Le Père Nicolás en communion avec Benoît XVI |
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Rome, le 30 janvier 2008 -
(E.S.M.) - Afin de répondre à la
forte demande de la presse pour une interview avec le Père Général, le
Père Nicolás a décidé de rencontrer la presse pour un entretien « à
moitié ». "Des articles de presse ont dit qu’il y avait une distance
théologique entre moi et Benoît XVI, une distance qui pourrait fonder un
certain sensationnalisme". "Cette distance dont on a parlé est plutôt
dans l’imagination des gens."
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Le Père Nicolás
Le Père Nicolás en communion avec Benoît XVI
Rencontre du Père général avec la presse
Afin de répondre à la forte demande de la presse pour une interview avec le
Père Général, le Père Nicolás a décidé de rencontrer la presse pour un
entretien « à moitié ». Le moment n’est pas encore venu pour parler de la
Congrégation faute d’indications et de mandats. Ainsi les journalistes ont
été invités à une rencontre pendant laquelle le Père Général les saluerait
et prononcerait quelques mots. Il ne répondrait pas aux questions. Plus au
moins 65 journalistes (trois chaînes de télévision) ont accepté les
conditions et sont venus à la rencontre. Le Père Général a tenu un discours
d’environ 20 minutes qui a été très bien accueilli. Ensuite les journalistes
ont visité l’aula de la Congrégation.
La Radio du Vatican a enregistré, transcrit et traduit le discours tenu en
italien par le Père Général. Veuillez le trouver ci-dessous :
Rencontre avec la presse
Dans la Salle Nadal
Le 25 janvier 2008
Tout d’abord, je veux vous remercier pour l’intérêt que vous avez manifesté
envers la Compagnie de Jésus durant cette Congrégation générale et pour le
regard positif que vous avez posé sur moi.
Je comprends les difficultés que vous rencontrez à trouver des
renseignements sur moi : je suis peu connu. Des journalistes espagnols ont
cherché des trésors là où il n’y en avait pas: ils ont interrogé des gens,
cherchant de petits drames, demandant si j’étais vraiment le troisième de
trois garçons – de fait je suis le troisième de quatre! On a vérifié si
j’avais étudié à l’institut Balmes – c’est vrai, mais pendant un an
seulement quand j’avais 10 ans et j’avais coulé deux ou trois matières…
J’espère que dans l’avenir, çà ne sera pas si difficile de trouver de
l’information puisque, je pense, on pourra laisser de côté ces détails moins
importants et vous informer sur le plus essentiel : ce que nous faisons dans
le monde d’aujourd’hui, dans l’Église, à ce moment de l’histoire.
Ces derniers jours, j’ai lu dans la presse des choses utiles mais d’autres
qui ne le sont pas vraiment. Parmi les moins valables, par exemple, il y a
cette recherche de conflit entre les jésuites et le Saint Père, entre les
jésuites et le Vatican. Je ne pense pas que çà soit fondé. La Compagnie de
Jésus a toujours été en communion avec le Saint Père et nous sommes heureux
qu’il en soit ainsi. Entre des époux, il y a toujours des difficultés; ceux
qui sont mariés parmi vous ne peuvent pas me dire le contraire. Quand des
gens s’aiment, ils peuvent se blesser. Quand, à l’intérieur de la relation,
on cherche à travailler ensemble, des difficultés peuvent survenir et c’est
normal. Les gens mariés savent de quoi je parle. La Compagnie de Jésus veut
travailler avec le Saint Siège et obéir au Saint Père. Çà a toujours été
notre façon de voir entre nous. Çà a toujours été ainsi, çà n’a pas changé
et je ne crois pas que çà va changer.
Des articles de presse ont dit qu’il y avait une distance théologique entre
moi et Benoît XVI, une distance qui pourrait fonder un certain
sensationnalisme. Quand j’étais étudiant, j’ai étudié les ouvrages du
professeur Ratzinger; à Tokyo, nous utilisions ses livres parce qu’il est un
grand professeur. Ses ouvrages étaient intéressants; ils étaient créatifs et
inspirants, ce que nous apprécions à l’époque. Je parle des années 1964 à
1968, quand j’étudiais à Tokyo et que les travaux de Ratzinger étaient au
programme. Plus tard, quand je suis venu à Rome, c’était la même chose. Le
nom de Ratzinger était synonyme de « grand professeur ». Et en Allemagne,
même s’il n’a pas enseigné à Frankfort, tout le monde lisait ses ouvrages.
Alors cette distance dont on a parlé est plutôt dans l’imagination des gens.
Il est plutôt question d’une conversation continue, car la théologie est
toujours espace de dialogue. Ce qui est le plus important est la recherché
de la vérité, de la vérité inspirée par la Parole de Dieu, dans la vie de
l’Église, dans la vie des chrétiens et chrétiennes. Dans ce dialogue, on
peut trouver des différences de points de vue, mais elles font toujours
partie d’une recherche mutuelle pour la vérité.
Certains journalistes disent que je suis comme Arrupe, ou comme Kolvenbach,
ou moitié moitié, jusqu’à cinquante pour cent d’un ou de l’autre; je ne
serais pas surpris si quelqu’un disait que je suis 10% Elvis Presley. Et
tout çà est faux! Je ne suis pas le P. Arrupe. J’aime le P. Arrupe, je
l’admire, il m’a influencé, je l’ai même eu comme supérieur durant quatre
ans au Japon et, de fait, je l’avais connu antérieurement durant mes études,
alors qu’il nous avait parlé de la bombe atomique à Hiroshima… mais je ne
suis pas Arrupe. Alors, qui suis-je? Si vous me le demandez, je vous dirai
que j’ai été créé pour être celui que je suis; je suis en évolution, in
fieri, jusqu’à ce que je devienne vraiment celui que Dieu veut que je sois,
comme c’est le cas de chacun de nous. Cela s’applique aussi aux relations
avec le Saint Père ou à ce qui sortira de cette Congrégation générale. Tout
dépendra de l’habilité que j’aurai de répondre ou non à la réalité
d’aujourd’hui et à ceux et celles qui m’entourent, de répondre à ce que la
Congrégation va me demander. C’est donc toujours une question ouverte.
Un aspect qui a de l’intérêt pour la presse, c’est ma relation avec l’Asie.
Nous avons mis sur le mur à votre gauche une carte faite le mois dernier à
Manille, là où j’ai travaillé au cours des dernières années. C’est une
région qui va du Japon à la Chine, qui inclut l’Australie et la Micronésie
dans le Pacifique. J’ai vécu la plus grande partie de ma vie en Asie, où je
suis arrivé quand j’avais 24 ans, après mes études de philosophie à Alcalá.
Et l’Asie a été tout un défi, un véritable défi de bien des manières.
Mes premières années au Japon n’ont pas été faciles, pas tant à cause du
poisson cru – la diète japonaise est bonne – pas à cause de la langue qui
n’était pas si difficile, même pour écrire les caractères japonais. Ce sont
là des choses externes. Les difficultés étaient plus profondes. Le monde
n’était pas comme je l’avais imaginé quand j’étais en Espagne, et ma manière
de voir les choses n’était pas commune, même pour ce qui est de la foi. Des
choses communément comprises d’une certaine manière en Espagne ne l’étaient
pas là-bas. Le contact avec un monde si complètement différent remettait en
question ce que j’avais pris pour acquis. C’est une expérience normale, mais
c’était difficile.
C’est dans ce contexte que j’ai dû étudier la théologie; et ce fut très
intéressant. La tâche était de reformuler la foi elle-même non seulement
dans le contexte de Vatican II mais dans le contexte de l’Asie, du Japon, là
où le bouddhisme et le shintoïsme ont une profonde influence. Je crois que
l’Asie m’a changé, j’ose espérer que ce fut pour le mieux – les Japonais
doivent juger de cela. L’Asie m’a changé et m’a aidé à comprendre les
autres, à accepter ce qui est différent, à chercher à comprendre pourquoi
des choses sont différentes, en quoi sont fondées les différences et comment
je puis apprendre des différences.
Et puis, j’ai appris à sourire devant les difficultés, devant les
imperfections humaines, devant la réalité humaine. En Espagne, j’étais
quelque peu intolérant; je cherchais l’ordre, les ordres aussi, parce que je
voyais la religion comme une fidélité à des pratiques religieuses. Au Japon,
j’ai appris que le vrai sens religieux est plus profond, qu’on doit aller au
cœur des choses, à ce qui est au plus profond de notre humanité, que nous
parlions de Dieu, de nous-mêmes ou de la vie humaine. C’est là une manière
d’entrer dans un univers différent. J’ai donc appris à travers tout çà que
je pouvais sourire devant les difficultés, ce qui, en Espagne, m’aurait
rendu bien inquiet. La vie humaine est ainsi : les imperfections font partie
de la nature et c’est nécessaire de les accepter dès le tout début.
Les Japonais ont la réputation de travailler 24 heures par jour; oui sans
doute, mais ils le font lentement, lentement; ils ne travaillent pas comme
des Américains, des Français et encore moins comme les Espagnols qui ne
travaillent peut-être qu’une heure, mais très intensément. C’est un rythme
différent, et cela ne s’applique pas qu’au travail mais à la manière de
comprendre les gens, sans s’imposer à eux. Çà les scandalise quand on est
trop stricts, intolérants ou incapables d’accepter la diversité; c’est
source de scandale pour eux.
C’était vraiment un défi pour nous qui arrivions là-bas avec la naïveté de
ceux qui étaient nés et avaient été éduqués dans un pays comme l’Espagne. À
cause de cela, je crois que l’Asie peut grandement enrichir l’Église
universelle. Malheureusement, nous, les jésuites, sommes peu nombreux en
Asie et nous n’avons pas beaucoup écrit à propos de tout çà. Le Japon peut
contribuer beaucoup avec sa culture et sa manière de faire face aux
problèmes en profondeur. Si nous nous arrêtons au bouddhisme, on peut voir
qu’il se présente sous diverses formes en Asie; de l’Inde au Sri Lanka, le
bouddhisme se présente avec une tradition du sud. Mais le nord en a une
autre, le Mahayana, qui s’était ouvert à une variété de situations et qui
est arrivé au Japon où il a trouvé moyen d’entrer profondément dans la
culture, de sorte que le Zen a pu acquérir une citoyenneté japonaise. Les
questionnements étaient profonds; tout était source de questionnement. De ce
monde-là, on peut tous apprendre, tout en conservant notre sérénité face à
ce que l’autre nous apporte.
Et puis il y a la Chine. La Chine est un monde, avec une variété de cultures
et une diversité de langues, plus de 27 groupes ethniques dans le sud de la
Chine seulement, où on parle chinois avec un mélange d’arabe. Puis il y a la
Corée, le Vietnam avec leurs propres diversités. Et les Philippines, parfois
appelées l’Italie de l’Asie, parce qu’on y trouve le même sens de l’humour
et même goût de la vie, une compréhension de la loi qui est peut-être plus
large que dans d’autres pays. On dit par exemple que les règles de
circulation ne sont pas des lois mais des recommandations… Cette manière de
comprendre la vie est bonne aussi pour le reste de l’Asie, elle apporte un
humanisme asiatique profond.
L’Indonésie fait partie de la même tradition. Je devrais aussi parler de
l’Australie, avec son caractère occidental, qui s’est donné comme mission
d’être un pont entre l’Asie et l’Occident. J’ai trouvé beaucoup d’aide et de
collaboration en Australie pour les programmes de développement. Et nous
avons aussi de nouvelles missions, au Myanmar, au Timor oriental et au
Cambodge, nouvelles parce que pour un temps ces terres nous étaient fermées.
Les jésuites avaient été expulsés du Cambodge et du Myanmar par les
gouvernements militaires. Au Timor, depuis l’indépendance, de petits groupes
changent bien des choses : nous avons là maintenant de nouvelles vocations,
mais tout est à refaire. Tous ces pays nous apportent de nouveaux défis, de
nouvelles tâches.
Bien; à propos de l’avenir je ne peux pas dire grand’ chose. La raison est
bien simple, c’est que je viens tout juste de commencer. Durant les réunions
de la Congrégation, quand quelqu’un parle du père Général, je pense encore
qu’on se réfère au P. Kolvenbach… je n’ai pas encore conscience que c’est de
moi qu’il s’agit. Mon attitude actuelle est d’écouter, d’écouter et d’obéir.
Comme vous le savez, la Congrégation générale a autorité sur le P. Général.
Durant la Congrégation, je suis soumis à elle. Si la Congrégation me dit ce
qui doit être fait, dans quelle direction aller, je dois obéir, c’est ma
mission. Alors, ce qui est important pour moi maintenant est de savoir ce
que la Congrégation générale désire, de même que de trouver comment répondre
aux défis que le Saint Père Benoît XVI nous a fait connaître, ce sur quoi nous
réfléchissons sérieusement, afin de pouvoir donner une réponse qui puisse
aider l’Église, pas nous-mêmes d’abord. Je souhaite rencontrer le Saint Père
bientôt pour un premier entretien. Et puis, quand les délégués de la
Congrégation seront partis, je commencerai à travailler, je chercherai
comment concrètement répondre aux attentes.
J’espère pouvoir alors avoir une nouvelle rencontre avec vous et répondre à
vos questions. Pour le moment, je n’ai pas de réponses; je ne pourrais
répondre que « çà dépendra, de ci, de çà… » Dans le dialogue que nous
entretiendrons, j’espère suivre les principes de Ghandi qui a dit que quand
nous parlons, il faut d’abord que ce qu’on dise soit vrai, parce que si çà
n’est pas vrai, çà n’a pas d’intérêt. En second lieu, çà doit être
charitable. Et enfin, çà doit produire quelque chose de bon pour les autres.
Ainsi je pense que des nouvelles, même si elles sont vraies mais qu’elles
n’apportent rien de bon et créent plutôt des malentendus, çà n’est pas
intéressant, que si des nouvelles n’aident pas les gens, elles sont sans
valeur.
J’ai l’intention d’être transparent. J’ai appris l’importance de çà en
Indonésie, d’un couple qui n’était pas chrétien. Dans un contexte où la peur
des esprits mauvais était forte, ce couple a choisi la transparence comme
base de sa spiritualité pour se défendre contre les menaces, de sorte que
tout le mal qui passait ne laissait pas de trace dans leur vie et que tout
le bien qui les touchait, ils pouvaient le passer aux autres. Je pense que
c’est une manière de voir symbolique que nous devons garder en tête. La
transparence est une attitude qui vise la responsabilité pour le bien des
autres, pas pour nous-mêmes. Ainsi, çà n’est pas si important ce que les
gens pensent de moi; ce qui est important, c’est le bien pour les autres qui
peut venir de moi.
Je suis donc heureux de vous avoir rencontrés et je vous remercie pour le
ton positif que j’ai perçu jusqu’à maintenant. Je comprends les difficultés
que vous rencontrez dans votre travail et je souhaite que dans l’avenir nous
puissions vraiment travailler ensemble. Merci.
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Benoît XVI encourage le P. Nicolas à continuer
la formation sérieuse des jeunes jésuites
Sources: sjweb
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 30.01.2008 - BENOÎT XVI |