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Adresse du Cardinal Barbarin au pape
Benoît XVI
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Le 30 novembre 2012 -
(E.S.M.)
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"La grâce de Rome est vraiment celle de l'universalité, une grâce
catholique! " Ainsi vient de s'adresser au Saint-Père, le Cardinal
Barbarin au nom des évêques des provinces de Clermont, Lyon, Marseille,
Montpellier, Toulouse, et de l'Archevêque de Monaco, en visite ad limina.
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Adresse du Cardinal Barbarin au pape
Benoît XVI
Le 30 novembre 2012 - E.
S. M. -
Tandis que les évêques de France achèvent ainsi leur pèlerinage aux sources
apostoliques, tous témoignent que leur ministère s'en trouve fortifié.
Soulignons que plusieurs Dicastères ont conforté l'épiscopat français dans
la voie de la vigilance qu'il tient concernant les graves réformes
sociétales en cours. Les évêques de Midi-Pyrénées, Auvergne, Rhône-Alpes,
Languedoc Roussillon et PACA reconnaissent que leur ministère est parfois
lourd. Mais que pour le raviver, il faut avoir des cœurs de serviteurs. Rien
de fécond ne se fera sans le dialogue exigeant et respectueux avec l'homme
de ce temps. Tel est le "fil rouge" des échanges vécus à Rome.
Dans sa très riche réponse, le Saint-Père se fait insistant sur l'efficacité
de la nouvelle évangélisation. Elle ne le sera que si les communautés s'y
engagent pleinement. Pour vivre cela concrètement, le Saint Père évoque
longuement la transmission aux jeunes générations. Ici l'éminente
responsabilité de l'Enseignement catholique est rappelée fortement.
Les figures saintes ont façonné l'Eglise en France. Benoît XVI en cite
quelques-unes. Nous sommes assurés qu'elles intercèdent pour l'aujourd'hui.
Ainsi s'achèvent les visites officielles. Désormais beaucoup est à
recueillir. Les trois discours pontificaux sont un précieux triptyque pour
poursuivre la rencontre des hommes.
Mgr Bernard PODVIN Porte-parole des évêques de France
Très Saint Père,
Le troisième groupe des évêques de France en visite ad limina est heureux de
venir à votre rencontre. Nous savons que notre foi en sortira enrichie et
fortifiée. C’est la grâce et la mission que Jésus donne à Pierre et à ses
successeurs : « Moi, j’ai prié pour toi (…) Toi, affermis tes frères
» (Luc 22, 32). Avec l’archevêque de Monaco,
nous sommes trente-six évêques, des cinq provinces de Clermont, Marseille,
Montpellier, Toulouse et Lyon. Le diocèse de Moulins, qui attend son futur
pasteur, est représenté par son administrateur. Ces territoires couvrent le
Sud Est de la France, « un pays que je connais bien », avez-vous dit aux
frères évêques qui nous ont précédés auprès de vous.
Nous vivons intensément cette semaine romaine. Pour nous, c’est d’abord un
pèlerinage sur la tombe des Apôtres, les colonnes de l’Eglise, au cœur de
l’« Année de la Foi ». Les Messes que nous avons célébrées dans chacune des
Basiliques Majeures resteront gravées dans nos mémoires. Nous sommes touchés
par les rencontres en petits groupes avec vous ; vous y donnez un climat de
simplicité et d’échange très fraternel. Vous voulez entendre nos questions,
et nous comprenons que ce sont aussi les vôtres. Nous avons la joie de vous
voir réfléchir à haute voix devant nous, avec un cœur de pasteur. C’est
vraiment encourageant pour nous.
Depuis vendredi dernier, nous trouvons aussi un grand intérêt à rencontrer
vos collaborateurs, en passant dans les différents Dicastères. Cela nous
éclaire sur les questions que nous nous posons ou les problèmes que nous
rencontrons. Ils sont mis en relation avec des situations comparables dans
d’autres pays ou d’autres continents. Oui, la grâce de Rome est vraiment
celle de l’universalité, une grâce « catholique » !
Pour chacun d’entre nous, ce fut très intéressant de préparer son rapport en
vue de la visite ad limina : une occasion de faire le point avec nos
collaborateurs sur la vie de notre diocèse, de réfléchir avec un peu de
recul à notre mission pour vous en rendre compte, et aussi de faire un utile
examen de conscience…
Dans nos diocèses, la situation n’est pas toujours facile. La charge confiée
nous paraît parfois lourde, mais en pensant à la vôtre, nous aurions honte
de nous plaindre. En fait, nous savons bien ce qui nous est demandé : comme
le dit saint Paul, « avoir une foi qui travaille, une charité qui se
donne de la peine et une espérance qui tient bon » (1
Thes 1, 3). Nos frères qui ont participé au Synode sur la
nouvelle évangélisation, le mois dernier, nous ont dit que vous aviez
commenté le passage de l’Evangile où Jésus s’écrie : « Je suis venu
allumer le feu sur la terre » (Luc 12, 49).
Ce désir dévore son cœur, le vôtre et le nôtre. Juste avant, dans ce même
chapitre de saint Luc, Jésus venait de donner un long développement sur le
service. Nous comprenons donc que pour réussir à allumer ce feu, il faut
d’abord avoir des cœurs de serviteurs et « garder nos reins ceints et nos
lampes allumées » (v. 35).
Même si la situation est différente dans nos diocèses, il est clair que les
effectifs diminuent, celui des baptisés d’abord, mais aussi le nombre des
mariages, des vocations sacerdotales et religieuses. Pourtant, dans cette
société égarée qui perd le sens des valeurs fondamentales et qui ne sait
plus goûter le silence, un véritable réveil spirituel s’opère. Beaucoup
découvrent d’une manière nouvelle le mystère de l’homme, créé « à l’image
et à la ressemblance de Dieu ». Les catéchumènes réveillent nos
communautés par leurs attentes et nous donnent une grande joie. Ils viennent
d’horizons très divers et demandent beaucoup en frappant à la porte de
l’Eglise. Certains d’entre nous voient que le nombre des fidèles à la Messe
dominicale a cessé de baisser. Plusieurs qui s’étaient éloignés, reviennent
et beaucoup veulent réapprendre à prier, chaque jour, seuls, avec d’autres
ou en famille.
Il est aussi très réconfortant de voir, au cours de nos visites pastorales,
le nombre de chrétiens, jeunes et adultes, qui se sentent responsables avec
leurs pasteurs de la mission de l’Eglise. On peut dire que le Seigneur a
allumé le feu dans leurs cœurs. Des initiatives d’évangélisation se
multiplient ; elles passent par la musique, le sport, internet, twitter et
facebook, et tous les nouveaux moyens de communication. Si les gens ne
viennent plus dans nos églises, c’est à nous d’aller à leur rencontre ;
c’est d’ailleurs ce que le Seigneur nous a ordonné : « Allez, enseignez
toutes les nations… » (Mat 28, 19). «
Nous sommes passés de la pastorale de la cloche à celle de la sonnette
», m’expliquait récemment un prêtre. Aux pasteurs, il revient, comme dit
saint Paul, de ne pas éteindre l’Esprit, de tout vérifier
(1 Thes 5, 19-21) et de savoir encourager les uns et les autres.
Evangéliser, qu’est-ce à dire ? A la récente assemblée de Lourdes, un de nos
frères évêques nous a laissé cette magnifique définition de Madeleine
Delbrel : « Evangéliser, c’est dire, à des gens qui ne le savent pas, qui
est Jésus, ce qu’il a dit, ce qu’il a fait, de façon que ces gens le sachent
et qu’ils sachent que nous en sommes sûrs. » Tout est dit.
Ce trésor de la foi, que nous portons dans des vases d’argile
(cf 2 Cor 4, 7), nous essayons sans cesse de l’approfondir. Une
grande attention est portée à la formation de nos responsables et de tous
les fidèles, d’abord dans les Universités catholiques de Toulouse et de
Lyon, qui ont des annexes dans plusieurs autres villes, mais aussi dans
chacun de nos services diocésains qui essaient de travailler davantage
ensemble et de coordonner leurs efforts par province.
Dans nos diocèses, il y a une longue tradition d’œcuménisme et de dialogue
interreligieux. Cela est dû aux lieux importants du protestantisme qui se
trouvent dans notre région, à la présence d’orthodoxes (avec qui nous sommes
en communion de prière aujourd’hui pour la fête de saint André, le premier
appelé) et à l’installation de communautés arméniennes, après le génocide de
1915.
Les horreurs de la Shoah et l’audace de tant de chrétiens pour sauver la vie
de nombreux Juifs durant la seconde guerre mondiale, ont tissé des liens
très forts avec la communauté juive. Le dialogue entre nous s’enracine et se
développe de manière étonnante en une belle amitié, qui nous rend vigilants
à toute réapparition de l’antisémitisme.
On doit aussi noter l’importante présence des musulmans dans nos régions.
Cela occupe une grande place dans l’actualité, car les questions soulevées
et les difficultés rencontrées sont nombreuses. Notre dialogue est assez
fraternel pour nous permettre de regarder ensemble, avec courage, les
violences et les problèmes de liberté religieuse posés par les mariages
mixtes ou les conversions. En même temps, un vrai dialogue s’approfondit ;
nous avons le désir de mieux nous connaître entre communautés, sur le plan
spirituel, mais aussi dans la réflexion théologique ou l’engagement social.
Ces prochains jours, aura lieu à Lyon, le second « Forum islamo-chrétien »,
sur la douloureuse question des extrémismes et des intégrismes. Nous savons
que vous considérez ce dialogue fraternel avec les musulmans comme l’un des
défis importants de l’Eglise et du monde aujourd’hui.
Vous nous encouragez à faire entendre notre voix « sans relâche et avec
détermination » dans les débats de société qui traversent notre pays. Il
est clair que le projet de loi visant à transformer le mariage est un vrai
changement de civilisation. Avec les frères des autres églises chrétiennes,
avec les juifs et les musulmans, avec des représentants d’autres courants de
pensée, en nous fondant sur la raison et le bon sens, nous essayons
d’expliquer que ce projet risque d’engendrer un grand trouble dans la
société, déjà bien fragile. La prière silencieuse de nombreuses personnes
accompagne cet engagement social. Nous demandons au Seigneur de nous donner
le ton et les mots justes pour faire entendre la voix du bien commun.
La dernière consigne de Jésus, avant de quitter cette terre, c’est : «
Vous serez mes témoins » (Act 1, 8). Ce
témoignage, nous essayons de le porter dans bien des domaines de la vie
sociale. La crise économique et le chômage frappent durement une grande
partie de la population. Le taux de pauvreté vire au rouge depuis deux ans :
recours à l’aide alimentaire, négligences sur la santé, graves problèmes de
logement…. Nous lançons un message d’alerte, car les plus pauvres subissent
des violences qui ne sont pas nommées comme telles. « Le plus dur,
disent-ils, ce n’est pas de vivre sans rien, c’est d’être considéré pour
rien. »
Nous savons votre attention aux migrants et aux réfugiés. Dans le dernier
message que vous venez d’écrire pour la prochaine Journée qui leur est
consacrée, vous défendez le droit de la personne à émigrer et vous ajoutez :
« Avant même le droit d’émigrer, il faut réaffirmer le droit de ne pas
émigrer. » Cela supposerait un vigoureux rééquilibrage de la répartition
des richesses entre les peuples.
Il y a aussi un problème douloureux avec les gens du voyage et les Roms. Ils
sont nombreux chez nous, souvent mal acceptés et parfois renvoyés chez eux.
Nous sommes touchés par l’attention que vous leur portez. Votre appel : «
Que jamais plus votre peuple ne soit objet de vexations, de refus et de
mépris !1 » est un grand réconfort pour eux. Vous avez repris le cri du
Serviteur de Dieu, Paul VI, en 1965 : « Dans l’Eglise, vous n’êtes pas en
marge, mais à certains égards, vous êtes au centre, vous êtes au cœur »,
et vous avez ajouté : « Je vous répète moi aussi avec affection : Vous
êtes dans l’Eglise ! » Nous savons qu’un grand pèlerinage Rom se prépare
pour 2015. Nous voyons nos responsables successifs agir de manière
incertaine à leur égard, alors que la solution ne peut pas venir d’une seule
nation. Est-il possible, Très Saint Père, que vous encouragiez les
gouvernements de l’Europe à se saisir ensemble de cette question pour y
apporter une réponse digne et durable ? Dans la crise que nous traversons,
la parole de l’Eglise marque, elle intrigue… Elle peut bousculer les idées
et faire changer les attitudes.
Je voudrais terminer, Très Saint Père, en vous disant merci pour tous les
cadeaux que vous nous faites.
Merci de votre enseignement toujours riche et accessible. Rien que le titre
de vos principaux écrits Deus caritas est, Sacramentum caritatis, Caritas in
veritate, affirme que la charité est première. Dans chacune de vos homélies,
nous apprenons des choses nouvelles.
Merci pour l’année Saint Paul qui a connu un grand succès et qui a replongé
tout le monde dans le livre des Actes et dans les épitres de l’Apôtre des
nations.
Merci pour l’année sacerdotale. Elle nous a permis de voir des prêtres de
toutes les nations, et un grand nombre de fidèles, venir en pèlerins vers le
sanctuaire d’Ars. Ce fut un beau moment pour reprendre conscience de ce don
inestimable. Le sacerdoce, je le vois comme un accomplissement de la
promesse de Jésus : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du
monde » (Mat 28, 20).
Maintenant, nous sommes dans l’Année de la Foi, et les initiatives se
multiplient pour approfondir le Credo, mieux connaître et utiliser le
Catéchisme de l’Eglise Catholique et renouveler en nous la grâce de la foi.
Comme nous allons commencer, dimanche, notre marche vers Noël, je voudrais,
pour terminer, vous remercier de votre dernier livre L’enfance de Jésus.
Voilà une bonne lecture pour le temps de l’Avent ! Plusieurs d’entre nous y
sont plongés, et un frère évêque me faisait remarquer, ces jours-ci : «
En lisant ce livre, en découvrant tel commentaire de l’Evangile, je me
disais : Mais c’est évident, cela ! Comment se fait-il que je n’y aie pas
pensé tout seul, que je ne l’aie jamais entendu dire ? »
Très Saint Père, permettez-nous de vous souhaiter un beau temps de l’Avent,
une joyeuse marche vers la lumière de Noël.
Comptez sur notre prière et sur celle de tous nos diocésains, éclairez-nous
et bénissez-nous !
+ Cardinal Philippe BARBARIN Archevêque de Lyon.
Discours du Saint Père
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Benoît XVI reçoit le 3ème groupe d’Evêques de France en visite ad limina - 30.11.12
Sources : www.eglise.catholique
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E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 30.11.2012 - T/Benoît XVI
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