Si l’on est avec Jésus, dit Benoît XVI,
la vie devient bonne et l’on va bien |
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Rome, le 30 décembre 2007 -
(E.S.M.) - Toujours et
partout l’homme s’est rendu compte qu’il n’est pas seul au monde, qu’il
y a quelqu’un qui l’écoute. Il s’est toujours rendu compte qu’il a
besoin d’un Autre plus grand et qu’il doit tendre vers Lui pour que sa
vie soit ce qu’elle doit être. Mais le visage de Dieu a toujours été
voilé. Cardinal Ratzinger.
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Adoration des Mages, catacombes de Priscille, Rome -
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C'est ici
Si l’on est avec Jésus, dit Benoît XVI, la vie devient bonne et l’on va bien
Une page de théologie pour terminer l'année :
« La Foi aussi demande »
C’est ce que dit saint Augustin – «... et fides orat » – dans un
passage de l’Enchiridion de fide, spe et caritate
(2, 7). Nous publions l’une des méditations des exercices
spirituels prêchés par don Giacomo Tantardini aux prêtres du diocèse
suburbicaire de Porto-Santa Rufina (Rome) en novembre 2006. L'on y retrouve
la plupart des thèmes développés par le pape Benoît XVI dans son encyclique
"Sauvé par l'espérance"
par don Giacomo Tantardini
Je voudrais parler, cet après-midi, de la prière. Le fait qu’après la
récitation de l’Heure tierce, Son Excellence ait entonné l’Ave Maria, que
nous avons bien chanté ensemble, m’a encouragé parce que ce que j’ai à dire
aujourd’hui peut se ramener à la demande: « priez pour
nous pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. Ainsi soit-il
». Au fond, toute notre participation, toute la participation de
notre liberté au mystère de la grâce peut se ramener à cette invocation à la
Vierge, à l’invocation, « priez pour nous ». « Priez pour nous ». La prière
est notre participation au mystère de l’élection de Dieu.
Permettez-moi de présenter avant l’introduction ces brèves remarques. Je
suis très attaché au petit livre "Qui prie sauve son âme". Ce livret est né
dans les années Quatre-vingt de ce que beaucoup des jeunes qui rencontraient
le christianisme et qui venaient, pour l’essentiel, d’expériences
extra-parlementaires de gauche vécues dans les années
Soixante-dix/Quatre-vingt, demandaient, après avoir commencé à fréquenter la
vie chrétienne, comment il fallait faire pour se confesser. En effet, comme
cela arrive encore aujourd’hui, bon nombre d’entre eux, n’avaient pas reçu
le sacrement de confirmation et ne s’étaient plus confessés depuis leur
première communion. Nous avons ainsi fait à Rome ce petit livre pour aider
les gens qui n’avaient aucune connaissance de la doctrine chrétienne, pas
même des dix commandements, à bien se confesser. C’est ainsi qu’est né ce
livret. On y a rassemblé les prières les plus simples, certaines vérités
fondamentales de la vie chrétienne, les dix commandements, les péchés contre
l’Esprit Saint, les péchés qui crient vengeance devant Dieu et la manière de
faire une bonne confession. Nous avons utilisé le Catéchisme de saint Pie X,
non par choix polémique ou passéiste, mais parce que certaines réponses du
Catéchisme de saint Pie X nous semblaient plus simples pour ceux qui
n’avaient eu aucun contact avec la pratique chrétienne. C’est ainsi qu’est
né alors ce petit livre. Puis il a été amplifié, nous avons ajouté des
prières: les prières de la messe, du rosaire, les litanies. En
janvier-février 2005, 30Jours voulait en faire une nouvelle édition et le
désir m’est alors venu de demander au cardinal Ratzinger d’en
faire la préface. C’était comme soumettre à l’autorité de l’Église (le
cardinal Ratzinger était préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la
Foi) ce petit livre dans lequel j’avais recueilli le catéchisme que j’avais
appris enfant. Nous avons envoyé le livret au cardinal. Comme nous n’avions
toujours pas reçu de réponse quinze jours plus tard, un journaliste de
30Jours a appelé le secrétaire qui nous a rassuré en disant: « Le cardinal
est en train de préparer l’introduction et il a même le livret "Qui prie
sauve son âme" sur son bureau, à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi
». Ainsi le cardinal Ratzinger a-t-il envoyé, le 18 février 2005,
une belle et simple introduction. Elle débute ainsi: «
Depuis que l’homme est homme, il prie », car la prière, c’est-à-dire
la demande, est la structure même du cœur de l’homme. « Toujours et partout
l’homme s’est rendu compte qu’il n’est pas seul au monde, qu’il y a
quelqu’un qui l’écoute. Il s’est toujours rendu compte qu’il a besoin d’un
Autre plus grand et qu’il doit tendre vers Lui pour que sa vie soit ce
qu’elle doit être. Mais le visage de Dieu a toujours été voilé ». Depuis que
l’homme est homme, il prie mais le visage de cet Autre plus grand a toujours
été voilé.
Mon introduction partira de ces deux observations du cardinal Ratzinger.
Première observation: le cœur de l’homme est créé comme demande et l’image
de Dieu subsiste même après le péché (Cf. Augustin, De
Trinitate XIV, 8, 11). L’homme, même après le péché, est capax
Dei. Même après le péché originel, le cœur de l’homme, la nature même de
l’être humain, est demande. Saint Augustin dit que toute créature est créée
par la Sagesse mais que la créature raisonnable (anges et homme) est créée
par la Sagesse de façon que son destin soit la Sagesse même
(Cf. Augustin, De vera religione 44, 82). L’homme
non seulement est créé par le Verbe, mais il est créé pour le Verbe éternel.
Il est créé non seulement par Dieu, mais ad Deum, ad Te. C’est ainsi
qu’est le cœur de l’homme. Saint Augustin, qui insiste fortement, contre
l’hérésie pélagienne, sur le péché originel, sur la blessure du péché
originel, dit lui-même qu’aucun péché (non seulement le péché originel, mais
aucun péché que l’homme puisse accomplir) ne peut détruire ce limen
naturae / ce seuil de la nature (Cf. Augustin, De
civitate Dei XIX, 12, 2), cette ouverture au Mystère. L’image de
Dieu, blessée, demeure comme ouverture au Mystère. S’il en était autrement,
le pauvre pécheur ne pourrait rencontrer le Seigneur lorsque Celui-ci
s’offre gratuitement à la rencontre. Si le cœur ne restait pas ouvert à la
possibilité de la rencontre, il ne pourrait pas Le rencontrer. C’est là la
première observation. La seconde observation (car il ne serait pas réaliste
et donc pas vrai de ne dire que cela): cette demande, ce cœur, sont blessés.
Cette demande, ce cœur sont embrumés. Le visage du Mystère est voilé. Il y a
une prière de l’ancienne liturgie ambrosienne qui me plaît beaucoup, parce
qu’elle décrit cette demande naturelle de l’homme dans sa condition
historique: «… oratio captiva peccatis / la demande prisonnière des
péchés / quae inimico impediente fuscatur/ qui est entravée et
obscurcie par l’ennemi [le diable] (Ancien Breviaire
Ambrosien, Sabbato ad Vesperas, oratio secunda). La demande du
cœur, esclave du diable, est entravée et obscurcie. Telle est la condition
du cœur de l’homme. Augustin (je l’ai cité ce matin) le dit avec une image
que l’on n’oublie pas: « Fugitivus cordis sui / L’homme est fugitif,
il est loin de son cœur » (Augustin, Enarrationes in
psalmos 57, 1). Nous avons aussi lu ce matin le commentaire que
fait Augustin du miracle des deux aveugles. Si le Seigneur n’était pas
passé, les aveugles n’auraient pas crié. « Clausi sunt oculi cordis:
/ Les yeux du cœur sont fermés: / transit Iesus /Jésus passe / ut
clamemus / pour que nous puissions demander »
(Augustin, Sermones 88, 10, 9).
Je voudrais vous lire pour nous encourager, vous et moi, le passage du Credo
du peuple de Dieu du pape Paul VI sur le péché originel. Si l’on oublie le
péché originel, on devient d’abord idéaliste et ensuite cynique. Si on
oublie sa condition concrète, conséquence du péché originel, on n’a pas un
regard réaliste, un regard de foi, sur sa condition, sur la condition de
l’homme, sur la condition du monde. Les passages sur le péché originel et
sur la présence réelle du Seigneur dans l’Eucharistie sont les passages les
plus longs du Credo du peuple de Dieu, parce qu’ils parlent des deux vérités
de foi les plus fortement discutées à ce moment-là – mais pas seulement à ce
moment-là. « Nous croyons qu’en Adam tous ont péché, ce qui signifie que la
faute originelle commise par lui a fait tomber la nature humaine, commune à
tous les hommes, dans un état où elle porte les conséquences de cette faute
et qui n’est pas celui où elle se trouvait d’abord dans nos premiers
parents, constitués dans la sainteté et la justice, et où l’homme ne
connaissait ni le mal ni la mort. C’est la nature humaine ainsi déchue,
dépouillée de la grâce qui la revêtait, blessée dans ses forces naturelles
[blessée donc dans son intelligence et dans sa liberté] et soumise à
l’empire de la mort, qui est transmise à tous les hommes et c’est en ce sens
que chaque homme naît dans le péché. Nous tenons donc, avec le Concile de
Trente, que le péché originel est transmis avec la nature humaine, “non par
imitation, mais par propagation”, et qu’il est ainsi propre à chacun. Nous,
nous croyons que Notre-Seigneur Jésus-Christ, par le sacrifice de la croix,
nous a rachetés du péché originel et de tous les péchés personnels commis
par chacun de nous, en sorte que, selon la parole de l’Apôtre, “là où le
péché avait abondé, la grâce a surabondé” ».
Ce que je viens de dire voulait être une sorte de grande introduction. Je
voulais rappeler que la demande, la prière est le cœur de l’homme, mais ce
cœur, cette demande sont obscurcis, ce cœur, cette demande sont entravés, ce
cœur, cette demande sont prisonniers. Aussi l’homme, de fait, se
résigne-t-il et, à la longue, ne demande-t-il plus. Il se résigne à se
contenter de ce qu’il parvient à posséder, en quelque quantité que ce soit.
Telle est la condition de l’homme.
Si telle est la condition du cœur, pour parler de la prière (de façon,
comment dire, non abstraite), il faut voir comment Jésus est venu à la
rencontre de cette condition de l’homme rendu esclave par les péchés («
Aussi n’es-tu plus esclave mais fils » Ga 4, 7),
comment Jésus est venu à la rencontre de ce cœur qui L’attend, mais qui est
entravé pour demander. Ce cœur qui, comme créature, L’attend, qui comme
créature attend la rencontre avec Lui. Mais cette attente du cœur est
entravée, cette attente du cœur est obscurcie. Si bien que la prière de
l’ancienne liturgie ambrosienne se termine ainsi: «… vultus tui candore
purgetur / que [la demande] soit purifiée par la splendeur de ton visage
». Comment le visage de Dieu brille-t-il dans nos cœurs (cf.
2Co 4, 6) pour que la demande puisse jaillir de notre cœur ?
Comment Jésus vient-il à la rencontre de notre pauvre cœur ?
La première suggestion que je voudrais faire est que cette rencontre a sa
source dans le mystère de l’élection de Dieu. Cette rencontre, en elle-même,
n’est pas la récompense de la demande de l’homme. Cette rencontre est pure
grâce. Elle est le mystère de la grâce de l’élection. Car Zachée avait
peut-être une bonne attente, certainement de la curiosité
(cf. Lc 19, 1-10), mais Matthieu n’attendait rien quand Jésus l’a
appelé. Le publicain Matthieu n’attendait rien (cf. Mt 9,
9). Dans le tableau du Caravage, à Saint-Louis des Français, à
Rome, cette gratuité absolue, cette élection absolument gratuite est
merveilleusement mise en lumière. Voilà la première suggestion. Il y a un
motif à la rencontre qui est dans le mystère de Dieu, qui est dans le
mystère de l’élection de Dieu.
Seconde suggestion: cette rencontre est la perception d’une présence. Elle
est, pour utiliser une expression latine, confessio / reconnaissance.
Et ce fait de reconnaître est déjà, en profondeur, une demande. La
reconnaissance de la foi est déjà, dans le cœur, une demande. La prière
commence déjà dans la reconnaissance même de la foi. La formule que, dans la
liturgie latine, nous disions toujours, dans toutes les messes, avant le
Sanctus: «… supplici confessione / … avec une reconnaissance qui
supplie », indique le proprium de l’acte de foi. La reconnaissance de
la foi est toujours dans le cœur une reconnaissance / confessio / qui
demande supplex. Quand l’enfant dit “maman” il ne prouve pas
l’existence de sa mère. Il en reconnaît la présence, en demandant son amour,
en demandant que sa mère soit proche de lui. C’est là le proprium de
la reconnaissance de la foi. La reconnaissance de la foi est toujours
supplex confessio. Confessio: une reconnaissance de
l’intelligence. Augustin use pour le dire d’une expression définitive: «
Fides si non cogitetur nulla est / La foi, si elle n’est pas pensée
[intelligence qui reconnaît], n’est rien» (Augustin, De
praedestinatione sanctorum 2, 5). La foi, c’est l’intelligence
qui reconnaît, qui adhère. Et la reconnaissance de l’intelligence, dans la
mesure précisément où elle est reconnaissance d’une Présence qui attire,
est, en profondeur, une reconnaissance qui demande. Je me rappelle avec
émotion la première rencontre de Jésus avec Jean et André, les deux
disciples de Jean Baptiste qui suivent Jésus après que Jean Baptiste l’a
indiqué comme l’Agneau de Dieu. Jésus se tourne vers eux et leur dit: « Que
voulez-vous ? » (Jn 1, 38), et eux ne répondent
pas ou mieux, ils répondent par une question: « Maître, où habites-tu ? »
(Jn 1, 38). Ce qu’ils cherchaient, ils l’avaient sous les yeux.
Ils ne répondent pas par une définition, ils répondent par une question «
Maître, où demeures-tu ? », ce qui veut dire aussi: « Où, comment
pouvons-vous demeurer avec toi ? ». Ce qu’ils attendaient, ils l’avaient
sous les yeux et donc, l’ayant reconnu, ils ont demandé à rester avec Lui.
La reconnaissance de la foi est déjà prière, la foi est déjà demande. Comme
dit saint Augustin: «… et fides orat / la foi aussi demande »
(Augustin, Enchiridion de fide, spe et charitate 2, 7).
Le Credo est une prière. Qu’il est beau de le réciter durant la messe! La
foi est une reconnaissance de l’intelligence suscitée par la grâce, suscitée
par Son attrait, suscitée par Sa présence, par Lui qui passe tout près, par
Son geste. C’est un acte de l’intelligence qui reconnaît et de la liberté
qui adhère. Le Concile oecuménique Vatican I, lorsqu’il déclare que « la foi
est une vertu surnaturelle impossible à obtenir sans l’illumination et
l’inspiration de l’Esprit Saint », ajoute une très belle expression; «
Qui dat omnibus suavitatem in consentiendo et credendo veritati /
L’Esprit Saint donne à tous la douceur dans la reconnaissance et dans
l’adhésion à la vérité » (Concile œcuménique Vatican I,
constitution dogmatique Dei Filius, chap. III, De fide (Denzinger 3010).
Comme il est beau ce mot suavitas! On ne reconnaît et on n’adhère à
une présence que parce qu’il est doux, attirant de la reconnaître et d’y
adhérer. La Vérité pour pouvoir être reconnue s’est faite présence humaine,
le Verbe s’est fait homme (cf. Jn 1, 14). Ce
n’est pas un théorème à démontrer. Ce que je voulais dire, c’est que le cœur
de la reconnaissance de la foi est déjà prière.
Une troisième suggestion. Après sa rencontre avec Zachée, quand il est allé
chez lui, Jésus lui a dit: « Aujourd’hui, cette maison a reçu le salut »
(Lc 19, 9). La rencontre avec Jésus sauve vraiment
l’homme. La reconnaissance de Jésus est le début du salut. Le baptême nous
donne réellement le salut. « Dès maintenant nous sommes enfants de Dieu »
(1Jn 3, 2). C’est ce que dit saint Jean dans sa
première Épître. Mais comment sommes-nous dès maintenant enfants de Dieu ?
Comment sommes-nous dès maintenant sauvés ? Comment sommes-nous dès
maintenant heureux ? L’effet du salut (voir Zachée, Lc 19,
6), le second fruit de l’Esprit Saint (cf. Ga
5, 22), c’est la joie. Le salut a ce reflet humain qui est la
joie. Eh bien, comment sommes-nous dès maintenant heureux ? L’apôtre Paul et
toute la Tradition disent que nous sommes dès maintenant sauvés, que nous
sommes dès maintenant heureux « in spe / en espérance »
(Rm 8, 24). Le cardinal Ratzinger, dans
une interview que la revue 30Jours a elle aussi publiée (Cf.
N.C. Hvidt, Le christianisme porte toujours en lui une structure
d’espérance, 30Jours, 1, janvier 1999, p. 65-75), soulignait avec
force que l’espérance est une dimension permanente de la vie chrétienne.
Évidemment, notre attente n’est pas comme l’attente de l’Ancien Testament.
En effet le Seigneur est venu et, par Sa grâce, nous L’avons rencontré. Mais
l’espérance reste dans la vie chrétienne parce que nous aussi, en vertu
justement de la suavitas / douceur de l’amitié avec Lui, nous
L’attendons («nous attendons ta venue dans la gloire») et parce que la
rencontre avec Lui, la foi, le salut, ne sont pas nos possessions. Notre
salut n’est pas notre possession. À chaque instant c’est un don.
Et je voudrais ainsi vous lire les anciens canons sur la grâce, parce qu’ils
sont d’une grande clarté et d’une lumineuse simplicité. Avant tout, deux
canons du Concile de Carthage de 418 qui, approuvés après quelques
hésitations par le pape Zosime, sont, disons, le document dogmatique sur la
grâce auquel se sont référés tous les Conciles et, en particulier, le
Concile de Trente. Puis un passage de l’Indiculus. L’Indiculus
est un petit catéchisme dans lequel l’Église de Rome, après les polémiques
de Pélage, a résumé la doctrine de la foi sur la grâce. Je lis ces documents
de la Tradition parce qu’ils mettent en évidence que le salut est réel mais
qu’il n’est pas notre possession. Il est réel et en même temps, selon une
expression très chère à Péguy, précaire (Cf. Ch. Péguy,
Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, in Œuvres en
prose complètes, Gallimard, Paris 1992, p. 1449-1450). Si bien
que le rapport du chrétien avec le salut est toujours un rapport de demande,
est toujours un rapport de prière et n’est pas un rapport de possession.
Le canon trois du Concile de Carthage dit: « Il a plu aux évêques d’établir
de même ceci: quiconque dit que la grâce de Dieu, qui justifie l’homme par
notre Seigneur Jésus Christ, vaut uniquement pour la rémission des péchés
déjà commis, mais non pour aider à n’en plus commettre, qu’il soit anathème
» (Cf. Denzinger 225). La grâce est nécessaire
non seulement pour le pardon des péchés commis mais comme aide pour ne pas
en commettre dans l’avenir. Car le salut, la grâce ne sont pas nos
possessions. Le salut, la grâce sont précaires. L’émerveillement de Jean et
d’André était tout à fait certain ce jour-là: «Il était environ quatre
heures de l’après-midi» (Jn 1, 39). Tout à fait
certain mais il n’était pas leur possession. Leur demande était certaine
mais elle n’était pas leur possession. La certitude du chrétien, selon une
image de don Giussani qui me semble parfaite dans sa simplicité, est
l’abandon de l’enfant. Quand l’enfant s’abandonne (comme le dit le Psaume
130 qui a été lu à la messe d’hier), il s’endort plein de certitude dans les
bras de sa mère. Cette certitude n’est pas un bien qu’il possède. La
certitude chrétienne est un abandon de cette sorte, c’est l’abandon d’un
enfant.
Canon cinq du Concile de Carthage: « Il a ainsi plu aux évêques d’établir
ceci: quiconque dit que la grâce de la justification nous est précisément
donnée pour pouvoir accomplir plus facilement par elle ce que nous devons
faire par notre libre arbitre, en sorte que, si la grâce n’était pas donnée,
nous pourrions pourtant, quoique avec moins de facilité, observer sans elle
les commandements de Dieu, qu’il soit anathème» (Denzinger
227). Si quelqu’un dit que, même sans la grâce, nous pouvons
accomplir, peut-être non aisément, peut-être avec difficulté, les
commandements de Dieu, qu’il soit excommunié. Puis la remarque finale est
splendide: « Le Seigneur en effet, se référant justement au fruit des
commandements [c’est-à-dire au fait d’appliquer ce qu’ordonnent les dix
commandements], n’a pas dit: “Hors de moi il vous est difficile de faire”
mais a dit: “Hors de moi vous ne pouvez rien faire”» (Jn
15, 5) (Ibid). Cette simplicité évangélique est réconfortante et
libératrice. Libératrice pour nous et nos fidèles.
Chapitre trois de l’Indiculus. On cite ici le pape Innocent
(401-417). Le pape Innocent, le prédécesseur du
pape Zosime, avait accueilli immédiatement et cordialement les premières
condamnations de l’hérésie de Pélage par les Conciles africains. L’Indiculus
dit: « Personne, même renouvelé par la grâce du baptême, n’est capable de
surmonter les embûches du diable ni de vaincre les concupiscences de la
chair, s’il ne reçoit de l’aide quotidienne de Dieu » (Denzinger
241). Le Concile de Trente déclarera lui aussi qu’il est possible
d’observer les commandements de Dieu avec la grâce et que c’est une
affirmation téméraire et condamnée par tous les Pères de dire qu’il n’est
pas possible, avec la grâce, d’observer les commandements
(Concile de Trente, décret De iustificatione, chap. XI, De observatione
mandatorum, deque illius necessitate et possibilitate (Denzinger 1536-1539).
Mais il ajoutera que si quelqu’un est dans la grâce de Dieu, il ne reste pas
dans la grâce sans une aide spéciale de la grâce (Concile
de Trente, décret De iustificatione, Canones de iustificatione, can. 22 (Denzinger
1572). Pour rester dans la grâce, il faut une aide spéciale de la
grâce. L’Indiculus poursuit: « C’est ce que confirme la doctrine du
même pasteur [Innocent] dans ces mêmes pages où il dit: “En effet Dieu, bien
qu’il ait racheté l’homme de ses péchés passés, sachant que celui-ci pouvait
pécher encore, se réserva différents moyens de le redresser, même après ces
fautes, en donnant chaque jour ces remèdes [chaque jour ces grâces] sans
lesquels, si nous ne nous appuyons pas avec confiance sur eux, nous ne
pourrons en aucune façon vaincre nos erreurs humaines. Il est en effet
nécessaire que, comme nous sommes vainqueurs avec Son aide [de même que nous
avons vaincu avec Son aide dans le baptême, de même que nous avons vaincu
avec Son aide dans le sacrement de la confession], sans le renouvellement de
Son aide, nous soyons vaincus”» (Denzinger 241).
De même que nous avons vaincu avec Son aide, de même « eo iterum non
adiuvante / s’Il ne nous aide pas de nouveau / vincamur / nous
sommes vaincus ». J’ai lu ces anciens dogmes pour dire que la prière, la
demande, est la façon de vivre des chrétiens. C’est la façon de vivre de
qui, par la grâce, a rencontré le salut. De qui a été sauvé en espérance. De
qui a trouvé une réponse gratuite à l’attente de son cœur dans l’amitié avec
Jésus. La façon de vivre cette amitié, la façon de vivre cette grâce, la
façon de vivre ce bonheur initial est la prière.
Je voudrais ainsi dire quelque chose de la façon dont saint Thomas d’Aquin
parle de l’espérance, parce que saint Thomas arrive à faire coïncider
l’espérance avec la prière. Vers le milieu des années Quatre-vingt, j’ai
participé, à Collevalenza, à des exercices spirituels prêchés par le
cardinal Ratzinger. De ces exercices, il y a une chose que je
n’ai jamais oubliée: c’est quand, dans la méditation sur l’espérance,
Ratzinger a cité saint Thomas qui dit: « La prière est
l’interprétation de l’espérance / Petitio est interpretativa spei »
(Thomas d’Aquin, Summa theologiae II-II q. 17 à. 4; cf. J.
Ratzinger, Guardare Cristo. Esercizi di fede, speranza e carità, Jaca Book,
Milan 1989, p. 54). La prière est la voix
de l’espérance, elle est l’expression de l’espérance, elle est la
modalité par laquelle s’exprime l’espérance. Être sauvé en espérance veut
dire prier. Être heureux en espérance veut dire demander. Demander que cet
émerveillement, ce début réel et précaire de bonheur, se renouvelle. Nous,
nous ne pouvons pas le posséder. Si le Seigneur ne le renouvelle pas, nous
ne restons pas dans sa grâce (cf. Jn 15, 5).
Saint Thomas, dans le Compendium theologiae (Thomas
d’Aquin, Compendium theologiae II, 7), œuvre inachevée qui
s’interrompt juste au début de la seconde partie, consacrée à l’espérance,
passe, pour déclarer que l’espérance coïncide avec la prière – c’est si vrai
que Jésus nous donne, pour nous faire vivre dans l’espérance, la prière du
Notre Père – par les étapes suivantes.
Premièrement: «Spes desiderium praesupponit / L’espoir présuppose le
désir» (Ibid). Comme c’est beau!
L’espérance a pour présupposé que l’on soit attiré par
ce qui est espéré. Si ce qui est espéré ne nous attire pas, nous ne
pouvons pas espérer. L’espérance a pour présupposé l’attrait de la grâce,
l’attrait Jésus. Le fait que Jésus nous attire veut dire que l’on a de Lui
une expérience initiale. C’est là, selon moi, un point fondamental. Pour
désirer la vie éternelle, pour désirer le Paradis, il faut en avoir déjà une
expérience initiale. On ne peut désirer quelque chose sans avoir déjà
l’expérience initiale de son attrait. La fin du discours de saint Augustin
sur la prière, que nous avons lu dans le bréviaire il y a quelques semaines,
le dit dans les termes les plus simples: « L’Esprit de Dieu incite donc les
saints à prier avec des gémissements inexprimables, en leur inspirant le
désir [vous voyez que le désir naît de l’attrait de la grâce] de quelque
chose de très grand [le bonheur dans le Paradis], mais encore inconnu, que
nous, nous attendons à travers l’espérance. […] En réalité si ce quelque
chose était totalement inconnu, il ne pourrait être objet de désir, et si
par ailleurs on le voyait, comme une réalité que l’on possédait déjà, il ne
pourrait être désiré et demandé avec des gémissements»
(Liturgie des Heures, vendredi de la XXIXe semaine du Temps ordinaire,
Office des lectures, deuxième lecture, extrait de la Lettre à Proba de saint
Augustin, èvêque (Epistolae 130, 15, 28). Si ce bonheur, si cette
vie éternelle étaient totalement inconnus, on ne pourrait pas même les
désirer et si on les possédait, on ne les demanderait pas. « Spes
desiderium praesupponit ». Le premier présupposé est que ce que nous
espérons est désiré, que le bonheur pour toujours est désiré. Pour le
désirer, il faut qu’il nous attire. Le désir ne naît pas de nous. Le désir
appartient à notre cœur mais c’est un attrait qui le suscite. Un attrait
dont nous avons une expérience initiale.
Deuxièmement : il faut que ce qui est désiré «soit reconnu comme possible à
obtenir / possibile esse aestimetur ad consequendum »
(Thomas d’Aquin, Compendium theologiae II, 7). Cela aussi, c’est
beau! Possible, parce que si le bonheur désiré n’était pas reconnu comme
possible, ce serait une illusion, un rêve, ce ne serait pas une espérance.
Un bonheur reconnu donc comme possible. Comme il est beau cet «
aestimetur », c’est-à-dire “reconnu comme raisonnablement” possible.
Saint Augustin écrit dans les Confessions: « Merito mihi spes valida in
illo est / C’est avec raison que je mets en Lui la ferme espérance »
(Augustin, Confessiones X, 43, 69).
Troisièmement : ce qui est espéré « sit aliquid arduum / est quelque
chose d’ardu » (Thomas d’Aquin, Compendium theologiae II,
7) . Ardu se traduit par difficile. Mais, selon moi, il est
plus simple de dire qu’il s’agit d’une réalité que nous ne pouvons pas
construire nous-mêmes, que nous ne pouvons pas posséder nous-mêmes. Ardu
veut dire que nous ne pouvons pas prétendre, que nous ne pouvons pas
comprendre. Nous ne pouvons pas atteindre nous-mêmes et nous ne pouvons pas
saisir nous-mêmes. « Si comprehendis non est Deus / si tu comprends,
ce n’est pas Dieu » (Augustin, Sermones 117, 3, 5).
Augustin dit cela de façon encore plus belle. « Si comprehendere potuisti
/ si tu as pu comprendre / aliud pro Deo comprehendisti / tu as
compris autre chose à la place de Dieu » (Augustin,
Sermones 52, 6, 16). Saint Augustin a parlé de l’aliénation avant
Nietzsche et Marx. Si celui que tu appelles Dieu, tu le comprends, il est
autre que Dieu, autrement dit, tu es aliéné. Dieu, on ne peut ni Le
prétendre, ni Le comprendre. Paul dans l’Épître aux Philippiens, que nous
avons lue à la messe, écrit que le Fils de Dieu « ne retint pas jalousement
le rang qui l’égalait à Dieu » (Ph 2, 6). Il ne
retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Il ne retint pas, en le
considérant comme un vol [c’est-à-dire comme une conquête de sa part], dit
le texte latin, le rang qui l’égalait à Dieu. C’est un don permanent du Père
dans la jouissance de l’Esprit Saint. L’espérance présuppose donc une
réalité qui soit désirée, qui soit possible mais que nous, nous ne pouvons
prétendre, nous ne pouvons comprendre. C’est en ce sens qu’elle est ardue.
S’ouvrent maintenant deux voies: la première est celle de l’homme qui
s’active pour obtenir ce bien désiré, possible, ardu, et la seconde est
celle de l’homme qui demande ce bien, et c’est là la façon dont la vertu de
l’espérance s’exprime. Thomas en arrive à cette conclusion splendide: «
Sic igitur ea quae Dominus / Ainsi donc, les choses dont le Seigneur /
in sua oratione petenda esse docuit / a enseigné dans sa prière [le
Notre Père] qu’elles devaient être demandées / ostenduntur homini esse
consideranda possibilia / se montrent telles qu’elles doivent être
considérées comme possibles par l’homme / et tamen ardua / mais
pourtant ardues / ut ad ea non humana virtute sed divino auxilio
perveniatur / de sorte que l’on arrive à elles non par la capacité
humaine mais par la grâce de Dieu » (Thomas d’Aquin,
Compendium theologiae II, 7). Voilà tout ce que je voulais dire.
C’est-à-dire que la prière appartient au cœur de la foi chrétienne, que la
prière appartient au cœur de la vie chrétienne. Au cœur de la foi parce que
la reconnaissance de la foi est déjà demande à cette présence: supplex
confessio. De sorte que dans la foi est affirmée l’unité de
l’intelligence et du cœur. La prière appartient au cœur de la vie chrétienne
parce que le salut que donne la foi est réel et en même temps précaire: «
Car notre salut est objet d’espérance » (Rm 8, 24).
Le début du bonheur est réel, c’est si vrai que si l’on n’en avait pas une
expérience initiale, on ne pourrait pas même le désirer. Il est réel mais ce
n’est pas notre possession. Augustin, dans un passage que nous lisons dans
le bréviaire, le dernier jour de l’année liturgique, avant le début de l’Avent,
dit: « Quotidie petitores, quotidie debitores / Chaque jour, nous
devons demander, chaque jour nous sommes de pauvres pécheurs »
(Liturgie des Heures, samedi de la XXXIVe semaine du Temps
ordinaire, Office des lectures, deuxième lecture, extrait des Discours de
saint Augustin, évêque (Sermones 256, 1). Chaque jour, nous
devons réciter le Notre Père. Chaque jour petitores / des personnes
qui demandent. Chaque jour, debitores / des personnes qui demandent
pardon.
Maintenant, seulement quelques brèves remarques sur la façon dont le
Compendium du Catéchisme définit la prière (Compendium du
Catéchisme de l’Église catholique, n. 534).
Première remarque. Le Compendium définit la prière conformément aux deux
définitions traditionnelles: « Elevatio mentis in Deum / Élévation de
l’âme vers Dieu » ou « petitio decentium a Deo / demande à Dieu des
biens conformes à Sa volonté » (Ibid). Et il
ajoute quelque chose de très beau: « Elle [la prière] est toujours un don de
Dieu » (Ibid). La prière des enfants
(cf. Ga 4, 6) naît toujours du fait qu’Il
s’approche, qu’Il vient à la rencontre, qu’Il passe. « Transit Iesus ut
clamemus » (Augustin, Sermones 88, 10, 9).
« Elle est toujours un don de Dieu qui vient à la rencontre de l’homme ».
Voilà ce que dit le Compendium. Cette brève réponse du catéchisme utilise
la parole rencontre . La prière est toujours un don de Dieu qui vient à la
rencontre. S’Il ne vient pas à la rencontre, le cœur ne demande pas. «
Clausi sunt oculi cordis » (Ibid). Le cœur
suit ses illusions. Car le cœur, c’est-à-dire l’intériorité est malade,
l’intériorité est aveugle, l’intériorité est sourde, l’intériorité est morte
(Ibid).
Deuxième remarque. La prière est donc elevatio mentis in Deum. Pour
comprendre ce que veut dire ce « élever l’âme vers Dieu », je me reporte à
un passage de saint Augustin dans le De Civitate Dei
(Augustin, De civitate Dei XIV, 13, 1) . Augustin cite le
sursum corda / élevez vos coeur. Alors comme aujourd’hui, c’est ainsi
que commence la prière eucharistique. Augustin écrit: « Bonum est sursum
habere cor, / C’est une bonne chose d’avoir le cœur en haut, / non
tamen ad se ipsum / non pas cependant tourné vers soi-même [comme c’est
important, cela! La prière n’est pas une introspection. C’est une bonne
chose d’avoir le cœur élevé, mais non tourné vers soi-même], / quod est
superbiae / ce qui est le propre de l’orgueil, / sed ad Dominum /
mais tourné vers le Seigneur, / quod est obœdentiae / ce qui est le
propre de l’obéissance / et [c’est ici qu’il y a la plus belle observation]
quae nisi humilium non potest esse. / [obéissance] qui ne peut
exister que chez les humbles. / Est igtur aliquid humilitatis / Il y
a en effet dans l’humilité quelque chose / miro modo quo sursum faciat
cor / qui élève le coeur d’une façon admirable [elevatio mentis in
Deum] / et est aliquid elationis / et il y a dans l’effort pour
s’élever quelque chose / quod deorsum faciat cor. / qui abaisse le
cœur. / Hoc quidem quasi contrarium videtur, / Il semble ainsi que ce
soit le contraire [de ce que nous pensons instinctivement]: / ut elatio
sit deorsum / que la tentative de s’élever soit en bas / et humilitas
sursum / et l’humilité en haut ». Augustin dit simplement dans ce
passage ce que Jésus a dit: « Car tout homme qui s’élève sera abaissé, et
celui qui s’abaisse sera élevé » (Lc 14, 11).
Combien de fois nous confondons nous aussi l’elevatio mentis in Deum
(qui est le regard – ou plus simplement les larmes – de l’enfant qui demande
à être pris dans les bras) avec la elatio (qui est la tentative de
l’homme d’atteindre, lui, Dieu). C’est un fait merveilleux « miro modo
» que ce soit l’humilité qui élève à Dieu, parce que c’est Dieu qui élève.
Comme pour le publicain, qui « n’osait même pas lever les yeux au ciel »
(Lc 18, 13).
Troisième remarque. La définition de la prière comme « petitio decentium
a Deo / demande à Dieu de bonnes choses » laisse entendre que la prière
est liée à la vie bonne. La prière est liée à l’obéissance aux
commandements. Nous sommes de pauvres pécheurs mais nous ne pouvons pas
prier dans le compromis avec le péché. On ne peut pas désirer en même temps
deux choses contraires. Un instant après avoir cédé à la tentation, on peut
demander par grâce. Mais le cœur « est menteur » (1Jn 2,
4) si, en même temps, il « dit » (1Jn 2, 4)
désirer deux choses contraires.
Quatrième remarque. Les deux mots elevatio et petitio par lesquels le
Compendium définit la prière suggèrent que celle-ci est « toujours et en
même temps » (comme l’a dit le pape Benoît XVI l’année dernière à Cologne
(Cf. Benoît XVI, rencontre avec les évêques d’Allemagne,
Cologne 21 août 2005)) un regard et une demande, un
émerveillement et une attente, une douceur et un désir
(Augustin, De Trinitate XV, 2, 2), une réjouissance initiale dans
les gémissements (Cf. Augustin, Epistolae 130, 15, 28).
C’est précisément en raison de l’émerveillement de la rencontre que Jean et
André ont demandé (cf. Jn 1, 38). Et comme elle
est toujours un don de Dieu qui vient à la rencontre, la prière est
possible, dans les gémissements aussi, toujours en raison d’un dernier
émerveillement.
On marche ainsi « proficiens / en croissant », dit saint Augustin en
parlant de Pierre: « Non praeveniendo sicut Petrus praesumens / Non
pas en voulant prévenir [non pas en voulant aller au-delà] comme Pierre
quand il présumait / sed sequendo et orando / mais en suivant et en
demandant [émerveillement et demande] sicut Petrus proficiens / comme
Pierre quand il marchait en croissant » (Augustin,
Sermones 284, 6). C’est ainsi que l’on devient bon. Comme l’a dit
le pape Benoît XVI dans sa rencontre avec les enfants de la première
communion, le 15 octobre 2005: « Si l’on est avec Jésus, la vie devient
bonne et l’on va bien ».
Cinquième remarque. Pour apprendre à prier, il faut prier. La prière étant
toujours un don de Dieu qui vient à la rencontre, il nous est simplement
demandé de répéter. Répéter, c’est-à-dire re-demander. Répéter les formules
les plus simples de la prière. C’est le Seigneur qui vient à la rencontre. «
Aux humbles il donne la grâce » (Pr 3, 34; <1P 5, 5).
Ce n’est pas nous qui, avec des mots de notre invention, rejoignons le
Seigneur. Prenons, par exemple, le saint rosaire. Ces mots croissent avec la
croissance de l’expérience de la foi. Comme pour les enfants. Au début, les
mots peuvent n’être que le son de la voix. Si l’on répète ces mots, la
réalité qu’ils indiquent se montre gratuitement dans sa beauté si chère: «
Chère beauté ». Lisez, si possible devant l’Eucharistie, le chapitre 11,
versets 1-13, et le chapitre 18, versets 1-14, de l’Évangile de Luc.
Je conclus par une citation de saint Augustin tirée du De Civitate Dei:
« L’activité suprême et totalisante de l’Église ici, sur la terre, dans
notre condition mortelle, est de mettre son espérance dans la prière »
(Augustin, De civitate Dei XV, 21).
Elle est vraiment belle cette expression d’Augustin! « Activité suprême et
totalisante » suggère que la prière est la dimension de chaque geste. «
Mettre son espérance dans la demande » suggère, par exemple, que, quand nous
célébrons la messe, l’espérance est dans la prière de Jésus, non en nous.
Sources: 30Giorno.it
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 30.12.2007 - BENOÎT XVI
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