Motu proprio : le Pape Benoît XVI
contre les Évêques ? |
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Le 31 juillet 2007 -
(E.S.M.) - Un aimable lecteur, le P. Boris Borodinov, théologien, nous permet de publier sa réaction au Motu
Proprio du Saint-Père Benoît XVI.
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Le pape aurait succombé à une
« nostalgie personnelle » !
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Motu proprio : le Pape Benoît XVI contre les Évêques ?
Une des difficultés majeures qu'entraîne le Motu proprio n'est pas tant le
soi-disant recul sur l'enseignement conciliaire en matière liturgique mais
plutôt l'exercice de l'autorité du Pape et son interprétation. Et cette
question est plus complexe qu'il n'y paraît : car elle dépasse la
traditionnelle frontière entre "tradis" et "progressistes". De même que
l'entourage de Mgr Lefebvre avait choisi, en son temps, d'appliquer le
principe d'objection de conscience, de même, certains prêtres, fondés sur ce
même principe, se sentent dans l'impossibilité de conscience de célébrer le
rite de St Pie V. Le cardinal Martini a expliqué ainsi récemment que le bien
commun d'une paroisse ne comporte pas nécessairement le devoir de répondre à
chaque demande individuelle. Reste à savoir si les demandes seront
individuelles ou non.
Depuis les premiers siècles, cette faculté du chrétien à l'objection de
conscience est un des biens les plus précieux de la liberté chrétienne.
Le problème n'est donc pas dans l'apparente désobéissance des uns comme des
autres mais réside donc ailleurs. Il me semble que l'attitude la plus
perverse réside davantage dans l'interprétation de la décision du pape que
dans l'obéissance à son autorité.
Souvent on oppose de manière stérile une conception « monarchique » de
l'Église, où le Pape est tout puissant et impose sa volonté propre au reste
de l'Église avec une conception « collégiale », plus démocratique. Cette
distinction permet certes de discerner des tendances, mais elle reste très «
mondaine » et n'est pas adéquate au fonctionnement de l'Église. Il est faux
ainsi de prétendre qu'avant Vatican II, l'Église était monarchique et
qu'elle est devenu démocratique avec le dernier Concile. Dans l'Écriture le
sacerdoce a toujours été compris comme à la fois une réalité corporelle (le
« peuple sacerdotal ») et « individuelle » (l'élection individuelle des
prêtres, prophètes et roi, et l'unicité de la personne du Messie). Donc peu
importe la manière dont on l'a interprété théologiquement, l'Église a
toujours fonctionné selon ces deux principes à la fois.
La difficulté réside donc dans l'utilisation de principes mondains pour
désigner le fonctionnement de l'Église et l'autorité du Pape. Ainsi par
exemple, on a prétendu que Paul VI avait « ouvert l'Église » au monde puis,
pris de remords, avait fait « machine arrière » au moment de la publication
de l'encyclique
Humanae Vitae. Cette interprétation grossière de la trajectoire d'un
Pape est indigne d'un chrétien. Il en va de même quand on dit que Benoît XVI
est « prisonnier » de son entourage, qu'il aurait succombé à une « nostalgie
personnelle ». Je ne prétends pas que la psychologie propre d'un pape, son
histoire, les pressions qu'il subit, sa forme d'esprit ne jouent pas un rôle
important dans ses décisions. Mais la contemplation de l'Incarnation doit
nous amener à cette certitude paisible que cela n'est jamais un obstacle à
l'action salvifique du Christ. Le risque pris par Dieu dans l'Incarnation
contient également le risque d'avoir choisi des hommes faillibles pour un
ministère infaillible. On a le droit de contester la justesse d'une
décision, mais pas de justifier notre désaccord en
soupçonnant la liberté spirituelle d'un Pape comme Paul VI ou Benoît VI
: Toute leur œuvre manifeste leur liberté et leur amour du Christ.
Le problème donc réside dans la justification que le Chrétien se donne pour
être en désaccord avec une décision du pape, même s'il avait raison d'être
en désaccord.
Pour en revenir au Motu Proprio. Les Évêques de France, comme tous les
Évêques du monde sont garants de l'unité de l'Église et de l'authenticité de
la foi. Sauf exception éventuelle, il n'est pas permis de douter de leur
intention. Il est tout à fait scandaleux que tant d'articles haineux aient
été récemment écrits à leur propos ou au propos du Pape Benoît XVI par des
chrétiens. Les blessures accumulées dans l'histoire de l'Église de France ne
sont en aucun cas une excuse valable pour de tels agissement qui déchirent
encore la Tunique sans couture du Christ.
Les Évêques Français étaient tous au pied du mur. Ils souffraient tous (à
des degrés divers) de la division entre leurs chrétiens. Le contexte
d'idéologie qui a blessé diversement la totalité des chrétiens dans l'après
concile les empêchait tout bonnement de prendre des décisions courageuses
qui s'imposaient. Objectivement, pour de bonnes ou mauvaises raisons, la
permission de l'usage de l'ancien missel dans certains diocèses, aurait créé
des blessures irréparables pour l'unité du presbytérium. En même
temps, le fait de ne rien faire entraînait également des blessures
irréparables à une partie des fidèles : les Évêques étaient dans la
situation de parents qui auraient à choisir quels enfants ils sortiraient en
premier de l'incendie ! Le fond de la situation était inextricable. A ceci
s'ajoutaient des interprétations socio-politiques qui achevaient
d'embrouiller les affaires. Qu'a fait le Pape Benoît XVI ? Il fait la même
chose que Paul VI au moment de ses grandes décisions (Missel de 1962,
Humanae Vitae) : il prend sur lui une décision (contestable en soi comme
toute décision) pour libérer les Évêques auprès de leurs prêtres et leurs
fidèles, pour débloquer une situation inextricable. C'est ce que vient de
faire également le pape Benoît XVI par
sa lettre aux aux catholiques chinois. Cette lettre a été
malheureusement occulté par les remous du Motu proprio alors qu'elle
concerne beaucoup plus de chrétiens. Elle est sur le point de faire sortir
les Évêques chinois d'une impasse qu'ils ne pouvaient pas résoudre sur plan
local.
L'esprit de division et le jugement d'autrui sont deux réalités intimement
unies. « Nous vous avons joué de la flûte, et vous n'avez pas dansé »
(Mt 11,17).
Puissent les chrétiens se ressaisir. L'anxiété dans un sens ou dans un autre
n'a pas fini de faire des ravages. L'urgence de la mission n'est pas un
motif d'anxiété, mais de paix et de charité. L'urgence de la mission ne peut
donc en aucun cas être un paravent pour justifier un manque de respect
envers le ministère de chaque évêque ou celui du Pape. Reste cependant à
chacun la possibilité de l'objection de conscience à la condition expresse
de laisser son coeur se laisser pacifier par le Christ.
Tout autre tentative est mondaine et non avenue.
P. Boris Borodinov, théologien.
Chers amis, je me place dans la suite des réactions sur le Motu Proprio.
Merci de le publier si cela vous semble apporter quelque chose.
Le Motu Proprio ►
Le texte officiel et tous les commentaires
Texte
intégral du Motu Proprio:
Publication du "Motu Proprio Summorum Pontificum"
Motu Proprio Summorum Pontificum
(doc word)
Lettre explicative:
Lettre du pape Benoît XVI aux évêques
Lettre du pape Benoit XVI accompagnant le motu
proprio
(doc word)
Sources:
boris.borodinov@orange.fr
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
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