ecclésiale ("un seul corps"), par rapport au Christ Eucharistie ("un seul pain"), alors notre vie sacerdotale avance à voiles déployées. La communion avec notre Évêque fait partie de cette même expérience eucharistique et sacerdotale, pour construire la "fraternité sacramentelle" dans le Presbytérium ( Presbyterorum Ordinis , n. 8), comme le demande le concile Vatican II.

La célébration eucharistique nous unit au Christ, en nous permettant d’être transformés par lui, jusque dans son obéissance envers les desseins du Père. C'est pourquoi notre obéissance " personnifie le Christ obéissant " (Benoît XVI, Allocution du 13 mai 2005).

4. Testament missionnaire de Jean-Paul II, message de Benoît XVI

Le Pape Jean-Paul II nous a laissé un testament missionnaire dans son dernier message destiné à la prochaine journée missionnaire (en octobre 2005), qui conclura l'année eucharistique. Il l’a signé le 22 février, date de la Chaire de Saint Pierre, mais il n’est devenu public qu’au milieu d'avril, déjà après sa mort. C’est son vrai testament missionnaire, qui nous invite à imiter le Christ "pain partagé", "pain de vie pour la vie du monde" (Jn 6, 51). Ses apôtres deviennent aussi "un pain rompu" par la charité pastorale et ils sont serviteurs d'une communauté qui doit également se transformer en "pain rompu" pour toute l'humanité. Dans la lettre du Jeudi Saint il nous dit : " Dans le cadre de la nouvelle évangélisation surtout, les gens ont le droit de s'adresser aux prêtres avec l'espoir de "voir" le Christ en eux (cf. Jn 12, 21) " ( Lettre du Jeudi Saint , n. 7).

Le Pape Benoît XVI, lors de la Messe d'inauguration de son Pontificat sur la place Saint-Pierre, a fait appel à tous, mais en rappelant, en même temps, " la tâche du pasteur, du pêcheur d'hommes ". Après avoir répété l’exhortation de Jean-Paul II, celle de l'inauguration de son Pontificat ("ouvrez grand les portes au Christ"), il dit : " Celui qui laisse entrer le Christ dans sa vie ne perd rien, rien, absolument rien de ce qui fait la vie libre, belle et grande. Non ! Ce n’est qu’avec cette amitié que s’ouvrent en grand les portes de la vie. Ce n’est qu’avec cette amitié qu’on déverrouille réellement les grandes potentialités de la condition humaine. Ce n’est qu’avec cette amitié que nous expérimentons ce qui est beau et ce qui libère " (Benoît XVI, Homélie du 24 avril 2005).

Vraiment il n'y a rien de plus beau que de s’être laissé surprendre par le Christ. En vivant fidèlement en communion avec le charisme et le ministère pétrin, nous redécouvrons cette réalité de notre vocation pastorale comme source de joie pascale en nous et dans les autres : "  Il n’y a rien de plus beau que de le connaître et de communiquer aux autres l'amitié avec lui . La tâche du pasteur, du pêcheur d'hommes, peut sembler parfois lourde. Mais elle est belle et grande, parce qu'en définitive c'est un service à la joie, à la joie de Dieu qui veut faire son entrée dans le monde " ( Ibidem ).

Cette vie eucharistique, sacerdotale et missionnaire, dans la communion de l'Église, s’apprend en vivant dans le Cénacle "avec Marie la Mère de Jésus" (Ac 1, 14). Alors nous pouvons imiter en elle la syntonie de ses sentiments avec le Coeur Sacerdotal du Christ, car elle est notre Mère par le fait d'être " la Mère de l’unique et souverain Prêtre. C’est précisément de notre union au Christ et à la Vierge que se nourrissent cette sérénité et cette confiance dont nous sentons tous le besoin, tant pour le travail apostolique que pour notre existence personnelle " (Benoît XVI, 13 mai 2005).

Congrégation pour le Clergé   ( www.clerus.org )

 
 

Pourquoi Benoît XVI ?

Un entretien avec Jean-Marie Guénois, chef du service religieux de La Croix et auteur de " Benoît XVI, le pape qui ne devait pas être élu " paru aux éditions Lattès

Jean-Marie Guénois a vécu de longue années à Rome où il a fondé une agence de presse internationale spécialisée sur le Vatican et les affaires religieuses. Chef du service Religion à La Croix, il vient de faire paraître un livre sur l'élection de Benoît XVI et les défis de ce nouveau pontificat

Benoît XVI, le pape qui ne devait pas dû être élu : vous le pensez vraiment ?
Oui, Benoît XVI avait tout contre lui, il cumulait de multiples « handicaps » : il était trop âgé, d’une santé très fragile, redouté pour ses positions théologiques. Peu connaissaient l’homme et l’intelligence de ses textes . Beaucoup critiquaient ses « non ». Deux semaines avant le conclave il était revenu comme « papabile» mais c’était comme un épouvantail. L’agiter visait à mieux accréditer l’idée qu’il fallait, après la parenthèse Jean-Paul II, revenir à un pape italien.

Que s’est-il alors passé pendant ces deux jours de conclave ?
Un choc tout d’abord, juste avant le conclave, avec la dimension inattendue des funérailles de Jean-Paul II. Il quitte la terre, éteint, grabataire et reprend ce jour là, comme d’un coup, sa stature historique et mondiale. C’est donc troublés que les cardinaux entrent en conclave. Une confusion réelle et palpable habite les esprits : Comment, en effet, remplacer ce géant ?
Deuxième élément, la semaine précédant le conclave sert à établir le bilan de l’Eglise. Elle a vu la prestation brillante de Joseph Ratzinger. Homme de consensus il a épaté les cardinaux par son savoir-faire et rassuré ainsi les indécis.
Enfin, il faut tenir compte de la technique même du conclave qui fut simple et court. Le premier tour, une trentaine de voix se sont portées sur Joseph Ratzinger, un peu moins sur le cardinal Martini, ancien archevêque de Milan, jésuite et brillant bibliste. Ce dernier, qui a sans doute accepté de servir de repère au premier tour, fait savoir que, malade, il n’accepterait pas d’être élu.
On observe alors au second tour un début de ralliement autour de Joseph Ratzinger, confirmé au troisième tour et ratifié au quatrième.

Y a t-il des explications à un tel ralliement ?
Oui. Ratzinger a rassuré les inquiets. Ceux qui ne connaissaient que sa caricature de doctrinaire ont découvert un homme rodé à la controverse qui maîtrise parfaitement le métier de l’objection intellectuelle ; un théologien passionné et l’un des meilleurs connaisseurs de la planète des penseurs de l’Eglise ; un homme affable, sage , veillant à ce que chacun puisse exprimer son point de vue avant de prendre une quelconque décision. Sans être laxiste, il a une priorité, c’est la foi et non la morale. Son principal souci est de donner envie de croire, de remettre la foi au centre du christianisme . Et puis enfin, il n’a jamais été l’otage d’un clan, il est indépendant .

Il avait été très fort question d’un pape latino-américain. Que s’est-il passé pour qu’aucun n’émerge réellement ?
Vu de Rome cela avait le goût de l’aventure… ces 115 cardinaux électeurs, sénat de l’Eglise, sont des sages pas des aventuriers !

Vous avez rencontré plusieurs fois Joseph Ratzinger. Lors de conférences de presse mais aussi en privé, chez lui. Quel souvenir en gardez-vous ?
Celui d’un homme d’une grand affabilité, vivant avec sa sœur aujourd’hui décédée, très discrètement, vêtu d’une simple soutane. C’est un prêtre, un théologien, avec une grande qualité d’écoute et passionné par le débat d’idées. Mais ce n’est pas un démagogue et il sait mettre le doigt où cela fait mal. On l’a bien vu lors de sa méditation du vendredi saint où il a osé parler de la Curie en des termes terribles, dénonçant « l’orgueil » et « l’autosuffisance »de certains !
Benoît XVI n’a pas d’image à soigner, ce qui lui importe c’est la vérité des choses. En cela, il sera dérangeant !

Avez-vous été étonné par son élection ?
Oui, très ! Je pense que c’est une élection par défaut. Il y a parmi les cardinaux âgés d’une soixantaine d’année de beaux profils de futurs « papabili » . Mais il n’y avait pas dans cette génération des 68-75 ans, sans doute un peu paralysée par l’aura de Jean-Paul II, des figures marquantes. Comme si une génération avait manqué à l’appel !

Benoît XVI, le pape qui ne devait pas être élu
Jean-Marie Guénois, Editions Lattès

Propos recueillis par Sophie de Villeneuve, Groupe Bayard.

 
 

 

ROME, Mardi 14 juin 2005 – Des heures de marche sous le soleil tropical: le cardinal Arinze a confié à son retour à Rome combien la foi eucharistique des catholiques de Tanzanie l’a impressionné.

 

Le cardinal Francis Arinze , préfet de la Congrégation pour le Culte divin et la discipline des sacrements, est en effet revenu à Rome après un voyage en Tanzanie, où il a été invité par la conférence épiscopale pour examiner différentes questions liées à la liturgie en particulier à propos du document « Redemptionis Sacramentum ».

La Tanzanie, faisait observer en substance le cardinal Arinze, jouit d’une notable stabilité politique et sociale, et n’a jamais vécu de situation de violence ou de coup d’Etat. C’est pourquoi la population vit en paix et se montre très active du point de vue religieux, et témoigne d’une foi particulièrement intense.

Le cardinal Arinze donnait l’exemple de la foi eucharistique. Il a en effet constaté, à l’occasion de la Fête du Saint-Sacrement, à laquelle il avait été invité par le cardinal Polycarp Pengo, archevêque de Dar-es-Salaam, que les paroisses ont organisé des processions du Saint-Sacrement auxquelles les catholiques ont pris part au prix de longues marches de parfois quatre heures pour rejoindre le lieu de la célébration de la messe.

« J’ai été très impressionné, a confié le cardinal Arinze, de voir les gens agenouillés dans la poussière à trois heures et demi de l’après-midi sous le soleil tropical ».

Un invité du président de la République de Tanzanie participait à la rencontre des évêques avec le cardinal Arinze, qui a souligné les bonnes relations existant entre les évêques et le chef de l’Etat.

Le cardinal Arinze a également rendu visite au grand séminaire: il a célébré la messe et rencontré les séminaristes. « Nous pouvons être pauvres, a fait remarquer le cardinal nigérian, mais attention, nous sommes contents. Je ne dis pas « pauvres mais contents », je dis « pauvres et contents ». »
 

 

 
 
49 e Congrès eucharistique international à Québec, juin 2008
Et 400e anniversaire de la Ville de Québec
 
ROME, Jeudi 16 juin 2005 – Le 49e Congrès eucharistique international se déroulera au Canada, à Québec, du 15 au 22 juin 2008 . En tant qu’archevêque de Québec, le cardinal Marc Ouellet en est le président.
 

Le cardinal Ouellet a dévoilé lors d’une conférence de presse des éléments nouveaux sur cet événement international qui constituera le sommet des Fêtes religieuses marquant le 400e anniversaire de la Ville de Québec, précise un communiqué en ligne ( www.cecc.ca ).

Confirmation des dates et des lieux de rassemblement du Congrès

Les organisateurs du Congrès prévoient accueillir de 12 000 à 15 000 participants et participantes en provenance d’une soixantaine de pays dont le Canada, les États-Unis, la France, l’Italie et le Mexique. C’est au Centre de foires d’ExpoCité qu’auront lieu les conférences et réunions des congressistes. Des rencontres par groupes linguistiques se tiendront également dans plusieurs églises de la ville.

Au programme du Congrès, on trouvera différentes activités à caractère culturel et social ouvertes à tous, de même que des rassemblements de jeunes et de familles, des processions et de grandes célébrations. Parmi les moments forts, la cérémonie de clôture du dimanche 22 juin aura une importance capitale car depuis quelques décennies, le Pape vient présider en personne les célébrations de clôture des Congrès eucharistiques. Si le Pape est présent à Québec en 2008, la célébration de clôture pourrait attirer plus de 250 000 personnes, car la dernière visite d’un Souverain Pontife à Québec remonte à 1984. Le lieu des événements spéciaux des Plaines d’Abraham a déjà été réservé à cette fin. Pour voir à toute cette logistique et à l’organisation du Congrès, un secrétariat général de trois personnes de même que plusieurs comités sont à l’œuvre depuis plusieurs mois.

Contribution importante des Chevaliers de Colomb

Depuis de nombreuses années, les 100 000 membres des Chevaliers de Colomb du Québec sont partie prenante des grands projets d’Église, en contribuant par exemple à la JMJ de Toronto en 2002. M. Carl Anderson, Chevalier suprême, a confirmé une fois de plus l’engagement des Chevaliers de Colomb en remettant un don d’un million de dollars pour le Congrès. Ce don s’ajoute à la contribution du Diocèse de Québec et des communautés religieuses qui supportent le projet depuis le début.

De plus, les organisateurs sont en lien avec les trois commissaires responsables du dossier du 400e auprès de la ville de Québec, du gouvernement du Québec et du Canada. Ils sont confiants de la collaboration qu’ils obtiendront pour financer le projet.

Rappelons qu’en 2001 le maire de Québec, M. Jean-Paul L’Allier, demandait à Mgr Maurice Couture, alors archevêque de Québec, de prévoir une participation importante de l’Église catholique aux fêtes du 400e anniversaire de Québec. De là a germé l’idée que Québec pourrait être l’hôte du 49e Congrès eucharistique international. Les démarches ont été entreprises en ce sens, et c’est le défunt Pape Jean Paul II qui a annoncé lors du dernier Congrès eucharistique au Mexique d’octobre 2004 que le 49e Congrès eucharistique international aurait lieu à Québec en 2008. Ce Congrès s’inscrit dans une programmation plus large de Fêtes religieuses, dont les détails seront révélés ultérieurement.

 

 
 
JESUS, AVOCAT DE CEUX QUI L’AURONT DEFENDU

Homélie, dimanche 19 juin 2005

Mt 10, 26-33

L’évangile de ce jour est la suite du discours missionnaire de Jésus à ses apôtres -dont le début a été lu dimanche passé- ...sauf que la liturgie a sauté un passage qu’il faut restituer afin de comprendre la raison de l’exhortation de Jésus. On pourrait donc commencer la lecture par ces quelques versets :

Jésus continua à dire à ses apôtres : " Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups...

Prenez garde aux hommes : ils vous livreront aux tribunaux, ils vous flagelleront dans leurs synagogues...

Vous serez traduits devant des gouverneurs et des rois à cause de Moi : ils auront là un témoignage, eux et les païens.

Lorsqu’ils vous livreront, ne vous inquiétez pas de savoir comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là. Ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous...".

Tous les documents du Nouveau Testament -évangiles et lettres apostoliques- préviennent les disciples de Jésus : il ne faut pas croire que l’annonce de la Bonne Nouvelle et de l’Amour de Dieu va susciter l’enthousiasme du monde et attirer la sympathie générale . S’il est des personnes qui feront bon accueil au message, certaines demeureront indifférentes, et même beaucoup d’autres se dresseront violemment contre ! La persécution ne sera jamais un phénomène accidentel : elle constitue presque un test de l’authenticité de l’évangélisation.

Evidemment cette annonce fait peur, elle risque d’arrêter l’élan missionnaire : c’est pourquoi Jésus poursuit par une exhortation pressante, répétée trois fois aujourd’hui : " NE CRAIGNEZ PAS ! "

Elle est développée en trois points.

1. ON NE PEUT SE TAIRE : IL FAUT PARLER

Ne les craignez pas ! Rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est secret qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans l’ombre, dites-le au grand jour ; ce que vous entendez dans le creux de l’oreille, proclamez-le sur les terrasses.

La Bonne Nouvelle n’a rien d’ésotérique, elle n’est pas un enseignement réservé à des initiés, il n’y a pas des secrets comme l’insinuent des romanciers..... Alors que certains voudraient le cantonner dans la zone privée, l’Evangile ne peut pas être enclos entre les murs des chapelles, il doit impérativement retentir partout et être proposé à toutes les libertés.

Ne nous faudrait-il pas retrouver le courage et l’audace de l’annonce ?

Evidemment si les chrétiens se contentent d’être d’honnêtes citoyens, gentils et bien élevés, si l’Eglise se limite à des œuvres philanthropiques, les Pouvoirs accepteront des gens qui suppléent à leurs insuffisances, ils leur verseront même des subsides. Mais si, refusant d’être bâillonnée, l’Eglise continue de proclamer que le Règne de Dieu vient par Jésus mort et ressuscité, elle sera espionnée, soupçonnée, menacée .

2. REMPLACER UNE CRAINTE PAR UNE AUTRE

Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent tuer l’âme. Craignez bien plutôt Celui qui peut faire périr âme et corps dans la géhenne.

Est-ce qu’on ne vend pas deux moineaux pour un sou ? Pourtant pas un ne tombe à terre indépendamment de votre Père...

Ne craignez pas : vous valez mieux que tous les moineaux.

On ne se débarrasse pas de la crainte à coup de volonté, par une décision d’héroïsme -d’ailleurs Jésus lui-même n’a-t-il pas connu l’angoisse à Gethsémani et au Calvaire ?... Ce qu’il faut, c’est que la crainte de Dieu - qui est respect de sa personne, souci passionné de sa volonté, amour filial - soit plus forte que l’appréhension, normale, devant la haine et la perspective de la souffrance.

Tout disciple de Jésus doit être convaincu de sa valeur unique aux yeux de son Père du ciel : il peut donc s’abandonner avec confiance entre ses mains. Quelles que soient les menaces, il doit être "prêt à justifier notre espérance devant ceux qui lui en demandent des comptes"( 1 Pi 3, 15). Saint Pierre qui écrit cela a pourtant fait l’expérience de sa faiblesse et de sa lâcheté lors de l’arrestation et de l’interrogatoire de son Maître. Mais il a pu ensuite se jeter en pleurant aux pieds de son Seigneur qui ne lui ménageait pas son pardon.

JESUS, AVOCAT DE CEUX QUI L’AURONT DEFENDU

Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, je me déclarerai pour lui devant mon Père aux cieux .

Mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai moi aussi devant mon Père aux cieux.

A travers l’histoire, l’Eglise est responsable de la Vérité du Christ et de la réalisation de son projet d’amour. Dans la faiblesse, nous sommes ses témoins. Cette mission peut nous coûter cher. La Croix demeure le signe de l’âpreté du combat, de la colère et de la haine de certains.

Mais le condamné du Golgotha a été glorifié par son Père : son sang est puissance d’intercession pour ceux et celles qui l’auront défendu sur la terre. Comme la charité, la mission assure le pardon de la multitude des péchés.

" Heureux ceux qui ont lavé leurs robes dans le sang de l’Agneau" proclamera l’Apocalypse ( 7, 14).

N’AYEZ PAS PEUR !

En octobre 1978, le nouveau pape Jean-Paul II, sur la place St Pierre, lançait à la foule étonnée le cri qui allait devenir célèbre : " N’ayez pas peur !". Cet appel fut immédiatement compris par les ouvriers polonais auxquels il le redira lors de son premier voyage dans son pays l’année suivante.

Non, il ne fallait pas courber l’échine : on pouvait, on devait se dresser contre un régime totalitaire. Ce fut le point de départ d’un processus qui allait aboutir à l’écroulement du communisme.

Quels murs se dressent aujourd’hui entre les hommes et les peuples ? Les puissances oppressantes sont-elles fortes de leur organisation ou de nos craintes accumulées ?

En affrontant les épreuves, le chrétien se découvre fils d’un Père à qui il peut se remettre entièrement ; il s’étonne d’énoncer un message que lui souffle l’Esprit ; et il reste confiant que le Crucifié sera son avocat.

Dans les périls de l’apostolat, le disciple découvre en quel Dieu il croit.

Raphaël Devillers

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Un appel à «  voler haut  »

Il y a deux mois était élu Benoît XVI
Francesco M. VALIANTE

Si la foi et la raison sont les deux «ailes», inséparables, avec lesquelles l’homme s’élève vers les sommets de la vérité — selon l’ incipit suggestif de «  Fides et ratio » de Jean-Paul II — alors on peut bien dire que ces deux premiers mois de Pontificat de Benoît XVI ont été un appel riche et exigeant à «  voler haut  », adressé à l’esprit de l’humanité de notre temps. Soixante jours sont peut être , un peu courts pour celui qui s’évertue, à mesurer le temps de l’âme à l’aune de sentences lapidaires fugaces et d’analyses savantes. Mais ils représentent certainement un petit «trésor» pour celui qui cherche à approcher du mystère de l'Eglise sans l'aveuglement des préjugés et des étiquettes en vogue. Pour celui qui a envie de trouver, au-delà de l’éphémère lié à l'émotivité, un sens, supplémentaire, une réponse qui ne soit pas provisoire, aux questions incontournables qui tourmentent l'homme de chaque époque et latitude.

C'est sur cet homme, mendiant éternel de l'Absolu le long des sentiers de l'histoire, que le Pape s'est penché comme un « samaritain de la foi» attentif en cette aube de Pontificat. Comme le " généreux voyageur évangélique, qui s'était arrêté pour prêter secours à celui qui en avait besoin sur la route de Jéricho, il l'a invité à se secouer, à se relever de terre, à prendre son envol. Il ne lui a pas offert les miettes réconfortantes d'une Parole de Dieu «détruite par les changements de modes permanents», comme il l'a dit le jour de son intronisation en tant qu'Evêque de Rome sur la Chaire de Saint-Jean-de-Latran . Il lui a donné le soutien corroborant d'un message d'amour tendre et fort, doux et vigoureux. Un message qui apporte soulagement et joie intérieure — «il n'y a rien de plus beau que d'être rejoints, surpris par l'Evangile, par le Christ» a-t-il assuré au cours de la Messe solennelle d'intronisation — mais qui refuse toute forme d' «adaptation» ou de «dilution», à moins d'abîmer à sa racine sa capacité de répondre à l'aspiration de vérité contenue dans le cœur de chacun.

Précisément pour toucher les cordes du cœur, Benoît XVI a choisi de faire également appel au langage de l'intelligence. Conscient du fait que si l'une des deux «ailes» manque — foi et raison — l'âme humaine est destinée, tôt ou tard à précipiter dans l'abîme du désespoir, du nihilisme, de l’aliénation. A s'égarer dans l'une des nombreuses «formes de désert» dont il a parlé sur la Place Saint-Pierre à l'occasion du début de son Ministère pastoral. Le Pape s'adresse à chaque homme et à tout l'homme. Il lui présente sans concession, ni réduction le «défi» de la vérité dans sa totalité. Son invitation est élevée et exigeante. Ses suggestions interpellent l'esprit et défient l'intellect. Son Magistère demande non seulement l'accueil du cœur, mais la compréhension de l’esprit, la difficulté d’une intériorisation qui ne soit pas superficielle ou occasionnelle, la participation de plein droit d'une «ratio» qui est tout autre que faible ou défaitiste. La conviction de Benoît XVI — qui fait abstraction des contingences stratégiques liées au début de Pontificat ou d'inclinations personnelles à la spéculation philosophique — va dans la direction  synthétisée pans le discours improvisé au clergé de Rome au terme de la rencontre dans Ia cathédrale Saint-Jean: "La raison de foi , la parole de la foi doit devenir une réponse de la foi" .

Seul un intellectualisme myope peut prendre pour intégralisme du fidéisme ce qui est, en réalité, un acte de confiance infinie dans l'homme et dans la capacité de la raison de parvenir à la vérité authentique et donc à la liberté. Seul un laïcisme anachronique peut confondre avec une intromission indue l'appel répété à la sauvegarde de la vie et  à la défense de la famille comme points fermes d'une culture à laquelle aucun battement du cœur humain n'est étranger. Dans ce regard d'amour intense envers chaque personne se trouve en réalité Ie sens de la mission évangélisatrice de l'Eglise à laquelle revient la tâche fondamentale de dévoiler I'homme à lui-même, en lui montrant que «ce n'est pas là où on voit Dieu —  c’est encore Benoît XVI qui parle — que commence vraiment la vie». C'est là que se trouve la signification authentique du ministère pétrinien, qui n'est pas un pouvoir absolu, mais «un mandat, pour servir». Il y a cette «sagesse du cœur» — ce sont toujours les expressions du Pape — à laquelle chaque chrétien est appelé à parvenir avec le battement vigoureux des deux «ailes» de la foi et de la raison.

            Précisément parce que le Christ est  « la mesure du véritable humanisme » — comme il l’a rappelé  en s’adressant récemment aux Evêques italiens — la foi ne peut pas constituer une menace ou une limitation pour l'homme. Voilà l'annonce libératrice que Benoît XVI — avec ses paroles, sa façon de communiquer, même à travers ses gestes les plus, simples et réservés — veut offrir au monde de ce début de millénaire incertain et tourmenté. A l'homme égaré et craintif; le Pape montre le visage rassurant d'un Dieu proche, miséricordieux . D'un Dieu dont la «patience» est l'antidote le plus efficace à l' « impatience» destructrice de ses créatures. D'un Dieu qui sait se faire tutoyer, «toujours à portée de voix». Nous sommes loin du langage glacial de la chaire ou d'une façon de philosopher abstraite et hermétique. On perçoit plutôt le ton vigoureux et encourageant du guide intérieur du père spirituel qui s'inquiète du, salut des âmes qui lui sont confiées. Si, en presque vingt-sept années de Pontificat, nous avons appris à regarder le Pape Karol Wojtyla comme le«curé du monde» actif et inlassable , au cours de ces deux premiers mois de service pétrinien, nous avons commencé à voir chez  le Pape Josef Ratzinger le «directeur spirituel» délicat et attentif du Peuple de Dieu assoiffé de vérité et d'espérance.

Il est vrai que Ie message de Benoît XVI est un message qui réconforte et inquiète en même temps. Qui réconforte, mais qui ne nous laisse pas satisfaits ni tranquilles. Comme, du reste, ce message ne l'a pas laissé tranquille en cette soirée du 19 avril, dans le secret de la Chapelle Sixtine. «Nous ne sommes pas créés pour la commodité — a-t-il confié à ses compatriotes une semaine après son élection sur le Siège de Pierre " mais pour de grandes choses, pour le bien». Cet homme doux et humble, gracile et souriant, qui, face aux Cardinaux réunis en Conclave, a prononcé son «oui» sans réserve à l'appel du Seigneur, a embrassé depuis deux mois — avec la «sainte inquiétude» du Pasteur — la mission «dérangeante» qui est de montrer à l'homme qu'il lui est possible de prendre son envol vers les horizons d'une liberté nourrie par la vérité et rendue courageuse par l'amour.

 
 

« Benoît XVI fera de l’Eucharistie un point essentiel du projet œcuménique »


Entretien avec Scott Hahn, pasteur presbytérien converti au catholicisme

ROME, Dimanche 3 juillet 2005  – Le pontificat de Benoît XVI ne vise pas à restaurer la liturgie mais plutôt à se réapproprier le mystère de l’Eucharistie .

C’est ce que déclare l’Américain Scott Hahn, directeur du Centre Saint Paul de théologie biblique, ancien pasteur presbytérien converti au catholicisme. Scott Hahn enseigne également la théologie et les écritures à l’Université franciscaine de Steubenville.

Zenit lui a demandé comment selon lui les enseignements de Benoît XVI pourront aider les fidèles à mieux comprendre et mieux vivre l’Eucharistie.

Zenit : Qu’est-ce qui distinguait en son temps l’approche de l’Eucharistie du cardinal Ratzinger ?

Scott Hahn : Je crois qu’aucun théologien depuis Matthias Scheeben au 19e siècle nous avait montré l’interrelation profonde existant entre tous les mystères du christianisme. Pour le cardinal Ratzinger, on ne peut pas étudier ou présenter correctement la doctrine de l’Eucharistie en dehors de la doctrine de la Trinité, la doctrine de l’Incarnation et la doctrine de l’Eglise.

L’Eucharistie elle-même est un mystère trinitaire ; on ne peut pas recevoir le Fils sans recevoir le Père qui l’envoya dans la chair et l’esprit à travers lesquels il est venu. La Trinité vient à nous dans l’Eucharistie. Et lorsque la Trinité vient à nous, nous sommes élevés à la présence même de la gloire divine.

Ce mystère est lié à l’Incarnation car il ne s’agit pas d’un simple événement du passé, mais d’un événement qui continue à se produire – un mystère surnaturel – au milieu de nous. Tout se tient.

L’ecclésiologie du cardinal Ratzinger – sa théologie de l’Eglise – est liée à l’Eucharistie, l’Incarnation et la Trinité. Dans le même temps, sa théologie eucharistique est liée à l’Eglise, l’Incarnation et la Trinité.

Zenit : Le cardinal Ratzinger a souvent décrit l’Eucharistie comme le « coeur de la vie ». Qu’est-ce qu’il veut dire par là ?

Scott Hahn : L’Eucharistie est notre rencontre et notre communion avec la Bienheureuse Trinité. C’est le cœur de la vie. C’est la source de la vie. C’est le sommet de la vie. La communion avec la Bienheureuse Trinité est la vraie définition du ciel. On ne peut rien avoir de mieux. Le plus étonnant est que nous avons le ciel dans chaque messe.

C’est un thème sur lequel le cardinal Ratzinger est revenu dans plusieurs de ses livres. La venue de Jésus Christ – ce que le Nouveau Testament grec appelle sa « parousie » – n’est pas un simple événement lointain. C’est sa présence dans l’Eucharistie.

Les fondamentalistes réduisent la signification de « parousie » au retour du Christ à la fin des temps ; mais pour ceux qui parlaient grec, au premier siècle, ce mot signifiait « présence ». La théologie catholique conserve ce sens original.

Dans son livre « Eschatologie », le cardinal Ratzinger écrit : « La parousie est la plus haute intensification et le plus grand accomplissement de la liturgie. Et la liturgie est parousie… Toute Eucharistie est parousie , la venue du Seigneur, et pourtant l’Eucharistie est même encore plus authentiquement l’ardent désir qu’Il révèle sa gloire cachée ».

Zenit : Comment les enseignements de Benoît XVI peuvent-ils aider les fidèles à mieux comprendre et mieux vivre l’Eucharistie en cette année de l’Eucharistie ?

Scott Hahn : De nombreux médias ont déjà qualifié Benoît XVI de « restaurateur » souhaitant un retour à la liturgie d’avant le Concile. Mais ils se trompent . Il n’est pas ici question de restauration de la liturgie mais de réappropriation, d’une réappropriation du mystère de l’Eucharistie, qui est à la fois divine et humaine.

Après le Concile Vatican II, certains théologiens ont tenté de démocratiser l’Eglise et de séculariser la liturgie en réduisant le mystère à des débats entre soi-disant conservateurs et libéraux.

Le cardinal Ratzinger a préféré retourner aux sources classiques : les Ecritures – à la fois l’Ancien et le Nouveau Testament – et la Tradition, ainsi que les meilleurs théologiens modernes. L’aggiornamento ne peut fonctionner réellement qu’à travers un « ressourcement » comme celui-là.

Je crois que Benoît XVI va « dépolitiser » l’Eucharistie. Il détournera notre attention des questions « chaudes » qui sont en réalité des questions de second ordre, comme les polémiques à propos du langage liturgique et la décoration.

Cela ne veut pas dire qu’il n’ait pas d’opinion sur ces questions. Il a des opinions et les a exprimées de manière claire. Mais il tire toujours ses opinions des profondeurs de l’étude théologique et historique, et des profondeurs de sa prière personnelle.

Je crois qu’il va nous demander de scruter ces mêmes profondeurs, en particulier les catholiques qui parlent, enseignent, écrivent et en guident d’autres dans les domaines de la théologie, de la liturgie, etc. Des profondeurs de notre étude et de notre prière, il va nous guider vers une vraie re-sacralisation de la liturgie .

Zenit : Si ces questions sont de second ordre, où est l’essentiel ?

Scott Hahn : L’essentiel est que l’Eucharistie crée un lien de chair et de sang – un lien familial – entre Dieu et nous. Ceci est un autre des thèmes récurrents dans ses livres. C’est le fil rouge de « L’unique alliance de Dieu et le pluralisme des religions » et de « Frères dans le Christ ».

Le Christ a assumé notre chair humaine afin de donner cette chair pour nous, et de nous donner cette chair. La liturgie eucharistique est un repas d’alliance sacrificiel. Il renouvelle une alliance, et toute alliance scelle un lien familial. De même que le Fils de Dieu est devenu homme, nous devenons divins – « fils dans le Fils » pour reprendre l’expression favorite des Pères de l’Eglise.

Zenit : Qui donc est membre de la famille ?

Scott Hahn : Je crois que ce sera un élément clé du pontificat de Benoît XVI. Il a déjà montré son ardent désir de faire avancer le dialogue œcuménique. S’il ne fait que poursuivre le travail qu’il a commencé en tant que cardinal, il articulera la doctrine de l’Eucharistie en termes bibliques forts, qui seront extrêmement persuasifs pour les protestants.

La liturgie céleste est la clé pour comprendre les livres bibliques des Hébreux et de l’Apocalypse. Et l’expérience de la liturgie est une clé pour comprendre une grande partie de la Bible – aussi bien l’Ancien que le Nouveau Testament .

La Lettre aux Hébreux et l’Apocalypse sont pour le Nouveau Testament ce que le Lévitique et le Deutéronome étaient pour l’Ancien Testament. Sans la connaissance et l’expérience de la liturgie, une grande partie du contenu de ces livres nous est inaccessible.

Le pape Benoît XVI est lui-même un grand théologien biblique, imprégné des Pères et des Docteurs de l’Eglise, spécialement saint Augustin et saint Bonaventure, ainsi que des traditions juive et rabbinique. Je ne crois pas qu’il y ait eu un pape depuis saint Pierre ayant autant étudié les anciens rabbins.

Je crois qu’il fera de la compréhension de l’Eucharistie un point essentiel du projet oecuménique, et qu’il conduira le dialogue en termes d’alliance. Ceci permettra d’impliquer dans le dialogue non seulement les protestants mais aussi les juifs qui partagent les racines concernant l’alliance de la religion d’Abraham.

Zenit : Dans sa première homélie, le pape Benoît XVI a déclaré : « L’Eucharistie, le cœur de la vie chrétienne et la source de la mission évangélisatrice de l’Eglise ne peut être que le centre permanent et la source du service pétrinien qui m’a été confié ». Quelle influence aura selon vous le fait de placer l’Eucharistie au centre de sa mission ?

Scott Hahn : L’Eucharistie est le lieu où l’Eglise est elle-même de la manière la plus parfaite.

Lorsque nous avons compris la liturgie comme liturgie céleste, comme l’a fait Benoît XVI, nous sommes devenus des citoyens à part entière, des citoyens conscients et actifs du Royaume. La liturgie céleste devient la norme qui codifie les autres normes. C’est notre critère, notre pierre de touche, notre nourriture, notre soutien, notre lumière, comme je l’ai dit auparavant, notre source et notre sommet .

Nous verrons très bientôt comment cela se manifeste dans son pontificat. Le synode d’octobre proposera au terme de l’Année de l’Eucharistie une réflexion de toute l’Eglise sur l’Eucharistie. Soyez attentifs aux thèmes que j’ai soulignés : la liturgie céleste, la dépolitisation de la liturgie, et la re-sacralisation de la liturgie.

 

 

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