Curé d'Ars : L’humilité est le
meilleur moyen d’aimer Dieu |
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Le 30 juillet 2009 -
(E.S.M.)
- Le saint Curé d’Ars, le prêtre qui a vécu à cheval sur la
Révolution et la Restauration, célébrait la messe, confessait,
faisait le catéchisme, secourait les pauvres. Il était incapable
de rien inventer d’autre. C’est pour cela que tout le monde
accourait vers lui. Parce qu’il ne faisait pas écran au travail
de la grâce, par Gianni Valente.
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Curé d'Ars : L’humilité est le
meilleur moyen d’aimer Dieu
Jean-Marie Vianney cent cinquante ans après sa mort, Si loin, si près
Le 30 juillet 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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À Ars, le temps s’écoule encore tranquillement comme l’eau du Formans, la petite rivière qui traverse la commune. Les quelques
maisons bordant la route qui tourne autour de l’église sont encore là,
blotties entre des champs gonflés par les pluies d’hiver et les bosquets
du coteau où l’on entend dès l’aube les merles chanter. Le vieux
presbytère conservé comme un musée, la religieuse qui passe avec sa
carriole remplie de victuailles pour le couvent, et même le mémorial qui
présente les scènes de sa vie, reconstituées autour de trente-huit
statues de cire qui ont l’air étrangement vivantes, tout permet
d’imaginer facilement la grâce ordinaire qui nourrissait les journées
lorsque il était là, lui, Jean-Marie Vianney, le curé patron de tous les
curés du monde.
À Ars, le temps s’écoule encore tranquillement, mais il s’écoule. Cent
cinquante ans ont passé depuis que Jean-Marie a sereinement fermé les
yeux, littéralement épuisé d’avoir confessé jour et nuit ses amis
pécheurs qui accouraient vers lui de la France entière. S’il sortait du
presbytère ce soir – sec comme une rafle de raisin, avec son gros
chapeau sous le bras, sa vieille soutane usée, ses cheveux blancs trop
longs, même pour son époque – il pourrait lui arriver de croiser le
petit groupe de jeunes qui chevauchent, juste devant l’église,
d’étincelants scooters cabrés sur leur roue arrière. Qui sait ce qu’il
trouverait à leur dire, aujourd’hui, à eux aussi. Qui sait s’ils savent
qui est le saint Curé d’Ars, le prêtre qui a vécu à cheval sur la
Révolution et la Restauration, petit curé perdu dans sa glèbe, que
l’Église de Rome désigne à nouveau à l’attention du monde entier, en
envoyant à Saint-Pierre le reliquaire qui contient son cœur et en
mettant sous son patronage l’ouverture de l’Année sacerdotale, le 19
juin, par le pape Benoît XVI. Une opération qui
n’est pas sans risques, qui pourrait faire du Curé d’Ars l’otage de
néoconformismes cléricaux de retour, ou à l’inverse, le classer comme
testimonial de nostalgies passéistes. Mais une opération qui permet
aussi de le suivre dans ses journées, le long des rues d’Ars, et de
découvrir ainsi le secret de sa paradoxale proximité.
Un autre monde
On peut lire, dans les registres paroissiaux de Dardilly, son village
natal à huit kilomètres de Lyon, qu’il est né le 8 mai 1786. Depuis
cette date et jusqu’à 1859, pendant les 73 années de sa vie, la France
connaît la fin de l’Ancien régime, la Révolution, la Monarchie
constitutionnelle, la première République, le Directoire, le Consulat,
le premier Empire, la Restauration, la Monarchie de Juillet, la deuxième
République, le Second Empire… Jean-Marie a sept ans en 1793, il en aura
dix-huit à l’avènement de Napoléon et vingt-neuf à sa chute. Il sera
ordonné prêtre un mois et demi après Waterloo.
« Jamais les grands événements de l’histoire », écrit Daniel Pezeril, «
ne détachent mieux leur ombre que sur les traits des petites gens ».
Ceci vaut aussi pour Jean-Marie. Dans l’hiver 1793-1794, l’armée envoyée
par la Convention de Paris étouffe dans le sang la révolte des Lyonnais,
qui s’étaient insurgés contre la Terreur. Même à Dardilly, l’église
reste fermée, les cloches ne se font plus entendre, mais le petit
Vianney, racontent les témoins, continue à réciter ses prières chez lui
ou dans le silence des champs, lorsqu’il mène paître son troupeau le
long du Chemin Pré-Cousin ou à Chantemerle. Les cloches ne recommencent
à sonner qu’après 1795, lorsque le vieux curé du village choisit de
plier sous le vent de la persécution, et de signer tous les serments
imposés par le nouvel ordre révolutionnaire, lequel assimile les prêtres
aux fonctionnaires de l’administration civile. Au début, les Vianney,
comme tous les autres, continuent à le suivre. Ce n’est que plus tard
que leurs parents d’Écully, un village voisin, les dissuadent de
fréquenter les messes d’un prêtre considéré comme schismatique.
Jean-Marie ne fera sa première communion qu’en 1799, au temps de la
fenaison, après avoir reçu l’enseignement des prêtres et des religieuses
réfractaires – ceux qui n’avaient pas juré fidélité à la République –
qui continuaient à exercer clandestinement leur apostolat à Écully. La
cérémonie eut lieu dans une chambre de la demeure du comte Pingon
d’Écully, après qu’on eut placé devant la fenêtre une encombrante
charrette de foin pour détourner l’attention des agents de la
République.
Jean-Marie grandit en chrétien et suit sa vocation au sacerdoce dans une
époque et dans un lieu marqués par la première persécution “moderne”, et
par la première tentative idéologique de sécularisation forcée. Il ne
cultive pas un instant l’illusion de bénir le Nouvel Ordre comme s’il
s’agissait d’une étape de l’histoire du salut, mais il n’éprouve pas non
plus, au moins au début, le besoin d’organiser la résistance
contre-révolutionnaire, ni ne se sent appelé à contrecarrer le cours de
l’histoire.
Le jeune séminariste est rongé par le doute lorsqu’en 1809 il est appelé
à s’engager comme conscrit dans l’armée de Napoléon, l’envahisseur des
États pontificaux que Pie VII a excommunié avec « tous ses adhérents,
fauteurs et conseillers » et qui, pour toute réponse, a déporté le
successeur de Pierre en France. Le souverain sacrilège a aussi déclaré
la guerre à la très catholique Espagne. Que doivent faire les
catholiques de France? Ne devraient-ils pas, par fidélité à l’Église, se
soustraire au service militaire? À ceux qui lui indiquent la voie de la
désertion, Jean-Marie répond, plein d’incertitude. « Il faut pourtant
que j’obéisse à la loi, mes bonnes sœurs », répète-t-il aux moniales de
Roanne qui assistent le conscrit lorsqu’il tombe malade. À la fin, comme
toujours, Jean-Marie laissera faire les circonstances, se contentant de
les accompagner d’un brin d’hésitation calculée. Il arrive en retard
pour retirer la feuille de route nécessaire pour son transfert en
Espagne, et “cède” à l’invitation d’un camarade conscrit qui l’emmène
dans son village en lui promettant que là, il ne lui sera pas difficile
de se cacher et même de travailler. Déserteur de l’armée napoléonienne
par accident, et presque par suite de ses tergiversations, il
bénéficiera lui aussi, en tant que séminariste, des avantages accordés
au cardinal Fesch par son neveu Napoléon Bonaparte, juste au moment où
ce dernier avait ordonné la fermeture de tous les petits séminaires pour
punir les évêques indociles – ce qui ne fit, en réalité, que raviver les
sentiments monarchistes d’une bonne partie du clergé. Bien des années
plus tard, la scène du pouvoir ayant changé, un autre Napoléon empereur
des Français élèvera, par le décret du 11 août 1855, l’abbé Vianney « au
grade de chevalier dans l’ordre impérial de la Légion d’honneur ». On ne
peut que sourire de ce titre, lorsque l’on pense aux frêles épaules du
curé qui avait immédiatement vendu pour les pauvres le mantelet dont il
avait été affublé lorsqu’il était devenu chanoine. Lorsque le pouvoir,
par calcul, change d’attitude envers lui et envers l’Église, Vianney
remercie le ciel. Il acceptera toute sa vie avec reconnaissance les
faveurs et les donations de bienfaiteurs nobles et puissants, toujours
destinés à embellir l’église ou à subvenir aux besoins de La Providence,
la maison des petites orphelines. Mais il ne se croira jamais obligé
d’idolâtrer dans ses homélies l’un ou l’autre des représentants
passagers du pouvoir temporel. Avec ses modestes moyens, il a su prendre
acte du fait que ni les circonstances extérieures, ni même les
persécutions ne font disparaître l’espérance chrétienne. Car si Dieu le
veut, cette espérance peut fleurir même en terre hostile.
Debilissimus
Il faut dire que l’ancien paysan, destiné à devenir patron de tous les
curés, n’avait pas le physique du rôle pour se poser en leader
charismatique, en homme de Dieu et de pouvoir.
Le père Balley, le prêtre d’Écully auquel est confiée sa première
formation, trouve devant lui un garçon de vingt ans presque analphabète,
sans instruction, plus à même de manier les bras de la charrue que de
gravir les échelons du sacerdoce. Un garçon qui d’emblée, ne compte que
sur les prières pour surmonter le mur d’ignorance auquel il se heurte.
Les cours en latin du séminaire Saint-Irénée de Lyon sont inaccessibles
pour lui. Debilissimus, telle est l’étiquette sous laquelle il est
classé dès le premier examen. « Renvoyé à son curé », notent les
directeurs du séminaire dans le registre, à côté de son nom. En réalité,
nombreux sont ceux qui pensent qu’il vaudrait mieux le rendre à sa
famille et aux travaux des champs. Il ne poursuit que grâce au bon
Balley, qui, selon René Fourney, prend la peine de mettre à la portée de
son élève la théologie que l’obscur manuel en latin du séminaire rendait
incompréhensible, même à beaucoup d’autres. Dans ses premières années de
curé, il s’efforce encore de combler ses lacunes, qui font de lui un
prédicateur gauche et médiocre. Il passe des heures, jour et nuit, à
préparer ses pauvres homélies. Il les écrit sur ses petits cahiers, et
puis il les apprend par cœur, en se bornant à coudre bout à bout des
morceaux de phrases et des citations tirées des manuels de prédication
de l’époque, sans rien ajouter de personnel, sauf quelques allusions à
la situation de ses paroissiens. Il lui arrive plus d’une fois
d’interrompre ses sermons en cours de route, car il ne se souvient plus
de ce qu’il doit dire. Les accents rigoristes de nombre de ses sermons
des premières années, dans lesquels le jeune curé se donne pour tâche de
fustiger les chrétiens médiocres, peuvent être attribués, en grande
partie, aux manuels qu’il utilise pour ses compositions. Même lorsque sa
réputation de sainteté commencera à circuler dans la France entière, son
ignorance et la pauvreté de ses moyens restera toujours un sujet de
raillerie facile pour des ecclésiastiques, jaloux de ce malheureux que
ses pénitents traitent comme un Père de l’Église. Son confrère
Jean-Louis Borjon lui écrivit une fois qu’un ignorant comme lui, qui ne
savait rien de l’histoire de l’Église, qui prononçait des sermons mal
copiés dans lesquels le Concile de Trente devenait “concile des trente”,
n’aurait jamais dû siéger dans un confessionnal.
Ce n’était pas l’avis d’Henri-Dominique Lacordaire. Ce célèbre prêcheur,
apôtre d’un christianisme à la fois ultramontain et libéral, dont on
venait en foule à Notre-Dame de Paris écouter les sermons de Carême et
qui avait refondé en France l’ordre des dominicains, se rendit à Ars en
1845 pour assister à une messe chantée, au cours de laquelle le curé fit
un sermon sur l’Esprit Saint. Il en fut stupéfié. « Je voudrais prêcher
comme lui », dit-il. Il ajouta qu’à Notre-Dame, il avait vu la foule
immense grimper sur les confessionnaux pour écouter ses brillantes
prédications, mais qu’après avoir vu le Curé d’Ars et avoir écouté ses
mots balbutiants, ceux qui étaient venus dans son église
s’agenouillaient dans les confessionnaux.
De la rigueur à l’amour de Dieu
Lorsque Lacordaire s’y rend, Ars est devenu un centre de pèlerinage qui
attire les foules de la France entière. Le jeune Vianney y était arrivé
vingt-sept ans auparavant. Un rebut de séminaire envoyé dans un trou,
habité de paysans comme lui, moins de quatre cents âmes qui, aux dires
de son prédécesseur, rendaient toute tentative d’apostolat éprouvante et
décevante, « vu la stupidité et l’incapacité de ces êtres dont la
plupart ne se distinguent des bêtes que par le baptême ».
Face à cette situation, le jeune curé ne trouve aucune solution
nouvelle. Il répète des gestes et des pratiques élémentaires, les choses
que tout prêtre pourrait faire de par son statut. Des prières, des
sacrements, le catéchisme, les œuvres de charité corporelle et
spirituelle pour les pauvres et les malheureux. Il visite rapidement les
maisons de ses paroissiens, sans jamais accepter les invitations à
partager leur repas. Il fait quelques promenades dans les champs pour
rencontrer les paysans et parler un moment avec eux. Il récite le
rosaire avec les femmes du village. Et puis il reste des heures et des
heures dans l’église, à prier devant le tabernacle, ou bien il s’enferme
dans le confessionnal, dès les premières heures de l’aube. Tout le
secret du “prodige” d’Ars est là, et les premiers à s’en rendre compte
sont les enfants. Lorsqu’il arrive à Ars, la première chose dont il
prend soin personnellement est le catéchisme pour les enfants, ce qui
attire bientôt aussi les parents qui les accompagnent et qui s’attardent
au fond de la salle.
Et comme cela, pendant plus de quarante ans, il fait toujours les mêmes
choses, toujours dans ce même village, et autour de lui se tisse un
réseau de plus en plus dense d’âmes guéries, pardonnées. Ce qui se passe
au fil des journées rend aussi son regard, son cœur et ses bras plus
largement ouverts à tous. Au début, quand il est arrivé, le jeune
Jean-Marie semblait exiger du moindre fidèle une ferveur et une ascèse
semblables à celles auxquelles il aspirait lui-même. Dans sa générosité,
il aurait voulu faire de son village une terre de sainteté héroïque.
Mais ses bonnes intentions se traduisaient souvent en reproches
menaçants, en tirades obsessionnelles contre les bistrots – lieux de
perdition – et la mode envahissante du bal. Selon son biographe Fourrey,
Jean-Marie, formé à la plus sévère discipline, ne saisit pas tout de
suite la profonde médiocrité de ses paroissiens et croit pouvoir les
soumettre à des règles morales d’une rigueur extrême. Catherine Lassagne,
sa collaboratrice de toute une vie, écrit que « l’amour qu’il avait pour
Dieu semblait augmenter à mesure que son âge avançait et que ses forces
diminuaient ». « Presque à la fin de sa vie », poursuit-elle,« ses
instructions et catéchisme roulaient presque toujours autour de l’amour
de Dieu. Il commençait parfois un autre sujet, et il revenait toujours
sur l’amour, et surtout sur la bonté et la charité du Sacré Cœur de
Jésus, sa bonté pour les hommes ». Au fil du temps, le juge sévère des
débuts s’adoucit. Avec toutes ses limites, qu’il n’oublie jamais dans un
martyre de mortification ininterrompue, il reconnaît toujours plus
clairement que ce qu’il y a de mieux à faire, c’est d’offrir lui-même
des pénitences et des prières au bénéfice des ingrats qui ne profitent
pas des dons de la grâce. Catherine Lassagne raconte dans ses
témoignages que le curé suppliait vivement dans son prêche ceux qui
n’avaient pas profité du jubilé de s’approcher des sacrements et disait
que s’ils voulaient venir, il s’engageait à faire pénitence pour eux.
Ars devient ainsi un lieu de salut promis et obtenu, où accourent toutes
les misères de la France. Âmes angoissées, cœurs éteints, malchanceux de
tout acabit, riches et pauvres, crève-la-faim et grands seigneurs,
savants et ignorants, ratés et impatients, corps brisés par la maladie.
Et lui, il se laisse emporter par la foule harcelante des pèlerins qui
le pressent jour et nuit, sans le laisser respirer. Pour restaurer ces
pèlerins, on rouvre même les bistrots.
Entre angoisse et espérance
Il y aurait de quoi se monter la tête, monter sur un piédestal ou, au
minimum, laisser voir un peu de sacrosainte satisfaction, fût-elle
modérée. Mais jusqu’à la fin de ses jours, ne sortiront de la bouche du
curé que des attestations convaincues de sa propre inaptitude. « Je
pense souvent », répétait-il à Catherine, « que le Bon Dieu n’a pas
trouvé des hommes plus chétifs que moi pour les mettre à ma place pour
faire beaucoup de bien. Ordinairement Il se sert de ce qu’il y a de
moindre pour faire beaucoup de bien, parce que c’est Lui qui fait tout
». Paul VI rappelait: « Lorsque, sur la fin de sa vie, il fut donné au
saint Curé un prêtre pour l’aider, il disait à son coadjuteur: “Oh,
quand vous êtes là, on y arrive encore. Mais quand je suis seul, je ne
vaux rien! Je suis comme les zéros, qui n’ont aucune valeur s’ils ne
sont pas à côté d’autres chiffres!” ».
Le Curé ne fait pas le modeste. Pour lui, « les tentations les plus
redoutables, qui mènent à la perdition beaucoup plus d’âmes que nous ne
le pensons, sont ces petites pensées d’amour propre, ces pensées
d’estime pour soi-même, ces petits applaudissements pour tout ce que
nous faisons, pour ce qui se dit de nous ».
Il est vraiment chétif et humble, ne serait-ce que par constitution, et
le spectacle constant de sa propre misère sera pour lui un motif
d’angoisse pendant une grande partie de sa vie. S’il regarde en lui,
dit-il, il ne trouve que ses pauvres péchés. Et encore le bon Dieu
permet qu’il les voie pas tous et qu’il ne se connaisse pas
complètement. Cette vue le ferait tomber dans le désespoir. Il est
surtout tourmenté par l’idée que quelqu’un puisse tomber dans la
perdition éternelle par sa faute et à cause de ses indignités de prêtre,
peut-être parce que, par exemple, ses prédications d’ignorant ne
réussissent pas à toucher les cœurs d’un peuple dominé par son
matérialisme instinctif. Et lorsque des étrangers commencent à arriver
eux aussi dans son confessionnal, il est assailli par la honte, et ses
mortifications deviennent de plus en plus sévères. Il n’éprouve pas la
tentation de monter sur un piédestal, mais au contraire celle de fuir
son insupportable angoisse en se soustrayant à sa réputation et à la
foule qui l’admire comme un saint. Il ne veut plus rester ce croyant
qui, trop peu instruit pour guider les autres, craint de faire naufrage
avec ceux qu’il doit guider, rappelle Catherine Lassagne. Ses cocasses
tentatives pour fuir Ars seront toujours sabotées par des paroissiens ou
par des collaborateurs. Les pèlerins eux-mêmes le bloquent à la sortie
du presbytère et cherchent par tous les moyens à l’apaiser, le rassurer
et le persuader de rester.
La meilleure manière d’aimer Dieu
Mais ce ne sont pas les misères des pénitents qui tracasser sans trêve
le curé. Il écrit à l’abbé Camelet, supérieur des missionnaires de Pont
d’Ain qu’il n’a qu’un désir, celui d’aller se cacher dans un coin et de
pleurer sur sa pauvre vie. Il cherche le pardon de Dieu pour son
ignorance, son hypocrisie et sa gloutonnerie… Il demande à l’abbé de
prier pour qu’il ne soit pas damné . À son évêque, qui lui demande s’il
a jamais eu quelque pensée d’orgueil, il répond sans ambages qu’il a
plus de peine à se défendre de la tentation du désespoir que de celle de
l’orgueil.
Une espérance comme celle du curé, qui vit miraculeusement au bord du
désespoir, semble tout de suite naturelle et familière au cœur de ceux
qui vivent de nos jours. Le fragile prêtre d’Ars n’est pas le maître
sans faille de ses certitudes éternelles. Il suffit de le regarder, et
l’on comprend qu’il ne tiendrait pas debout tout seul, que la foi,
l’espérance et la charité qui transparaissent en lui ne sont pas
l’expression de quelqu’un qui joue un personnage, d’une belle âme. Dans
son indignité, il tend les dons de la grâce de la main hésitante et
tremblante de ceux qui demandent l’aumône. Ainsi peut-il dire: «
L’humilité est le meilleur moyen d’aimer Dieu
». « C’est un saint pauvre », dit Jean-Philippe Nault,
l’actuel recteur du sanctuaire d’Ars, « et cela ne fait pas peur de
rencontrer un pauvre. Comme la petite Thérèse. Comme Bernadette. Ils
nous disent: si tu es pauvre, je le suis plus que toi. Nous sommes
pauvres ensemble, devant le Seigneur ». Il serait peut-être facile,
encore aujourd’hui, d’écouter quelqu’un comme lui, et même de sentir
notre cœur battre, quand il assure que Dieu, mendiant du cœur des
hommes, ne refuse jamais sa grâce aux pécheurs, et que le plus grand
blasphème est de « mettre des limites à la
miséricorde de Dieu », qui est infinie. Au point que « si
l’on pouvait prier en enfer, l’enfer n’existerait plus ».

Sources : 30giorni
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 21.07.09 -
T/Année Sacerdotale |