Discours d'ouverture de l'assemblée
plénière du card. Vingt-Trois |
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Le 31 mars 2009 -
(E.S.M.)
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Dans son discours d'ouverture de l'assemblée plénière à Lourdes, le cardinal
Vingt-Trois revient sur l'actualité. "Dans ce moment où l'on assiste à un
déchaînement de haine contre la personne de Benoît XVI, nous
voulons lui dire collégialement notre affection et notre
communion profonde. Au moment de l'épreuve, les évêques de
France ne font pas défaut au Pape" a déclaré le cardinal
Vingt-Trois.
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Salle des conférences à
Lourdes
Discours d'ouverture de l'assemblée
plénière du card. Vingt-Trois
Le 31 mars 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Tout au long de ces dernières semaines mouvementées, j'ai souvent pensé à la
barque entraînée dans la tempête et aux apôtres qui voyaient dormir Jésus.
Le sommeil du Christ leur apparaissait comme une absence et un abandon au
moment du danger. Les apôtres lui disent : « Maître, cela ne te fait rien
que nous périssions ! » Très souvent, ce cri est monté à mes lèvres.
J'avais sans doute besoin de m'entendre dire : « Pourquoi avez-vous si
peur ? N'avez-vous pas encore de foi ? ». En vous partageant cette
prière, je ne veux ni dramatiser ni spiritualiser à l'excès ce que nous
avons vécu, mais simplement nous inviter à nous situer au niveau de la
réalité profonde de l'Église.
Si, au cours des siècles, les coups de vent ne lui ont jamais manqué, ils
ont été particulièrement violents ces temps derniers. La préparation
insuffisante de la levée des excommunications qui confrontait subitement le
Pape au négationnisme de Mgr Williamson, l'annonce du décret avant que les
évêques en fussent informés, étaient des dysfonctionnements évidents des
services concernés. En votre nom, j'ai écrit au Pape et je l'ai rencontré
pour lui dire notre soutien et combien de tels procédés étaient néfastes et
ruineux pour son projet de réconciliation. Nous avons réagi selon nos moyens
et nos tempéraments. Tous nous avons exprimé notre attachement fidèle au
Pape et notre rejet de l'antisémitisme dont Mgr Williamson était
l'expression la plus affreuse. Comme le Pape, nous avons tous manifesté
notre attachement à nos relations cordiales avec la communauté juive. Lors
de notre récente rencontre avec des personnalités juives à New-York et à
Washington, nous avons pu mesurer combien les pas franchis depuis plusieurs
décennies et la confiance mutuelle pouvaient nous aider à surmonter des
crises comme celle que nous venons de vivre. Le négationnisme a évidemment
tenu une certaine place dans nos entretiens, mais sans que le soupçon pèse
sur nous ni sur le Pape. Ce fut plutôt l'expression d'une conviction commune
à l'égard de toutes les manifestations d'antisémitisme.
J'ai dit aussi au Pape que l'émotion soulevée dans notre Église, en France,
n'exprimait pas seulement la hargne des spécialistes de l'opposition à
l'institution ni le désir de nuire à l'Église, même s'ils étaient réels et
sont bien apparus depuis! Parmi les chrétiens et d'autres, la tristesse et
la déception manifestaient aussi un réel attachement à l'Église ou, au
moins, une certaine attente à son égard. La note de la Secrétairerie d'État
puis la lettre personnelle du Pape aux évêques ont rassuré sur les
conditions d'octroi d'un statut canonique à la Fraternité Saint Pie X. La
méfiance qui s'était installée se dissipera avec la rapide mise en œuvre des
décisions annoncées par le Pape quant à la Commission Ecclesia Dei. Les
changements nécessaires confirmeront la fermeté exprimée par le Pape pour
l'organisation des procédures à venir. Mais déjà nous pouvons adresser au
Saint Père l'expression de notre reconnaissance pour sa lettre personnelle
adressée aux évêques, pour la confiance qu'elle exprime et pour l'exemple
qu'elle nous donne. Dans ce moment où l'on assiste à un déchaînement de
haine contre la personne de Benoît XVI, nous voulons lui dire collégialement
notre affection et notre communion profonde. Au moment de l'épreuve, les
évêques de France ne font pas défaut au Pape. Tous l'ont dit à plusieurs
reprises au cours de ces semaines et nous le répétons volontiers
aujourd'hui.
Nous y sommes d'autant plus résolus que les déclarations des responsables de
la Fraternité Saint Pie X et leur médiatisation calculée font clairement
apparaître leur opinion radicale sur une Église dans laquelle ils veulent «
rétablir la foi ». Je précise qu'il s'agit de l'Église catholique
romaine dont Benoît XVI est le Pape, et nous les évêques. La tendance des
médias, et donc de l'opinion publique, à nourrir leurs réactions de
polémiques plus que d'informations rendait inévitable le déclenchement d'une
campagne de presse dans laquelle les inexactitudes n'ont guère troublé les
experts en déontologie. Si nos réactions ont été sereines et argumentées,
nous ne pouvons pas ignorer que pour beaucoup des membres de notre Église,
les médias sont leur principale source d'informations, y compris sur la vie
de notre communauté et qu'ils accordent facilement crédit à ce qui est dit
ou écrit, sans aller chercher beaucoup plus loin. Pour autant, il ne me
semble pas que nous devions nous laisser entraîner dans la surenchère
médiatique qui est plus souvent la mise en scène d'une « affaire » que
l'organisation d'un véritable débat.
Nous en avons un autre exemple avec la question douloureuse de
l'excommunication de Recife. Toute l'affaire fut médiatisée sans apporter
aucune information critique sur ce qui s'est réellement passé, aucun
éclairage ni sur les circonstances particulières, ni sur l'enjeu politique
au Brésil et les groupes partisans qui s'en sont emparés. Il va sans dire,
mais il va encore mieux en le disant, que nous avons tous pris part à la
souffrance de cette petite fille et de sa mère, souffrance malheureusement
partagée par beaucoup d'enfants et de familles au Brésil. Nous pouvons avoir
un jugement pastoral différent de celui de l'archevêque de Recife et le
dire. Mais nous le faisons en respectant et cet évêque et la Conférence
épiscopale brésilienne et sa prise de position courageuse.
Nous avons encore eu un ouragan médiatique avec l'affaire montée à partir
des propos du Pape dans l'avion qui le menait au Cameroun. La polarisation
exclusive sur la question du préservatif a occulté tout le reste des propos
du Pape sur la responsabilité humaine dans les relations sexuelles, sur le
sida, ses paroles de compassion, sa demande de la gratuité des thérapies
pour l'Afrique etc. Les discours importants prononcés par le Pape quand il a
fait appel à des changements réels et profonds dans la vie publique et quand
il a dénoncé une violence endémique ont été effacés. Les premiers
intéressés, les Africains, évêques, hommes d'état et simples citoyens, ne se
sont pas privés de dire ce qu'ils pensaient de cette campagne médiatique
venue d'ailleurs. L'accueil réservé au Pape par les Africains suffisait à en
témoigner.
Les soubresauts de notre vie ecclésiale ne doivent pas nous faire oublier
que notre société est traversée par une crise d'une autre ampleur. Mais
peut-être certains ne sont-ils pas fâchés que nous leur fournissions des
dérivatifs... La crise économique qui a débuté il y a quelques mois est
encore loin d'avoir fait sentir tous ses effets et elle entraînera
nécessairement un appauvrissement général qui touchera plus durement les
personnes les plus fragiles de notre société : les chômeurs, les jeunes en
précarité, les immigrés, etc. Nous aurons l'occasion d'y réfléchir au cours
de notre assemblée.
Comme nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises, ce qui est en cause, c'est
la logique même de notre fonctionnement économique dont le dynamisme repose
sur l'expansion indéfinie des revenus et de la consommation. Imaginer que
cette consommation puisse être assurée par la seule répartition des fonds
publics est un leurre et une tromperie. Jusqu'à présent, notre pays n'a pas
encore été touché aussi fortement que d'autres, mais nous sommes encore loin
de la sortie de la crise. Déjà en 1982, notre conférence appelait des «
Nouveaux modes de vie. » C'est à de nouveaux modèles que nous devons
travailler, nouveau modèle de production agricole, nouveau modèle de
développement économique, nouveau modèle d'échanges avec les pays pauvres,
nouveau modèle de gestion des ressources naturelles.
Dans l'immédiat, tous sont confrontés à des contraintes qui nous obligent à
revoir nos modèles de consommation. Nous-mêmes, comme tous nos concitoyens,
nous savons que notre Église verra probablement ses ressources diminuer et
devra se préoccuper elle aussi du volume de ses charges et faire les
arbitrages nécessaires.
A l'occasion de cette crise, les situations d'injustice dans les
départements d'Outre-mer ont été rendus plus visibles et moins supportables.
Avec les évêques des Antilles et de la Réunion qui se sont rencontrés à
Paris au mois de février, nous avons eu une information circonstanciée sur
les enjeux des conflits qui se sont déclarés, des injustices qui en sont la
cause, des manœuvres politiques qu'ils ont permises. Nous voulons dire à nos
frères évêques et à nos compatriotes d'Outre-mer que nous suivons avec
attention ce qui se passe chez eux et nous voulons aussi être attentifs aux
antillais et réunionnais vivant en Métropole et qui sont inquiets pour les
leurs.
L'extension de la crise économique suscite des reflexes protectionnistes
prévisibles. Ce protectionnisme se développe aussi dans la communauté
européenne. La chute du mur de Berlin, il y a maintenant vingt ans, avait
ouvert les chemins difficiles d'un élargissement vers l'Est. Vaille que
vaille, cet élargissement s'opère et avec lui s'imposent de manière
inéluctable les obligations d'une véritable solidarité entre les Etats.
Depuis plus d'un demi-siècle, l'Union européenne a apporté la paix et les
conditions d'un réel développement économique dans une certaine solidarité.
Certes, notre Europe n'est pas parfaite, mais elle ne pourra pas progresser
sans une véritable mobilisation des citoyens. Les prochaines élections au
Parlement européen doivent exprimer notre attachement à l'Europe et nous ne
manquerons pas d'inviter les catholiques à prendre leurs responsabilités.
Nous aurons à nous prononcer sur le modèle d'Europe que nous voulons
soutenir et développer.
L'Europe est aussi l'arrière-fond sur lequel s'inscrivent les législations
nationales concernant la dignité humaine. En France, la révision prochaine
des lois dites de « bioéthique » pour laquelle nous avons engagé un travail
de plusieurs années ne saurait laisser personne indifférent. Nous ferons le
point sur les démarches entreprises en vue des Etats généraux à venir. Sans
prétention déplacée, il semble que les décisions qui seront prises chez nous
auront un certain retentissement en Europe. Nous ne devons pas céder à la
surenchère des lobbies qui cherchent à provoquer le basculement des
décisions transgressives d'un pays à l'autre. Le bonheur des hommes n'est
pas la somme des plus petites exigences ramenées à un commun dénominateur.
Légiférer en ce domaine ne saurait consister à s'aligner sur les pays les
plus permissifs.
Le récent projet de loi sur des délégations de l'autorité parentale souligne
bien un travers de notre société : le recours constant à de nouvelles lois
pour trouver des solutions à des difficultés réelles mais très partielles.
Chaque épisode fonctionne comme s'il n'existait encore aucune solution
légale ou comme si une nouvelle loi avait pour principal objectif de
promouvoir des requêtes particulières à la dignité de cause universelle. La
pauvreté du dialogue social et des médiations rejette sur la loi et ses
applications judiciaires toute la gestion des conflits particuliers.
Remplacer le débat social par l'action judiciaire n'est pas au bénéfice de
la démocratie.
En faisant le point sur nos groupes de travail « Études et projets »,
nous poursuivrons notre recherche sur les différents dossiers qui ont été
choisis : nouvelles pauvretés, enseignement supérieur catholique,
bioéthique, indifférence religieuse, etc. Comme vous le voyez, le programme
de cette assemblée sera assez chargé. Nous avons voulu cependant respecter
l'engagement pris de réserver un temps pour les rencontres des commissions
et des conseils qui se situera mardi soir. Sans plus tarder, nous pouvons
passer à notre débat sur l'actualité.

Sources : eglise.catholique
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 31.03.09 -
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