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Comment Benoît XVI a parlé de « la porte obscure de la mort »
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Le 31 décembre 2022 -
(E.S.M.)
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Il nous a quittés, en ce matin du dernier jour de cette année 2022,
après une brève agonie. Le texte qui suit, publié sur le site
korazym.org, écrit hier, c’est de l’émotion pure.Sa mort à 95 ans
est dans l’ordre des choses, mais elle nous perce le cœur parce
qu’elle marque la fin d’une époque, pour nous tous.
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Benoît XVI
Comment Benoît XVI a parlé de « la porte obscure de la mort »
Le 31 décembre 2022 - E.
S. M. - Impossible que Benoît XVI, un pape si semblable à un
souffle de printemps, même s’il est émérite et vieux comme
Mathusalem, puisse mourir. La blancheur de cette touffe de cheveux
indisciplinée, plus immaculée que sa robe, nous l’imaginions
émergeant à peine des draps, avec le nez minuscule et pointu de
quelqu’un en fin de vie. C’est François hier – le successeur qui
n’est pas jeune lui non plus et se déplace en fauteuil roulant – qui
nous a conduits avec des mots délicats et terribles devant le
minuscule géant bavarois qui se tient devant la grande énigme, où
les caméras n’arrivent heureusement pas. Joseph Ratzinger, 95 ans,
ne sera pas épargné par le passage de cette porte sombre, qui a jeté
le Christ lui-même dans l’angoisse.
Cela s’est passé mercredi en fin de matinée, à la fin de l’audience
générale habituelle. Le pape Bergoglio faisait ses adieux. Dans les
premiers rangs de la salle Paul VI, des couples mariés souriants
apparaissent sur l’écran après avoir reçu la bénédiction.
Francois lève ses yeux du papier. Il dit d’une voix apaisante, comme
s’il n’entendait que les échos de chœurs angéliques : « Je
voudrais vous demander à tous une prière spéciale pour le pape
émérite Benoît, qui dans le silence soutient l’Église. (Je vous
demande de) penser à lui, il est très malade, en demandant au
Seigneur de le consoler, de le soutenir dans ce témoignage d’amour
pour l’Église, jusqu’à la fin ».
Il ne parle pas de mort ou d’agonie. Non pas pour éviter la dureté
du sort de tous, papes compris, mais parce que Benoît est encore en
activité. Lui, avec ses maigres épaules et son regard captivant,
doit accomplir sa tâche invisible « jusqu’au bout ». Pas une seconde
de la vie de cet homme n’est inutile. Jusqu’à la fin, dans le
silence, il s’épanouit comme un « témoignage d’amour pour
l’Église ».
Je ne savais pas si je devais amputer les douces paroles de François
sur l’objet de cet amour : l’Église. Aimer l’Église ? Mais qu’est-ce
que cela a à voir avec notre travail quotidien de personnes
post-modernes ? Ce mot (l’Église) semble s’éloigner de nous,
l’enfermant dans des sacristies ankylosées, ce petit roitelet sans
défense qu’est le pape, dont nous aimons penser qu’il est assis sur
le banc, dans les jardins du Vatican, nous soutenant mystérieusement
en perçant les murs léonins, les bureaucraties curiales, avec les
yeux de son âme, et entrant ainsi dans nos maisons parfois joyeuses
et plus souvent tributaires. Mon Dieu, mon Dieu, l’Église est un
mystère, c’est Dieu-avec-nous, la compagnie de Jésus dans les soucis
des heures importantes et des heures ennuyeuses, mais tout cela pour
que chaque goutte de souffrance d’un enfant innocent ait un sens, ne
se perde pas dans une canalisation en Ukraine ou dans un hôpital de
la basse vallée du Pô.
En liant Benoît XVI à l’Église, François cherche à le faire remonter
dans nos cœurs. Ce ne sont pas les appareils, les papiers qui
s’empilent avec les notes pastorales, les rapports de commissions,
dont les parties les plus importantes ne sont pas la simplicité de
l’amour, la Croix et la Résurrection, mais sont des notes en marge,
inscrites dans le corps comme une notice d’Aspirine, sur lesquelles
les théologiens dogmatiques et moraux sont prêts à s’entredéchirer à
propos des pouvoirs cléricaux, séculiers, de genre, etc. La
simplicité de l’extinction d’une bougie, dans laquelle se concentre
le destin de chacun, des puissants et des misérables, tous
finalement pauvres.
Si vous ne l’avez pas deviné, je refuse ici fabriquer un
ccoccodrillo précoce, comme on appelle dans le jargon l’article
d’adieu préemballé, à retoucher avec des détails d’actualité de
dernière minute. Je ne tombe pas dans le panneau. En d’autres
occasions déjà, la voix s’était élevée d’un ami cardinal qui
demandait des prières à travers le tam tam des réseaux sociaux pour
le Pape émérite, désormais à son dernier souffle. Il n’y a aucun
doute qu’il est en train de mourir. Chaque jour, l’huile de sa lampe
à huile se consume inexorablement, mais des étincelles
incandescentes jaillissent des murs silencieux du monastère Mater
Ecclesiae, et elles ont un pouvoir mystérieux sur les choses
invisibles. Dans ce petit bâtiment voulu par saint Jean-Paul II, qui
se dresse modestement au sommet de la colline du Vatican, le pape
bavarois, qui a renoncé au ministère pétrinien et au gouvernement de
l’Église, vit depuis dix ans le fond de l’aventure d’un pauvre
chrétien sans pouvoir, comme saint Célestin, qui l’a inspiré le 11
février 2013.
Depuis lors, il y étudie et prie comme dans une communauté
monastique du désert sinaïtique. Il partage chaque instant avec le
fidèle secrétaire Mgr Georg Gänswein et les quatre femmes qui – sans
vœux ni consécrations religieuses, mais ayant prononcé les promesses
de virginité, de pauvreté et d’obéissance, selon les règles des
Memores Domini de Communion et Libération – passent le temps comme
Marthe et contemplent comme Marie. Jusqu’à quand ? Jusqu’à la fin.
Comme il arrive aux grands qui se dépouillent de toute armure, les
renégats de sacristie ont enfoncé leurs lances dans le flanc du
vieux pape, ont chargé des avocats de mauvaise foi de lui enfoncer
des clous et des calomnies dans les mains de pianiste mozartien,
une, deux, trois, dix fois, sans cesse, avec une obsession
diabolique. Il n’avait pas le droit de se taire, la recherche du
martyre est un péché mortel d’orgueil, et à 94 ans et dix mois, dans
son écriture microscopique, il a composé une extraordinaire « lettre
personnelle », de frère à frères.
Il l’a envoyée le 8 février aux fidèles de l’archidiocèse de Munich
& Freising. Il y avait été archevêque pendant cinq ans avant d’être
appelé à Rome par Wojtyła ; il y était maintenant vilipendé comme le
complice omertueux de prêtres prédateurs sexuels de mineurs. Il a
démoli les accusations avec une clarté et une dureté dignes d’un
diamant. Mais ce n’est pas pour cela que ce qui est écrit
aujourd’hui nous apprend tant de choses sur lui et comment il est
possible de franchir le seuil sombre sans être piétiné par la peur
et la solitude. Dans le Cantique des Cantiques
(8,6), il est écrit : « Fort
comme la mort, l’amour ». Mais c’était l’Ancien Testament.
Maintenant, dans la Résurrection, l’amour est plus fort que la mort.
Benoît XVI écrit, sans robe, sans vêtement, dans sa nudité de mortel
né d’une femme :
« Bientôt, je serai face au juge ultime de ma vie. Même si, en
regardant ma longue vie, j’ai beaucoup de raisons de craindre et
d’avoir peur, j’ai néanmoins l’âme joyeuse parce que j’ai la ferme
confiance que le Seigneur n’est pas seulement le juge juste, mais en
même temps l’ami et le frère qui a déjà souffert lui-même de mes
défauts et qui, par conséquent, en tant que juge, est en même temps
mon avocat (Paraclet). En vue de l’heure du jugement, la grâce
d’être chrétien devient claire pour moi. Être chrétien me donne la
connaissance, et plus encore, l’amitié avec le juge de ma vie et me
permet de franchir avec confiance la porte sombre de la mort. À cet
égard, je me souviens constamment de ce que Jean raconte au début de
l’Apocalypse : il voit le Fils de l’homme dans toute sa grandeur et
tombe à ses pieds comme mort. Mais Lui, posant sa main droite sur
lui, lui dit : « Ne crains pas ! C’est moi… »
(cf. Ap 1, 12-17). Chers
amis, c’est avec ces sentiments que je vous bénis tous ».
Il se fait tard, nous le savons, Pape Benoît, mais il reste toujours
avec nous.
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Le pape Benoît XVI nous a quittés à l'âge de 95 ans
Sources : Benoit
et moi -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 31.12.2022
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