Rencontre avec Mgr Ferrer nommé par
Benoît XVI à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi |
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Le 29 octobre 2008 -
(E.S.M.)
- Après deux salésiens, c’est à un fils de saint
Ignace que revient la charge de numéro deux de la première Congrégation
de la Curie romaine. Interview de l’archevêque Luis Francisco Ladaria
Ferrer
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Mgr
Ladaria Ferrer reçu par le pape
Rencontre avec Mgr Ferrer nommé par Benoît XVI à la Congrégation pour la
Doctrine de la Foi
Interview
de Luis Francisco Ladaria Ferrer par Gianni Cardinale
Le nouveau secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine
de la Foi
Un jésuite à l’ex-Saint-Office
(aujourd'hui, Congrégation pour la Doctrine de la Foi)
Le 29 octobre 2008 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
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Après deux salésiens, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a un
jésuite pour secrétaire. Le 9 juillet, en effet, Benoît XVI a nommé comme
numéro deux du dicastère qu’il a présidé lui-même de 1981 à 2005, l’espagnol
Luis Francisco Ladaria Ferrer, 64 ans, originaire de Manacor, la seconde
ville, après Palma, de l’île de Majorque, aux Baléares.
Ladaria prend la place du salésien Angelo Amato, promu préfet de la
Congrégation pour les Causes des Saints. Angelo Amato avait lui-même succédé
à un autre fils de don Bosco, Tarcisio Bertone, alors archevêque, qui, en sa
qualité de cardinal secrétaire d’État a consacré Ladaria évêque dans la
basilique Saint-Jean-de-Latran, le 26 juillet dernier.
Gianni Cardinale a rencontré le nouveau secrétaire dans le Palais du
Saint-Office, au retour des vacances qu’il a passées, en grande partie, dans
son pays d’origine. Comme nous lui faisons remarquer qu’il est peu bronzé,
Mgr Ladaria nous dit en souriant: « Cela vient de ce que j’aime beaucoup
la mer, beaucoup moins le soleil…». Avant de commencer l’entretien,
Ladaria, parlant de ses origines, nous explique que, bien que sa famille
soit implantée aux Baléares depuis des générations, ses ancêtres venaient
peut-être de l’ancien Royaume de Naples et plus précisément du golfe de
Policastro. Les politesses s’arrêtent là et les questions commencent.
Excellence, comment est née votre vocation et pourquoi
avez-vous choisi la Compagnie de Jésus ?
LUIS FRANCISCO LADARIA FERRER : Le mot “choisi” n’est peut être pas celui
qui convient. Ce n’est pas moi qui ai choisi, mais j’ai vu une route devant
moi et je m’y suis engagé. Une route, celle de la vocation, que j’ai
commencé à voir quand j’ai fréquenté le Collège des Jésuites à Palma de
Majorque, puis pendant mes études de Droit, à Madrid. J’étudiais le Droit
mais je me rendais compte que ce n’était pas cela que je désirais. Je
voulais devenir prêtre et la Compagnie de Jésus que j’avais connue, me
plaisait. Il y avait donc un chemin ouvert devant moi et je l’ai pris
presque naturellement.
Votre famille était très religieuse ?
LADARIA FERRER : Oui,
assez.
Y a-t-il eu une figure de prêtre qui vous a
particulièrement frappé ?
LADARIA FERRER : Oui, j’ai devant moi les visages des pères du Collège que
j’ai fréquenté, le très ancien Collège du Mont Sion, fondé en 1561; mais
c’est un peu tout le milieu, l’air qui se respirait qui m’a amené à me
consacrer entièrement au Seigneur.
Vous avez prononcé vos vœux religieux en 1968. Quels
souvenirs avez-vous de cette année si agitée, au moins hors d’Espagne ?
LADARIA FERRER : Cette année-là a été agitée en Espagne aussi. Mais moi j’ai
prononcé mes vœux tranquillement, sans trop faire attention à cette
agitation. J’aimais l’étude et j’étudiais.
N’avez-vous jamais été fasciné par les événements de
68 ?
LADARIA FERRER : Nous sommes tous peut-être un peu conditionnés par les
événements de 68, mais dans mon cas, pas particulièrement.
Quels ont été vos maîtres ?
LADARIA FERRER : J’ai plaisir à rappeler certains d’entre eux. À Francfort,
en Allemagne, où j’ai étudié la Théologie, j’ai eu comme professeurs le père
Grillmeier, devenu ensuite cardinal, qui était un grand spécialiste de
Dogmatique; le père Otto Semmelroth et le père Herman Josef Sieben qui était
alors au début de sa carrière universitaire et allait devenir par la suite
l’un des plus grands spécialistes mondiaux de l’idée de concile. À Rome,
j’ai fait ma thèse de doctorat avec le père Antonio Orbe, grand patrologue,
et j’ai eu comme professeurs les pères Juan Alfaro et Zoltan Alszeghy.
Vous avez aussi fait des études en Allemagne. N’avez-vous jamais croisé
Joseph Ratzinger qui était alors professeur ?
LADARIA FERRER : Pas personnellement. Mais je connaissais ses écrits. En
particulier l’Introduction au christianisme qui était son œuvre la plus
connue, mais aussi son livre sur le peuple de Dieu. Je me rappelle que dans
notre faculté circulaient des polycopiés de certains de ses cours.
Et quand avez-vous connu personnellement l’actuel
Souverain Pontife ?
LADARIA FERRER : En 1992, quand je suis devenu membre de la Commission
théologique internationale. Je me rappelle avec plaisir les discussions
approfondies que nous avions sur le problème des rapports entre le
christianisme et les autres religions. Les interventions du cardinal
Ratzinger étaient toujours très précises et profondes et la discussion était
toujours de haut niveau. Le travail de cette Commission est très intéressant
aussi bien pour les thèmes traités, qui sont toujours très importants, que
pour l’air international et catholique qui s’y respire.
Avez-vous eu un rôle dans la rédaction de la
Dominus Jesus ?
LADARIA FERRER : Non.
La thèse que vous avez soutenue à la Grégorienne porte
sur saint Hilaire de Poitiers. Pourquoi ce choix et qu’est-ce qui vous a
attiré chez ce saint ?
LADARIA FERRER : Le sujet m’a été proposé par le père Orbe qui s’intéressait
à ce Père de l’Église. J’ai eu de la chance car la bibliographie sur saint
Hilaire n’était pas importante et j’ai ainsi pu consacrer mon temps à lire
directement les textes originaux. Saint Hilaire était peu étudié à l’époque,
puis, surtout en France, sont apparues beaucoup d’œuvres sur lui et beaucoup
de traductions de ses écrits. C’est la preuve que l’ère patristique ne
commence pas, dans l’Église latine, avec saint Augustin. Celui-ci
connaissait d’ailleurs saint Hilaire et le citait souvent.
Quelle est l’actualité de saint Hilaire ?
LADARIA FERRER : Il ne faut pas s’acharner à trouver l’actualité des Pères
de l’Église. Nous devons les lire et les savourer pour
mieux saisir la fraîcheur du message évangélique, pour mieux nous approcher
de Jésus. C’est là une valeur permanente, plus qu’une valeur liée à
l’actualité, laquelle est, par nature, changeante, différente d’un minute à
l’autre. Les Pères de l’Église sont une source qui jaillit à une époque
encore proche de l’époque apostolique. C’est cela qui les rend toujours
actuels.
Le père Orbe était spécialiste de saint Irénée et du
gnosticisme…
LADARIA FERRER : En effet, c’était l’un des plus grands spécialistes en ces
domaines. Il a écrit de nombreux livres sur ces sujets, à vrai dire souvent
compliqués, parce que la matière est difficile.
Vous avez été pendant de nombreuses années professeur
à la Grégorienne, université dont vous avez été aussi vice-recteur.
Qu’avez-vous appris durant toutes ces années ?
LADARIA FERRER : Le fait que j’aie été vice-recteur pendant huit ans n’a pas
grande importance. Ce qui compte, c’est l’enseignement. La direction des
thèses. La Grégorienne m’a appris à vivre dans un milieu international, avec
des étudiants venant de plus de cent pays différents, des étudiants de
langues, d’ethnies et de cultures différentes, mais unis par l’amour de
l’étude et surtout par l’amour du Seigneur et de son Église. Dans une vraie
université, les étudiants apprennent quelque chose de leurs professeurs,
mais l’inverse est aussi vrai. Et moi j’ai beaucoup appris de mes étudiants.
Quand votre nomination a été rendue publique, John
Allen jr du National Catholic Reporter a recueilli des jugements sur vous
auprès de vos collègues. Certains ont dit que vous étiez gentil et affable…
LADARIA FERRER : Je dois dire que j’essaie de l’être, mais ce sont les
autres qui doivent dire si j’y parviens…
Il y en a d’autres qui ont dit que vous étiez un
conservateur modéré et, du point de vue théologique, un centriste. Vous
reconnaissez-vous dans ces définitions ?
LADARIA FERRER : Je dois dire que les positions extrêmes ne me plaisent pas,
qu’elles soient progressistes ou traditionalistes. Je crois qu’il y a une
voie moyenne, qui est celle que prend la majorité des professeurs de
Théologie ici, à Rome, et dans l’Église en général. Cette voie moyenne est,
selon moi, la voie à suivre, même si chacun de nous a ses particularités.
Car, grâce à Dieu, nous ne nous répétons pas, nous ne sommes pas des clones.
Dans le monde traditionaliste, votre nomination n’a
pas été bien accueillie. En Espagne, le théologien don José María Iraburu a
accusé votre œuvre Teología del pecado original y de la gracia de ne
pas être conforme à la doctrine de l’Église et le périodique Sì sì No no
a même écrit que votre livre Antropologia teológica « est
complètement en dehors de la tradition dogmatique catholique ». Ces
jugements vous préoccupent-ils ?
LADARIA FERRER : Chacun est libre de critiquer et de porter les jugements
qu’il veut. Si vous me demandez si je suis préoccupé, je suis obligé de vous
répondre que je ne le suis pas plus que cela. Par ailleurs, si j’ai été
nommé à cette charge, c’est, je pense, que mes œuvres ne méritent pas ce
jugement.
Vous avez connu une certaine notoriété quand la
Commission théologique a publié son document sur le salut des enfants morts
avant le baptême. Les limbes ont-ils été dans ce texte définitivement mis à
la porte du magistère ?
LADARIA FERRER : La Commission théologique internationale n’a pas le pouvoir
de mettre qui ou quoi que ce soit à la porte. Bien qu’elle soit formée de
théologiens non pas privés mais nommés par le Pape, ses conclusions n’ont
pas valeur magistérielle. Le document en question confirme que la doctrine
des limbes qui, pendant des siècles a été majoritaire et dominante dans la
réflexion théologique, n’a jamais été définie dogmatiquement et donc n’a
jamais fait partie du magistère infaillible. De toutes façons, si quelqu’un
veut continuer à parler des limbes, il ne se trouve pas pour autant en
dehors de l’Église catholique. Cela dit, la Commission théologique,
considérant l’ensemble des données relevées et la volonté salvifique
universelle de Dieu ainsi que la médiation universelle du Christ, a écrit
qu’il y a des voies plus adaptées pour affronter la question du destin des
enfants morts sans avoir reçu le baptême et que l’on ne peut exclure pour
eux un espoir de salut. Ces conclusions, à dire vrai, ne sont pas nouvelles,
elles sont nées environ à l’époque du Concile, mais elles recueillent les
fruits d’un consensus théologique aujourd’hui très vaste.
Quel effet cela vous fait-il d’être le premier jésuite
à occuper cette charge ?
LADARIA FERRER : Je dois dire que ce n’est pas un problème pour moi. Même
s’il est vrai que, semble-t-il, aucun jésuite ne l’a jamais occupée. Je
crois que le Saint Père m’a choisi non en tant que jésuite
mais parce que, j’imagine, il pensait que j’étais la personne la plus
appropriée.
Comment avez-vous appris votre nomination ?
LADARIA FERRER : Cela a été une grande surprise. Je n’aurais jamais pensé
avoir ce destin. Et je ne suis pas le seul car mon nom n’avait jamais été
avancé dans les journaux… Le soir du 24 juin, on m’a fait savoir que le
Saint-Siège pensait à me donner cette charge. De mon côté, j’ai fais
connaître mon sentiment sur ce projet et j’ai dit que, de toutes façons, je
m’en remettais à la décision du Saint Père.
Avez-vous dû, en tant que jésuite, demander la
permission à votre préposé général ?
LADARIA FERRER : Oui, nous, jésuites, nous avons fait le vœu de ne recevoir
de charges épiscopales que par obéissance. Et le préposé général m’a dit que
je devais accepter la volonté du Pape.
Adolfo Nicolás, préposé général depuis janvier, est
espagnol comme vous. Le connaissez-vous bien ?
LADARIA FERRER : J’avais entendu parler de lui, je le connaissais de nom,
mais pas personnellement. Je l’ai rencontré pour le première fois le
lendemain de son élection, le 20 janvier. Puis je lui ai rendu visite pour
la question de ma nomination.
Il y a un autre jésuite espagnol connu, Antonio
Martínez Camino qui, en tant qu’auxiliaire de Madrid, est le premier
disciple de saint Ignace à avoir été fait évêque en terre espagnole. Le
connaissez-vous ?
LADARIA FERRER : Certainement. Il a été mon élève et je le connais donc
bien. Et nous sommes de bons amis.
Vous vivez à Rome pratiquement depuis 1979. Que
pensez-vous de l’Espagne d’aujourd’hui ? Vous y reconnaissez-vous ?
LADARIA FERRER : L’Espagne a indubitablement beaucoup changé : dans les
domaines politique, religieux, culturel, économique. Mais je dois dire que,
quand je reviens dans mon pays pour me reposer, je ne m’occupe pas de
grandes questions doctrinales ou politiques. Je retrouve ma famille, mes
amis, je retrouve mon milieu, et mon milieu de toujours, je ne le trouve pas
très changé.
Récemment, votre supérieur, le cardinal Levada, a
élevé, en Espagne où il se trouvait pour une conférence, un cri de douleur
face aux mesures annoncées par le gouvernement Zapatero concernant
l’extension du droit d’avortement…
LADARIA FERRER : Nous assistons en effet en Espagne à une dérive inquiétante
dans le domaine de l’éthique.
En dehors des livres de Théologie, avez-vous des hobby
?
LADARIA FERRER : J’aime écouter de la musique. Classique de préférence. Jean
Sébastien Bach en particulier, mais sans mépriser les autres.
Des passions dans le domaine du sport ?
LADARIA FERRER : Non, je suis un peu les grands événements, mais de loin.
Vous avez été reçu en audience à Castel Gandolfo avec
le cardinal Levada, le 10 septembre. Cela a été votre première audience en
tant que secrétaire de la Congrégation. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet
?
LADARIA FERRER : Cela a été une belle expérience. Le Saint Père, comme toujours, a été très gentil et accueillant.
Quelles sont les questions principales que la
Congrégation a à affronter ?
LADARIA FERRER : Je peux dire que notre Congrégation s’occupe de promouvoir
et de sauvegarder la foi catholique. D’abord promouvoir et puis, si c’est
nécessaire, sauvegarder. Mais je ne peux pas entrer dans les détails. Notre
Congrégation agit avec discrétion et parle exclusivement à travers ses
actes.
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Source :
Gianni Cardinale
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
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29.10.2008 -
T/Église
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